VI. 03 - La nuit des créatures

Je ne suis pas trop certaine de ce que je fais, ni du pourquoi je le fais, mais tout ce que je comprends grâce à Aura, c’est que je suis une auravore. Je n’en sais pas plus sur cette espèce, et lorsque je commence à poser des questions au Road House, j’apprends que c’est une nouvelle créature créé dans le corps d’un ange, mi-ange mi-démon, nous sommes une erreur de la nature, un accident créé par la voracité d’un ange qui voulait plus de pouvoir en se prenant pour Dieu, au point de voler et d’assimiler des forces trop puissantes pour lui. Un autre homme a créé la vie. À croire que Dieu et ses anges sont comme les lézards, ils s’autofécondent et changent de sexe à leur bon vouloir. Étrange de savoir que Gaïa, le parasite greffé à mon âme, soit né d’un homme. Vraiment bizarre, même pour moi.

Encore ce soir, je me suis couché après avoir clos la boulangerie très tard. Les gens aiment avoir du pain chaud et frais, peu importe l’heure. Parfois, même pas par réel besoin, seul l’odeur peut convaincre suffisamment l’estomac et le cerveau dudit besoin.

Je me suis endormie rapidement et profondément. Je n’ai même pas eu le temps de me rendre compte que je commençais à rêver… lorsque je me suis réveillé, pantelante et en sueur. Soudainement, j’ai faim au point que j’en ai envie de vomir. Je me sors de mon lit, la tête me tourne c’est horrible, mon ventre me fait si mal… je me rends à la cuvette de la toilette et je dégobille tout mon souper ou du moins, ce qu’il en reste. Je reste à genoux quelques minutes avant de me lever et de me laver le visage tout en me gargarisant. Ce faisant, le miroir me renvoie un regard inconnu. J’ai conscience que c’est Elle. Mon parasite ne parle pas, c’est impossible pour elle, mais elle me fait sentir sa présence et me fait sentir ses besoins. J’ignore le sien depuis quasi trois jours et je me rends compte que je n’aurais pas dû… là je me sens mal à en crever. Mon corps se rebelle sous les besoins de cette Chose. La Chose me regarde à travers mes yeux et je comprends que je n’ai pas le choix.

Ça me dégoûte, en tant que chasseuse, c’est le pire cauchemar à vivre. Devenir ce que nous chassons. Un monstre.

Je suis en pyjama, un bas de coton et une camisole, les cheveux lousses… je ne fais qu’enfiler un soutien-gorge de sport avant de sortir après avoir enfilé pieds nus mes espadrilles Nike. Je fonce dehors sans savoir où je vais, je laisse ma faim m’orienter. Enfin, notre faim.

Je marche et alors je débarque dans le cimetière où un trio de mecs font des graffitis et du grabuge sur des pierres tombales. Des cannettes vides de bière jonchent le sol en bonne quantité.

Je ne sais pas ce que je fais, mais Gaïa le sait elle. Dans ma vision apparait ce que Aura m’a dit être les auras de chaque être vivant, chacune étant particulière à la personne. Je ne sais pas ce qui est considéré beau ou appétissant et encore moins si cela a une importance réelle. Je suis cette envie, cet instinct, alors que la sueur me perle au front et dans le dos, c’est l’horreur. Les mecs me voient avancer, me sifflent, je ne souris pas, j’ai envie d’hurler face à ce que je sens que je vais faire et ce que Gaïa me force à réaliser.

Toujours silencieuse, je les approche et la première chose que je fais est de toucher le premier type qui m’approche…. Et je sens alors des picotements parcourir mes mains. Quelques hoquets plus tard, il s’effondre sous les regards médusés des deux autres. Je m’avance vers eux, ils reculent, notre faim n’est pas étanché. Je saisis le deuxième de vitesse et attrape son poing alors qu’il cherche à se défendre et le siphonne, parce que j’ai l’impression que c’est ce que je fais, jusqu’à ce qu’il tombe à genoux… et c’est alors que j’entends le cliquetis d’un arme qu’on enclenche. Je lève les yeux vers le troisième mec, mais ce dernier disparait en courant dans la rue, laissant derrière lui ses ‘’amis’’. Lui que je tiens s’effondre, inconscient, alors que le premier est dans le coma.

Je me retourne lentement, mains en l’air… déjà plus rassasié et en meilleure forme que vingt minutes plus tôt. Une jeune femme me pointe de son pistolet, l’air sérieux et affublé d’un manteau de cuir. Je sais reconnaitre un compère lorsque j’en vois une.

- Ce n’est pas ce que tu penses, dis-je avec mon accent italien.

Encore un cauchemar. Emmy se réveille en sueur, tremblante. Elle les avait vu, dans ses rêves… Plutôt ses cauchemars. Ils étaient là tous les trois, livides, l’accusant d’être à l’origine de leur mort. Elle tente de reprendre une respiration normale, de calmer respiration haletante. Elle regarde autour d’elle, ou est-elle déjà ? Elle regardait autour d’elle, sur le qui-vive. Elle était tellement effrayée… Elle avait essayé de leur échapper… Heureusement, tout ceci n’était qu’un rêve, un cauchemar. La lumière de la demi-lune passe à travers les rideaux de sa chambre.

Elle ne veut plus dormir, Morphée l’avait fait assez souffrir pour aujourd’hui. Elle s’était donc levée et avait pris un verre dos dans la salle de bain. Elle s’assit dans le canapé, fixant un point invisible. Quelques minutes plus tard, elle se dit qu’elle a besoin de prendre l’air. Elle va s’habiller rapidement. Comme à son habitude, c’est un jean, un tee-shirt et sa veste en cuir rouge qu’elle revêt.

Avant de partir, elle pousse légèrement la porte de la chambre de Soran, vérifiant qu’il était bien là. Elle s’arrêta à l’entre-baillement, écoutant sa respiration, son cœur battant. Il était en vie, cela la rassura. Elle pouvait partir faire un tour, sans oublier de fermer la porte d’entrée à clé.

Les rues de Huntfield, elle commençait à les connaître par cœur. Elle se baladait, croisant parfois les jeunes éméchés, des imbéciles. Ils devenaient des cibles faciles pour les créatures qui habitaient dans les environs. Finalement, ses pas la dirigent vers le cimetière et elle entendant de drôles de bruits qui l’intrigue. Elle s’y dirige donc, méfiante.

Elle voit alors une femme s’approcher vers un groupe de mec. Elle allait lui crier de pas rester là, ce n’était pas une bonne idée d’aller fricoter avec ce genre de mec. Mais en fait, c’est elle le danger. Elle effleura l’un des hommes qui tombent au sol. Qu’est ce que c’est que ce délire ? L’inconnue s’avance menaçante vers les deux autres et touche l’un des deux, qui finit par tomber à genou. Il lui fallut une fraction de secondes pour dégainer son arme et une autre pour l’armer et la pointer sur la femme.  Emmy n’hésite pas, elle vise la tête de la jeune femme. En une pression, elle lui explose la tête. Elle n’avait rien personnellement contre elle, mais elle venait de faire quelque chose à ses gars. La femme lève les mains et se retourne vers elle.

« Oh vraiment ? Et qu’est-ce que je pense ? » demanda-t-elle, fixant la femme en s’avançant prudemment gardant une main ferme sur son poignet et l’autre sur la garde de l’arme.

« Et surtout, qu’est ce que tu leur as fait ? Pas un seul geste brusque, ou je t’explose la tête. » ajouta-t-elle, menaçante.

Je regarde la jeune femme qui me vise de son arme. Elle est en droit de le faire, c’est une chasseuse et je suis techniquement un monstre, bien que pas complètement. C’est vraiment ce truc, je ne saurais comment me décrire réellement. Bref, je lui dis de ne pas tirer et que je sais ce qu’elle pense. Elle s’avance et réplique, me demandant ce que je sais supposément. Je hausse les épaules.

- Je suis comme toi. Une chasseuse. Tu as vu une saloperie de monstre, des gens… des victimes… et tu as décidé de me tuer. Je suis le danger. C’est vrai. Mais ce n’est pas comme si j’ai vraiment le choix, dis-je d’un ton plat.

À quoi bon plaidoyer mon sort. Je sais que je ne suis plus complètement humaine et je ne ferais changer d’avis personne là-dessus. Je suis un monstre et puis c’est tout. La jeune femme me demande ce que je leur ai fait tout en m’ordonnant de ne pas faire un geste. Elle s’avance encore un peu et je la fixe toujours sans ciller, immobile.

- J’ai… pris de leur énergie. Ne me touche pas, je ne le contrôle pas… je me nourris des… auras… des chis? Ce truc d’énergie chez l’humain, psychique je dirais. Ce n’est pas ma faute, dès que je touche quelqu’un… ça se produit. Mais… ils ne sont pas morts, rassure-toi. Le premier est inconscient… l’autre, je pense que c’est le coma par contre, dis-je préoccupé.

Je ne sais pas si ce serait bien que je me nomme et que je continue la discussion. Devrais-je lui préciser ce qui m’est arrivé? Je doute d’avoir de la compassion de la part d’un confrère, un monstre reste un monstre.

- Je m’appelle Alessia. Je suis italienne, je suis ici contre mon gré… et un auravore a violé mon corps il y a un an… le Parasite m’habite toujours et elle a… faim. Je n’ai pas le choix, je dois la nourrir… nous nourrir. C’est ce que je viens de faire et je me sens mieux physiquement. Tu t’appelles comment? Tu en chasses souvent des auravores? Je cherche encore le moyen de me débarrasser d’elle.

Emmy n’en revient pas. Cette femme en face d’elle lève les mains en signe de capitulation ; Vraiment ? Ca allait être une chasse encore plus facile que prévu. Mais Emmy déteste lorsqu’ils ne se débattent pas, quand ils ne tentent pas de la tuer.

« Tu n’es pas comme moi, tu ne me connais pas. » la coupa-t-elle, agacée. Elle ne supportait pas qu’on la compare à une créature qui tue. Mais la jeune femme continuait son plaidoyer. Elle ne put s’empêcher de lâcher un rire sans joie lorsqu’elle lui dit qu’elle n’avait pas le choix. Pas le choix de tuer ? On avait toujours le choix.

« Et alors… Si tu étais une vraie chasseuse tu préférerais crever plutôt que de faire mal aux autres. » lâcha-t-elle en la visant toujours de son arme.

Emmy exigea qu’elle ne fasse aucun geste brusque, sinon elle allait tirer sans sourciller. Elle se demandait aussi ce qu’elle leur avait fait… Elle la fixait d’un regard dur. La jeune femme ne semblait pas avoir peur. Etait-ce du courage ou de la folie ?

« Tu les as mis dans le coma ? Comment ça tu ne contrôles pas ton pouvoir ?! » demanda-t-elle en levant son arme, sentant le stress montait en elle. « Recule, je veux vérifier qu’ils sont vivants. » dit-elle en fronçant les sourcils. Est-ce qu’elle mentait ?

Alors que la miss recule et que je vais vers les hommes à terre pour prendre leur pouls, elle commence à expliquer son histoire. Elle s’appelait donc Alessia. Elle a été attaqué par un auravore… Comme une possession alors ? Les hommes avaient encore un pouls, elle avait de la chance. Les auravores, tout le monde avait peur d’eux. Emmy n’en avait rencontré qu’un seul et ça s’était plutôt bien passé…

« Emmy… Je n’ai encore jamais chassé de auravores… » Elle continua de la fixer, tentant de voir si elle était sincère dans sa perte de contrôle. Petit à petit, elle baissa son arme.

« Tu étais chasseuse avant c’est ça ? C’est lors d’une chasse que tu es devenue… Auravore ? » demanda-t-elle.

Pouvait-elle ressentir que elle aussi n’était pas une humaine ?

Spoiler:

Je me doutais bien de la réaction de la jeune femme, et c’est pourquoi lorsqu’elle clame qu’on ne se ressemble en rien, que je ne dis rien. Les chasseurs, c’est notre gros problème. On catégorise tout et on refuse de voir avec nos yeux. On répond qu’aux sentiments, on est toujours sur la défensive. Elle me lance alors que si je serais une vraie chasseuse, que jamais je n’aurais blessé volontairement une personne. Je ne dis rien à nouveau. C’est contre mon gré, les gens me touchent et pif! Je me déteste déjà assez pour cela, je n’ai pas besoin d’une consoeur pour me rappeler à quel point ma situation est franchement merdique.

Elle doute de mes paroles sur l’état des deux types, alors lorsqu’elle me dit vouloir vérifier et me dit de reculer, je fais ce qu’elle demande, toujours les mains en l’air. Je suis sincère, j’espère qu’elle le remarque un minimum. Je lui explique en résumé mon histoire, et tranquillement, après avoir vérifié le pouls des victimes, la chasseuse baisse enfin sa garde.

La chasseuse me donne enfin son nom; Emmy. Elle me demande si je suis devenu ainsi lors d’une chasse. J’acquiesce silencieusement avant de baisser enfin mes bras.

- Pendant la chasse… on était en train de dormir dans une grange pour la nuit, lorsqu’ils nous ont attaqués. Des créatures alliées à cette chose… ils ont tués presque tout le monde, j’ai perdu de vu mon père et ma sœur… et je suis tombé sur Elle. Le Parasite m’a immobilisé et est entré en moi, je n’ai rien pu faire… et je me suis réveillé un an plus tard. Elle a… bloqué l’accès à mes souvenirs. J’ignore ce qu’Elle a fait de moi pendant tout ce temps, ce qu’Elle m’a forcée à faire. Du coup, je touche les gens et… ça ne se contrôle pas… du moins, je ne sais pas comment. Une poignée de main, une tape sur l’épaule… c’est suffisant. C’est le pire cauchemar d’un chasseur, devenir l’un d’entre eux. Une créature. Du coup, je cherche une solution pour la retirer de moi, mais comme la créature est nouvelle, j’ai compris que c’est sans espoir pour le moment.


HRP : Dsl pour le délais... soucis techniques de PC.