IX.03 - Sur la piste d’Aamon [Alexis Richter]

29 janvier 2019, l’après midi.

Je n’aime pas qu’une partie de ma vie se termine en queue de poisson. Quand il s’agissait d’une aventure sans lendemain, ça n’avait rien à voir puisque c’était moi qui décidais que ça n’irait pas plus loin. Comme on danse à deux, je décidais de ne pas aller plus loin avec ma proie du moment, que ce soit un homme ou une femme mais pas un ou une mineure et évidemment pas pour une raison morale mais parce qu’ils sont comme un fruit trop jeune. Ca me fait un point commun avec un chasseur de Huntfield dont j’ai oublié le nom et ça n’a aucune importance si ce n’est qu’il préfère les femmes expérimentées. Personnellement je ne me tape pas les chasseurs, ni un certain pompier qui croyait qu’il a toutes les femmes à ses pieds parce que ce n’est pas vrai, loin s’en faut.

C’était juste un minable de plus.

Je n’aime pas que l’épisode Aamon se termine sans queue ni tête. Alors que le démon aux yeux d’argent avait l’opportunité d’éliminer les derniers auravores et de porter un coup dur aux Cieux, il s’est alors considérablement affaibli en créant de nouvelles boites démoniaques à un moment où ses adversaires du camp du bien et même de celui du mal détruisaient justement ces boites en profitant du fait que les démons qui y étaient liés n’étaient pas encore assez puissants pour les défendre. Aamon a fait le pire choix et s’était entêté dans ce choix affligeant jusqu’à la perte de toutes les boite démoniaques mais lui, qu’est-il devenu ? Il se dit qu’il serait mort mais personne n’en a la preuve, il a disparu.

Du coup je cherche.

J’aurais pu faire appel à un de mes admirateurs ou à une de mes admiratrices mais ça aurait dépassé même celles et ceux qui ont une compétence pour retracer les déplacements des mortels et même de pas mal de créatures. Je préfère faire appel à un ou une pro de ce genre de traque dans le monde du surnaturel et pas quelqu’un qui ferait semblant de chasser ou qui serait en semi-retraite, puis aussi quelqu’un qui aurait intérêt à savoir ce qui est arrivé au démon aux yeux d’argent, alors je fais appel à cette chasseuse, Alexis Richter qui m’a dit que je pouvais l’appeler Lexi et qui fait partie de celles et ceux qui m’appellent Lou.

Charlie et moi étions rentrées à Huntfield depuis un peu plus de trois semaines. Un mois d'absence et qu'avais-je trouvé en rentrant chez moi ? Ben que le répondeur de mon garage était blindé de messages. Mon répondeur personnel, lui … avait eu largement moins de succès. En même temps, mon portable non plus n'avait pas beaucoup sonné durant ce mois passé en Allemagne. Surprise ? Pas vraiment. Déçue et en colère ? Ouais. Bobby m'a menti, si je ne suis plus seule ce n'est pas grâce à lui et a sa famille de cœur, mais grâce à Charlie et à mon amour Jeliel. J'ai bien dit "sa" famille parce qu'il est clair maintenant que ça n'est pas la mienne. Si Bobby a vraiment voulu de moi comme fille, ça ne doit plus être le cas étant donné que je n'ai pas eu de nouvelle du vieil irlandais depuis octobre, au mariage de Charlie et de Jessi. On est fin janvier, autant dire que j'ai reçu le message cinq sur cinq. J'aurais préféré qu'il me le dise en face mais bon. Tant pis, ce n'est qu'une déception parmi tant d'autre. Heureusement que j'ai Jeliel et Charlie, sans quoi je pourrais retomber dans mes vieux travers et me remettre à picoler. Tiens en parlant de picoler y en a un autre qu'à l'air d'avoir oublié ses paroles, hein Tony ! Alors lui, il a fait fort, venir chouiner pour m'attendrir et derrière, m'oublier genre complètement dès le lendemain. Que je le recroise pas, je risque de m'énerver. Un peu comme maintenant quoi.

Je vais avoir besoin de me défouler. Ça tombe bien, Lou m'a contactée pour l'aider sur une enquête, j'espère qu'il y aura au moins une baston et sinon ça aura le mérite de me faire penser à autre chose qu'à vouloir aller dire deux mots aux deux mâles qui se foutent pas mal des conséquences de leurs actes tant que c'est pas eux que ça touche.

Après avoir garé ma moto sur un chemin ou elle ne risquerait rien, je retrouve donc la démone au lieu de rendez-vous aux abords d'une forêt. L'enquête de la blonde démoniaque c'était pas du pipi de chat, elle espérait trouver où avait bien pu passer Aamon et franchement, moi aussi j'aimerais bien savoir. J'aime pas quand un film fini sur une fin ouverte avec un putain de fondu noir. Moi je veux des faits mais ouais, ça doit être trop demander de savoir. Dieu a pas eu d'idée ?

"Salut !"

Je plisse un peu les yeux en regardant la démone, y a un truc changé.

"Ce look te va bien."

Dis-je alors sincèrement. Ouais, voilà ce qui a changé, le maquillage, elle est presque au naturel et franchement, je trouve que ça lui va bien mieux, après c'est que mon avis, je suis pas conseillère en camoufl … maquillage.

Lexi arrive en moto, je n’ai pas à la voir arriver, je reconnais le son caractéristique du moteur, ce rugissement qui fait sa marque. Comme Mercy je suis plutôt bolide à quatre roues même si la démone des croisements est encore plus retro que moi, c’est dire. En parlant de démon des croisements, je me demande si on reverra le roi des croisements un jour, messire Crowley. S’il est à la recherche de sa mère, ça n’est pas près d’arriver puisque la sorcière n’est pas près de revenir sur le devant de la scène. Pour ma part, comme tous les démons affublés d’un titre dit noble sont des gros cons, ça fait un gros con de moins. Ca me fait penser au titre encore plus ronflant de roi des enfers.

"Hey !"

Dis-je avec un grand sourire à l’humaine à son arrivée, notant qu’elle résiste manifestement bien au froid ambiant et remarquant aussi son regard plissé et mon sourire s’agrandit en entendant sa remarque suivante.

"Tu trouves ? C'est sur que ça me change. J'ai préféré porter des bottes pour marcher dans la boue."

Ah, les joies de la forêt déjà de base mais alors les joies de la forêt en cette période de l’année et de jour en plus, je fais clairement un effort ! Je pense ça en plissant à mon tour brièvement les yeux, imaginant pour ma part Lexi dans une robe. Après tout, si je peux sortir de ma zone de confort en crapahutant dans la boue, elle aussi n’est-ce pas.

"Tu as enquêté sur ce qui se cache derrière Hadès, le mystérieux ou la mystérieuse. Je crois de plus en plus que il, elle ou ce groupe est lié à la disparition d’Aamon. Le démon aux yeux d’argent a été vu dans plusieurs environnements forestiers comme celui-ci avant de se volatiliser et à chaque fois, il a laissé une marque derrière lui et qu'on peut clairement qualifier de singularité."

On marche un peu dans la boue avant d’arriver dans une clairière qui semble hors de ce monde, comme déconnecté. Ce qui est le plus frappant, ce n’est pas le fait qu’aucune neige ne soit tombée dans cette zone en forme de rond, ni la boue mais les suspensions de terre noire et de caillou qui flottent à environ dix centimètres d’un sol mort.

"Aucun humain n’est encore tombé sur un de ces endroits, j’ai l’impression qu’ils en sont détournés s’ils s’en approchent, à moins d’être accompagnés d’une créature démoniaque."

Du coup, Lexi est la première humaine à voir ce phénomène surnaturel, cette singularité.

"A moins que tu ne t’allonges là-dedans, il n’y a pas de risque que tu respires des particules nocives et d’après ce que je vois, ça ne l’est pas. C’est juste mort."

Pas de port de masque obligatoire.

"Je le dirais pas si je le pensais pas et ouais pour te changer, ça te change !"

C'était un compliment, je n'essaie pas de flatter la démone mais elle doit déjà le savoir pour le peu qu'elle me connaît. La flatterie je laisse ça aux hypocrites qui pensent pouvoir acheter les autres avec leur baratin et aux pimbêches qui ne sentent plus dès qu'un guignol leur sort ce même baratin. Je suis pas à vendre et je suis pas acheteuse non plus.

Lou me dit alors qu'elle pense que l'entité ou les entités planquées derrière Hadès seraient liées à la disparition d'Aamon et nous nous mettons en marche pour rejoindre une zone qu'elle décrit comme être un singularité.

"Enquêter, un bien grand mot, j'ai surtout découvert un cul de sac avec un joli rond point au bout. Soit on tourne en rond comme un poisson rouge dans son bocal, soit on fait demi-tour."

Ouais, j'ai toujours pas digéré que Hadès soit hors de ma portée après ce qu'il a fait à ce village. Ni pour ses autres actes d'ailleurs. C'est encore pire que d'avoir à libérer un connard qui abuse de son immunité diplomatique. Les abus, j'en ai ma claque et le Hadès a clairement dépassé les bornes des limites ! Au moins certaines réussites me remontent le moral.

"Je t'ai pas dit qu'avec ma meilleure amie, on a buté Hitler, si ?"

Bien sûr que non, que je lui avais pas dit, c'est rectifié. Quoi, on a le droit d'être fières de l'exploit non ? C'est pas l'autre andouille dont je ne citerai pas le nom qui l'aurait fait, elle est bien trop occupée à chercher un nouveau caprice pour se passer le temps plutôt que de se mettre à chasser sérieusement.

Après quelques mètres, je me dis d'abord que la démone a eu raison pour les bottes vu le paquet de boue ici et ensuite je me dis aussi …

"Putain de bordel de merde c'est quoi ce truc."

Ouais à la base j'étais censée ne pas le dire si haut mais plutôt dans ma tête. Alors je suis pas experte en physique quantique mais là, on la frôle de très près.

"Vla aut' chose, des cailloux qui flottent."

Et vla aussi que je parle comme Charlie. Examinant la scène on peut effectivement voir que la zone est circulaire et absolument rien dans son périmètre n'a survécu. On pouvait même observer les restes desséchés de quelques petits animaux.

"Ouais non, je comptais pas m'allonger au milieu de toute façon, mais merci de prévenir que je risque rien."

Dis-je alors en m'accroupissant afin de regarder de plus près cette poussière terreuse et les petits morceaux de roche léviter.

"Si c'était pas si sinistre, ça serait presque beau."

Jusque là, je ne voyais rien en rapport avec Hadès mais Lou a certainement de très bonnes raisons de soupçonner cet être infâme et probablement bouffi d'estime de soi d'être mêlé à la disparition du démon aux yeux d'argent.

Je ne dis rien quand la chasseuse me dit que pour me changer, cette tenue et le maquillage minimaliste me changent, me contentant de la regarder avec malice. Elle ne perd pour attendre comme on dit ! Bientôt, je la verrais en robe et je lui dirai la même chose mais pour le moment, nous revenons à l’affaire qui nous occupe. Quoique, je hausse un sourcil intriguée quand l’humaine m’apprend non sans fierté avoir éliminé l’un des tyrans les plus sanguinaires de l’histoire humaine, avec Staline, Pol Pot et le chinois avec son petit livre rouge.

"Ah enfin, je me demandais comment il avait pu échapper aux enfers, il a du y être reçu comme il se doit. Je crois que certaines de ses anciennes victimes l’y attendaient avec impatience."

Devenir un démon pour ça, c’est plausible en effet. Mon sourire revient avec une autre pensée mais je préfère en parler d’abord à Mercy, puis la surprise de Lexi est somme toute légitime.

"Je ne sais pas ce que c’est, ça peut être un effet secondaire de la mort d’Aamon, ou une micro-déchirure dans l’espace-temps quand il aurait quitté ce plan d’existence pour un autre plus propice à son ambition. Si ca se trouve, il est devenu le seigneur absolu d’un monde peuplé uniquement d’écureuils, sans espoir de passer vers un autre plan avant un millier d’années. Si c’est le cas, il doit s’ennuyer ferme."

Je me demande si seuls les démons qui ont été liés à une boite démoniaque et au sommet de sa puissance peuvent repérer ces anomalies. Il faudrait que j’en touche un mot à Mercy puis si ça se trouve, c’est plutôt une chance pour elle de ne pas avoir été liée à une des boites démoniaques. J’ignore si cette nuance entre démons changerait quoique ce soit pour découvrir ce qui est arrivé au démon aux yeux d’argent.

"Je me doute que tu ne le ferais pas et encore moins maintenant. Je connais un humain qui se prend pour une licorne, un agité du bocal qui serait capable de lécher les cailloux rien que par esprit de contradiction."

Ca ce serait du Bruce tout craché comme on dit. Ca doit faire un an que je ne l’ai pas revu, depuis qu’il lèche le cul d’une sorcière qui se croit unique alors qu’elle est d’une banalité affligeante. Bon débarras.

"En parlant de bêtise infinie, il y a un phénomène analogue pas loin, dans le voisinage, on peut aller voir si ça te dit. Par contre ça risque de faire moins près dans ce contexte."

Dis-je en montrant un chemin boueux allant vers ce qui devient bel et bien un marais vues les conditions météo actuelles.

"Un bon accueil, c'est tout ce qu'on lui souhaite, au moins il aura de bonnes raisons de gueuler. En tout cas, si t'avais vu sa gueule alors qu'il essayait de courir plus vite que deux balles de .44, un pur régal."

Répondis-je à propos du retour du dictateur autrichien aux Enfers en embrassant le bout de mes doigts joints comme un chef italien devant son meilleur plat.

Quant à l'anomalie que j'avais sous les yeux, la démone ne sait pas vraiment de quoi il s'agit, elle émet surtout des hypothèses et pour ce que j'en sais, une faille entre deux dimensions ben c'est possible. Par contre pour les écureuils, je me dois de lui dire que ça pourrait être pire.

"Au moins c'est mignon un écureuil, imagine un monde remplit de pimbêches qui parlent de leur vie vingt-quatre sur vingt-quatre en pensant que ça intéresse tout le monde. Ou pire encore, un monde avec des gens qui passent leur temps à se victimiser en inversant constamment les rôles. De quoi devenir dingue."

Oh wait.

"Si c'est endroit est lié à la mort d'Aamon ou à sa disparition au sens plus large, t'as dit qu'il y en avait d'autres. Si c'est bien une sorte de déchirure dans l'espace temps, ça aurait pu arriver à plusieurs endroits en même temps. Je suis loin d'être experte dans le domaine mais j'ai lu et vu beaucoup de trucs la dessus."

Nous faudrait l'aide du Docteur et de son tournevis sonique, moi je dis. Ouais lui, il aurait déjà tout pigé.

"Bruce ? Ouais. En plus de lécher les cailloux, il te proposerait une partie de jambes en l'air en plein milieu."

Dire que j'ai eu de l'espoir pour la licorne en question, j'aurais voulu être capable de l'aider et ça aurait pu être le cas si le cul d'une sorcière n'avait pas plus d'importance à ses yeux que son propre salut. M'enfin bon, on peut pas sauver tout le monde, hein ?

"Ouais, ça me dit, je te suis."

Dis-je en regardant le chemin que Lou désignait avant de faire une légère grimace suite à quoi je décide d'enfiler le bas de mon jean à l'intérieur de mes bottes. On pouvait voir a travers les branches mortes la direction que prenait le chemin et c'est sans mal que je reconnaissais ce qui était le début d'un paysage marécageux. Bon au moins en cette saison, y aura pas de moustiques. Positivité !

En fait j’ai déjà raconté à Mercy comment j’ai tourné en bourriques pas mal de nazillons avant, pendant et après la deuxième guerre mondiale. Sur cette pensée, je grimace quand la chasseuse évoque un monde pire mais alors largement pire qu’une terre uniquement peuplée d’écureuils.

"On dirait que tu décris un peu notre monde l’air de rien."

Ah oui, Lexi aussi connaît la licorne, le seul humain qui croit que son insensibilité épidermique est un atout alors que c’est un handicap et pour le sexe il simule parce qu’il ne doit rien ressentir non plus mais vu son degré de démence, on n’est plus à une incohérence près avec ce loustic qui a préféré être le paillasson de quelqu’un d’autre. Tant mieux, les dingues ne font pas de bons jouets.

"Exactement et on le surnommerait jardiland tellement il se prend de râteaux."

Dis-je avec un sourire entendu. Encore un qui ne comprend pas le mot persévérance, qui veut tout tout de suite et n’a rien du tout au final et "le plaisir" de lécher le cul de pétasses.

"C’est parti."

En effet, c’est parti pour un peu plus d’un quart d’heure de marche difficile dans un bourbier, à s’enfoncer allègrement dans la boue, ce qui me rappelle ce passage d’une chanson.

On dirait que ça te gêne de marcher dans la boue !
On dirait que ça te gêne d’en avoir jusqu’aux genoux !

Là ce n’est tout de même pas le cas mais c’est tout de même gênant et si je ne me téléporte pas, c’est d’abord parce que je dois guider la chasseuse et ensuite parce qu’elle n’apprécierait pas que je l’assomme, même brièvement.

"Ah, respirer le bon air de la campagne."

Ca n’est pas ironique, si ça m’indiffère, ça peut être un réconfort pour un être humain. En principe, ils préfèrent ça à l’air pollué des métropoles.

"Il n’y a pas de cailloux flottants ici."

Dis-je alors quand arrive dans ce qui ressemble de plus en plus à un marais mais là encore il y a une zone clairement délimitée en cercle, avec de la terre toute noire dedans et surtout, des champignons très vilains d’aspect.

"Ces champignons sont tout sauf naturels en effet, ils ne sont pas appétissants et pourtant des locaux en ont mangé."

C’est facile à voir, comme ils n’ont pas pu les extraire du sol, ils ont carrément croqué dedans. Comme quoi, il y en a qui ont encore moins "de la lumière à tous les étages" que Bruce.

"Ca les a rendus addicts alors ils peuvent revenir après demain, demain, d’ici une heure … Ou maintenant."

On entend alors des cris autour de nous, du genre à rendre agréable le crissement du métal sur une ardoise et qui se rapprochent. Ca sent la baston. Un gus apparaît alors dans notre champ de vision, en salopette et armé d’une fourche, un autre porte un bas de treillis et un marcel, il est armé d’une hache. Ils avancent lentement, le regard hagard, ils sont sales comme ce n’est pas permis et une sorte de pus noir coule de leur bouche, de leur nez et même de leurs yeux injectés de sang. Autant dire qu’on n’est pas les bienvenues. Autant dire qu’ils veulent nous étriper et je précise au cas où.

"Ils sont condamnés alors on va éviter le sentimentalisme."

C’est que certains humains seraient capables de les épargner parce qu’on pourrait encore les sauver sauf qu’ici ce n’est clairement pas le cas. Quelle idée d’avoir croqué dans ces champignons aussi ! La bêtise humaine est infinie ! Toujours est-il que j’ouvre les hostilités en attirant à moi "un quasi zombie" avec mon pouvoir de lévitation qui me le livre comme saucissonné et je lui enfonce mon poing dans la tête, y laissant un gros trou.

"Ah ok, ils ont clairement dépassé la date de péremption."

Ouais, j'ai clairement décrit notre monde réel, je me répète, au moins les écureuils c'est mignon même si c'est chiant à observer. Huntfield a cette étrange particularité d'attirer tout ce qui est surnaturel pour ensuite devenir un ramassis de banalité digne d'un mauvais soap opera où le surnaturel devient une excuse pour faire n'importe quoi. Un peu comme si tous ceux qui sont attirés ici étaient touchés par un virus qui rend soit con soit soumis. Ce virus ne m'a pas touché et j'en remercie le Seigneur pour peu qu'il puisse m'entendre, mes proches non plus ne sont pas touchés et de toute évidence les démons tels que Lou non plus. Y a de l'espoir !

"Jardiland, ça lui va comme un gant, surtout avec son humour ras les pâquerettes."

Ajoutai-je en parlant de Bruce avant que nous avancions plus loin dans les bois en direction d'une zone marécageuse. Qui dit marais, dit tourbière et alors que Lou marchait devant moi, me voilà avec un pied embourbé dans l'épaisse mousse imbibée d'eau. D'un mouvement brusque je réussi à me dégager mais j'ai failli y perdre une botte ainsi que la lame que j'y planque toujours. N'ayant rien remarqué, la démone avait continué de marcher en parlant et j'accélère le mouvement afin de réduire l'écart que ce léger incident avait créé. Je reviens à son niveau au moment où nous arrivions à l'endroit désiré.

Comme le fait remarquer Lou, pas de caillou qui flotte ici, mais des champignons très louches. Alors non, je ne suis pas experte en champignons et ne me confiez jamais la tâche d'aller en ramasser pour faire une omelette, je serais capable de vous empoisonnez mais là … ça saute aux yeux qu'ils ont pas l'air comestibles.

"Woa, faut déjà en vouloir pour bouffer ces horreurs à même le sol."

Dis-je en touchant l'un des champignons dont la texture est toute gluante, je retire mon doigt rapidement, ça fait des fils qui collent et qui pendouillent alors à ma main. Immonde. Je m'essuie sur mon pantalon pendant que la blonde démoniaque dit que les gens qui ont croqué là dedans sont devenu accros et qu'il pourraient revenir à tout moment.

"Quand on parle du loup …"

Les cris qu'on entendait n'avaient pas grand chose d'humain, ou plus grand chose en fait. Bordel nous voilà nez à nez avec un remake de la famille Sawyer, manquerait plus que Leatherface avec sa tronçonneuse pour parfaire le tableau. Ok, les Sawyer n'avaient pas ce liquide noir dégueulasse qui leur coulait par tous les orifices.

Lou me conseille de ne pas faire de sentimentalisme parce que ces gens sont condamnés puis elle en attaque un. Sa main passe à travers la tête du champignophile comme elle passerait à travers une pastèque bien trop mûre. Je sais qu'en tant que démone elle a de la force mais là, je suis pas sûre que ce soit normal, ce qu'elle confirme par un commentaire qui aurait pu me faire sourire si l'un de ces tordus n'était pas soudainement apparu dans mon champs de vision et se trouvait bien trop proche de moi à mon goût.

"Pas de sentiments ouais, ça tombe bien, j'ai besoin de me défouler."

Dis-je en sortant mon flingue de son holster avant de le braquer sur un genou du gus à qui il suffisait de tendre les bras pour me toucher. Je tire, lui explosant la rotule, l'homme s'affale alors devant moi, pile à mes pieds. Je l'observe un instant en train d'essayer de me becqueter un pied en mordant dans le caoutchouc de ma semelle. Le forçant à lâcher prise, je lève le pied en l'air, l'homme le regarde s'éloigner de sa grande gueule avec un air déçu, c'est alors je lui écrase le crâne de toute mes forces. Je me retrouve avec un amas de matière cérébrale de couleur noire collée à la chaussure.

Me rapprochant de Lou, je m'apprête à accueillir les suivants. On peut pas les laisser comme ça, ils sont dangereux, condamnés et puis les buter c'est les sauver.

"Faudra se débarrasser de ces horreurs champignonneuses après."

Les brûler peut-être, solution de facilité mais toujours la plus efficace que je connaisse.

Lexi a une dent contre Bruce même si je pense bien que ce n’est pas pour la même raison que moi. J’imagine qu’elle lui a donné une chance de sauver son âme afin de pouvoir retrouver sa famille au Paradis, faisant ainsi éclater l’imposture puisqu’il s’en fiche complètement, seule sa folie compte à ses yeux et le plaisir de se soumettre devant des parodies de sorcières qui se croient toutes puissantes alors qu’elles ne sont rien et même moins que rien.

Ah, la vanité !

Bruce n’avait aucun intérêt pour moi, son âme était déjà non seulement grillée mais carbonisée et en plus il est insensible aussi au sexe et impuissant. Il fait juste semblant. Son gode doit lui coûter un paquet de piles ! Mais revenons à nos moutons enragés. Effectivement, pour se défouler, l’humaine se défoule. Elle est peut-être frustrée sexuellement mais je ne saurais l’aider si c’est le cas. Avec Mercy, je n’ai nul besoin ni l’envie "d’aller voir ailleurs". Je suis étonnée que la chasseuse parvienne à faire ça avec un de nos agresseurs qui sont passés sans transition à l’état de proies, ils sont plus vermoulus que je le pensais. Pour ma part, je me sers de la télékinésie pour les faire s’emboîter les uns dans les autres.

"Pour un peu, ça ferait un césar de chair."

Ca donne une image de ce que je fais de mes victimes. Puis la chasseuse a raison, c’est juste que je ne connais pas ce mots, champignonneuses, ça doit être un mot qu’elle a personnalisé à partir de champignon, ce qui me fait sourire et ça doit être le but.

"Elles ont l’air très inflammables, ces saletés champignonelles."

Ca n’est pas le bon mot non plus mais pourquoi pas après tout ! C’est là que je m’aperçois qu’un des derniers mutants a emporté avec lui un lance-flammes pour nous griller la couenne. Ni une ni deux je le capture avec mon pouvoir de lévitation et l’envoie se fracasser sur le tas de champignons toxiques le plus loin de nous. Son réservoir explose et l’endroit prend rapidement feu. J’ignore si ces émanations pourraient nous affecter mais il vaut mieux éviter de tenter le Diable comme disent les humains !

"C’est l’heure de partir."

C’est d’autant plus vrai que les trois derniers dégénérés encore "en vie" en viennent alors à s’entre-dévorer !

La démone me regarde me défouler, je me demande ce qu'elle se dit à ce moment parce que je dois pas avoir l'air bien nette alors que je suis en train de défoncer la tronche d'un de nos agresseurs jusqu'à en faire de la bouillie cérébrale. Faut dire qu'un crâne c'est censé être plus solide que ça, ils ont du pourrir de l'intérieur après avoir bouffé ces saloperies de champignons.

"Quoi, il était déjà mort, c'est juste qu'il avait pas l'air au courant apparemment. En plus il a abîmé ma botte, regarde moi ça !"

Dis-je avec un sourire en coin afin de justifier la violence dont je venais de faire preuve tout en montrant les traces de morsures dans le caoutchouc de ma semelle toute gluante de bouillasse rose et noire. De toute façon, pourquoi je me justifie, elle n'a rien demandé, Lou, ça a eu même l'air de plutôt l'amuser. Tout comme ça l'amuse d'aplatir nos assaillants en les … compactant, je vois pas d'autre mot. Alors ça c'est crade, bien plus que la cervelle collée à ma botte.

"Très artistique ouais !"

Répondis-je avec une légère grimace de dégoût sans aller jusqu'à m'offusquer de l'aspect peu ragoutant de la chose non plus, ça va, je suis pas une princesse à la con. Si c'était le cas je n'aurais jamais fait ce job, c'est un boulot sale ouais et j'en connais qui se salissent pas beaucoup en préférant donner la priorité à leur petite vie pépère.

"Si on pouvait éviter de cramer le reste de la forêt avec, ça serait pas mal aussi."

Dis-je en riant de la façon dont Lou nomme ces choses qui puent, en plus. Champignonelle, ben pourquoi pas hein, c'est comme moi quand j'ai trouvé comment ne pas répéter quinze fois d'affilé que j'ai buté Hitler, j'ai inventé un mot pour ça, un Hitlericide. Bon ok, je le répète quand même tout le temps, mais au moins, ça varie !

Bref ouais ça serait mieux de pas créer un incendie de forêt, tout étant tellement mort dans ces zones que ça doit flamber comme une allumette. Alors que je pense ça, un guignol munit d'un foutu lance-flammes nous fonce dessus. Ho le con. Repoussé par la télékinésie de la démone, son réservoir explose et voilà que tout s'enflamme.

"Bon ben ça c'est fait. Partir, bonne idée."

Nous nous éloignons donc en courant après avoir jeté un dernier regard aux morts-survivants qui étaient en train de se bouffer entre eux, ça me rappelle quelque chose du coup et je commence à voir pourquoi Lou avait pensé à Hadès. Une fois en sûreté, un chouilla essoufflée pour ma part, je demande une minute à la démone histoire de reprendre mon souffle.

"Je vois pourquoi t'as pensé à Hadès. J'étais dans le village que ce con a attaqué l'an passé, les habitants avaient le même comportement et n'avaient pas l'air plus frais."

Pour ce que j'en sais, avec Aamon et Hadès, tout est possible et cette mission, le jour où je la digère c'est que Hadès sera mort.

"T'as vu d'autres zones comme ces deux là ?"

Demandai-je ayant repris mon souffle assez rapidement, si d'autre danger du genre traînent dans les parages, moi je suis encore d'attaque hein !