VI.03 ¤ The Artistic Totem

Officiellement, Faith était une "organisatrice événementielle" dans le sens où elle organisait des échanges culturels et c’était le cas même si elle n’y incluait bien sur pas "les échanges culturels" qui consistaient à éliminer des monstres qui se croyaient tout permis et à tuer un démon par ci par là. Avec le réseau de connaissance qu’elle tissait depuis des années dans le monde de la nuit en Amérique, il lui arrivait de promouvoir des expositions, vernissages, inaugurations et projections de films. Le tout se passait bien sur à la tombée du jour. De surcroît, la vampire pouvait s’offrir le luxe de travailler alors peu mais bien, n’en ayant pas besoin pour vivre et donc misant largement sur la qualité et non la quantité.

Cette nuit-là, l’américaine avait opté pour une tenue à la fois belle et pratique.

Spoiler:

La créature évoluait naturellement parmi les convives visiblement très satisfaits de la soirée. La luminosité était bonne, les œuvres bien exposées, l’artiste au mieux de sa forme et les commandes au rendez-vous même si elle estimait que le prix de ses créations était un brin surévalué mais les clients se vanteraient justement de les avoir payés cher donc au final c’était du gagnant-gagnant.

La vampire pouvait autant évoluer dans un milieu mondain que dans un bar de chasseurs. Le problème du deuxième endroit, c’est qu’ils n’aimaient pas les monstres, y compris ceux qui étaient de leur coté et depuis son énième déception à cause cette fois de Joanna, Faith était redevenue une chasseuse solitaire pour de bon. Par contre, les personnes présentes ici et les chasseurs avaient un point commun : Elles étaient humaines. En les écoutant débiter leurs inepties tellement prévisibles, la jeune femme comprenait partiellement pourquoi une certaine ange déchue les considérait comme des "singes".

Faith prenait aussi le temps de mieux contempler les œuvres de l’artiste et du totem assimilé à certaines personnes. Certaines étaient surprenantes mais c’était "le Phoenix" qui attirait particulièrement son attention. Un homme à l’air triste en marchait sur une plage et l’auteur avait semble-t-il réussi à reproduire le charisme de cette personne.

Ayant alors assez fait "acte de présence", elle prenait une bouteille de champagne - toujours fermée - dans un seau à glace et allait se réfugier dehors loin de ce tumulte. Se pensant alors seule, l’immortelle poussait un tel soupir qu’elle aurait pu gonfler un ballon avec et pas un petit. C’est là que le vent léger tournait et qu’une odeur subtile parvenait à son sens accru. Un homme était assis près d’elle.

"Je vois que je ne suis pas la seule à avoir eu besoin d’un peu "d’air frais". J’espère que ma présence ne vous dérange pas."

Lui disait-elle avec un sourire amical qui n'avait rien à voir avec celui un brin artificiel qu'elle devait faire à l'intérieur. Sa présence à lui ne la dérangeait pas en tout cas.

Ca aurait pu s’appeler "mille et une façons de renifler sans se faire remarquer" mais Faith n’avait au demeurant absolument pas besoin d’artifices tels que faire semblant de se gratter le nez ou de bailler pour couvrir pour couvrir la palpitation de ses narines quand elle "humait" une personne pour la première fois vu que celle-ci était presque totalement imperceptible. Il lui apparaissait que l’homme à qui elle venait de s’adresser avait une odeur singulière sans qu’elle puisse "mettre le doigt dessus". Il avait répondu à l’américaine que sa présence ne le contrariait pas alors que ses actes semblaient prouver le contraire.

"Vous avez rangé vos affaires si vite que j’avais l’impression de vous importuner mais ça me rassure que ça ne soit pas le cas."

Elle souriait d’un air mystérieux en constatant qu’il soit surpris de ne pas être le seul à "se sauver de cette manière".

"Se sauver, je n’en avais pas conscience mais ça y ressemble bel et bien. Je sais bien que l’argent fait tourner le monde mais en parler aussi vite lors d’une soirée dite culturelle ..."

D’habitude, elle aurait dit que ça "la gavait" mais un peu de retenue verbale était de rigueur ce soir.

"… Me semble cavalier et donc déplacé. Vu qu’un cavalier se déplace … Voilà."

Faith avait parfois un humour bien à elle puis ce n’était pas l’odeur qui l’intriguait chez cet homme mais en fait sa mémoire visuelle qui l’avait vu … Sur cette œuvre.

"Vous êtes l’homme du Phoenix. Cette créature mythique peut renaître de ses cendres, c’est peut-être le message de l’artiste."

Puis elle se souvenait de la bouteille de champagne qu’elle tenait toujours.

"Je m’appelle Faith. Je pensais boire le contenu de ce "pétillant" mais nous pourrions le partager si cela vous dit."

La créature de la nuit disait ça parce que pour elle, le champagne n’était guère alcoolisé. Elle n’avait pas anticipé cette rencontre en emportant deux verres "au cas où" parce que contrairement à ce que certains esprits chagrin auraient pu croire, la jeune femme n’avait pas "la science infuse" sinon elle n’aurait pas failli mourir en sauvant Alix. Elle était beaucoup plus organisée et ne devait pas se demander si elle était assez "parano" mais si elle l’était assez. Quant à la bouteille, elle avait tout simplement prévu de la vider à même le goulot à l’abri des regards indiscrets en la circonstance.

[HRP : Qui aime bien fouette bien^^ ]

Faith souriait quand Logan se présentait, donc.

"De même. Très bien."

Puis elle s’adressait deux tons plus haut à une serveuse qui passait à proximité.

"S’il vous plait !"

Un serveur, on l’appelait "garçon" mais une serveuse, l’appeler "Mademoiselle" serait devenu une forme de mépris envers le jeune âge et / ou le fait qu’elle serait célibataire. Quant à madame, ça aurait signifié ensuite une forme de mépris pour le "garçon", d’où l’emploi générique du "s’il vous plait" dans le cas d’un serveur ou d’une serveuse en fin de compte. Ainsi Faith lui prenait deux verres et elle prenait place à coté de Logan avant de lui tendre les flûtes. Ceci fait, elle faisait sauter le champagne du pouce en évitant de l’envoyer "gicler" plus loin même s’il n’aurait touché personne, l’américaine y avait veillé.

"J’ai encore plus de force dans l’index et je ne vous parle pas du majeur."

Disait-elle dans un grand sourire avant de verser le liquide à bulles dans les flûtes et d’en prendre une après avoir posé la bouteille près de Logan s’il désirait se resservir. La nuit était fraiche, on pouvait dire que le temps devenait résolument doux, que la brise caressait avec grâce et volupté les êtres et les âmes de ce jardin tamisé tandis qu’une candeur empreinte de sons calmes, clameurs et autres charmes planait tel un nuage de miel et de douceur au gré d’une lueur nocturne.

"Paix et prospérité."

Disait-elle en faisant s’entrechoquer légèrement les verres tout en tentant de faire le fameux signe vulcain de la main, en vain, pas d’une façon adéquate en tout cas. Faith avait laissé sa veste à l’intérieur mais elle ne ressentait pas la fraîcheur nocturne, ce que l’homme ignorait très certainement.

"J’ai aperçu des croquis avant que vous les rangiez. Si ce n’est pas indiscret, étiez-vous en train d’admirer les œuvres d’un artiste ami où seriez-vous vous-même un artiste ? Je me trompe peut-être mais j’avais l’impression que vous les découvriez, ce qui du coup exclurait le fait qu’elles soient de vous."

La créature de la nuit ne pouvait bien sur pas deviner les talents de Logan pour le moins propres à lui.

Cette idée d'être invité à cette exposition me plaisait beaucoup, parce que j'y voyais là une bonne occasion de me changer les idées, sauf que je ne pouvais pas cacher le fait qu'il s'agisse d'une sacrée épreuve pour mes nerfs, qui étaient encore sérieusement fragiles, histoire de voir si je me sentais capable d'enfin passer au dessus de ce qui m'était arrivé dernièrement. J'avais pu rester là-bas quelques temps, avant de ressentir une gêne quand la foule avait commencé à atteindre un volume que je jugeais comme étant "limite" pour mon état émotionnel du moment. C'était pour cette raison que j'étais sorti, pour m'aérer la tête, et en pensant que j'allais être seul, comme ce dessin que je venais de découvrir, qui était de moi, et que j'avais fait sans réellement m'en rendre compte à une date qui m'était sortie de l'esprit.

Avant qu'elle ne me rejoigne, je ne connaissais pas Faith, et sa présence ne me dérangeait pas, car elle n'exerçait pas sur ma personne la même pression que celle d'une foule plus dense. Dans un coin de mon esprit, je craignais de ne pas être suffisamment intéressant pour elle, qu'elle se lasse vite de ma présence. Je n'étais pas forcément le plus...extraverti des types...surtout en trimbalant avec moi un traumatisme que je n'avais pas encore guéri. Cette histoire de séquestration me tourmentait encore l'esprit, et il n'y avait qu'avec mon psy que j'arrivais à bien la gérer. Je priais sincèrement pour que rien ne m'y fasse penser.

Preuve de ma nullité ambiante, je lui avais simplement souri, lors de son "sous entendu". Je n'avais pas réagi oralement par peur de dire n'importe quoi, et aussi pour éviter de tout foutre en l'air...comme souvent.

- Paix et prospérité. répondis-je au moment d'entrechoquer les verres, parce que je ne voyais aucune réponse meilleure que la sienne, avant de boire une fine gorgée de la flûte.

Vint le sujet des dessins.

Comment pouvais-je lui en parler sans passer pour un dingue ?

- Ces dessins sont de moi pourtant...il s'agit de l'un de mes carnets, que je transporte souvent quand je veux penser à autre chose.

Et la suite, je lui dis comment au juste ?

- Des fois, je ne fais juste pas attention à ce que je dessine, alors il m'arrive de dessiner des choses et de les découvrir, donc on peut croire que ce n'est pas de moi, mais pourtant c'est bien moi qui les ait faites.

Au fond de moi, je craignais qu'elle ne me demande de lui montrer le dessin qu'elle avait vu. Elle risquait de trouver ça étrange que je puisse avoir créer cette scène, sans le faire exprès.

L’humour concernant la force dans ses doigts était prévu pour détourner l’attention de Logan ou lui faire croire que la bouteille avait été pré ouverte, ce qui n’était évidemment pas le cas et de toute évidence, ça avait fonctionné puisqu’il ne s’interrogeait pas dessus et donc pas sur l’éventuelle force surnaturelle de la jeune femme. Par contre, elle se rendait alors compte qu’elle l’avait visiblement mis mal à l’aise, il lui apparaissait que Logan ne voulait pas faire d’impair, puis ils trinquaient et l’homme lui parlait de ses dessins. Il les transportait donc quand il avait besoin de penser à autre chose, ce qui pouvait aussi être plus simplement traduit par ceci : Il les regardait pour s’évader spirituellement. Par contre, Faith ouvrait de grands yeux étonnés quand il lui révélait qu’il ne faisait pas attention à ce qu’il dessinait, qu’il lui arrivait de découvrir ses propres œuvres.

"Alors ça, c’est étonnant."

Bien sur, c’était un peu court alors elle enchaînait :

"J’avais entendu parler d’écriture intuitive qui ressemble le plus souvent à des gribouillis, parfois à des lettres, à des mots et rarement à des phrases cohérentes, et vous, vous arrivez à dessiner et je n’en doute pas, de très beaux dessins. D’ailleurs, même s’ils ne sont pas très beaux, le simple fait de réaliser un dessin cohérent dans ces conditions est vraiment étonnante."

Faith était une jeune femme curieuse, très curieuse et sa curiosité l’incitait à demander à cet homme de lui montrer ses œuvres mais si elle était joueuse, elle savait aussi qu’il ne fallait pas pousser le jeu trop loin comme maintenant. Elle était aussi intelligente et Logan ne lui avait pas dissimulé ses dessins sans raison. La chasseuse décidait donc de le laisser tranquille à ce sujet sous peine d’être lourde, très lourde dans le sens insupportable. La créature se contentait donc de regarder ses mains en silence pendant quelques secondes avant d’ajouter d’une voix un peu triste :

"Je ne sais rien créer avec mes mains, juste détruire. La plupart du temps, ça me va mais parfois, je trouve ça dommage."

Puis la créature ressaisissait parce que ce n’était pas dans sa nature de gémir sur son sort, tant qu’il lui resterait un souffle de vie, "elle redresserait la tête" alors elle souriait à nouveau à l’homme et concluait sur ces paroles avant de savourer le champagne :

"C’est pour ça que je ne m’attarde jamais sur l’introspection mais que je vis le moment présent. Profitons de cette soirée agréable et moi de votre compagnie."

Faith passait un moment agréable en compagnie de Logan qui reconnaissait quelque part que son art pouvait être intuitif même si en fait, il pouvait s'avérer instinctif selon ses propres termes même si au final, la nuance pouvait sembler fine entre intuition et instinct. Pourtant ces deux notions ne faisaient pas référence à la même capacité. L’instinct donnait lieu à une conduite permettant aux êtres vivants de survivre. L’intuition quant à elle, était propre à l'espèce humaine et aux créatures pensantes. Elle était associée à une voix interne aidant en principe à prendre de meilleures décisions. Pour sa part, Faith était une créature réfléchie qui se mettait dans les ennuis uniquement quand elle laissait son instinct prendre le dessus mais c'était pour sauver une vie, soit pour le sexe. Dans les deux cas, ça valait la peine, comme on disait.

"C'est vrai mais il n'est pas toujours nécessaire de tout expliquer, ton art a une part de magie indéniable."

L'homme disait alors quelque chose qui étonnait effectivement la jeune femme. De la destruction expressive ? La créature de la nuit se revoyait alors plantant, étripant, décapitant, explosant du monstre avec un pieu, une épée, diverses armes à feu, tuant des démons avec son épée d'ange ou les bannissant en utilisant le texte latin approprié, voire parfois aussi à mains nues dans un maelstrom de violence, de sang et de tripes. A aucun moment, elle ne pensait que Logan avait dit ça pour se moquer d'elle, au contraire, au ton de sa voix et à son expression, elle devinait aisément que son but était de la consoler, du coup elle souriait son méchanceté avant de rire encore moins méchamment.

"De la destruction expressive, c'est très joliment dit."

Logan lui disait alors que la vie restait pleine de surprises sinon il ne l'aurait pas rencontrée.

"Je pense aussi que cette rencontre de ce soir est une bonne surprise et j'espère que tu ne verras jamais l'expression de mes œuvres destructives."

Disait la chasseuse évidemment sans deviner qu'elle avait à faire à une créature tout comme elle. Puis la vampire recevait un message urgent sur son téléphone portable mais ce n'était pas le fait de devoir s'éclipser de l'exposition qui l'ennuyait - elle avait fait sa part - mais de ne pas pouvoir continuer à discuter tranquillement avec Logan.

"Désolée, urgence familiale. Un … Frère a besoin d'être recadré et après ma démonstration de destruction expressive, il ne recommencera pas."

Si tous les vampires étaient quelque part des frères et sœurs de sang, dans ce cas elle ne faisait que dire la vérité pour ainsi dire et puis il ne recommencerait pas vu qu'il serait mort. Avant de partir, Faith serrait la main de Logan mais en posant sa deuxième main sur celle d'homme donc vraiment amicalement.

"Au plaisir de te revoir. Si tu as envie de discuter un soir, appelle-moi. Je viendrai si je ne suis pas en plein "échange culturel", en tout cas je me libérerai rapidement."

Elle avait laissé sa carte avec son numéro de téléphone officiel dans la main de l'artiste. Sur ce, elle disait quelques mots aux co-organisateurs de la soirée avant d'aller raccourcir un vampire ou deux.

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