IX.03 - Témoin oculaire et olfactif [Jessi]

27 février 2019, midi.

Seattle sous la pluie, ça n’est déjà pas fameux. Dire que les premiers colons croyaient trouver l’eldorado, leur terre promise en allant toujours plus à l’ouest, la fameuse conquête de l’ouest et ils ont trouvé … Seattle. C’est l’endroit où il y a eu le plus de suicides quand les colons ont été stoppés par l’océan indien, par toute cette humidité, toute cette pluie. Ca n’était pas ce qu’ils espéraient. Seattle fin février est sous la neige. Autant dire que je suis couverte, très couverte. Comme on dit, sortez couverts !

Passons.

Je suis venue à Seattle pour récupérer une plante expérimentale qu’un laboratoire privé n’aurait ni vendu, ni loué, ni prêté. Je le sais. Il n’y a pas à tenter de se convaincre qu’on la science infuse ni qu’on est un thé en infusion pour le comprendre. Je ne prêterais pas mes résultats à moi que ce sont les miens, ils ne prêteraient pas les leurs. Par contre ils montrent certaines avancées de leurs travaux à leurs confrères et consœurs.

Ah, l’orgueil, le pêché favori du Diable.

Il se trouve que je suis dans le métier, travaillant officiellement en tant que préparatrice de médicaments pour Big Pharma avec un grand B et avec un grand P pour Beaux Profits pour la famille Cole, la mienne en tout cas, pas celle qu’on ne voit plus depuis onze générations. C’est en tant que visiteuse que je fais la connaissance des locaux de ce laboratoire et que je dérobe au final un échantillon de la plante expérimentale. Appelons un chat un chat, c’est du vol.

Je commets mon forfait sans utiliser le surnaturel, sans le soutien de Mercy ou de sa petite amie que je préfère éviter parce qu’elle m’inquiète toujours quelque peu. Quand Lou me regarde, elle me fait penser à un chat qui observe une souris et qui fait mine de la laisser passer parce qu’il donne l’impression d’être repu, alors la souris passe et d’un coup de patte du félin, la souris trépasse. Je crois qu’on appelle ça l’instinct de conservation.

En plus de par ses implications possibles dans le surnaturel, il y a un risque que le vol attire l’attention d’un ange alors il vaut mieux la jouer justement sans faire appel au surnaturel. Je ruse donc pour manipuler des proches d’employés du laboratoire, faire de deux d’entre eux un complice involontaire et faire sortir l’échantillon en jetant la suspicion sur un troisième larron qui n’a rien à voir dans l’affaire. Ceci fait, j’attends tranquillement le moment d’aller chercher incognito l’objet convoité quand j’apprends que quelqu’un pose des questions sur ce vol et semble survoler toutes les fausses preuves que j’ai soigneusement placées comme si elles n’existaient pas.

Un ange … Ou une chasseuse futée ?

Sûrement pas une femme de lettres parce qu’il n’y en a pour ainsi dire plus en Amérique depuis que les pandoriens établis à Huntfield ont été totalement discrédités suite à la perte de la boite de Pandore. Toujours est-il que je retourne en tant que visiteuse pour compatir des malheurs du laboratoire, en somme pour remuer le couteau dans la plaie et pour repérer la personne qui enquête sur le vol. Je précise, pour la repérer et pour l’éviter mais des fois dans la vie, on fait ce qu’on peut, pas ce qu’on veut.

Ca me rappelle vaguement une chanson.

Il neige et il vente aussi beaucoup quand je vais sortir du laboratoire. Je crois que quelqu’un est sur mes pas mais comme je ne suis pas supposée l’avoir repérée, d’ailleurs c’est juste une sensation, il me suffit de faire quelques pas dans la ruelle la plus proche pour éviter ce contact et mon intuition féminine me souffle que je ferais mieux de ne pas rencontrer cette personne. Qu’on appelle ça ainsi ou tout simplement l’instinct, je préfère m’y fier sauf qu’une rafale bien brutale me pousse alors dans la direction d’où je viens, soit à l’intérieur et pile dans les bras de cette personne qui a ainsi réussi par un coup du sort à me mettre la main dessus.

"Woa, merci."

Que dire d’autre sur le moment, après tout il n’y a pas écrit "voleuse" sur mon front et c’est normal de dire merci à celle qui m’a évitée de me faire mal en tombant sur le dallage du hall d’entrée. Je regarde cette femme en cherchant "machinalement" la présence du badge sur elle qui me confirme qu’il s’agit également d’une visiteuse et c’est le cas parce qu’elle ne fait clairement pas partie du personnel. Jessica Williams, ça ne me parle effectivement pas mais je ne suis pas censée le savoir.

"Bonjour … Ce n’est pas loin de devenir une tempête ... C’est bon, vous pouvez me lâcher ..."

Je ne risque plus de tomber en effet et après un regard dehors ou plusieurs parapluies volent sous des coups de vent de plus en plus violents, je ne risque pas de sortir sous ce qui semble devenir effectivement une tempête de neige.

Seattle, une ville qui n'éveille quasiment rien en moi, c'est pas que je l'aime pas, c'est juste que … ben … bof quoi. Et ça ne vient pas de la pluie ni du mauvais temps qui y règne en général, moi j'aime bien la pluie, non c'est la ville elle-même qui ne me fait aucun effet, ni bon, ni mauvais. Mais alors qu'est-ce que je fais ici ? Ben j'enquête, quelle question, j'ai suivi la piste d'un artefact, dommage qu'il s'agissait d'une fausse piste. C'est vraiment trop bête !

Ceci dit, je suis loin d'avoir perdu mon temps puisque sur place j'ai pris connaissance d'une affaire de vol dans un laboratoire. Un vol qui n'avait rien de surnaturel, mais vu le genre de produit volé, je me suis dit que je pourrais m'en mêler. Si un humain tente d'empoisonner ou de balancer une sorte de virus sur toute la ville, ça fait partie de mes devoirs d'ange de l'en empêcher. Nous n'existons pas que pour nous battre avec des démons ou autres créatures malfaisantes, ça, c'est un gros cliché. Je n'aime pas les clichés.

J'avais donc décidé de mener mon enquête au sein même du laboratoire qui avait été dépouillé de l'une de ses plus importante recherche selon les infos que j'avais déjà récolté. J'ai utilisé mon statut de chasseuse de primes puisque les responsables du labo avaient décidé d'offrir une belle somme à qui trouverait le voleur mais surtout son butin. Ce n'est pas le genre d'affaire dont j'ai l'habitude mais une enquête reste une enquête et puis la somme offerte pourra toujours servir quelque part où des gens ont besoin d'argent, même si j'en garderai une part pour nos besoins à Charlie et moi. Je gagne pas trop mal ma vie mais je roule pas sur l'or, loin de là quant à Charlie … ben pareil.

Me voilà donc sur la piste du voleur, inspectant tous les indices que je trouve ici et là, la plupart ne menant absolument nulle part et les restants semblants désigner un coupable tout trouvé, sauf que je n'ai pas de preuve directe et qu'après m'être renseignée, je ne vois aucun mobile pour l'homme en question d'avoir commis ce vol, à moins que ce ne soit sous la contrainte. Bref, il me faut plus d'infos et surtout de preuves valables.

Alors que je suis en train d'interroger un laborantin qui me jure sur Dieu ne rien savoir, je vois une jeune femme passer a quelques pas de nous, je pensais avoir questionné tous les employés et je n'ai pas souvenir d'avoir parlé a cette demoiselle.

"Je vous crois, merci pour votre aide. Par contre évitez de jurer sur Dieu, il est pas commode."

Je quitte alors l'homme qui me regardait soudainement bizarrement pour me diriger dans la direction de la jeune femme qui continuait de marcher et à bonne allure. Un peu plus et j'allais avoir besoin de courir pour la rattraper !

Finalement, j'en aurai pas besoin puisqu'à peine dehors la jeune femme était à nouveau dedans suite a une bourrasque de vent qui l'avait repoussée à l'intérieur. Vu sa taille, elle ne devait pas peser bien lourd et je m'en rend compte quand elle se retrouve dans mes bras que j'avais tendu par réflexe pour lui éviter de s'aplatir sur moi.

"De rien Miss … Cole."

Dis-je en lisant le badge de visiteur que portait la demoiselle. Cassandra Cole, je n'ai vu ce nom sur aucun registre, mais bon, elle n'est pas la seule, à croire que ceux qui s'en occupent de ces registres passent plus de temps à la machine à café qu'ailleurs, c'est d'un sérieux pour ce genre d'entreprise …

"Ho, désolée."

Ajoutai-je quand Mademoiselle Cole me dit que je peux la lâcher, ce que je fais immédiatement. Évitons un malentendu, ça serait mieux.

"C'est vrai que ça devient violent dehors, il semblerait qu'on soit coincés ici le temps que ça passe. En espérant que ça ne dure pas une journée entière."

Ceci dit, inutile de tourner autour du pot en parlant de la météo même si pour le coup il y aurait de quoi en parler. Je me présente donc à Cassandra.

"Je m'appelle Jessica Williams, je suis ici pour enquêter sur un vol, vous avez du en entendre parler. J'ai déjà un suspect à vrai dire mais j'ai besoin de témoignages solides et de preuves directes, en tant que visiteuse vous avez peut-être vu ou entendu quelque chose ? Quitte à être coincés ici, on pourrait en parler autour d'un café, j'ai vu une machine là bas."

Disi-je à la demoiselle en souhaitant qu'elle puisse me fournir la pièce manquante du puzzle.

Finalement, il s’agit bien de l’enquêtrice sur le vol et j’ai eu plutôt de la chance de ne pas lui avoir échappé en sortant du laboratoire. J’ai même eu clairement de la chance parce qu’à son regard, je vois déjà beaucoup de détermination, du genre qu’elle aurait fini par me mettre la main dessus et c’est mieux maintenant qu’une fois en possession de l’échantillon, et encore plus si elle trouvait mon mini labo mobile ! Puis elle me voit comme un témoin, pas comme une suspecte, sans doute sait-elle déjà que je n’ai pas mis un pied dans la zone de recherche et développement.

"Bien sur, je vous apporte mon témoignage mais il vaut mieux qu’on ne se pose pas devant un café sinon je vais m’effondrer, je dors trop peu et à la moindre pause, je serais hors service et non, le café ne me fait guère d'effet."

C’est la vérité, je peux témoigner pour le vol, à ma façon certes et c’est aussi la vérité pour mon manque de sommeil qui doit se voir malgré le maquillage censé dissimuler les cernes. C’est là qu’un des chercheurs, Larry Smith, un grand mince avec les cheveux en bataille et qui semble porter une blouse blanche trop grande pour lui, vient vers moi avec un grand sourire. Vu comment il nage dans sa blouse, il est un petit peu plus que mince.

"Miss Cole, quelle joie que vous ne soyez pas encore partie. Sentez-moi ça et dites-moi ce qu’il y a dedans."

Demande-t-il sans la moindre gêne de déranger une conversation en cours avant de placer un flacon dont il vient de retirer le capuchon. Je soupire et renifle l’odeur qui en émane.

"Jasmin, lys et bergamote."

Ca l’étonne toujours autant et il se retire en vantant mon nez.

"Je n’étais pas présente le jour du vol mais la veille, j’ai noté que les employés étaient plus agités que d’habitude et sans raison valable comme une inspection sur la qualité de leur travail, de la sécurité ou pire encore, le fisc."

Dis-je en faisant les gros yeux pour un effet comique voulu en effet. C’est là que le même gus tapote sur mon épaule et me fait sursauter. Je ne m’attendais pas à ce qu’il revienne si vite ! Je manque défaillir en sentant le contenu du nouveau flacon.

"Ca pue ! Ortie puante, anthémis fétide, ginkgo et un zeste d’hellébore fétide."

Rien qu’à leur nom, on se doute que ça ne sent pas la rosée du matin, alors une combinaison … En tout cas, ça le sidère.

"Ma parole, vous avez le nez de Grenouille dans le parfum !"

En entendant ce qui se veut être un compliment mais c'est manqué, je grimace.

"Merci de me comparer à un psychopathe … Si vous pouviez éviter de m’agresser encore une fois, je risque de perdre mon odorat pendant au moins une semaine, or l’enquêtrice a besoin de mon témoignage oculaire et peut-être olfactif aussi. D’ailleurs je ne sais pas pour elle mais je vais avoir besoin de l’accès à la zone interdite au public si vous voyez ce que je veux dire. "

Le chercheur voit ce que je veut dire et se tourne vers Jessica Williams pour lui demander son accord en ce sens. En plus je ne sais plus ce que je voulais dire à l'enquêtrice avec son interruption mais ça devrait me revenir.

La Miss préfère éviter le café, ma foi je vais pas la forcer, ceci dit en l'observant je me dis que c'est pas d'un café dont elle aurait besoin mais de quelques jours complets de sommeil, ce qu'elle confirme en disant qu'elle dort trop peu. Les humains et l'insomnie c'est tout une histoire, heureusement que je n'ai pas ce genre de problème.

Donc pas de café, dans ce cas peut-être que la demoiselle pourrait m'accompagner là où je comptais me rendre si je ne l'avais pas vue passer par là. J'allais lui demander si elle pouvait me suivre quand un laborantin se la joue sans gêne et nous interrompt pour faire renifler un échantillon à la visiteuse et qui repart comme il est venu une fois satisfait de la réponse de Cassandra. Elle est douée la petite, enfin, je veux dire qu'elle a l'air jeune quoi, je parle pas de sa taille. Oui bon, je vois même pas pourquoi je me justifie, je l'ai pas dit à voix haute …

Le chercheur parti, la jeune femme m'explique que le personnel était bizarre la veille du vol et je souris quand elle mentionne que si ça se trouve c'était à cause d'une inspection du fisc mais nous sommes à nouveau coupées par le même chercheur avec un nouvel échantillon cette fois. Je pouvais sentir ce machin sans avoir à m'approcher et moi aussi je sais différencier les odeurs, c'est juste que contrairement à Cassandra, je n'ai aucun mérite, tous les anges en sont capables, c'est même assez pénible quand on essaie d'avoir une odeur d'ensemble vu que nous sentons chaque élément qui compose un tout. J'ai un sourire quand l'homme compare la Miss à une grenouille mais je ne dis rien parce que j'ai l'impression de clairement rater une blague évidente. Si évidente que la jeune femme le remercie de la comparer à un psychopathe, ouais, j'ai beau avoir une culture humaine assez vaste pour le coup, j'ai rien capté ! Je demanderai à Google plus tard.

"Si on parle bien du département R&D, alors oui, j'ai besoin d'y accéder moi aussi. Mais faites voir votre échantillon là ?"

Demandai-je à l'homme qui me le tend alors tout joyeux que je m'intéresse moi aussi à son travail.

"La vache ouais ça pue, ça pourrait être utile dans mon boulot, genre pour forcer un "client" à sortir de sa planque … par contre il me semble sentir une toute petite pointe de pamplemousse, je me trompe ?"

Quoi, je suis pas une grenouille mais si le pamplemousse a échappé à Cassandra, à moi non et je me rends soudain compte que je n'aurais peut-être pas du le dire vu la tête que tirent le chercheur et Miss Cole.

"Bon, ce département recherches et développement, on y va ?"

Ajoutai-je directement pour couper court à la chose.

Escortées par le chercheur, nous voilà donc au département R&D, on nous donne un nouveau badge permettant a tous de savoir que nous n'étions pas là en touristes perdues. Pour moi, dans cette zone tout le monde est suspect.

"J'ai cru comprendre que le bureau de la sécurité se trouvait dans cette zone, je vais avoir besoin de vérifier les vidéos de chaque entrée et sortie de tous les employés, que ce soit pour l'accès à ce département mais aussi l'entrée du bâtiment même."

Dis-je alors à l'intention du chercheur dont l'aide n'était plus vraiment nécessaire après ça, mais qui semblait ne plus vouloir nous lâcher.

"Miss Cole, vous alliez me dire quelque chose tout à l'heure, avant qu'on soient interrompues …"

Rappelai-je à Cassandra, espérant qu'elle n'avait pas oublié ce qu'elle comptait me dire.

Jessica Williams sent aussi le contenu du flacon et sans surprise, elle n’apprécie pas non plus. Je devine à ses propos qu’elle est une chasseuse de primes, cette enquête doit être une sorte d’extra pour elle. Par contre je suis surprise et je ne suis pas la seule quand elle ajoute que ça sentirait une pointe de pamplemousse. Ca n’a pas d’odeur, c’est censé être neutre mais je souris en comprenant qu’elle a été mise au parfum pour ainsi dire.

"C’est un composant neutre, je vois que quelqu’un a bien fait ses devoirs."

Ca rassure aussi le gus qui se retire. L’autre explication serait que Jessica Williams a lu l’aura du flacon et même si je ne dois pas voir du surnaturel partout, je garde cette information en mémoire, des fois que, au cas où. Puis nous sommes acceptées dans la fameuse zone de R&D et je suis ravie de ne pas avoir à enfiler une tenue de protection avec masque et gants, tout ça. Même si les nouveaux filtres font des merveilles, ça veut dire qu’on ne pourra pas entrer dans la salle de manipulation proprement dite des produits mais qu’importe. Il nous suffit de ne pas porter de laine et une blouse blanche. Jessica Williams me rappelle alors ce que je voulais dire avant d’être interrompue, du moins me demande-t-elle ce que je voulais dire à ce moment précis, celui où j’ai été interrompue.

"Oui je disais que je n’étais pas présente le jour du vol mais la veille, j’ai noté que les employés étaient plus agités que d’habitude et certains l’étaient plus que d’autres."

Le visionnage des caméras ne me montre pas l’arrivée surnaturelle d’un démon ou d’un ange mais les différents spectres utilisés me confirment l’utilisation d’une protection contre les démons et je ne montre pas que je reconnais ces signes parce que je ne suis pas censée les connaître. Si un ange était venu, il doit se faire passer pour un humain et ne pas s’être déplacé directement dans le laboratoire. Qu’importe pour le moment, ça me confirme autre chose que je montre à Jessica Williams avec un grand sourire.

"Haha, il y a des angles morts et des employés s’y sont attardés."

Rien que ça justifiait ma présence en ce lieu mais ce n’est pas tout, c'est juste qu'on ne peut pas voir précisément qui l'a fait sans que ça cache quelque chose et qui manigançait quelque chose sauf que je peux séparer en quelque sorte "le bon grain de l'ivraie".

"Les murs sont imprégnés régulièrement d'une légère substance désinfectante et les gens qui ont parlé à l'abri des caméras se sont forcément appuyés contre par confort. Comme chaque blouse est numérotée et accordée à une personne précise, je saurais de qui il s'agit en sentant les blouses portées ce jour-là."

Comme il y a une rotation des blouses, il me semble qu'elles ne devraient pas être lavées avant la semaine prochaine.

Miss Cole affirme que les employés étaient plus agités que d'ordinaire la veille du vol, en soi les raisons pourraient être nombreuses, y compris la pleine Lune malgré ce que les humains en pensent, non il n'y a pas que sur les créatures comme les lycans que l'astre a un impact. Tiens, en parlant de lycan, y en a pas un qui m'avait promis une chasse ou deux ? Il a du oublier l'ange qui essayait de l'aider à comprendre comment maîtriser ses transformations. Sûrement même. Comme on dit : tant pis ! Bref revenons à notre affaire où de toute façon ça n'était pas la pleine Lune ce jour là. De plus dans ce laboratoire il y a plus de composants pouvant avoir ce genre d'effet sur les gens que dans l'arrière boutique d'une dealer de drogues.

Les vidéos témoignent de plusieurs choses, tout d'abord ce que j'avais déjà remarqué, le labo est protégé contre les démons. Pas contre les anges, une chance pour moi, ceci dit je me demande pourquoi protéger contre l'un et pas contre l'autre vu que ce qui se passe ici ne semble pas très catholique quoi ! En vérifiant les entrées et sorties, je peux voir que comme elle le disait, la jeune femme n'avait pas mis un pied dans le bâtiment le jour du vol. Heureusement pour moi, je n'avais pas eu la bonne idée d'arriver dans le labo directement sans quoi ça aurait été louche de ne pas me voir sur les vidéos. Très louche même ! On peut aussi remarquer comme le souligne Cassandra que les caméra ont des angles morts dont profitent certains de toute évidence.

"C'est une bonne piste, décidément vous avez du flair, Miss. Sans jeu de mot."

Précisai-je en souriant. Tout à l'heure, la jeune femme a pensé que j'avais été informée de la composition du flacon que le laborantin lui avait demandé de sentir, ce qui n'était pas le cas mais ça m'arrange qu'elle le croit, je vais éviter d'en rajouter en disant pouvoir me passer de son aide pour la suite. Discrétion, mon deuxième nom.

"En tout cas merci beaucoup pour l'aide que vous m'apportez, si vous saviez combien de fois les gens préfèrent se la jouer "j'ai rien vu, rien dit, rien entendu" plutôt que d'aider quelqu'un comme moi à faire son travail … j'ai des fois l'impression que les chasseurs de primes ne sont pas pris aux sérieux."

Du moins jusqu'à ce qu'un abruti qui se croit au dessus des lois se retrouve avec un Desert Eagle sous le nez, voire même dans le nez.

"Allons donc vérifier ces blouses, je vous suis, vous connaissez l'endroit mieux que moi."

Dis-je avec un signe indiquant à la demoiselle de passer devant alors que nous sortions du bureau de la sécurité.

"Merci, je me débrouille."

J’ai du flair mais je pas celui de créatures comme les porteurs de peau, les loups garous et les vampires, ce que je ne peux évidemment pas dire à quelqu’un qui ignore qu’ils existent vraiment. Je souris poliment à mon interlocutrice même si je n’ai rien compris à son jeu de mots, dans le sens où je ne vois pas où elle a dit un jeu de mots, ainsi je souris poliment parce que je n’ai pas saisi cette précision. Il est vrai au demeurant que ma spécialisation, mes études ont été chronophages et ont du nuire à ce qu’on appelle la culture générale, d’autant que je ne me suis guère intéressée qu’à mon travail. Par contre je souris plus spontanément quand la chasseuse de primes me parle des difficultés liées à ses investigations.

"A mon avis, vous devez les intimider puis ils doivent être pressés de rentre chez eux pour regarder une série Netflix. Ca n’est pas mon cas et vous savez, même un sainte, une sainte peut avoir une raison personnelle d’aider autrui."

Mon premier but est d’induire l’enquêtrice en erreur parce qu’après tout c’est moi qui ai dérobé l’échantillon mais je me rends compte qu’il y a autre chose, c’est juste que je ne sais pas encore ce que c’est, il s’agit de l’amorce d’un ressenti pour le moment. On sort de la zone privée et effectivement, je m’y retrouve davantage à ce moment-là.

"Par ici."

En fait à partir de ce moment-là, nous suivons en quelque sorte la route de la blouse blanche et notre environnement semble devenir de plus en plus exigu. C’est dans un monte charge pour une personne mais tellement lent qu’on s’y tient à deux que je me rends compte que si je ne suis évidemment toujours pas attirée par les femmes, je préfère les bananes aux abricots, Jessica Williams me procure une étrange sensation d’apaisement, sans être soporifique, elle me donne envie de dormir !

"Arrêtez tout !"

Dis-je la première au personnel d’entretien avant qu’ils fourrent les blouses blanches que nous cherchions une fois hors du monte charge. Bien qu’intrigués par notre présence, ils obtempèrent après avoir demandé à Jessica Williams la preuve qu’elle enquête sur ce vol et on refait le chemin en sens inverse.

"Je n’aurais pas pu aller les chercher seule."

Je dis ça avec un air navré mais faux puisque si la chasseuse de primes est nettement moins confortable que moi dans le monte charge de par sa taille, cette promiscuité m’a permis de comprendre mon ressenti de tout à l’heure et qu’une idée germe dans mon esprit. Ceci dit, j’étudie les blouses pendant la remontée et je fais part de mon analyse à la femme puisque nous sommes alors quasiment joue contre joue.

Promiscuité.

"On tient les suspects. Vous voyez cette trace rouge sur le col de l’homme ? C’est une trace de rouge à lèvres qu’on a tenté de faire partir pas assez bien. Ils n’ont pas fait que discuter."

Les deux blouses en question appartiennent respectivement à un homme et à une femme. En interrogeant le personnel et les deux chercheurs en question, Jessica Williams va découvrir qu’ils sont tous les deux mariés et que leur infidélité leur coûte un bras pour reprendre l’expression. De là à dérober un certain échantillon et à le vendre pour arrondir "les fins de mois", il n’y a qu’un pas.

"Madame Williams, vous êtes très apaisante et je ne dis pas ça pour vous draguer."

Je le précise parce que j’ai repéré son alliance et pour qu'elle ne se méprenne pas quant à mes intentions.

"Ca ne vous dérange pas si je vous assiste davantage pour cette enquête ?"

Il est vrai que sur un plan individuel, j’ai suffisamment mis l’enquêtrice sur une fausse piste qui me permettra de faire d’une pierre trois coups en inculpant deux humains en situation d’adultère et c’est pour ça qu’ils se cachent mais sur un plan tactique, ça serait une erreur de quitter aussi vite la chasseuse de primes alors qu’elle pourrait avoir encore besoin de moi.