III.01 Les démons de minuit

Asmodée acheva son verre de martini cul sec, laissant la brûlure de l’alcool le long de son œsophage le distraire suffisamment pour qu’il ne prête plus attention au groupe qui se donnait en spectacle sur scène. Ces amateurs étaient un véritable supplice à écouter et l’ambiance commençait à s’en faire ressentir parmi les clients présents ce soir là. Toute cette cacophonie et ce manque de talent n’étaient pas bons pour les affaires. Que n’aurait pas donné le déchu à cet instant précis pour voir apparaître Naxx et ses musiciens sur l’estrade ? Eux auraient su remonter à bloc toute cette foule devenue à moitié léthargique et insuffisamment alcoolisée. Malheureusement, Asmodée n’avait plus de nouvelle de son associé depuis plusieurs semaines à présent. Il n’avait pas non plus entendu d’information au sujet de son groupe se produisant dans la région. L’avatar de la Luxure avait la fâcheuse impression qu’il était arrivé quelque chose de très mauvais à Naxx, et que dés lors, il devrait composer sans lui.

La chaleur de l’alcool acheva de se dissiper, ainsi que la distraction qu’elle entrainait. A présent, c’en était trop. Asmodée ne laisserait pas une soirée être ruinée par une bande de clampins incapables de se servir de leurs dix doigts. Le déchu déposa son verre vide sur le bar et le poussa pour le faire glisser jusque devant le barman. Le signe était clair : il fallait le resservir et vite. Mais avant que ce ne soit fait, le déchu se retourna en direction de l’un des molosses en t-shirt noir, chargés d’éviter tout dérapage non consenti par le maître des lieux. D’un sifflement, il attira son attention. S’en suivit un mouvement horizontal de la main au nouveau de la gorge, le déchu voulait qu’on mette un terme à ce désastre. Quelques secondes plus tard, le groupe crappy était dégagé manu militari de la scène sous les applaudissements approbateurs et les huées de la foule. La violence était également un excellent moyen d’attiser les pulsions des humains. Devant le phénomène, Asmodée retrouva son sourire, piocha l’olive piquée d’un cure-dent de son nouveau verre et croqua devant avec satisfaction.

Un DJ vint alors prendre place et se chargea de sauver la situation. S’il échouait, il savait pertinemment quel sort lui serait réservé. Par chance pour lui (mais également pour les affaires du déchu), il connaissait son métier et remédia rapidement au naufrage de ce début de soirée.

Les choses étant rentrées dans l’ordre, Asmodée soupira de soulagement et se dirigea en direction de son carré VIP, son verre à la main. A mi-parcours, il ressentit une présence bien particulière, une aura sombre et impie comme seuls les démons en généraient. Le déchu s’immobilisa au milieu de la foule et balaya du regard les individus autour de lui. Cette présence ne lui était pas familière, il s’agissait donc d’un démon à découvrir, à connaitre. Mais qui était-il parmi tous ces humains avides de faire la fête et de s’enivrer ? L’ambiance de nouveau au beau fixe, les clients autour du Gardien des Plaisirs s’étaient lancés dans des danses endiablées tant attendues, rendant difficile la localisation du fameux démon. Calmement, Asmodée porta sa boisson à ses lèvres, continuant d’épier la foule par-dessus son verre. Les effets de lumières des projecteurs et des lasers combinés à la fumée artificielle et aux mouvements des chorégraphies rendaient les choses particulièrement complexes.

Se concentrant, le déchu sembla finalement trouver la source de cette aura. Un homme au visage anguleux et à la stature athlétique était accoudé seul à une table haute. Il avait cet air que les gens ont lorsqu’ils font mine de chercher quelque chose juste pour paraitre occupé, ce qui amusa le démon tentateur. Fendant la foule d’un pas serein, Asmodée se rapprocha du démon, sourire aux lèvres. A présent qu’il était tout proche du sujet de sa curiosité, le bonhomme avait une carrure encore plus impressionnante. Mais loin d’être intimidé, l’Avatar de la Luxure planta son regard vert-noisette dans les yeux cristallins de son client surnaturel. Rencontrer de nouveaux démons était toujours quelque chose d'intéressant. C'était également l'occasion d'étendre son réseau d'influence.

« Bonsoir et bienvenue au Decadencia. Puissent chacun de vos plaisirs être satisfaits au-delà de vos espérances. Je suis Asmodée », lui annonça le déchu de sa voix enjôleuse.

Dans un même temps, l’Exilé de l’Eden tendit la main en direction du démon. Imperceptiblement, le sourire du déchu s’étira, sachant d’avance ô combien le contact de cette main chargée de dépravation pouvait évoquer le plaisir chez quiconque s’en saisissait.

« Que pouvons-nous pour vous … mon ami ? »

Les Démons de Minuit

ft. Asmodée & Éleazar

La nuit était bien présente quand Éleazar décida de sortir de sa villa pour se diriger au centre-ville. Il venait de sortir de son sous-sol où il avait pu s’amuser deux petites heures sur un charmant humain qu’il avait dégotté deux comptés plus loin après plusieurs journées d’observations du spécimen. Depuis que Percy était mort, il avait l’impression que son disciple lui avait refilé la patate chaude et il ne savait pas trop qu’en faire. Fallait-il s’engager dans une faction ? Non… Elles n’existaient plus depuis le retour de Lucifer. Fallait-il prendre part au groupe du grand démon ? Tant de questions qui tournaient dans sa tête que le tout lui donnait l’impression parfois d’exploser. Pour se calmer et se reprendre, le Grec passa d’abord sous la douche pour profiter d’enlever toute trace de sang ou d’odeur de globule rouge possible afin d’éviter des soupçons et c’est après une bonne vingtaine de minutes qu’il en sortit, un linge autour de sa taille. Lorsque le démon avait choisi de sortir, il le faisait comme un humain. Il prit alors le temps de se raser avec précaution sans couper cette fichue peau fragile qui constituait cette enveloppe qui était parfois si fragile. Malheureusement, ce n’était pas comme dans les jeux que les humains avaient inventé où ils avaient le droit d’avoir des jokers pour se sauver de situation bien embarassante. Une fois coupé, la peau le restait jusqu’à cicatrisation, même si la leur était plu rapide. Il se rendit dans sa chambre pour aller faire un tour dans le dressing-room et prendre une tenue adéquate pour aller en boite. Un simple tee-shirt noir avec un motif sympa, un jeans unicolor foncé et ses fameuses Palladium et l’Européen était prêt à fouler la piste de dance du Decandancia. Il fit un rapide stop dans la salle de bain pour essayer de dompter sa tignasse rebelle mais il abandonna au bout de quelques minutes sachant qu’il allait s’énerver rapidement.

Agilement, il prit les clefs de sa voiture et démarra le moteur pour le faire ronronner avant de partir où se trouvait cette fameuse discothèque. Même si cette carcasse d’acier ne lui prodiguait pas des sensations similaires à la bagnole qu’il avait à Paris, il était content de l’utiliser. C’était ridicule de comparer un cheval de trait à un étalon pur-sang. Après une quinzaine de minutes à fouler la route, le démon et sa carlingue se parquèrent à une centaine de mètres de l’adresse qu’on lui avait donné quelques jours plutôt.

Ce fut avec un accès au carré VIP qu’Éleazar se présenta à l’entrée de la boîte. Le démon avait toujours su se débrouiller pour avoir une entrée spéciale, ou quelque chose de plus qu’un ticket simple, et là il l’avait eu par l’un des serveurs qu’il avait réussi à charmer. Heureusement pour lui qu’il avait laissé ses armes dans son Audi car un securitas vint le contrôler avant qu’il ne rentre. Le Grec n’aimait pas particulièrement ce genre de protocole même s’il savait qu’il devait s’y faire. Il dut se retenir d’envoyer son poing dans la gueule du gorille qui approcha ses doigts trop près de son bas-ventre à son goût. L’Européen n’était pas quelqu’un de coincé ou de prude, loin de là ! Cependant il n’appréciait pas qu’une identité inconnue s’approche trop de cette partie de son corps, fouille ou pas. C’était sûrement la partie dominante de son caractère qui ressortait, celle qui aimait tout maîtriser de A à Z sans laisser l’ordre d’un choix à autrui. Il lança d’ailleurs un regard noir assassin au jeune homme qui s’était permis de le contrôler, sans bien sûr dévoiler sa vraie nature à ce dernier.

La musique qui passait lors de l’arrivée du Grec n’était pas des meilleurs, elle plombait même l’ambiance d’une façon générale. Les gens restaient assis sans vraiment prendre part à la soirée et si cela continuait de la sorte et que le gérant de la disco n’avait pas prévu de plan B, sa soirée allait gentiment prendre de l’aile. Il commanda une double vodka blanche sèche au barman qui l’avait invité et commença à la siroter en observant avec attention les gens qui passaient devant lui, cherchant une potentielle future victime parmi les jeunes présents. Mhh… Loin d’être vilaine ! Mais pas assez charismatique, et son copain… Carrément trop superflu ! La blonde… No way, je ne fais pas du baby-sitting, le châtain clair ? Mhh… Pourquoi pas ? Toutefois, ces pensées furent arrêtées par un sentiment bien plus fort que la faible excitation qu’il pouvait ressentir en observant ces minables petits humains. Il se trouvait dans la salle quelque chose de plus puissant, de plus fort. Éleazar avait de la peine à dire à quelle présence il avait affaire. Était-ce un autre démon ? Ou un ange ? Non, ça ne pouvait pas être un ange… A moins qu’il ne soit déchu ! Il fut à nouveau coupé par une voix très mélodieuse qui s’adressa à lui. Une voix trop mélodieuse pour être naturelle. Il se tourna alors vers l’inconnu et sentit tout de suite qu’il avait en face de lui cette personne qui dégageait cet aura qu’il avait deviné quelques minutes plutôt.
- Enchanté Asmodée, merci.
L’évocation de son prénom fit sourire le démon, ainsi il savait qui il avait en face de lui. Même en connaissant les effets que cela allait sûrement lui produire, il lui serra la main avec force tout en le regardant dans les yeux avec un sourire qui pointa sur le bout de ses lèvres. Si l’Exilé d’Eden voulait jouer avec lui, il avait trouvé un bon partenaire !
- Pouvoir… Je ne sais pas, je cherche à me faire des connaissances ici vu que je viens d’arriver !
Il ne lâcha pas l’ancien ange des yeux pendant qu’il parlait lui aussi d’une voix mielleuse sans trop l’être.
- Mais… Mon ami, est-ce votre curiosité qui vous a amené jusqu’à moi ? Je dois bien vous avouer que je suis curieux de savoir pourquoi une personne comme vous vient parler à une personne comme moi ?
Si Charmant voulait rester aux côtés d’Éleazar, il avait meilleur temps de bien éclaircir ce point qui préoccupait l’esprit du démon. Le Grec n’était pas contre des amis, même de ce genre mais il n’allait pas se laisser berner non plus.

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Sans l’once d’une hésitation, le démon saisit la main tendue par Asmodée. Cette poignée ferme et assurée, associée au regard franc et direct que lui lança le client, démontrait clairement que ce dernier n’avait pas froid aux yeux. Loin de certaines créatures démoniaques sur la défensive qu’avait pu rencontrer le déchu par le passé, le type en face de lui donnait le ton, et n’avait pas l’intention de se laisser impressionner facilement. Asmodée appréciait cette témérité dans les rapports sociaux et dans les affaires. Les prises de risque, lorsqu’elles s’avéraient payantes, donnaient souvent lieu à de meilleurs résultats que ceux obtenus à grands renforts de prudence. Les prémices d’un sourire apparurent sur les lèvres du client, et avec elles un goût de défi. A cet instant précis, Asmodée sut que le démon en face de lui avait en grande partie conscience de la créature qui se tenait devant lui.

D’une voix conciliante, le démon avoua désirer se faire des connaissances dans la région, sa récente arrivée en ville le laissant très certainement dépourvu de toute forme de réseau de relations pour le moment. Etait-ce une proposition de collaboration que venait de formuler ce gaillard ou Asmodée tirait-il des conclusions trop hâtives ? Quoi qu’il en fût, les deux hommes se regardaient droit dans les yeux, sans ciller un seul instant. Le déchu eut très rapidement la nette impression d’être jaugé par le nouveau venu, mais ne s’en montra nullement offensé ou intimidé. Au contraire, il soutint avec amusement le regard clair de son interlocuteur, sans perdre un seul instant son ineffable sourire avenant.

A l’image de l’individu, le franc parlé de ce démon s’imposait de lui-même. C’était quelque chose qu’Asmodée appréciait beaucoup de la part de son entourage, même si de son côté, il ne brillait pas vraiment par son honnêteté et sa franchise. Adepte de la manipulation et du mensonge, le déchu avait plutôt tendance à pratiquer la langue de bois avec ceux qu’il incluait dans ses projets. Pourtant, à cet instant précis, ce que désirait ce client si particulier, c’était aller droit au but, demandant sans détour, la raison qui avait poussé le propriétaire des lieux à s’intéresser à lui. La tournure de phrase du démon, notamment avec la réappropriation du « mon ami » utilisé précédemment par l’Avatar de la Luxure, sonna une nouvelle fois comme une forme de test à l’oreille du déchu. Ce type était bien en train d’évaluer la sincérité du Gardien des Plaisirs Impies, ainsi que sa fiabilité. Qu’importait, Asmodée acceptait de relever cette épreuve, son amour du jeu l’emportant sur tout le reste.

« Une personne comme moi ?, commença le déchu d’une voix amusée accompagnée d’un discret rire. Dois-je prendre cette dénomination comme un compliment ou bien, au contraire, comme quelque chose de péjoratif ? », demanda-t-il avec un regard complice et le même amusement que précédemment dans son timbre amical.

Cette question, quelque peu taquine, n’appelait pas réellement de réponse.

L’ambiance dans le club battait son plein à présent que le DJ avait repris les choses en main. Les clients avaient retrouvé l’énergie qui caractérisait habituellement ce lieu de fête. Installés où ils étaient, Asmodée trouvait l’emplacement peu approprié pour une conversation. Le bruit, la proximité des autres clients déchainés, l’installation, rien n’était adapté à l’échange qui allait inévitablement suivre. Le déchu posa alors une main sur l’épaule de son invité pour attirer son attention malgré la cohue ambiante. Puis, de son autre main, il lui désigna le carré VIP où il l’invita à se joindre à lui. L’accès dégagé par deux videurs, les démons accédèrent ainsi à une zone un peu plus en retrait du reste du club. Ici, la musique était atténuée, permettant de converser avec facilité, sans besoin de hurler pour se faire entendre. De même, à bonne distance du reste du public, aucune oreille indiscrète ne risquait de trainer. Disposé sur une estrade, cet espace privilégié permettait de dominer le reste de l’endroit, et d’ainsi avoir à l’œil l’ensemble de la soirée. De confortables fauteuils et canapés au velours cramoisi étaient disposés autour de tables basses prêtes à accueillir tout un assortiment de boissons et autres substances. D’un geste de la main, le déchu invita son convive à prendre place dans l’un des fauteuils et vint s’assoir à son tour à ses côtés.

« Nous disions donc … la raison qui m’a poussé à vous rencontrer ? La curiosité bien entendu, ainsi que le sens de l’hospitalité. »

Le déchu porta son verre aux lèvres, buvant une gorgée de son martini, avant de reposer ce dernier sur la table en face de lui. Puis, par reflexe, plus que par véritable nécessité, Asmodée réajusta les manches de sa veste, avant de portée une nouvelle fois son regard pénétrant dans les iris clairs de son invité.

« Ce n’est pas donné tous les jours de croiser un nouveau démon, répondit le déchu avec le sourire. Alors, quand en plus, celui-ci décide de prendre part à l’une de mes soirées, en hôte de marque, j’aime à aller à sa rencontre. »

Asmodée étudia alors plusieurs secondes le démon, l’observant de pied en cap, sans un mot, son éternel et caractéristique sourire aux lèvres. Se faisant, le déchu se prépara à décrypter le langage corporel de l’individu, espérant en tirer des informations inconsciemment divulguées par les réactions gestuelles de son interlocuteur.

« Bien. A présent que vous savez qui je suis et les motivations qui m’ont poussé à venir vous voir, si vous me parliez un peu de vous. »

En attendant la réponse, le déchu se calla confortablement dans son siège, s’accoudant pour ensuite entrecroiser ses doigts juste devant son sourire énigmatique. Les pupilles aux couleurs forestières du démon se posèrent une nouvelle fois dans le regard de son convive, une légère étincelle d’excitation en leur sein … l’excitation suscitée par la soif de connaissances.

Les Démons de Minuit

ft. Asmodée & Éleazar

La volonté pouvait se lire dans le regard du démon qui était en train de serrer la main du fameux ange déchu qui était connu par presque tous ses confrères habitant l’Enfer. Sa poignée fut ferme car le Grec se sentait plutôt à l’aise et ne craignait pas grand chose dans cette boite de nuit remplie de jeunes humains transpirant l’alcool. Il avait rapidement compris que l’ancien habitant du Paradis ne lui voulait pas de mal, ou du moins pas pour l’instant. De plus, il y avait bien trop de monde pour qu’Asmodée ose s’attaquer à lui et il fallait avouer qu’il avait l’air d’être plutôt de bonne humeur ce soir-là. Le sourire qui habillait le visage de l’être céleste, tout comme son intérêt pour lui qui ne faisait que le conforter dans son idée de base. Cependant il en fallait plus qu’un beau regard et un visage d’ange pour se mettre l’Européen dans la poche car contrairement à ces Américains Éleazar donnait sa confiance sur le temps. Jamais il ne se livrait à une personne sans vraiment la connaître. Il faisait semblant et paraissait amical alors qu’au fond de lui, il attendait juste le faux pas qui ferait changer la situation à ses yeux. Mais cela ne voulait pas dire que le démon était faux-cul avec ses connaissances ou ses amis car il disait tout ce qu’il pensait, c’était juste des précautions qu’il prenait pour sa petite personne. Un tantinet soit peu égoïste ? Totalement ! Le dernier à qui le Grec avait donné son entière et réelle amitié avait été Percy, celui qu’il avait formé et pris sous son aile et il n’avait plus de nouvelles de sa part depuis plusieurs jours, ce qui le faisait douter.

Il y avait cette étincelle amusée dans le regard de l’ange qui brillait comme un feu follet hyperactif qui ricochait dans ses pupilles, ce qui fit sourire l’Européen qui fut surpris par la réaction de l’ange qui ne le lâchait pas du regard. D’habitude, les gens étaient plutôt gênés quand le Grec les regardait de la tête aux pieds pour les juger. Le fait que l’ange s’en amuse et ait plutôt l’air de savourer la mise à nu que le démon était en train de faire fit sourire Éleazar qui ne prit que plus de plaisir à laisser ses yeux clairs se promener sur les parties visibles du visage et du haut du corps d’Asmodée.

Chaque mot que l’être maléfique avait sorti avait été pesé avant qu’il ne les prononce. Même s’il ne fallait pas prendre tout ce qu’il disait au premier degré, certaines fois chaque phrase était conçues d’une manière bien précises qu’il fallait détecter. Il savait que l’Avatar de la luxure comprendrait ce petit jeu qu’il avait commencé.
- Façon de parler plumé déchu !. Dit-il en riant discrètement, relâchant un peu ses nerfs en voyant le regard complice que l’ancien plumé lui adressa et qu’il lui retourna d’ailleurs. Prends le comme un compliment venant de ma part !
Il était difficile de communiquer alors que l‘ambiance commençait à reprendre dans le Decadencia vu qu’un DJ plus pro avait remplacé le groupe qui avait plombé l’ambiance plus tôt. Ses lèvres laissèrent un fin sourire se dessiner lorsqu’il sentit sa main se poser sur son épaule. Il regarda alors l’endroit que lui montrait Asmodée et vit le carré VIP. Il ne refusa pas de l’accompagner là-bas où ils seraient plus calmes pour pouvoir parler. Sa simple présence fit écarter les deux videurs et ce fut ainsi que les deux démons rentrèrent dans la zone pour les clients privilégiés.

Éleazar s’assit dans un des sièges que lui montra l’ancien habitant du Paradis avant que ce dernier se mette à ses côtés. Il rit légèrement à la réponse du déchu avant de prendre un verre qui était à sa disposition et de le porter à ses lèvres charnues. Il soutint le regard perçant de l’ancien ange une nouvelle fois, prenant garde de ne pas s’y perdre, même s’il ne se serait pas retenu à ce plaisir dans un cas plus banal, mais il possédait tout de même celui qui représentait la luxure en face de lui
-Mhh… Je ne suis pas si nouveau que ça vu que j’ai déjà vécu ici il y a plusieurs années mon cher Asmodée ! Disons que je suis de retour, pour le plaisir de certains et le malheur d’autres ! Un petit sourire malsain apparut à nouveau sur son visage en pensant au personnes qu’il allait pouvoir manipuler ou encore torturer. Je ne me compte pas comme un hôte de marque, mais heureux de savoir que c’est le cas pour vous mon ami !

Un court instant de vide se marqua après leur échange, ce qui permit au Grec de pouvoir reprendre une gorgée de son verre avant de le poser sur la petite table qui était devant eux. Il écouta la question de son interlocuteur et prit le temps de bien s’installer lui aussi dans son siège. Il voyait bien que l’ancien ange était intrigué par sa personne, ce qui était pour lui plutôt un bon point.
- J’ai bien peur que ma vie ait été bien terne par rapport à la vôtre mon ami emplumé ! Je suis d’origines Européennes et je suis dans ce corps depuis plus de cent ans et je suis à Huntfield depuis un peu plus de trois semaines maintenant. Y a-t-il des points qui vous intéressent plus que d’autres ?
Le démon n’aimait pas vraiment parler de lui, mais vu qu’à voir c’était une simple question de courtoisie et d’échange de bons procédés, il y prendrait alors part du mieux qu’il le pouvait pour pouvoir compter un possible allier en plus dans son entourage.

Après avoir parlé un peu plus des points que le déchus lui avait demandé d’éclairer, l’habitant de l’Enfer reprit son verre et se vautra dans le siège agréablement, ne se sentant plus du tout mal à l’aise en la présence de l’individu plumé.
- Et toi, parles moi un peu de toi, même si ton histoire est déjà connue par beaucoup d’entre nous…

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Dans le calme du carré VIP, la conversation se fit plus facilement. Ici, tout était fait pour rendre l’atmosphère plus conviviale et plus intimiste. C’était le décor idéal pour mettre en confiance et délier les langues. Tout avait été organisé et placé en suivant scrupuleusement les directives du déchu. En effet, son aptitude à créer des liens sociaux et à attirer la sympathie ne se résumait pas seulement dans son apparence et ses manières. Il disposait également d’une science beaucoup plus vaste des rapports sociaux et du comportement, connaissances accumulées au cours de nombreux millénaires aussi bien au contact des mortels que des immortels. Ainsi, l’ensemble de ce night-club était à son image : une invitation à la débauche, à l’insouciance et à l’abandon des sens.

Le démon révéla alors au déchu que ce n’était pas sa première visite à Huntfield. Des années plus tôt, il avait déjà fait un passage dans cette ville. Cette annonce étonna quelque peu Asmodée qui n’avait pas imaginé que cette cité puisse avoir eu un quelconque intérêt par la passé. L’invité du Gardien de Secrets conservait son attitude décontractée, conservant son sourire assuré, ainsi que son regard audacieux. Cette allure plaisait au déchu, qui appréciait les individus ayant de l’aplomb. C’était un gage de stabilité sur le long terme, et l’assurance d’un partenaire de qualité. Malgré tout, Asmodée ne manqua pas de noter que son interlocuteur semblait éluder certains détails, notamment la raison qui l’avait poussé à revenir à Huntfield … mais surtout son identité. Pourtant, il se retint de poser ces questions visiblement dérangeantes aussi prématurément dans leur conversation. Il n’était pas question d’effaroucher le démon en s’attardant sur des points que ce dernier semblait vouloir tenir secret.

Asmodée apprit également que ce démon avait à l’origine était un européen. C’était donc ça que le déchu pouvait percevoir dans l’attitude du gaillard : le charme du vieux continent et l’attachement aux traditions. Il se dégageait de chez lui une forme de retenue respectueuse, mais également de franchise qui étaient beaucoup moins présentes chez les individus plus jeunes. Occupant ce corps depuis plus d’un siècle, ce démon était donc parvenu durant toutes ces années à échapper aux chasseurs et aux anges.

Le démon se mit alors plus à l’aise, n’hésitant plus à confortablement se caler dans son fauteuil. Devant ce gain de sérénité de la part de son invité, le sourire du déchu s’étira imperceptiblement, seule une petite fossette au coin gauche de ses lèvres révélant le phénomène. L’européen invita à son tour son interlocuteur à lui en révéler un peu plus à son sujet, bien que la réputation du déchu l’ait visiblement déjà précédé. Devant une telle marque d’attention, Asmodée conserva le silence quelques secondes, cherchant ce qu’il pourrait bien répondre.

« Tout raconter prendrait surement plus d’une vie d’homme … mais j’imagine que tu sais déjà l’essentiel, bien que je sois certain qu’une grande part a été déformée et exagérée, commença le déchu. En revanche, les faits les plus récents te sont très certainement inconnus. »

Asmodée saisit un verre qu’il porta à ses lèvres. Le feu de la boisson dissipé, il poursuivit ses révélations d’un air enjoué.

« Cela va bientôt faire un an que je suis parvenu à m’échapper de l’Enfer. Il y avait presque trois millénaires que je n’avais pas reposé un pied sur Terre, et je t’avouerai qu’il était temps, commenta-t-il en riant. Comme beaucoup d’autres, j’ai entendu dire qu’Huntfield allait être le siège d’évènements particulièrement intenses. Je m’y suis donc rendu afin d’en juger par moi-même. »

Ecartant les bras, le déchu désigna l’ensemble du club autour de lui, un air satisfait sur le visage.

« Et comme tu peux le constater, je me plais bien dans ce patelin perdu. Les affaires sont bonnes, l’ambiance est exceptionnelle et surtout … tous ne demandent qu’à être tentés et pervertis. »

Asmodée était tout aussi redoutable en séduction qu’en affaires, si bien qu’il n’avait eu aucun mal à hisser ce lieu de divertissement au dessus de tous les autres dans la région. Son habileté à négocier, ainsi que les contacts dont il disposait dans les administrations et les hautes institutions de la ville, lui avaient facilement permis d’obtenir les divers autorisations et financements afin de faire du Decadencia une réalité. Car Huntfield et sa population ne faisaient pas exception à la règle. Tout comme les autres villes humaines, la corruption y était monnaie courante, l’argent et la quête de pouvoir en étant les principaux moteurs. Il n’avait donc pas été bien difficile au déchu de placer sous sa coupe les personnes les plus influentes de la ville, moyennant quelques petits coups de main.

Ainsi, depuis le Decadencia, le déchu menait ses affaires, agissant dans l’ombre, loin de tout soupçon, se dissimulant derrière ses pantins infiltrés dans la société humaine. Ce club était une excellente couverture, laissant le champ libre à Asmodée pour promouvoir la Luxure, et ainsi étendre toujours plus son influence sur la région.

Le déchu but une nouvelle gorgée de sa boisson. Par-dessus son verre, il observa son invité droit dans les yeux, posant sur lui un regard pénétrant. Puis, reposant sa boisson, Asmodée sembla regagner une part de sérieux, sans jamais le quitter du regard.

« Donc si tu as besoin de quoi que ce soit … des informations, retrouver quelqu’un ou quelque chose, de l’argent, des filles … ou des garçons … n’hésite pas à venir me demander. Il y a de grandes chances pour que je puisse te venir en aide. »

Les Démons de Minuit

ft. Asmodée & Éleazar

Cela n’était pas la première fois qu’il entrait dans ce genre d’endroit généralement réservé aux personnes proches ou aux invités de luxe, cependant il n’avait vraiment pas habitué à rentrer dans un carré VIP avec le tenancier, surtout quand ce dernier était le propriétaire d’une des boites de nuit les plus connues de la région. L’endroit était vraiment très bien meublé et donnait une impression d’intimité aux personnes qui se trouvaient à l’intérieur. Un sourire se dessina sur le visage du démon qui pensait que l’ange déchu tenait vraiment bien son image de plumeux de la tentation, des désirs et de la débauche. Il fallait dire que la renommée de ce déchu le précédait plus ou moins partout où il pouvait se présenter. Son interlocuteur avait une certaine prestance qui n’était pas déniable, beaucoup plus imposante que la sienne. Quoi de plus normal ? Ils avaient plusieurs siècles de différences, même plusieurs millénaires et jamais le Grec ne pourra le rattraper sur ce point.

Qu’est-ce qu’Éleazar souhaitait de la part du plumeux déchu ? C’était une bonne question ! Il ne s’était pas attendu à le trouver ici à vrai dire ! Il avait planifier sa soirée autrement, espérant trouver un joli petit minois qu’il puisse ramener discrètement dans son sous-sol pour pouvoir jouer avec, mais à voir le destin avait donné une autre possibilité au démon qui était tout autant intéressante sur un point de vue sociale. Avoir un tel prénom dans son carnet d’adresse n’était pas donné à tout le monde… et ce n’était pas lui qui n’allait pas sauter sur cette occasion, surtout que ses contacts ici se résumaient encore à pas grand-chose… Il y avait Isatys, cette petite démone, Astaroth son ami de longue date et Belial… Ces quelques personnes formaient sûrement le gens les plus connus qu’il côtoyait et quelques humains par ici et par là… Même des chasseurs ! Un certain Dan qui le faisait plus rêver qu’autre chose à vrai dire, et une épine dans son pied, et quelle épine ! Ce n’était autre que Dean Winchester. Le fameux chasseur connu de tous… Astaroth avait eu la bonne idée de prendre possession de son corps, mais le chasseur l’avait tout de même reconnu vers cette église après qu’ils aient réussi à déposséder l’aîné des deux frères.

Ce fut d’une oreille attentive qu’il écouta l’ancien habitant du Paradis parler d’un air qui sonnait presque enjoué. Il ria en même temps que le plumeux au joli cul sous sa remarque. Il était vrai que lui avait eu la chance de ne pas avoir eu un trop long séjour en Enfer. Même en y repensant, il n’avait plus que des images vagues de ce qu’était cet endroit qu’il n’avait pas revu depuis si longtemps. Cependant il se souvenait de douleurs et de pleins de sentiments mélangés… Mais il n’arrivait pas à s’imaginer ce que c’était d’y être enfermé, et surtout pendant des millénaires qui devaient paraitre encore plus long dans cette cage.
- Et bien ça fait plaisir de te voir parmi nous à nouveau mon cher Asmodée… Commença-t-il un sourire aux lèvres.
Il était vrai que l’ange de la luxure devait prendre un réel plaisir à se réinsérer dans ce monde qui était nouveau pour lui. Ce monde où l’homme était devenu une proie tellement facile à corrompre. Plus l’humain avançait plus le démon avait l’impression que l’humanité allait de de plus en plus mal, enfin que d’un certain point de vue car d’autres s’amusaient de cette nouvelle tendance, Asmodée le premier.
- Il faut dire que cela doit te changer de ta dernière venue sur Terre non ? Pour avoir côtoyé les humains ces derniers siècles, plus ça va en avant plus ils sont tentés… Je suis sûr que tu es arrivé à la bonne période pour les pervertir encore plus ! Dit-il avec un petit sourire. Après tout, qui pourrait résister à l’ange de la luxure, du plaisir et de la débauche… surtout dans ce genre d’endroit propice aux déboires et à la tentation ?

Le Grec se laissa pénétrer par le regard perçant de l’homme qui se trouvait en face de lui sans aucune gêne, soutenant les yeux de ce dernier en lui retournant son expression tentée d’une once de volupté et de désir. Souhaitait-il passer une soirée en privé avec l’apollon qui se trouvait en face de lui ? Sûrement, mais il doutait qu’il en était pareil de son « nouvel ami ».

Il finit son verre d’une traite et le reposa délicatement sur la table avant d’observer à nouveau son interlocuteur. Un sourire franc apparut sur son visage à sa proposition. Il fut impressionné de la vitesse à laquelle l’ange lui proposa son aide.
- Mhhh… Merci Asmodée ! Je m’en souviendrai, ce n’est pas tous les jours qu’une personne comme toi propose ses services ! Cependant j’ai des goûts bien particuliers en ce qui concerne les filles… ou les garçons ! Je ne prends pas le premier venu… Je préfère la qualité au nombre ! Dit-il en replongeant son regard vert-noisette dans les yeux du déchu. Il en est pareil pour toi ! Si tu as besoin d’aide quelconque, n’hésite pas à me contacter, même si je doute que tu aies besoin de moi… Tu as l’air très bien implanté ! Enfin, ne sait-on jamais, ma porte t’est ouverte en tout cas ! Pour n’importe quoi…
Après avoir fait remplir son verre à nouveau, il l’apporta à ses lèvres pour en boire une gorgée délicatement. Il avait demandé un whisky pur, un de ceux dont on sent tout le chemin jusqu’à l’estomac.

Il garda le silence un instant après avoir profité de sa gorgée et reprit une position tranquille dans le siège. Le démon observa l’alcool tourner dans le verre auquel il faisait faire des petits cercles avant de rapporter son attention à Asmodée.
- Je suppose que tu aimerais savoir mon identité ? Ca ne serait-ce que pour se mettre à égalité ? Demanda-t-il même si c’était plus une affirmation qu’une question pour lui. Je m’appelle Éleazar et je viens d’Europe… Je suis arrivé ici il y a quelques semaines à peine ! Continua-t-il avant de sourire à l’ange. Je ne veux pas te prendre toute ta nuit si tu es occupé… Alors je ne sais pas si tu veux que je te parle de quelque chose en particulier ? Ou j’ai le temps de m’étaler un peu plus sur la longueur ?
Certes, il n’allait pas tout lui dire… Mais une partie en tout cas… Et que la vérité !

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Le démon écouta le récit du déchu avec la plus grande des attentions, riant même lorsque cela était approprié. A la mention de l’Enfer, l’européen sembla chercher à se remémorer son passage en ce lieu. L’enfer était le point commun de tous les démons. Pour chacun d’entre eux, c’était un passage obligatoire, car c’était dans les fournaises du Monde du Dessous qu’ils étaient engendrés par la souffrance et le désespoir. Malgré tout, la durée du séjour variée d’un individu à un autre … même si tous s’accordaient à dire que cet épisode de leur existence s’avérait toujours être trop long à leur goût.

L’invité d’Asmodée lui fit alors remarquer que depuis la dernière venue sur Terre du Gardien de la Luxure, l’humanité avait grandement changée. C’était l’une des premières choses qu’avait remarqué le déchu. A présent, les humains semblaient beaucoup moins vigilants que par le passé, et plus enclins à se vautrer dans la dépravation et dans le vice. Moins superstitieux qu’auparavant, moins proches de leurs anciennes croyances et sourds aux vieilles mises en garde, ils étaient devenus aussi insouciants que des enfants … aussi vulnérables que le premier couple de l’Eden. Mais pire que tout, ils semblaient aspirer spontanément à la corruption. Asmodée n’avait qu’à légèrement les inciter pour qu’ils se lancent à corps perdu dans les affres de la luxure. La perdition semblait dans l’air du temps … ce qui était tout bénéfique pour les affaires du déchu.

Une nouvelle fois, le démon soutint le regard d’Asmodée. C’était comme s’il cherchait à relever un défi … ou bien à prouver quelque chose. Pourtant, le déchu y décela une légère pointe désir. Le regard de l’Infortune d’Eve se plissa légèrement, le rendant encore plus aiguisé que d’accoutumé, plus pénétrant, sans toutefois perdre cette étincelle aguicheuse en son sein. Au même instant, son sourire s’intensifia légèrement, dévoilant un peu plus sa dentition immaculée. En face de lui, le démon termina son verre cul-sec, avant de sourire devant l’offre du déchu. A son tour, le client du Maître des Succubes lui offrait ses services en cas de besoin. C’était tout à fait le genre de proposition qu’Asmodée n’oubliait jamais … quand bien même des siècles pouvaient s’être écoulés.

L’intéressant personnage se fit servir un nouveau verre. Après en avoir bu une gorgée, il garda le silence quelques instants, pour finalement se décider à en dévoiler d’avantage à son sujet. Devant de telles paroles, Asmodée redoubla d’attention. Ainsi donc, le démon se prénommait Éleazar et était originaire d’Europe. Ce fut alors qu’il s’interrompit, ne souhaitant pas faire perdre d’avantage de temps au Gardien des Secrets, supposant que ce dernier avait mieux à faire. Devant cette soudaine remise en question, Asmodée ne put réprimer un léger rire. S’il y avait bien une chose qu’avait appris le déchu au cours de sa longue existence, c’était qu’il était primordial de profiter de chaque instant de plaisir qu’offrait la création, de prendre le temps de savourer ces moments … car rien n’assurait que d’autres se produiraient par la suite.

« Allons mon ami, quel démon peut bien se soucier du temps qui passe … lorsque l’on a l’éternité devant nous ?, demanda le déchu avec amusement de sa voix mielleuse. Il serait dommage, voire sacrilège, de précipiter un instant comme celui que nous vivons. Nous deux, dans ce décors appréciable, au cœur d’une ambiance festive … avec tant de choses à se raconter … ou à partager. »

S’accoudant sur son fauteuil, le déchu joignit ses mains, entrecroisant ses doigts dans une gestuelle agile et précise, quasi surnaturelle. Sans quitter son interlocuteur du regard, le Gardien des Plaisirs poursuivit de sa voix doucereuse, son ineffable sourire tentateur aux lèvres.

« Il est bien évident que j’ai envie de te connaitre … toi, tout autant que ton histoire. Sinon, je n’aurai pas pris la peine de t’inviter à mes côtés dans cette section du club, ajouta-t-il avec une pointe d’amusement dans la voix. Tu peux donc t’étaler un peu plus … dans tous les sens du terme si cela te chante. Il ne tient qu’à toi de choisir. »

A présent, l’amusement était clairement visiblement sur le visage du déchu. Son sourire s’était clairement élargi, et ses pupilles brillaient d’une lueur à la fois espiègle et provocatrice. Décroisant les mains, Asmodée les posa sur les accoudoirs de part et d’autre de lui, s’appuyant dessus pour se rapprocher de son invité, brulant quelque peu la distance les séparant. Quelques secondes, le Mille et une Fois Maudit resta immobile et silencieux, se contentant simplement de regarder Éleazar droit dans les yeux. Finalement, il rompit le silence de sa voix corruptrice.

« Tu dis préférer la qualité à la quantité … Moi, je dis vouloir les deux en même temps. »

Tic… Tac…Tic… Tac…

Une seconde… Deux secondes… Trois secondes… Une minute… Deux minutes… Une heure…

Le temps était impatient, le temps était impartial. Le temps était le même pour toutes et tous. Il coulait sous le pont de l’humanité alors que les pauvres mortels tentaient de nager à contre sens malgré les avertissements de leurs ancêtres qui leur avaient conseillé d’en profiter plutôt que de se battre contre avec une volonté qui les fatiguait plus qu’autre chose. Pauvres petits humains qui luttaient contre la seule chose dont personne n’avait le contrôle, la seule chose qui était indestructible, intouchable. La montre Jeager Lecoultre que portait Éleazar au poignet était la preuve même que l’homme avait peur du temps, une peur si forte qu’elle les amenait à une fascination presque mortelle. Cinq complications, un boitier de quarante-trois et cinq millimètres doté d’un design masculin affirmé par ses couleurs, son efficacité, d’un girotourbillon et d’un bracelet en peau de crocodile de première qualité. Des dizaines, voire des centaines d’années de recherche pour enfermer l’inenfermable dans une petite boîte que l’on portait fièrement au bras, comme si elle donnait l’impression de pouvoir contrôler le temps alors que celui-ci se jouait encore plus de celui qui arborait la montre en lui rappelant que chaque fois qu’il l’observait, il avait peur d’être en retard ou de louper quelque chose. Cependant, il existait sur Terre, des gens comme lui, le Grec, ou le beau déchu qui se fichaient totalement de cette notion qui leur était presque inutile vu qu’ils pouvaient espérer vivre autant de temps que le temps lui-même. L’ancien plumeux avait raison, mais l’Européen n’aurait pas pensé disposer du temps de l’ange de la luxure de la sorte. Il s’arma alors d’un sourire charmeur et se passa la main dans ses cheveux, pensif.
- Il aurait suffi qu’un rendez-vous t’oblige à me quitter, mais je vois que ce n’est pas le cas, ce qui me réjouit plus qu’autre chose !
Le démon voyait de l’amusement sur le visage de son interlocuteur, et l’entendait aussi dans sa voix, ce qui le rendit perspicace.

D’un regard expressif, Éleazar observa le déchu se positionner sur son fauteuil d’une façon assez… entreprenante. Un sourire charmeur apparut à nouveau sur la bouche du Grec alors qu’il voyait bien que l’ex plumeux ne le lâchait pas non plus des yeux. Il y avait quelque chose dans l’air, dans l’ambiance qui avait changé depuis leur rentrée dans la pièce, mais la connaissance de la réputation de l’ancien ange donnait plutôt à l’Européen l’idée qu’il allait se recevoir un râteau fabuleux, il attendrait alors que son interlocuteur fasse un premier pas qui lui semblait correcte pour oser aller plus loin, mais ils n’en étaient pas encore là…
- Sache que je suis honoré de ton intérêt pour moi bel Asmodée… Commença-t-il en prenant son verre de whisky dans sa main droite et en le faisant tourner. Et qu’il en est de même de ma part !
Oui, c’était une phrase facile, mais elle pouvait résumer bien des choses et éloigner bien des quiproquos entre les deux êtres démoniaques qui se rencontraient pour la première fois.
- Pour rentrer un peu plus dans les détails, je suis arrivé sur Terre il y a six cents ans, en Grèce, l’endroit d’où je devais être originaire. La chance s’est montrée à moi en m’offrant ce véhicule que je n’ai pas quitté depuis ! J’ai pas mal voyagé à travers le monde, m’amusant à droite et à gauche, mais toujours d’une façon discrète, histoire de ne pas se faire remarquer. J’ai fini par m’installer à Paris où j’ai fait plusieurs fois la une des journaux, mais jamais un seul photographe n’a réussi à avoir mon portrait… Heureusement pour moi ! Et pour faire court, je suis arrivé à Huntefield parce que mon petit protégé m’a appelé !
Peut-être lui demandera-t-il qui était son élève, mais Éleazar ne connaissait pas les relations de Percy ici et ne voulait pas se risquer à mal tomber à cause de la réputation de son ami.

Il prit une gorgée de son whisky qu’il laissa couler le long de son œsophage tranquillement. Il observa à nouveau son verre un instant avant d’adresser à nouveau son regard à son interlocuteur. Il remarqua que son interlocuteur s’avança légèrement, brûlant l’espace qui les séparait petit à petit. Son sourire reprit possession de ses lèvres charmeuses et il brûla lui-même quelques centimètres qui les séparaient, s’approchant un peu plus du déchu et rentrant dans le jeu auquel il avait pris part en suivant l’ancien plumeux dans la petite salle où ils n’étaient que les deux.
- Mhh, à ce que je vois tu n’échappes pas à ta réputation ! Dit-il en gloussant légèrement. Tu es gourmant de nature… Mais j’aime bien ça !
Le verre fut reposé sur la table doucement, sans bruit.
- Je peux aussi l’être… ou du moins dans certains cas !
Un simple clin d’œil de la part d’Éleazar fut adressé à l’homme qui était en face de lui. Il comprendra ce qu’il voudra, mais certainement le démon de la luxure comprendra où voudra en venir le Grec. L’Européen posa ses coudes sur ses genoux, s’avançant légèrement plus encore, les yeux habillés d’une étoile de provocation.
- Et si tu me parlais un petit plus de toi bel ange ?

Spoiler:

Asmodée laissa son invité continuer de prendre ses aises, tout en savourant cet instant. A l’en croire, Eléazar semblait ravi de cette rencontre, ainsi que de la disponibilité dont faisait preuve le déchu à son égard. Encouragé par ce dernier, le grec fit alors part à l’Avatar de la Luxure d’un résumé de son existence. Agé de six siècles, Eléazar n’avait depuis jamais été contraint à regagner les enfers. Ainsi, depuis toutes ces années, il arpentait le monde et les âges, déversant l’ignominie dans le monde des hommes.

Finalement, le déchu apprit que la présence de son invité en ville était due à la requête du protégé de ce dernier. Ainsi donc, le démon européen s’était rendu à Huntfield afin de protéger sa progéniture. C’était presque touchant. Après tout, Asmodée éprouvait également un certain désir de préservation de ses serviteurs, ces derniers étant dans la plus part du temps, plus utiles vivants que morts. En revanche, le déchu s’imaginait mal devoir répondre présent dés que l’un d’entre eux le réclamait. Mais sans doute ne partageait-il pas avec eux un lien aussi étroit qu’Eléazar et son disciple. Cette tendance à choyer la famille et à la faire passer en priorité n’était pas du tout dans le tempérament du déchu. La raison en était très simple, sa propre famille n’était pas réellement ce que l’on pouvait qualifier de modèle, si bien que le démon préférait relativiser ce lien plutôt que de lui conférer une valeur relevant du sacré.

Au passage, Asmodée nota que l’identité du dit protégé n’avait pas été révélée. Ainsi donc, le démon qui était à l’origine de la venue du grec à Huntfield, conservait son mystère. Le Gardien des Plaisirs ne douta pas un seul instant que cette omission était volontaire. C’était une manière de se prémunir de tout retour de flamme malheureux, il ne pouvait donc pas en tenir rigueur à son invité. Lui-même aurait très certainement agit de la même manière à sa place.

Eléazar sourit à l’allusion du démon du vice et alla même jusqu’à le qualifier de gourmand. D’un clin d’œil, il sembla alors à son tour entrer dans le jeu du déchu, avant de finalement demander à son interlocuteur d’en dévoiler d’avantage à son sujet. Face à cette marque d’intérêt, Asmodée se cala de nouveau dans le fond de son fauteuil, conservant par la même occasion son sourire.

Pourtant, le déchu se demandait ce que son invité désirait savoir d’autre à son sujet qui n’était pas déjà de notoriété publique. Car, même s’il restait encore de nombreux sujets possibles, la plus part s’avéraient délicats à aborder avec un individu dont au final, il savait très peu de chose. Rien n’indiquait clairement son allégeance, ou encore l’identité de ses contacts en ville et ailleurs. Toute révélation imprudente pouvait donc devenir dangereuse avec les démons.

« Parler un peu plus de moi ? Je pensais pourtant que tout avait déjà été dit, répondit le déchu amusé. Certains disent de moi que je suis le meilleur amant de la Création, tandis que d’autres racontent que je suis simplement la pire trainée de l’Eden. Tout est une question de point de vue. Mais personnellement … »

Marquant un petit temps d’arrêt, le déchu en profita pour croises ses doigts, tout en reposant ses coudes sur les accoudoirs de son fauteuil. Sur ses lèvres, son sourire satisfait continuait de dévoiler une partie de sa dentition régulière et éclatante, alors que dans son regard pétillait la malice qui lui était propre.

« Je pense être les deux à la fois. Alors, toujours aussi enthousiaste à partager un verre avec moi, sachant que tu risques probablement de ne rien y gagner ? », demanda Asmodée avec une pointe d’amusement dans la voix.

Spoiler:

Tout comme le sang, le désir de la chair était quelque chose que le Grec appréciait, savourait. Il y avait tellement d’humains près à tomber dans ce pêcher, à plonger dans les bras de réelles succubes vivantes. Et contrairement aux meurtres, un bon coup de reins ne laissait aucune trace visible à l’œil humains, mise à part quelques possibles taches facilement lavables si l’excitation était à son comble. Cependant, Éleazar savait qu’ils ne pouvaient pas seulement vivre d’érotisme et de plaisir sensuel. Ils avaient besoin de choses plus sanguinaires, plus sadiques. L’Européen s’amusait d’ailleurs souvent à lier les deux sources de satisfaction, jouant avec le corps de ses victimes avant de les torturer. Cela lui prodiguait un Nirvana difficile à atteindre autrement qui le rassasiait beaucoup plus qu’un pauvre jeu de sadisme.

Le démon pensait bien que l’ancien plumé n’allait pas tomber dans ses bras comme un oisillon mort tombé du nid. Asmodée avait certainement plusieurs critères et ne laissait pas tout le monde profiter de sa chair et de sa présence intime. Être le déchu du plaisir ne voulait pas dire coucher à droite et à gauche avec tous ceux et celles qui passaient le pas de porte de son établissement. Sa renommée de traînée n’était pas fondée sur n’importe quoi et le précédait. Mais il fallait dire qu’en plusieurs millier d’années de vie, le bel ange avait pu étendre son éventail de conquête… Éleazar n’était pas pour autant un ange, et n’était pas dans son cas car il n’avait pas sa renommée. Lui pouvait coucher dans n’importe quel lit à n’importe quel moment, les démons n’allaient pas piailler en enfer, par contre, dès qu’une nouvelle personne tombait dans les bras d’Asmodée, la maison des entités démoniaques était sans dessus dessous. Le Grec pouvait voyager entre les pieux sans craindre le genre de surnom qui était donné à l’ancien gardien de l’Eden. Mais à voir, cette appellation amusait le bel ange ce qui ne le surprit pas. Il n’allait tout de même pas pleurer… Et il fallait avouer que ce surnom était putain de classe !

Rien que de sentir les yeux du déchu scruter son corps continua de faire monter la tension dans le corps d’Éleazar. Il aimait se savoir désiré, se savoir mangé des yeux.. Oui, le démon était un brin exhibitionniste, voire totalement ! La nudité ne le dérangeait pas ! Cela le flattait, ce regard valait tous les compliments qui auraient pu être fait par Asmodée. Il ne pu s’empêcher de se perdre lui aussi sur la contemplation du déchu qui était bien roulé. Alors qu’il le matait sans se cacher, il put sentir un changement d’air qui lui prit les naseaux, le détendant plus encore. La volupté et le désir étaient maintenant omniprésents dans le carré VIP.

Un sourire se dessina sur le visage de l’entité démonique aux mots qui sortaient de la bouche de son interlocuteur. Il était lui-même resté assez vague, mais à voir le message avait très bien été compris par le bel ange qui lui lança un pic pour le provoquer.
- Ceux qui n’ont pas d’ambition ne vivent pas longtemps non ?
Dit-il amusé avec une voie mielleuse et volontaire pour prouver à Asmodée qu’il n’allait pas en découdre. Le démon soutint le regard de l’ange qui était plus intense, tout comme le sien l’était. Lorsqu’il le vit se lécher la lèvre supérieure, un sourire qui laissa éclater sa dentition blanche apparut.

Ce fut au tour de l’ex plumeux de rentre dans de la provocation, ce qui arracha un léger gloussement à Éleazar. Le démon aimait le défi, surtout ce genre de défi qui lui était proposé maintenant par l’ancien ange. Il le regarda alors dans les yeux profondément.
- Je me sens à la hauteur sans vouloir prétendre être ton futur meilleur amant ! Commença-t-il en souriant. Avec tous celles et ceux qui avaient dû passer dans ses bras… Mais je compte bien monter dans ton top 5 !
Ambitieux ? Certainement ! Rêveur ? Aussi… ! Mais il se savait ne pas être un mauvais coup. Sa voix fut rauque et légèrement provocante pour le titiller. Le démon comprit qu’il allait devoir faire le premier pas, ce qui ne le dérangeait pas. Quand il voulait quelque chose, il fonçait pour l’avoir.

Éleazar se leva et fit alors les quelques pas qui les séparaient pour se rapprocher de lui. Il s’arrêta lorsque son visage était assez proche de celui du déchu et plongea ses yeux dans les siens, exprimant une partie de son désir alors qu’il sentait encore plus fortement l’aura de tension charnelle qui dégageait Asmodée. Il n’avait qu’une envie : lui sauter dessus ! Mais il n’allait pas céder à sa pulsion, son désir était encore sous contrôle pour le moment… même si le point de rupture n’était pas loin.
- Et toi, penses-tu que je sois à la hauteur de tes envies mon bel Asmodée ?
Son visage se trouvait à une trentaine de centimètres du sien, il lui sourit d’une façon sensuelle pendant que son corps dégageait lui aussi ses hormones dans l’air.

Eléazar semblait amusé par les paroles du déchu. Il concéda même avoir déjà eu vent de ces rumeurs. Toutefois, ce fut sur un air de défi qu'il remit en cause les talents érotiques d'Asmodée. Toutefois, le démon de la Luxure ne prit pas la mouche, ayant perçu le désir tout juste dissimulé de son invité de pouvoir mettre à l'épreuve les compétences d'amant de l'exilé de l'Eden. Certes, l'approche était quelque peu insolente, mais cette provocation de la part du grec n'était qu'une manière comme une autre d'attirer l'attention.

Une nouvelle fois, Eléazar avoua à demi mot son souhait d'aller plus loin avec l'Avatar de la Luxure que le simple échange de verres. Flatté, Asmodée continua de sourire, dévoilant sa dentition régulière. il laissa son regard vert-noisette parcourir le corps de son invité. Après tout, il n'avait rien de prévu dans son emploi du temps qui ne le retienne ailleurs pour la soirée, et le démon européen n'était pas désagréable à regarder : une belle gueule et un corps d'Apollon.

Cependant, il était hors de question pour Asmodée de passer pour un démon facile. Qui plus est, l'impertinence du grec justifiée à elle seule que le déchu s'amuse un peu avec lui. Et puis, le Gardien des Secrets ne venait-il pas à l'instant de dire qu'il était également la pire des trainée ?

Le déchu plongea une nouvelle fois son regard dans celui d'Eléazar avec une intensité renouvelée, une étincelle de séduction supplémentaire dans ses iris forestières. Au même instant, il laissa ses effluves aphrodisiaques s'échapper de son corps, parcourant l'air telles des volutes tentaculaires.

" Voilà un programme qui me semble bien ambitieux ", lança le déchu d'une voix mielleuse.

Lentement, Asmodée fit alors courir le bout de sa langue sur sa lèvre supérieure avant de regagner un sourire. Pas un seul instant il n'avait quitté du regard son invité. Les mains toujours jointes et leurs doigts entrecroisés, l'Infortune d'Eve restait toujours confortablement enfoncé dans son siège.

" La question est donc : te sens-tu à la hauteur ? "

Le déchu venait à son tour d'user de la carte de la provocation, se délectant ouvertement de ce petit revirement. Asmodée ne comptait certainement pas être le premier qui craquerait, et avait bien l'intention, pour se faire, de mettre les sens du grec à vif en exacerbant son désir.

Tout comme le sang, le désir de la chair était quelque chose que le Grec appréciait, savourait. Il y avait tellement d’humains près à tomber dans ce pêcher, à plonger dans les bras de réelles succubes vivantes. Et contrairement aux meurtres, un bon coup de reins ne laissait aucune trace visible à l’œil humains, mise à part quelques possibles taches facilement lavables si l’excitation était à son comble. Cependant, Éleazar savait qu’ils ne pouvaient pas seulement vivre d’érotisme et de plaisir sensuel. Ils avaient besoin de choses plus sanguinaires, plus sadiques. L’Européen s’amusait d’ailleurs souvent à lier les deux sources de satisfaction, jouant avec le corps de ses victimes avant de les torturer. Cela lui prodiguait un Nirvana difficile à atteindre autrement qui le rassasiait beaucoup plus qu’un pauvre jeu de sadisme.

Le démon pensait bien que l’ancien plumé n’allait pas tomber dans ses bras comme un oisillon mort tombé du nid. Asmodée avait certainement plusieurs critères et ne laissait pas tout le monde profiter de sa chair et de sa présence intime. Être le déchu du plaisir ne voulait pas dire coucher à droite et à gauche avec tous ceux et celles qui passaient le pas de porte de son établissement. Sa renommée de traînée n’était pas fondée sur n’importe quoi et le précédait. Mais il fallait dire qu’en plusieurs millier d’années de vie, le bel ange avait pu étendre son éventail de conquête… Éleazar n’était pas pour autant un ange, et n’était pas dans son cas car il n’avait pas sa renommée. Lui pouvait coucher dans n’importe quel lit à n’importe quel moment, les démons n’allaient pas piailler en enfer, par contre, dès qu’une nouvelle personne tombait dans les bras d’Asmodée, la maison des entités démoniaques était sans dessus dessous. Le Grec pouvait voyager entre les pieux sans craindre le genre de surnom qui était donné à l’ancien gardien de l’Eden. Mais à voir, cette appellation amusait le bel ange ce qui ne le surprit pas. Il n’allait tout de même pas pleurer… Et il fallait avouer que ce surnom était putain de classe !

Rien que de sentir les yeux du déchu scruter son corps continua de faire monter la tension dans le corps d’Éleazar. Il aimait se savoir désiré, se savoir mangé des yeux.. Oui, le démon était un brin exhibitionniste, voire totalement ! La nudité ne le dérangeait pas ! Cela le flattait, ce regard valait tous les compliments qui auraient pu être fait par Asmodée. Il ne pu s’empêcher de se perdre lui aussi sur la contemplation du déchu qui était bien roulé. Alors qu’il le matait sans se cacher, il put sentir un changement d’air qui lui prit les naseaux, le détendant plus encore. La volupté et le désir étaient maintenant omniprésents dans le carré VIP.

Un sourire se dessina sur le visage de l’entité démonique aux mots qui sortaient de la bouche de son interlocuteur. Il était lui-même resté assez vague, mais à voir le message avait très bien été compris par le bel ange qui lui lança un pic pour le provoquer.
- Ceux qui n’ont pas d’ambition ne vivent pas longtemps non ?
Dit-il amusé avec une voie mielleuse et volontaire pour prouver à Asmodée qu’il n’allait pas en découdre. Le démon soutint le regard de l’ange qui était plus intense, tout comme le sien l’était. Lorsqu’il le vit se lécher la lèvre supérieure, un sourire qui laissa éclater sa dentition blanche apparut.

Ce fut au tour de l’ex plumeux de rentre dans de la provocation, ce qui arracha un léger gloussement à Éleazar. Le démon aimait le défi, surtout ce genre de défi qui lui était proposé maintenant par l’ancien ange. Il le regarda alors dans les yeux profondément.
- Je me sens à la hauteur sans vouloir prétendre être ton futur meilleur amant ! Commença-t-il en souriant. Avec tous celles et ceux qui avaient dû passer dans ses bras… Mais je compte bien monter dans ton top 5 !
Ambitieux ? Certainement ! Rêveur ? Aussi… ! Mais il se savait ne pas être un mauvais coup. Sa voix fut rauque et légèrement provocante pour le titiller. Le démon comprit qu’il allait devoir faire le premier pas, ce qui ne le dérangeait pas. Quand il voulait quelque chose, il fonçait pour l’avoir.

Éleazar se leva et fit alors les quelques pas qui les séparaient pour se rapprocher de lui. Il s’arrêta lorsque son visage était assez proche de celui du déchu et plongea ses yeux dans les siens, exprimant une partie de son désir alors qu’il sentait encore plus fortement l’aura de tension charnelle qui dégageait Asmodée. Il n’avait qu’une envie : lui sauter dessus ! Mais il n’allait pas céder à sa pulsion, son désir était encore sous contrôle pour le moment… même si le point de rupture n’était pas loin.
- Et toi, penses-tu que je sois à la hauteur de tes envies mon bel Asmodée ?
Son visage se trouvait à une trentaine de centimètres du sien, il lui sourit d’une façon sensuelle pendant que son corps dégageait lui aussi ses hormones dans l’air.

Spoiler:

Eléazar semblait subjugué par le déchu et les charmes qu’il venait de déployer, ne le quittant plus des yeux un seul instant. Une certaine satisfaction était visible dans son sourire lorsqu’Asmodée s’attarda à le détailler. Dans un même temps, l’Avatar de Luxure pouvait sentir le désir de son invité grimper à chaque seconde qui s’égrainait. Eléazar était visiblement de ceux qui aimaient être remarqué. A la réponse du grec quant à la nécessité de l’ambition, le déchu lâcha un rire d’approbation. Effectivement, sans cette motivation, il n’y avait que peu de chance de s’élever dans la société… ce qui était d’autant plus vrai dans le monde des démons où le plus faible se faisait inévitablement dépecer.

Comme s’y était attendu Asmodée, le démon méditerranéen ne put résister bien longtemps à la provocation que lui avait lancé le déchu. De tout temps, les performances dans le domaine de l’érotisme avaient toujours eu un effet radical sur l’égo, enflammant ce dernier à la moindre étincelle. Remettre en question ces compétences provoquait systématiquement une réaction de justification … voire, une démonstration, et ceci, pour le plus grand amusement du Mille et Un Fois Maudit. Ce fut donc avec un sourire tentateur qu’il répondit à Eléazar quand ce dernier prétendit pouvoir faire parti des cinq meilleures aventures du déchu. La concurrence à laquelle allait devoir faire face le grec risquait fortement de rendre cette tâche herculéenne, offrant alors un challenge de taille. Pourtant, Asmodée se refusa de saper le moral de son invité, préférant lui laisser tout le loisir de chercher à remporter le défi.

Se relevant de son fauteuil pour venir s’approchait de son hôte, Eléazar prit soudainement l’initiative. Impassible derrière son sourire charmeur, le démon de la Tentation le laissa faire, observant chacun de ses faits et gestes. A présent séparés de quelques dizaines de centimètres, les deux démons se faisaient face à face lorsque Eléazar demanda au déchu s’il le pensait à la hauteur. Le sourire d’Asmodée s’élargit encore un peu plus, dévoilant d’avantage sa dentition parfaitement alignée. La crainte de la performance venait-elle de germer dans l’esprit du grec ?

Posant délicatement une main sur la joue de son invité, Asmodée en caressa lentement la barbe de trois jours de la pommette jusqu’au bout du menton. Sous ses doigts, le toucher aphrodisiaque du Prince des Succubes s’infiltra dans la peau du grec, la sensation se poursuivant plusieurs secondes après son passage.

« Entre mes mains, même le pire des amants trouverait la motivation de se surpasser … », susurra le déchu d’une voix similaire à un souffle.

A l’oreille du démon européen, les mots d’Asmodée, imprégnés de son essence corruptrice, donnèrent l’impression de se répéter plusieurs fois tel un écho onirique, tandis que sa main descendait en glissant le long du cou d’Eléazar, tel le serpent descendant lentement de l’Arbre. Finalement, le déchu stoppa son mouvement une fois arrivé au milieu du torse ciselé de son invité. Pas un seul instant, le regard vert-noisette du démon de la Concupiscence n’avait cillé, fixant sans interruption celui de son interlocuteur.

De la paume de sa main, Asmodée continuait de diffuser son pouvoir au contact si chaleureux et enivrant. Tuant les derniers centimètres les séparant, sans rompre le contact sous sa main, le déchu se rapprocha pour venir se placer joue contre joue avec Eléazar. A cette distance, les effluves dégagées par le déchu frappait directement leur cible, tandis que le contact de sa joue s’ajoutait à celui de sa main.

« Alors, je n’ai aucun doute quant à ce que toi, tu es en mesure de me proposer », lui murmura-t-il à l’oreille.

S’écartant du grec, Asmodée se réinstalla dans le fond de son fauteuil, tout en ôtant sa main pour venir la reposer sur son accoudoir.

Le plaisir de la chair ne remplaçait certes pas le plaisir que pouvait tirer les démons de la haine, de la colère, de la peur ou encore de la douleur, mais il fallait dire que c’était certainement le seul péché qu’ils avaient en commun avec les humains et qu’ils aimaient pratiquer autant avec des Hommes qu’avec des aux entités démoniaques. Il était inutile de dire que les enfants de Satan étaient meilleurs au pieu que la plus part de ces rats qui ne vivaient pas assez longtemps pour connaître tous les plaisirs que leur corps pouvait leur offrir. Cependant, le Grec fut, de temps à autres, surpris en bien par certaines vermines qui excellaient dans l’art du plaisir de la chair. L’Européen prenait d’ailleurs grand soin de conserver ces bijoux à l’abri de toute attaque possible et les surveillait comme la prunelle de ses yeux. C’était là qu’il était le plus possible de voir son côté possessif et colérique. Il suffisait de voir un autre humain, ou même un autre démon s’approcher de son joyau qu’Éleazar partait au quart de tour. Heureusement pour lui, il avait toujours su prendre le dessus ou s’arrêter à temps pour ne pas finir renvoyé aux Enfers.

Le jeu d’Asmodée était clairement visible pour le Grec, et cela le faisait sourire. Il savait que l’ancien cul plumé aimait se savoir désirer et qu’il appréciait provoquer les gens pour qu’ils se jettent littéralement sur lui pour déchirer ses habits et passer des ébats charnels au possible. Le Mille et une Fois Maudit était l’avatar même du désir, de l’envie, il avait donc eu plus de mille et un amants ou mille et une amantes pour combler ses nuits, mais cela ne faisait pas peur à Éleazar qui s’était lancé un défi plutôt ambitieux : rentrer dans son top cinq des meilleurs amants. L’objectif était plutôt de rentrer dans son top dix, voir top vingt, mais un peu de challenge et d’ambition ne faisait pas de mal…

La main d’Asmodée vint caresser la joue barbue du démon Grec qui ne put que frémir sous ce touché de velours. Ainsi, le tentateur maitrisait vraiment le plaisir de ses proies… Cela était plus qu’intéressant, tout comme la nuit qu’ils allaient passer allait l’être. Sa phrase rentra dans l’esprit de l’Européen alors que celui-ci avait toujours l’impression de sentir la main de l’ancien plumeux sur son visage, ce qui l’étonna.
- Mmm, alors qu’en est-t-il d’un bon amant? Il n’attendait pas de réponse et n’en aurait sûrement pas ! Mais tout dépendait
Il sentit que les doigts d’Asmodée descendaient le long de son cou pour arriver au milieu de son torse bien travaillé. Ce tracé laissa un filament de frissons dans la peau de l’entité démoniaque qui ferma les yeux pour la savourer pleinement en laissant un soupire d’aise passer entre ses lèvres entrouvertes.

Les mots du déchu sonnèrent dans l’esprit de Grec fraichement arrivé comme des carillons. Le contact du déchu n’était que plus agréable, lorsqu’il vint poser sa joue contre la sienne, une chaleur se développa dans la chair du démon qui ne pouvait que la savourer. Lorsqu’il se remit dans son fauteuil, Éleazar sourit, allant s’asseoir sur ses genoux avant d’aller lui caresser la joue en lui souriant comme seule réponse à ses dires.

Il se permit d’avancer son visage jusqu’à toucher le sien, lui volant un baiser, ne tenant plus aux effluves de plaisir que lui offrait l’ancien ange.

Sans aucune surprise, la petite mise en scène d’Asmodée eut l’effet escompté, plongeant le démon européen dans une sorte de forme d’excitation tout juste contenue. Tout chez le déchu poussait son invité à en vouloir plus, l’ivresse de son odeur, l’extase prodiguée par son toucher, ou encore l’invitation à la décadence qu’était le timbre de sa voix. Tant est si bien que lorsque le Gardien des Plaisirs s’écarta pour regagner son siège, Eléazar ne put se retenir bien longtemps avant de se rapprocher de lui, prenant place sur ses genoux, pour ensuite l’embrasser. Amusé par la réaction du grec, le déchu se laissa faire, savourant à son tour ce qu’il estimait être une victoire. Une fois encore, il avait su se rendre irrésistible aux yeux d’un autre. Il avait su se faire aimer, même s’il devait cette réussite en grande partie grâce à sa faculté surnaturelle de séduction.

Plaçant sa main à l’arrière du crâne d’Eléazar, le déchu explora la chevelure du grec de ses doigts expert, alors qu’il poursuivait ce baiser de manière de plus en plus langoureuse. De son autre main, il claqua des doigts. Un rideau d’épais velours cramoisi courut le long d’un rail, faisant le tour du carré VIP pour ainsi isoler l’endroit du reste de la boite de nuit. Les derniers employés encore présents s’éclipsèrent sans tarder, laissant les deux démons dans leur intimité. A présent seuls, Asmodée vint appliquer sa main libre dans le dos de son nouvel amant, le caressant avec avidité tout en descendant jusqu’à arriver au niveau de son postérieur.

« Inutile de nous donner en spectacle … je n’aimerais pas donner des complexes à ma clientèle », annonça le démon avec un sourire espiègle aux lèvres.

Une nouvelle fois, Asmodée se plongea dans un baiser plein de sensualité et de désir, tout en continuant de parcourir le corps de son partenaire de ses mains, s’insinuant sous le t-shirt de ce dernier afin de le caresser à même la peau, se débarrassant de tout obstacle entre son contact et sa cible. Ainsi, du bout des doigts, par de subtiles caresses, le déchu s’amusait avec les zones érogènes d’Eléazar, lui en faisant peut-être découvrir certaines qu’il n’avait jusqu’alors jamais soupçonnées. L’infortune d’Eve laissa également libre cours à ses effluves parfumées, baignant l’endroit à présent de sa fragrance aphrodisiaque. A travers ce baiser qui ne cessait de se prolonger, le déchu se laissait également gouter par Eléazar, subjuguant le dernier de ses sens.

Cette soirée, qui ne faisait que commençait, promettait de rester mémorable pour le démon grec.

Spoiler:

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