IX.03 - Au stand de tir [Alexis Richter]

Mardi 26 février, 14h.

Je retrouve Lexi au stand de tir à l’arc ce début d’après-midi. Le temps est hivernal dehors aussi ça va décocher des flèches dans le bâtiment en attendant le retour des beaux jours. Je commence à me sentir mieux, à tourner la page et je crois que c’est pareil pour mon amie. Même si elle l’a moins connu que moi, c’est difficile de dire adieu à un père de cœur, surtout quand il est définitivement incapable de reconnaître son entourage.

Alzheimer.

Il resterait la famille de cœur mais ça ne sera plus pareil sans lui alors chacun fait sa vie de son coté et c’est mieux comme ça, surtout avec la chienne qui a osé dire que Lexi ne l’aimait pas alors que c’est la créature qui ne lui a laissé d'emblée aucune chance.

La jalousie.

Il y a Jessi et Lexi dans ma vie et ça me fait chaud au cœur quand je vois ma meilleure amie, la plus badass des chasseuses.

"Hey !"

Tout sourire, je saute au cou de Lexi et je lui colle une bise sonore sur chaque joue, du coup ça fait deux bises ouais.

"Ca va mieux ? Perso, mon moral est revenu au niveau du jour où n’a buté Hitler !"

Je ne me lasserai sans doute jamais de le dire, encore, encore, encore et encore et je pense bien que Lexi aussi ! On entre, je dis bonjour aux tireurs que je connais et donc pas mal de monde, il y a toujours pas mal de peuple ici qui s’entraîne dans la joie et la bonne humeur. C’est moins festif que la fête de la saucisse mais il y a tout de même un esprit festif, bon enfant. Je présente ma meilleure amie, ben ouais !

"Tu as un peu pratiqué, tu as appris sur le tas ou pas du tout ? C’est aussi pour voir quel matos te filer."

Les débutants sont orientés vers un arc monobloc en plastique ou en bois alors que les archers confirmés ont tendance à opter pour un modèle démontable, le plus souvent en matière composite avec de l’acier, de l’aluminium ou à poulies. Après ce n’est pas gravé dans la pierre et chacun a ses affinités. Perso j’utilise un arc qui a l’air d’être fait en métal liquide, design, puissant, précis quand on est suffisamment aguerri, ce qui est à nouveau mon cas puisque j’ai pu reprendre l’entraînement il y a à présent bientôt un an.

Je me souviendrai toujours du dernier anniversaire de Charlie et sans aucun doute pas pour les mêmes raisons qu'elle s'en souviendra. Ho ça oui, l'ambiance était festive, mais c'est ce jour là que j'ai compris que cette famille de cœur ne serait jamais la mienne. J'ai tenté, j'ai fait de mon mieux ouais, j'ai même fait dans le déni alors que l'évidence était juste là devant moi. Cette évidence étant que je n'avais pas ma place dans cette famille et que si Charlie n'avait pas été celle qui était fêtée, jamais je n'aurais été invitée. Ont-ils tenté de me connaître ? D'apprendre un minimum mon histoire ? De savoir qui je suis en sommes, ben non, non et non. Je ne parle ici que de ceux que Bobby appelle ses enfants de cœur et dont je faisais partie moi aussi, tout comme la jeune rouquine ouais. Si le vieil homme ne l'a pas vu, que ses mioches de cœurs ne voulaient pas de moi dans la famille, c'est pas à moi de lui dire. Je n'ai jamais eu l'intention de m'imposer alors je ne m'impose pas et c'est réglé. D'ailleurs ça n'a pas l'air de gêner grand monde, personne ne vient me chercher quoi.

Bref, à cet anniversaire, j'avais offert un arc à ma meilleure amie. Plus jeune, Charlie était douée à l'arc, la nature l'avait empêchée de continuer, mais depuis son opération, la nature n'avait plus son mot à dire et la jeune femme pouvait à nouveau utiliser cette arme sans contrainte et aujourd'hui nous allions nous entraîner ensemble.

Ça risque d'être moche de mon côté.

"Salut !"

Dis-je juste avant que la jeune chasseuse me saute au cou pour me faire deux bises bien bruyantes, une par joue ouais, pas de jalouse. L'air de rien, elle m'a appris à ne plus me sentir mal à l'aise en recevant ce genre de démonstration d'affection, avant de la connaître j'aurais eu comme réaction de me raidir comme un foutu bout de bois. Je lui rends ses bises avec joie.

"La pilule va finir par passer. De toute façon ça va toujours mieux quand je vous vois toi et Jel. Et ouais, on lui a bien maraver sa race au fourreur, de quoi péter la forme à vie."

Répondis-je avec un grand sourire en me souvenant encore du moment précis où la surprise était passée dans le regard du dictateur avant que se soit deux balles qui y passent. Un pur régal à chaque fois que je revois la scène mentalement.

En entrant au stand de tir, je salue d'un signe de tête tous ceux que la rouquine semble connaître puis la voilà qui me demande quelle expérience j'ai au tir à l'arc.

"Heu … les jeux vidéos, ça compte ? Parce que si oui, je suis hyper douée !"

Dans la vraie vie, la dernière fois que j'ai tenté d'utiliser un arc, j'ai pas franchement brillé par mon talent et la cible bougeait même pas.

"Plus sérieusement, tu vas devoir me montrer."

Ajoutai-je en accentuant mon sourire comme s'il s'agissait d'un défi pour Charlie. Quelque part c'en est un, si avec ses conseils j'arrive à toucher la cible, je lui offre un truc, je sais pas quoi mais un truc parce que c'est digne d'être salué et correctement !