V.05 - Persecuted again

En d'autres temps, j'aurais trouvé la journée affreusement longue je devais rester seule mais depuis que Hope faisait partie de ma vie, c'était tout le contraire. Le temps filait à une vitesse folle entre les tétées, les changements de couche, les gazouillis et les sourires, le bain, les câlins et les petits "prouts" sur la bedaine. Hope grandissait rapidement, babillait tout le temps, appréciait les balades en poussette. Elle aimait particulièrement quand je lui jouais du piano mais plus que tout, elle raffolait de son papa. Dès qu'elle voyait Logan, elle s'excitait comme une puce, accrochait un sourire immense sur sa petite figure et se mettait à gesticuler jusqu'à ce qu'il la soulève et la tienne tout contre lui. Ils étaient tellement mignons tous les deux que j'en venais presque aux larmes rien qu'à les voir ensemble. Ces démonstrations d'affection père fille m'émouvaient beaucoup et me rappelaient à chaque seconde à quel point j'étais chanceuse que Logan et Hope fassent partie de mon existence.

Ayant dû filer pour cause de rendez-vous avec plusieurs clients, Logan avait quitté la maison en milieu d'après-midi et ne comptait revenir qu'en début de soirée, vers les vingt heures. J'étais donc seule avec la petite que je promenais en poussette en circulant tranquillement dans le voisinage. La journée était belle et ensoleillée mais on sentait que très bientôt, l'automne frapperait à la porte. Ce n'était qu'une question de temps avant que les jolies feuilles vertes se mettent à changer de couleur puis à chuter sur le sol. Je n'avais pas envie que l'hiver arrive car je détestais le froid mais peut-être que l'arrivée de Hope m'obligerait à davantage mettre le nez dehors?

Les heures passèrent, belles et remplies de petits cris joyeux et de sourires. Hope était adorable et pas du tout difficile. J'avais beaucoup de chance d'avoir un bébé aussi tranquille et facile alors que d'autres devaient constamment se lever pour gérer les crises de leurs enfants. À l'occasion, entre deux activités, je recevais un appel ou un message de Logan qui me racontait comment se passaient ses rendez-vous. Tout était pour le mieux dans le meilleur des mondes. J'avais juste hâte qu'il rentre pour que nous puissions dîner ensemble et passer le reste de la soirée collés l'un contre l'autre sur le canapé, devant un bon film ou une série télé.

Lorsque mon amoureux me téléphona, vers dix-huit heures, j'étais en train de donner le bain à Hope. La petite gesticulait dans l'eau et m'adressait de larges sourires tout en me fixant de ses grands yeux. Mon amoureux eut droit à quelques gazouillis qui le firent bien rire et qui le rendirent impatient de rentrer mais il n'avait pas encore terminé. Encore deux heures et il serait enfin à la maison… du moins c'était ce qu'il croyait.

À vingt heures trente, mon attention se porta sur l'horloge qui se trouvait dans la chambre de Hope. Je ne fus pas surprise du retard de Logan, sachant qu'il devait rencontrer plusieurs clients. Toutefois, quand celle de la cuisine indiqua vingt-et-une heures, mes sourcils se froncèrent et ma main attrapa automatiquement mon téléphone cellulaire. Il n'y avait aucun message, aucun appel manqué. Pire, j'étais incapable de rejoindre Logan. Tous mes appels aboutissaient sur sa boite vocale qui comportait déjà deux messages de ma part, le premier cité d'une voix un peu stressée et le second, d'une voix franchement inquiète.

Ne voulant pas alerter tous nos amis sur ma liste de contact, je pris la décision de patienter encore une heure durant laquelle je ne fis qu'arpenter le salon de long en large. Au fond de moi, je savais parfaitement que quelque chose d'anormal était arrivé, mais quoi? Est-ce que Logan était à nouveau victime d'atrocités, de tortures? Est-ce qu'il avait été enlevé? Encore?

Quand il fut minuit, Hope réclama à boire. Cela me changea un peu les idées mais n'effaça pas les battements désorientés de mon cœur affolé. Bizarrement, lorsqu'elle s'endormit je le fis aussi, sombrant dans un sommeil agité qui me fit me réveiller en sursaut vers les quatre heures du matin, pile au moment où mon bien-aimé rentrait enfin à la maison. Sur le coup, je ne fus pas capable de déterminer si c'était mon réveil brutal ou la réalité qui me faisait voir un Logan chancelant et désorienté. Avait-il bu? Il ne sentait pourtant pas l'alcool...

- Logan, où étais-tu, j'étais morte d'inquiétude!

Il ne répondit pas, s'effondra plutôt sur le sol, inconscient. Sa tête heurta durement le plancher et laissa une plaie sanguinolente à son front.

- Logan!!

Mes mains tremblantes le retournèrent doucement sur le dos afin que je puisse examiner son corps. C'est là que je vis le petit point rouge qui se trouvait au creux de son coude. Est-ce qu'il avait été drogué? Pourquoi portait-il une trace de piqûre?

- Logan réveille-toi!

Je le remuais doucement mais fermement, sans que rien ne parvienne à le sortir de son étrange sommeil. J'étais à deux doigts de la panique, ce que William perçut aussitôt lorsque qu'il entendit ma voix chevrotante au bout du fil. J'aurais aimé qu'il puisse venir me rejoindre mais comme il travaillait de nuit, il ne pouvait se libérer. Il me fit la promesse de passer le plus tôt possible et me donna quelques conseils pour prendre soin de Logan en attendant sa visite.

- Je m'occupe de toi, ça va aller…

Ma force n'était pas assez grande pour que je puisse le soulever et le mettre au lit mais je pouvais au moins le trainer au salon pour le faire rouler sur des coussins afin de lui éviter de rester étendu sur le sol dur. Ce n'était pas évident de le placer mais avec un peu d'efforts et de volonté, je parvins à un résultat plutôt satisfaisant. Ne restait qu'à aller chercher une serviette fraiche pour éponger sa blessure et rafraichir son visage en attendant qu'il daigne se réveiller…

Par chance, Hope dormait encore au moment où Logan revint à la maison. C'était tant mieux car je pouvais pleinement me consacrer à lui et tenter de découvrir ce qui lui était arrivé. Malheureusement, ce n'était pas chose facile car il était tombé inconscient immédiatement après avoir pénétré dans la maison. Maintenant je ne pouvais que chercher la cause de son malaise sans pouvoir lui poser de questions. J'aurais tant aimé pouvoir compter sur notre ami William mais malheureusement il n'était pas disponible. Au moins, il avait eu la gentillesse de me donner de bonnes pistes de soins tout en me promettant de passer dès qu'il pourrait se libérer.

Seule, je pris sur moi pour retrouver un peu de courage et aider mon bien-aimé. Je n'étais très forte physiquement mais j'étais au moins capable de trainer Logan au salon pour l'installer sur quelques coussins savamment placés pour rendre sa position plus confortable. Tout en l'installant, je pensais à ce petit point rouge qui marquait le creux de son bras, me demandant ce qui s'était passé. Est-ce qu'on lui avait injecté quelque chose ou est-ce qu'on lui avait prélevé du sang? Impossible de deviner.

En tombant, Logan s'était cogné la tête. Je pris donc soin d'éponger la blessure et de la panser afin de faire cesser les saignements. Je m'en voulais de ne pas avoir été plus rapide pour le rattraper mais cela était dû à mon sommeil, violemment perturbé lors de l'arrivée de mon amoureux. Encore engourdie, je n'avais pu réagir plus rapidement.

Silencieusement, je priais pour que Hope continue de dormir. En attendant que Logan se réveille, je le regardais, triste et inquiète. À ce jour, il m'était encore difficile de comprendre comment des êtres pouvaient s'en prendre à lui alors qu'il ne représentait aucun danger. Logan était un loup tranquille qui ne demandait qu'à aider son prochain. Cette histoire ne faisait pas de sens.

Pendant que l'inconscience le gardait plongé dans le noir, je repensais à l'horaire qui l'avait occupé la veille, pendant toute la journée. Je savais qu'il avait dû se déplacer pour rencontrer plusieurs clients dont quelques-uns déjà connus et fidèles, lui ayant plus d'une fois acheté des toiles et dessins. Certes il s'en trouvait de nouveaux et j'osais espérer que ça ne soit pas l'un d'entre eux qui s'en soit pris à lui mais force était de constater qu'il était possible que ça soit le cas. Pour l'heure, je ne pouvais rien demander à Logan et j'ignorais où il avait rangé son carnet d'adresse mais tôt où tard, j'irais fouiller. Là, tout de suite, valait mieux rester à son chevet et attendre son réveil afin de m'assurer que tout allait bien. Enfin… aussi bien que possible au vu de la situation…

Quand mon bien-aimé commença à démontrer des signes de réveil, je lui pris la main tout en caressant son visage de l'autre. De faibles "chuutt" s'échappèrent d'entre mes lèvres dans le but de le rassurer, suivis d'un "ça va aller, reste étendu…" qui se voulaient rassurants et aimants.

- Qu'est-ce qui s'est passé…?

Je ne pleurais pas mais nul besoin de préciser que les larmes n'étaient pas très loin. J'étais heureuse de le voir se réveiller mais je restais troublée et inquiète par sa condition.

Entendre à nouveau la voix de Logan me faisait chaud au cœur. Elle coulait dans mes oreilles et atteignait ce dernier, qui battait à tout rompre. Douce mais faible, elle parvenait tout de même à me rassurer même s'il lui manquait un brin d'énergie, ce qui pouvait se comprendre au vu du malheureux incident qui venait d'arriver. Pour l'heure, j'ignorais toujours ce que mon bien-aimé avait traversé car il émergeait tout juste de l'inconscience mais tôt ou tard, la lumière se ferait sur sa mésaventure et j'espérais que les coupables soient punis pour ce qu'ils avaient osé lui faire.

En douceur, je caressais les cheveux de mon amoureux qui se trouvait sagement étendu près du feu. Ce dernier crépitait tranquillement, déversant une ambiance chaude et confortable dans notre petit salon. Les coussins que j'avais éparpillés sur le sol gardaient Logan dans une position confortable qui me permettait de tendrement prendre soin de lui.

- Ne t'inquiète pas, Hope et moi allons bien.  Elle dort, là. Tu t'es cogné en tombant, c'est pour ça que tu as mal à la tête.

Je prenais soin de rafraichir la petite serviette que j'avais déposé sur son front afin de calmer ses souffrances mais cela ne semblait pas aussi efficace que ce que j'espérais car mon bien-aimé grimaçait de douleur. Dès que je m'adressais à lui j'utilisais une voix basse, si basse qu'elle ne pouvait aggraver son mal car elle se voulait apaisante et rassurante. Petit à petit, je plongeais Logan dans un état plus calme, de sorte à ce qu'il puisse se détendre et mieux respirer. Lorsque Hope se réveilla, je fus absente vingt secondes pour aller la récupérer et revenir auprès de mon amoureux afin de continuer de prendre soin de lui tout en donnant la tétée à notre fille.

- Ce n'est pas grave si tu ne te souviens pas, l'important est de te reposer et de récupérer. Après, on verra si des images te reviennent en mémoire.

D'une main, je tenais ma fille contre ma poitrine et de l'autre, je caressais les cheveux et le visage de Logan. Hope tétait goulûment, sa petite menotte s'agrippant à mon haut de pyjama.

- J'étais morte d'inquiétude… J'ai eu peur, très peur… Comment tu te sens, est-ce que le mal passe un peu?

La lueur orangée du feu nous éclairait doucement, nous gardant dans une bulle privée que personne ne pouvait perturber.

- Je… j'ai pensé que ça pouvait être un de tes clients…

Je n'osais aller plus loin, ne sentant pas Logan tout à fait rétablit mais au fond de mon être, je crevais de savoir ce qui lui était arrivé pour que le ou les coupables soient arrêtés. Quand la petite eut terminé de boire, je l'étendis au creux d'un des bras de Logan afin qu'elle puisse se rendormir auprès de lui. Peut-être que sa chaleur et sa présence allaient le réconforter? En tout cas, ça semblait fonctionner chez Hope car elle grouillait à peine, apaisée par le fait d'être couchée près de son papa.

J'essayais de ne pas bousculer Logan en lui posant trop de questions car je savais qu'il souffrait d'un atroce mal de tête alors j'y allais doucement, me préoccupant d'abord de sa santé physique et mentale. Pour le calmer et le rassurer, j'avais pris soin de le placer devant le feu mais également de déposer Hope près de lui pour qu'il puisse sentir sa petite présence chaleureuse et être apaisé de voir qu'elle se portait à merveille. Cette dernière, le bedon plein de lait, n'avait pas tardé à replonger dans ses rêves de petite fille et dormait à nouveau, confortablement nichée contre son papa. Je l'avais recouverte de sa couverture favorite, à savoir celle avec de petits chatons bleus et roses et maintenant sa poitrine se soulevait à intervalles réguliers, signe que son sommeil était lourd et profond. Logan lui, se demandait si ses souvenirs allaient remonter et nous aider à mettre le doigt sur le coupable. Rien ne pressait, il devait le comprendre.

- J'ignore si tu parviendras à te souvenir de ce qui s'est passé. Pour l'heure, l'important est que tu te reposes. On verra plus tard. Je refuse que tu te sentes coupable pour ce qui est arrivé. Rien n'est de ta faute je te l'assure. Tu n'as pas cherché à disparaitre ni à m'inquiéter, je le sais parfaitement. Tout ce que je veux est que le ou les coupables soient localisés et arrêtés. Déjà, tu sembles convaincu qu'il ne s'agisse pas d'un de tes clients alors il faudra chercher ailleurs.

Logan semblait inquiet du fait qu'il se soit cogné la tête en tombant. Il fallait que je le rassure.

- Oui, quand tu es rentré aux petites heures du matin, j'étais endormie. Le temps que je réalise que c'était toi qui arrivait, il était déjà trop tard. Je n'ai pas été assez rapide pour te rattraper alors le côté de ta tête a durement frappé le plancher quand tu as perdu conscience. Je suis désolée…

Bizarrement, il pesait avoir vécu cela auparavant. Je n'étais pas sûre de bien comprendre.

- Attends, tu penses qu'on t'a frappé?

Je pensais pourtant avoir correctement inspecté son corps, à son arrivée. Peut-être que j'avais loupé un endroit?

- Laisse-moi regarder. Tourne tranquillement ta tête vers le feu.

Les gestes ou mouvements brusques étaient à proscrire, dans sa situation, surtout avec la migraine qui lui enserrait le crâne.

En palpant délicatement le derrière de sa tête, mes doigts aboutirent sur une grosse bosse que je n'avais pas repérée lors de l'arrivée de Logan, simplement parce qu'elle était dissimulée par ses cheveux et que le sang avait séché.

- Ow…

Cela parut sensible car je cru voir une micro expression sur son visage, signe que c'était encore un peu douloureux. En fouillant un peu plus vers l'arrière de son oreille gauche, j'en découvris une autre, plus petite. Une fois ses cheveux écartés, je pus voir d'autre sang séché. Mon amoureux avait encaissé deux coups plutôt qu'un, en plus de celui qui était survenu lors de sa chute sur le plancher. Ce n'était pas surprenant qu'il ait aussi mal à la tête!

- Je vais aller te chercher quelques comprimés, ça va te soulager.

Rapidement, je fut de retour avec un verre d'eau et deux cachets. En soulevant légèrement la tête de Logan, je pus l'aider à les avaler.

- Il y a une trace de piqûre au creux de ton bras. Te rappelles-tu avoir reçu une injection? Ou qu'on t'ait fait une prise de sang?

J'essayais de comprendre quels avaient été les motifs d'enlèvement de ses ravisseurs. Pourquoi une aiguille avait-elle été insérée dans son bras?

Plusieurs choses semblaient d'être déroulées lors de la disparition de mon bien-aimé, car il portait différentes traces et marques sur son corps. Sa tête avait encaissé des coups et son bras était marqué d'un point rouge inévitablement associable à une piqûre. Le problème était qu'on ne savait pas dans quel but cette trace était apparue. Était-ce pour prélever du sang, ou pour injecter une substance quelconque? Mon avis penchait pour le deuxième choix car l'état embrouillé de Logan était trop grave pour qu'un coup à la tête lui ait fait perdre la mémoire. Quoique… ça restait possible également mais il n'y avait malheureusement aucune façon de le vérifier pour valider la thèse. Bref, nous nagions tous les deux dans un néant obscur et épais. Les souvenirs de mon amoureux était peu nombreux et n'aidaient en rien. Tout ce qu'il se rappelait était d'avoir émergé dans le noir, sans être relié à quoi que ce soit. Le reste demeurait flou, hormis le souvenir d'avoir eu l'évidente envie de fuir les lieux ce qui, à mon sens, aurait heurté n'importe qui dans pareille situation.

- Ils t'ont peut-être injecté un tranquillisant pour que tu restes calme et ça t'a embrouillé l'esprit tout en affectant la coordination?

Cela expliquerait le mal qu'il avait eu à sortir de la place et marcher jusqu'à la maison. Après, est-ce que l'envie folle de nous revoir, Hope et moi, avait pu être suffisante pour lutter contre le produit? Sans doute, mais encore une fois, cela ne restait qu'une théorie. Lorsque Logan s'informa de l'heure, mon regard se porta automatiquement à ma montre. Celle-ci indiquait cinq heures du matin.

- Il est cinq heures, le soleil commence à se lever. Tu as été absent de longues heures. Je sais que tu devais rencontrer plusieurs clients et que tu étais sensé revenir pour le dîner. La dernière fois qu'on s'est parlés il était environ dix-huit heures, je donnais le bain à Hope et tu m'as téléphoné. Tout allait bien à ce moment mais vers vingt heures trente, j'étais sans nouvelles. C'est là que j'ai commencé à m'inquiéter. Ça ne te dit rien? Tu ne te rappelles pas qui tu as vu vers dix-huit heures?

Je continuais de le caresser doucement, lorgnant vers notre petite fille qui dormait à poings fermés.

- Vers vingt-et-une heures j'ai fait quelques coups de fils mais personne ne t'avait vu ou ne t'avait parlé. Je me suis endormie sur le canapé vers minuit et à quatre-heures tu es rentré en titubant puis tu es tombé sur le sol et tu as perdu connaissance. Ça fait une heure que tu es rentré.

Je le regardais d'un air triste et dépassé, frustrée par le manque d'information.

- Si je regarde dans ton carnet de rendez-vous et que je te cite quelques noms de clients, peut-être que tu parviendras à te rappeler certaines choses, qu'en dis-tu? Mais je ne veux pas te brusquer non plus, ça peut attendre. L'important est que tu sois rentré et que tu te sentes mieux. Comment vas-tu là, tout de suite?

Je me tus, craignant de trop parler et de lui donner mal à la tête.

De par ce que Logan me racontait, il devenait évident qu'on l'avait drogué puisqu'il affirmait avoir eu l'impression d'être bourré. Cela pouvait également expliquer le fait qu'il souffre de pertes de mémoires. Toutefois, bizarrement, il avait été en mesure de rentrer à la maison, guidé par la forte détermination de nous revoir, Hope et moi. Peut-être qu'avec les heures, la drogue injectée s'était suffisamment dissipée pour le lui permettre. Une chose était sûre en tout cas, cette histoire était étrange et effrayante, et j'espérais de tout cœur qu'elle puisse se conclure par l'arrestation des criminels qui s'en étaient pris à mon bien-aimé.

Comme n'importe qui dans pareille situation, je débordais de questions que je retenais difficilement, cherchant naturellement à comprendre ce qui s'était passé pendant toutes ces heures où Logan avait été porté disparu. Ce qui m'étonnait était que le dernier souvenir de mon amoureux remonde à quinze heures, alors qu'il m'avait téléphoné à dix-huit heures. Comment avait-il pu oublier cela, puisque ça s'était passé avant qu'il se fasse coincer? Je n'en avais aucune idée. Il était probable que la drogue qu'on lui ait administrée soit si puissante qu'elle efface une longue tranche de temps… ou bien Logan était encore trop sous le choc pour se rappeler de certains détails?

Je ne relevai pas lorsque ce dernier mentionna qu'il n'était pas important de se focaliser sur lui, sachant pertinemment que c'était toujours ce qu'il me répondait lorsque ce genre d'événement survenait. Mon bien-aimé était prêt à participer pour m'aider à résoudre cette affaire mais je savais, au fond, qu'il avait besoin de repos et que comme à l'habitude, il allait s'oublier pour aider les autres. J'étais donc partagée entre l'envie de ne pas lui lire les noms pour plutôt m'occuper de lui, et celle de l'écouter et de filer récupérer le carnet de rendez-vous pour lui nommer ses clients.

- Très bien, faisons cela.

Une petite voix me disait qu'il devait tout de même être capable de les entendre, sinon il ne me l'aurait pas proposé. Une personne réellement très, très souffrante aurait immédiatement refusé de se livrer à pareil exercice or ça n'avait pas été le cas avec Logan, preuve qu'il était en mesure de le faire même si cela allait être difficile pour lui. Je bondis donc plus loin pour fouiller les poches de son manteau et prendre le fameux carnet de rendez-vous. De retour près de lui, je me mis à lui dire des noms de clients, examinant son visage pour déceler le moindre changement d'attitude.

- À treize heures trente tu avais David Tennant.

Aucune réaction.

- À quatorze heures trente il y avait Rami Malek.

Quel nom bizarre, ça sonnait étranger, genre égyptien ou iranien.

- À quinze heures Rachel Hurd-Wood, à seize heure Ian Bohen.

Je fis une pause pour lui laisser le temps de réagir.

Ayant récupéré les informations de rendez-vous, je pouvais citer quelques noms à Logan qui avait la tâche de se concentrer afin de tenter de se souvenir d'eux, et ainsi pouvoir éclairer le mystère qui planait sur son agresseur. Le premier nom appartenait à un père de famille qui était arrivé en retard, retard qui avait, par conséquent, décalé tous les autres rendez-vous de la journée. Quand je regardais mon bien-aimé, je ne voyais pas de signes m'indiquant que cet homme aurait pu représenter un danger. Visiblement, la rencontre avait eu lieu dans le calme, en toute normalité. En ce qui concernait le deuxième individu, Logan n'avait pas pu le rencontrer car le retard du premier client avait été trop important pour qu'il puisse se présenter au rendez-vous. En théorie, cela pouvait l'exclure de tout soupçon.

La femme, troisième cliente de la journée, était source de confusion chez mon amoureux qui ne se souvenait pas des raisons de la rencontre. Il avait beau chercher, rien ne lui revenait en tête. À un moment donné, Logan cru se souvenir qu'elle avait souhaité le rencontrer pour discuter d'un tableau à offrir à une amie. L'entretien paraissait avoir duré beaucoup plus longtemps que prévu, à cause de nombreux détails à régler. Heureusement, il n'avait pas empiété sur le suivant puisque le quatrième client avait, pour une raison obscure, avisé d'un retard. Décidément, c'était la journée des rendez-vous en retard!

Je ne pu nommer le cinquième client car tout à coup, Logan se mis à hurler et à se tenir la tête, oubliant complètement le fait que Hope se trouvait nichée au creux de l'un de ses bras. La petite fut brutalement tirée de son sommeil et se mit aussitôt à pleurer, effrayée d'avoir été aussi durement réveillée. Je la pris immédiatement dans mes bras pour la consoler et l'apaiser, tout en m'adressant à mon amoureux d'une voix basse. Parce que je tenais Hope, je ne pouvais pas m'occuper de lui comme je l'aurais souhaité. La seule chose accessible était de tendre rapidement la main pour le toucher et tenter de le rassurer, sans lâcher Hope.

- Logan, je ne comprends pas. Tu veux que j'appelle ton dernier client?

Est-ce qu'il aurait pu entendre des choses, au moment où mon bien-aimé se faisait enlever? À moins que ça soit lui, le ravisseur? J'étais perdue et Hope était difficile à consoler… et puis il était quoi, cinq heures trente du matin? Mais bon, on s'en foutait hein! Si ce monsieur pouvait nous éclairer sur l'enlèvement de Logan, il fallait que je le contacte.

- Il pourrait avoir entendu des choses tu crois?

Machinalement, je fis un bisou à Hope, soulagée de voir qu'elle commençait à se calmer. En me berçant sur moi-même et en fredonnant discrètement une berceuse, elle parvenait à cesser de pleurer.

- Dis-moi quoi faire et je le ferai.

À force de chercher à assembler les pièces manquantes du puzzle de ma mémoire, je me rendais compte que des flashs épisodiques, en lien avec ce qui m'était arrivé, semblaient vouloir revenir dans ma tête, pour dissiper le brouillard né à cause de mon amnésie, sauf que tout revenait un peu dans le désordre, et je n'arrivais pas à percevoir une certaine logique dans tout cela. Je voulais à tout prix en découvrir une, sans être persuadée qu'elle existait, et cela me prenait la tête, littéralement. J'en avais marre de me sentir aussi vulnérable dans cet état. C'était ridicule de ne pas pouvoir me souvenir de ce qui m'avait mis dans cet état, ridicule au point d'atteindre l'exaspération. Je rageais au fond de moi-même. Même si je ne parlais pas énormément, sauf pour réfléchir, cela se voyait dans mon regard que cela m'énervait de ne pas disposer de toute ma mémoire.

En me focalisant sur la liste des clients, citée par Jessica, j'avais pu reconstituer un semblant de parcours m'ayant mené tout droit vers ma disparition, sans voir les circonstances de cette dernière comme étant très claires. Le cinquième nom me rendit pourtant victime d'une très lourde décharge, m'ayant fait hurler sans que je ne pense à Hope que je tenais dans mes bras. Je l'avais brutalement réveillée la pauvre, et je m'en voulais vraiment.

La pauvre quoi...

- Pardon...pardon...je suis vraiment désolé...je ne me suis pas contrôlé...pardon Hope...

Mauvais père va..

- Je...je...je crois que je l'ai appelé...avant de disparaître...peut-être a-t-il pu entendre ce qui s'est passé...? C'est peut-être un témoin indirect de ma disparition, et sans doute le seul qui pourrait m'aider à retrouver définitivement la mémoire, et que ça ne soit pas autant le bazar...

Il me fallait vraiment de l'aide.

- Il faudrait lui téléphoner, lui demander ce qu'on s'est dit durant notre dernière conversation, car c'est ce qui pourrait sans doute nous aider à mieux comprendre ce qui s'est passé...

C'était nécessaire...mais l'heure...?

- Le commun des mortels téléphone-t-il à des personnes inconnues à cette heure...?

Il serait malpoli de l'appeler à cette heure, surtout pour résoudre mon souci..

Spoiler:

Doucement, je rassurais Logan et Hope, apaisant le premier parce qu'il se sentait coupable d'avoir réveillé notre fille, consolant cette dernière parce qu'elle avait subi un sacré choc en étant tiré de son sommeil de façon aussi brutale. Tranquillement, ça allait mieux. Logan s'en voulait mais rien n'était de sa faute. Il n'avait pas demandé à se faire enlever, comme il n'avait jamais voulu subir pareille nuit d'horreur. Enfin, pour l'heure on ignorait tout de ce qui avait pu se passer mais à en juger par le cri qu'il venait de pousser, on pouvait aisément supposer que sa disparition n'avait pas été de tout repos.

Hope poussa un dernier petit pleur de protestation, soupira et ferma les yeux. Je la sentis se détendre puis, lentement, sa respiration se régula. Elle venait de replonger dans le sommeil. Pendant ce temps, mon amoureux me fournissait quelques bribes d'informations qui me motivaient à téléphoner à cet homme qui lui avait parlé, juste avant que les choses dégénèrent. Ce client pouvait probablement me fournir d'autres indices sur ce qui s'était passé et tant pis pour l'heure, c'était une situation d'urgence.

- On s'en fout de l'heure!

Je me levai pour aller poser Hope dans son petit lit et attraper le téléphone. Ensuite je revins auprès de Logan puis mis la main sur son carnet de rendez-vous afin de repérer le numéro de téléphone de son client. Sans hésiter, je le composai, attendant fébrilement qu'une personne décroche. Après au moins cinq sonneries, une voix masculine passablement enrouée se fit entendre. Je ne mis pas une seconde à réagir :

- Monsieur ne raccrochez pas je vous en supplie, je suis la conjointe de Logan Hattaway. Vous deviez le voir hier, en fin de journée.

L'homme répondit par l'affirmative, reconnaissant que ma voix était teintée d'urgence et qu'il était de son devoir de m'aider.

- Il est rentré, mais il ne se rappelle de rien, sauf de vous avoir contacté. Pouvez-vous me parler de ce coup de fil? Nous avons besoin de comprendre ce qui lui est arrivé.

J'appris donc que ce monsieur avait trouvé le comportement de mon bien-aimé plutôt étrange, allant jusqu'à mentionner qu'il l'avait senti parler sous pression. Il avait dénoté un certain niveau de stress, s'était fait dire que leur rendez-vous devait être annulé pour raisons familiales avant d'entendre une voix derrière lui le presser de mettre fin à la discussion.

- Merci, merci beaucoup.

Évidemment, l'homme s'informa de l'état de Logan, ce à quoi je répondis qu'il allait mieux mais qu'il restait fragile. Je lui promis que mon amoureux pourrait le rencontrer quand les choses se seraient replacées. Dans toute sa gentillesse, le monsieur me dit qu'il n'y avait pas de presse puis nous adressa de bons souhaits. Ne me restait qu'à tout raconter à Logan.

- Il a dit que tu avais prétexté un imprévu familial et qu'il te sentait stressé. Ça se voyait que tu mentais. Puis il a entendu un homme parler derrière toi, qui te disait de te dépêcher. C'est tout. Ça te rappelle des choses?

J'espérais que oui.