VIII.04 - On ne sait jamais, des fois que [Alexis Richter]

14 février 2018

En tout début d’année, Jericho avait expérimenté la première étape de son plan "faisons nous confiance pour tuer solidairement le maximum de monstres". Son plan "chasseurs". Il avait sauvé ainsi trois chasseuses après les avoir entraînées à l’insu de leur plein gré dans un piège. Le but était de prouver une fois pour toutes que les monstres seraient toujours des monstres, qu’ils seraient toujours dangereux pour l’humanité et qu’il fallait donc tous les tuer jusqu’au dernier. Globalement, il ne ressortait rien de bon ni de cette opération ni de celle qui avait suivi et où cette fois il avait sauvé deux chasseurs d’une mort certaine en exterminant le nid de vampires qui les avait piégés.

Ca n’était pas bon du tout.

Début février, le colosse reprenait contact avec une des chasseuses, Alexis Richter qui n’avait pas apprécié son sauvetage à sa juste valeur, allant même jusqu’à insinuer que l’action de Jericho aurait pu la tuer. Ceci dit, on ne savait jamais, peut-être que la chasseuse avait réfléchi et décidé de mettre la paquet pour débarrasser la Terre des monstres. Le fou de Dieu l’avait ainsi invitée à déjeuner dans une cafeteria au centre-ville. C’était un endroit résolument familial et justement ça motivait le colosse à y revoir la chasseuse. Vêtu d'un jean sombre, d'un trench-coat en cuir noir et de chaussures "civiles", il l’attendait tranquillement vers l’entrée, adossé à son hummer garé tout près et sauf si sa possible alliée désirait être dans l’incapacité effective de converser à cause du brouhaha ambiant à l’intérieur, il saurait pour sa part ou ils pourraient se restaurer dans le seul endroit de la cafeteria ou ils pourraient discuter sans avoir à hausser la voix et sans être entendus par les civils. Puis si la chasseuse refusait ce spot idéal uniquement pour s’opposer à lui, ça signifierait d’une façon explicite qu’ils ne pourraient s’allier contre les monstres et les chasseurs qui commettaient la grave erreur de croire que les monstres et les humains pouvaient coexister pacifiquement ensemble. Alexis Richter pourrait tout aussi bien ne pas honorer ce rendez-vous professionnel entre chasseurs avisés mais il doutait qu’un tel désistement sans même le prévenir fasse partie de sa personnalité.

Il y a quelques jours, j'avais reçu l'appel de Jericho Kane, le chasseur qui nous avait sauvées, deux autres chasseuses et moi alors qu'un groupe de loup-garou risquait de nous bouffer toutes crues. Ceci dit l'homme nous avait également mises en danger en utilisant des armes lourdes du style bazooka. Alors ouais c'est cool un bazooka, mais pas tout le temps ! Du coup, pour le moment j'hésitais à le placer dans mes petits papiers ou pas, disons que la balance ne penche encore d'aucun côté. J'avais été étonnée de recevoir cet appel étant donné que nous n'avions pas échangé nos numéros, mais bon en même temps, je dois pas être très difficile à trouver.

Le baraqué m'avait donc invité à déjeuner et je n'avais pas vraiment demandé pour quelle raison, apparemment il voulait parler, de quoi ? Ben je sais pas mais j'étais curieuse. J'avais donc accepté.

L'endroit que le chasseur m'avait indiqué pour le rendez-vous n'est pas très loin de chez moi, du coup j'ai décidé d'y aller à pieds. Un peu de marche ne me fera pas de mal après tout. Par contre on est mercredi et le restaurant qu'il avait choisi était du genre familial, ça risque d'être bondé de monde, perso j'aurais choisi plus calme comme endroit, mais c'est lui qui invite, je vais pas chipoter.

J'arrive donc proche de l'établissement quand je vois le hummer si discret de Jericho avec lui attendant adossé contre la voiture. Le camion ? Le gros machin. Je ne suis pas en retard, j'en suis sûre, l'homme avait donc pris de l'avance. Tout comme son véhicule, le chasseur était tout en noir. De l'endroit où je suis on a plus l'impression que c'est un tueur à gage qu'autre chose. Ceci dit ce serait être de mauvaise foi de pas dire qu'il est plutôt classe avec ce trench-coat en cuir. Moi je porte mon éternel jean, débardeur, veste en cuir, ma garde-robe n'est pas très variée ouais. Après je suis pas mannequin et je défile pas.

J'arrive au niveau de l'homme qui me voit finalement.

"Bonjour ! J'espère que vous ne m'attendez pas depuis trop longtemps ?"

J'aime pas vouvoyer, mais on va tenter d'être polie et tout ça. Sauf si l'homme décide de me tutoyer dans quel cas, ben je me gênerai pas non plus. Ceux qui estiment qu'on doit forcément vouvoyer plus âgé que soi, allez vous faire foutre. Je dis pas que le chasseur est vieux non plus, je dis juste que je suis plus jeune que lui. Oui bon, on a compris je crois.

Jericho repérait la chasseuse alors qu’elle s’approchait de lui. Alors que feu sa dernière épouse lui avait toujours apparu comme une femme de lettres reconvertie en chasseuse sur le tard, la jeune femme lui donnait plutôt l’impression de ressembler davantage à une chasseuse, tant par son aspect vestimentaire que par son comportement. Avec son franc parlé et son indépendance d’esprit, autant dire tant sur la forme que sur le fond. Sans être pessimiste mais plutôt réaliste, le colosse doutait qu’il puisse convaincre une telle femme de le rejoindre. Elle devait avoir le même état d’esprit qu’Alix, à savoir ne pas nuire tant qu’on ne lui nuisait pas, "vivre et laisser vivre" en quelque sorte, ce qui serait à son sens une erreur tragique aussi devait-il tenter de la convaincre que les monstres ne pouvaient pas coexister avec l’humanité, et ce même si ses chances étaient proches de zéro.

"Bonjour Alexis. Je ne suis ici que depuis quelques minutes. Je préfère aussi qu'on se tutoie."

Le fou de Dieu ne le dirait pas mais il avait techniquement l’âge d’être le père d’Alexis Richter. La jeune femme était âgée de vingt-huit ans alors que lui en avait quarante-cinq. Il l’aurait eu jeune en effet, à seize ans. Au moyen âge ça n’aurait pas fait si jeune que ça mais dans ce monde moderne puis Jericho ne pratiquait le sexe que dans le cadre du mariage, donc il n’y avait pas de risque pour ça, surtout qu’il n’avait pas connu de cuite dans sa vie, l’abus d’alcool n’étant pas chrétien, ni bon pour la santé.

"Je suis content qu’on déjeune et je t’invite. Après tout, tu aurais pu te prendre quelques tonnes de gravats sur la tête de par mes méthodes quelques peu musclées."

C’était le moins qu’il puisse dire dans le sens où il avait massacré au lance-missile la bande de loup-garous qui séquestraient la chasseuse au sous-sol.

"Je change de veste avant qu’on entre, la tenue toute noire fait peur aux enfants."

Jericho prenait une veste de cuir marron dans la malle de son hummer et virait les lunettes de soleil aussi, ce qui le rendait un brin moins inhumain, à défaut de le rendre vraiment plus humain. Ceci fait, il entrait dans la cafeteria et effectivement il n’intimidait les autres que par sa stature, ce qui constituait déjà une sorte de progrès.

"Je vais prendre le menu du jour pour ma part, pour le dessert je te conseille la tartelette au chocolat caramélisée avec de la noix de pécan."

Lui disait-il tranquillement en se servant, puis il paierait en caisse et ils s’installeraient à une des tables de la passerelle, un endroit surnommé la zone VIP parce qu’aucune famille n’y allait, trop en hauteur, ce serait donc là que les deux chasseurs pourraient discuter le plus sereinement.

Le chasseur m'annonce dès mon arrivée qu'il préfère qu'on se tutoie, ben ça m'arrange oui. Il admet également avoir failli m'écraser sous les gravats lors de son sauvetage en mode bourrin. Je vais pour le moment mettre de l'eau dans mon vin en admettant moi aussi avoir été un peu abrupte quand je l'ai remercié tout en ne le remerciant pas.

"Bah, je suis vivante, c'est le principal. Sans ton aide ça aurait fait trois cadavres de plus."

Je n'ai toujours pas vraiment digéré cette histoire non, mais à la base c'est la faute des lycans, pas de la sienne. En plus j'ai ma part de culpabilité étant donné que j'avais picolé la veille et qu'à cause de ça, je n'ai à aucun moment eu l'idée de génie de prier Jeliel pour qu'il vienne nous aider. Cette connerie, j'en ai pas dormi pendant deux jours et j'essaie de moins boire du coup, en tout cas pas au point de subir ce genre de gueule de bois à nouveau.

Jericho décide de se changer pour entrer dans le resto pour éviter de faire peur aux gamins, c'est une bonne idée parce que de toute façon, il était tout sauf discret avec son trench en cuir et ses lunettes, après vu son physique, peut-il vraiment être discret quelque part ? Je le suis à l'intérieur et prends la même chose que lui, je suis son conseil quant au dessert.

"Ça à l'air drôlement bon ce truc, ok, je prend ça."

Nous prenons ensuite des escaliers pour arriver sur une passerelle où il y avait d'autres tables, l'endroit était vide et bien plus calme qu'en bas. J'imagine que les familles n'apprécient pas cette zone à cause de la hauteur pouvant être dangereuse pour leurs enfants. Ce qui est sûr c'est qu'ici, on risque pas d'oreilles indiscrètes. Sur ce, moi je suis toujours curieuse sur les raisons de cette invitation et comme je suis pas du genre à tergiverser quinze heures, autant demander directement.

"Alors, de quoi tu voulais me parler ?"

Ce disant j'attaque mon plat en prenant une première fourchette et …

"Mais c'est super bon ici, simple mais bon ! Dire que je vis à quelques minutes et que j'y avais jamais mis un doigt de pied, ben je reviendrai !"

Mais peut-être pas un mercredi, sauf si je squatte cette zone VIP a chaque fois que je reviendrai.

Jericho haussait les épaules quand Alexis lui disait merci pour les avoir sauvées, les deux autres chasseuses et elle.

"Tu aurais fait pareil pour moi."

Le colosse n’avait aucun scrupule pour avoir provoqué la mort des deux chasseurs qui étaient avec elles et que les loups-garous avaient dévoré vifs, surtout parce qu'après tout ils étaient clairement "pro-créatures" et que le fou de Dieu les considérait par conséquent comme des traîtres qui ne méritaient que cette mort atroce.

"J’en prendrais bien deux mais je stocke trop les excédents et je ne sais pas pour toi mais ceux qui se vantent "de manger comme quatre et de ne pas prendre un gramme", j’ai envie de leur faire goûter à ma tarte aux phalanges, je ne le fais pas parce qu’on est civilisés mais ça me démange."

Disait-il avec un sourire en coin qui laissait à penser que s’il faisait le même devant ces abrutis, ils ne devaient pas s’en vanter une deuxième fois, en tout cas pas devant lui. Le fou de Dieu ne répondait pas tout de suite à la question de la jeune femme, attendant qu’ils aient fini le dessert.

"Oui, ce n’est pas mal du tout. Tu vois toutes ces familles réunies dans cette cafétéria, contents d’être ensemble, tellement ignorants des dangers du surnaturel. Imagine le massacre qu’une bande de monstres pourrait commettre ici. Imagine le bain de sang."

Ca n’était pas dur à imaginer.

"Sauf qu’avec les chasseurs, ça n’arrivera pas. Ca n’arrivera pas si on sait anticiper le danger. Je cherche à rassembler un maximum d’hommes et de femmes qui ont le courage de leurs convictions, pour éliminer tous les monstres, y compris ceux qui font semblant de se la jouer pacifistes, y compris ceux qui croient qu’ils peuvent aller contre leur nature. Une fois peut-être, à la rigueur deux mais la troisième, c’est la mort."

Il buvait une gorgée de bière avant de poursuivre.

"Je ne te demande pas de rejoindre une organisation militaire, on ne porterait pas d’uniforme de soldat. Seuls les bouffons s’habillent en commando pour une chasse. Ca n’est pas l’armée, je ne serais pas ton chef. La seule ligne directive, ça serait de n’avoir aucune pitié pour les monstres."

Le colosse regardait Alexis, guettant sa réaction suite à ces paroles et même s’il doutait sur la capacité de la jeune femme à avoir assez de tripes pour faire ce qu’il fallait faire afin de protéger l’humanité, il aurait tout de même tenté de la rallier à sa juste cause parce qu’on ne sait jamais, des fois que.

Le chasseur a raison, j'aurais fait pareil, en plus subtil par contre.

"Des mythomanes en puissance, ceux-là."

Dis-je quand il parle des gens qui disent ne jamais prendre un gramme tout en s'empiffrant.

J'écoute les paroles du chasseurs lorsqu'il se décide à répondre à ma question. Mon expérience personnelle en ce qui concerne le fait que les monstres pouvaient être pacifistes n'est pas franchement folichonne. Après tout j'ai essayé oui, avec mon fiancé et ensuite avec cette meute. Pour le premier, je n'ai aucun doute, il a trahi ma confiance et je ne le pardonnerai jamais, de plus il est dangereux, je le sais. Quant à la meute de lycans j'avoue que je continue à me poser des questions, j'ai cru comprendre que Faith n'était pas chasseuse depuis très longtemps mais elle m'avait aussi paru compétente malgré un léger faux départ entre elle et moi. Alix, elle, avait l'air plus expérimentée. Comment on avait pu toutes les trois sans parler des chasseurs qui y avaient perdu la vie, ne rien voir venir. De plus un loup-garou c'est brutal, mais ceux là l'étaient encore plus. Autre chose, nous étions sur place pour aider, nous étions armées par simple prudence en arrivant, Jericho, lui, avait débarqué avec l'armement lourd, il était venu aider aussi ? Avec un bazooka ?

Ouais toute cette affaire était très louche et je n'avais aucune réponse à toutes ces questions, ce qui m'emmerde un peu.

Pourtant, la position extrême de Jericho sur le sujet monstres me dérange aussi. J'ai pour ma part également vu et combattu des monstres on ne peut plus humains. L'un d'entre eux avait tué ma mère. Je vais pas me la jouer philosophe à deux balles, mais la monstruosité n'est pas réservée aux créatures, alors pourquoi l'inverse ne serait pas possible aussi. Comprendre qu'un monstre pourrait être plus proche de son humanité que de ses pulsions meurtrières. Il y a aussi le cas par cas selon la sorte de bestiole, certains ne peuvent survivre sans tuer, d'autres en seraient totalement capables.

Le sujet est compliqué, bien plus qu'il n'y paraît et la proposition du chasseur ne me plaît pas beaucoup, voire pas du tout. Je suis chasseuse, pas un Dalek en vadrouille. Je tue ceux qui le méritent, je n'extermine pas.

"Je comprend. Mais j'ai une question avant de te donner un avis. Tu fais quoi de ces humains qui n'ont aucun problème à tuer d'autres humains. Par plaisir, cruauté ou même par totale absence de sentiments ? Ces humains là, sont eux aussi des monstres de mon point de vue et n'importe lequel d'entre eux pourrait s'amener dans ce resto pour commettre exactement le même genre de massacre."

Pendant qu'on y est, j'en ai deux en fait des questions.

"J'ai même deux questions, puisque ton plan c'est d'éliminer tous les monstres. Pourquoi être venu a cette demande d'aide d'une meute de lycans ?"

Je n'ajoute pas, mais je pense très fort : qui plus est plus armé qu'a la défense de fort alamo ?

Je suis sûre que je connais déjà la réponse. Ce qui du coup change certaines perspectives sur l'affaire.

Jericho soupirait en entendant la chasseuse. Mythomanes. Le mot n’était pas là par hasard. Elle ne le croyait pas, pourtant il avait tout bien peaufiné. Ce n’était évidemment qu’il mente qui lui posait un problème, c’était qu’elle le sache. Il n’en avait pas encore la certitude mais quelque chose lui disait que ça n’allait pas tarder. L’instinct sûrement. Puis il haussait les épaules devant l’interrogation de la jeune femme sur la nature humaine avant de se dire que ce n’était pas si naïf que ça comme raisonnement, surtout dans le sens où ça impliquait une notion qui échappait probablement à la chasseuse.

"Je te dirais bien que notre devoir de chasseur nous amène à défendre l’humanité contre les monstres, pas contre elle-même et que nous ne sommes pas des policiers mais tu oublies quelque chose dans ton raisonnement, c’est l’influence démoniaque sur les humains. Sans elle, il y aurait moins de conflits et ils seraient moins graves."

La deuxième question confirmait qu’elle ne le croyait pas mais il avait néanmoins une sorte d'alibi même si ça fonctionnerait pas avec la chasseuse.

"Je ne suis pas venu les aider mais pour les exterminer parce que des chasseurs avaient commencé à disparaître dans ce secteur. Les monstres sont tous mauvais, il faut les tuer jusqu’au dernier et ça inclue bien sur les démons."

Ca ne prendrait pas mais comme on dit, il aurait tenté. Ca ne prendrait pas parce que la chasseuse avait de la jugeote et un caractère de rebelle. Ca sautait aux yeux. De plus elle était gentille, pas dans le sens conne mais dans le sens où elle n’aurait pas les tripes de faire ce qu’il convenait de faire pour donner une chance à l’humanité de survivre non seulement à la guerre du Bien contre le Mal mais à la propagation des monstres dans le monde. Le fou de Dieu aurait pu parler de ses enfants pour tenter de leurrer la chasseuse sauf qu’il n’en avait strictement rien à faire de sa progéniture et que la jeune femme s’en rendrait compte très vite. C’était ce qu’on appelait un terrain glissant et il valait mieux ne pas l’emprunter.

Je ris nerveusement lorsque le chasseur me dit que nous ne sommes pas policiers. Effectivement c'est pas nôtre job, mais quand il faut, il faut.

"Encore heureux que je suis pas flic, sinon j'aurais été juridiquement dans l'obligation d'amener le tueur de ma mère devant un tribunal et si ça se trouve il se baladerait libre à cause d'un vice de forme. Ce salopard se servait d'une légende locale pour couvrir ses meurtres, il a fait une vingtaine de victimes sur plusieurs années, il a amplement mérité la balle que je lui ai collé entre les deux yeux."

L'influence démoniaque, mais bien sûr. Je pourrais lui prouver que même un enfant peut être mauvais par nature sans jamais avoir connu d'influence d'un côté ou de l'autre. C'est facile de tout coller sur le dos du Mal, de l'Enfer ou encore des petits hommes verts tiens. Bien sûr que le Mal c'est de la merde et bien sûr que la pire saloperie existante c'est les démons. Mais ça ne retire en rien la part de responsabilité des humains qui saisissent les opportunités de devenir nuisibles comme un chien choppe un nonos. Avidement. Bordel, même Jeliel est moins extrême que lui, et pourtant c'est un ange au service du Bien.

Lorsque le chasseur répond à ma seconde question, il confirme ce que j'avais compris. Il venait les buter jusqu'au dernier, il savait qu'ils étaient dangereux. Certainement depuis plusieurs jours ce qui m'amène à cette conclusion.

"Et donc, au lieu de faire passer le mot aux autres chasseurs pour qu'un maximum soient au courant qu'il fallait éviter la zone à moins d'être bien préparés … Tu nous a tous laissé nous jeter dans la gueule du loup. Littéralement."

Je commence à cerner l'homme. J'imagine que pour lui, les chasseurs y ayant laissé leur peau ne sont rien de plus que des dommages collatéraux. Reste une chose à savoir.

"Si je ne te suis pas dans ce plan. Tu vas me considérer comme une ennemie à la cause ?"

Je n'ai pas spécialement envie d'être son ennemie mais je n'ai pas envie non plus de devenir de la chair à canon et même si je n'ai toujours pas eu de preuve de monstres montrant "patte blanche", je me dis que ça finira par arriver, ce qui s'est passé avec mon fiancé, si c'était à refaire, je le referais. Je suis pas maso, ni naïve, mais j'estime qu'une chance c'est le minimum. Ceci dit, faut pas non plus pousser.

Jericho secouait lentement la tête, c’était inutile d’insister, elle ne le comprenait pas. Pour lui, ils ne pouvaient pas faire le travail de la police parce qu’ils auraient beaucoup moins de temps pour chasser les monstres et puis ils finiraient par attirer encore plus l’attention sur eux et elle lui faisait le coup de la vengeance. Puis en écoutant ses paroles suivantes, il la regardait de l’air de se demander si elle n’avait pas perdu la tête alors même qu’elle avait compte tapé dans le mille, probablement sans se rendre bien plus encore qu’elle était tout près de la vérité mais il la laissait parler jusqu’au bout.

"Je suis intervenu dès que j’ai su ce qui se passait. Si j’avais perdu du temps à passer le message à d'autres chasseurs avant d’agir, tu serais dans le ventre de ces monstres mais ça te dépasse manifestement et comme on dit, il n'est pire aveugle que celui qui ne veut pas voir. Puis on n’est pas au cinéma, je ne suis pas un seigneur Sith qui te dirait "si tu n’es pas avec moi, tu es contre moi". Ce serait ridicule. Tu n’es pas intéressée par mon offre alors tu n'as pas besoin de me sortir une excuse aussi affligeante. Bonne continuation."

Voila, la chasseuse l’avait énervé, pas juste irrité. Elle devait avoir un don pour énerver les gens. Enervé donc, Jericho se débarrassait du contenu de son plateau et il allait régler à la caisse avant de se souvenir qu’il avait déjà payé juste avant qu’ils s’attablent. C’était un système logique, on choisissait ce qu’on allait manger, on le payait puis on mangeait. C’est vrai que dans des restaurants dits traditionnels, on s’attablait, on passait commande et à la fin du repas on payait l’addition. C’était en soi une autre forme de logique même si le colosse préférait pour sa part payer et manger plutôt que manger et payer. Une chose était sure, on ne devrait pas voir des clients manger puis choisir la nourriture qu’ils venaient de manger et payer, ou même manger puis payer et  choisir la nourriture qu’ils venaient de manger.

En tout cas, il avait heureusement pris soin de couvrir ses traces d’observation sur le lieu de détention des chasseurs parce que cette chasseuse ne l’aurait pas lâché et il ne l’intimidait manifestement pas.

Spoiler:

Houla. Je crois que je viens d'énerver Jericho. J'ai bien compris, c'est bon, que sans lui je serais déjà digérée et sans doute déjà aussi ressortie de l'autre côté, moment poésie. Je ne veux pas voir ? La bonne blague, je crois que j'y vois très clair au contraire, tellement clair que c'est ça qui doit l'énerver, le chasseur. Ouais c'est chiant quand on ment et que la personne en face ne gobe pas un mot, ça doit même être vexant, au point d'essayer de le devenir soi-même, vexant. Je le sais qu'il ment, sur quoi précisément, j'ai encore du mal à le savoir, mais il se contredit lui-même. Je veux dire, je l'ai vu cette cave, je les ai vu les cadavres, ça ne datait pas du matin même mais bien de plusieurs jours et il dit qu'il est venu exterminer la meute parce que des chasseurs avait "commencé" à disparaître dans cette zone. Donc il l'a appris quand ? Deux heures avant ? Certainement pas, il l'avait ce temps de nous prévenir. Et puis pourquoi il était le seul à être au courant du danger ?

Ouais, beaucoup de questions auxquelles je n'ai pas de réponse et auxquelles il ne répondra pas. De plus mon excuse si affligeante me semble légitime avec un réponse pareille. Je vais donc me méfier du chasseur à partir de pas plus tard que maintenant et si jamais j'apprends qu'un autre massacre du même style a lieu alors qu'il est dans les parages, cette fois, je n'aurai plus de doute.

En tout cas, je ne trouve rien à répondre à l'homme qui fini par partir en étant pas content. Que dire ? Il essaierait de contourner le moindre argument alors pourquoi me fatiguer. Qu'il se fasse bien l'avis qu'il veut sur moi, ça ne m'empêchera pas de dormir.

Sur ce, j'attends quelques minutes avant de descendre à mon tour pour me rendre vers la caisse. Je leur demande si c'est possible d'emporter deux parts de leur super bonne tarte. Ils m'en offre même une troisième et c'est avec un grand sourire que je les remercie. Qui va se régaler demain encore ? Au moins ce déjeuner aura eu un point positif, la tarte ouais.

[HRP : Fini aussi, merci^^]