III.01 - Coming Out Strong

Evalenn sortie doucement de l'appartement, enfin, chambre de motel, de Brian. Elle tentait de ne pas faire de bruit puisqu'il dormait encore ce matin là. Dans ces moments là, elle sortait dehors marcher et le laissait récupérer le sommeil dont il avait besoin. Elle décida de prendre une longue marche en ville, chose qu'elle n'avait pas fait depuis la fameuse chasse aux oeufs de Pâques. C'est-à-dire, une marche sans but et surtout, démunie de l'envie de tuer qui l'avait habité dans les derniers mois. Enfin délivré de ce mal, elle marchait le coeur plus léger. Cependant, elle n'avait toujours pas évolué aux fins de mois, lors des pleines lunes, elle perdait la mémoire et se réveillait un matin en quelque part dans les bois avec du sang sur les mains. À chaque fois, elle était penaude et s'empressait d'aller se laver et de mettre des habits propres pour effacer ces traces démontrant qu'elle n'avait toujours pas le plein contrôle de la bête en elle.

La jeune femme marchait lentement, regardant autour d'elle et prenant consciences des odeurs qui flottaient en ville. Les restaurants qui s'ouvraient et qui avaient commencés à faire cuire leurs divins menus, la bonbonnerie qui était en ville ainsi que la chocolaterie. Elle évitait toutefois de s'attarder près des marcheurs qui tenaient un chien en laisse, car si elle arrivait à berner les humains, les chiens eux savaient parfaitement ce qu'elle était. Finalement, après une bonne heure de marche tranquille, elle décida de faire ce qu'elle faisait à chaque fois: Aller marcher dans les bois. Comme à son habitude, elle ne prit pas les sentiers qui avaient été pratiqués dans la forêt, elle piqua à travers la verdure, se créant son propre chemin selon la direction vers laquelle elle souhaitait aller. Elle marcha ainsi un peu plus rapidement, laissant libre court à sa puissance surnaturelle qu'elle n'avait pas besoin de cacher en ce lieu, se laissant enivrer par les odeurs relaxantes des arbres et des diverses plantes alentours. Finalement, Evalenn déboucha sa marche sur la rive du lac. Elle sortie prudemment de la forêt, marcha sur les quelques grosses roches qui étaient à moitiées submergées par le lac et s'arrêta lorsqu'elle ne pût aller plus loin. Elle était seulement à un mètre et demi de distance de la sécurité des arbres. Elle fixa la noirceur de l'eau autour d'elle, se demandant si une créature surnaturelle quelconque s'était établie en ce lieu. Comme elle aimait dire, tout était possible dans cette ville après tout! 

Evalenn chassa cette idée saugrenue de son esprit et fixa les rives opposées du lac. Comme d'habitude, il n'y avait personne. Peu de personnes connaissaient l'existence de lac. Fallait dire que pour s'y rendre à pied, c'était une longue distance même en suivant le sentier pour les humains dans les bois. La jeune femme décida de tourner les talons et de retourner à couvert dans la forêt, lorsqu'elle vit au loin quelque chose bouger, une chose qui n'avait pas attiré son attention au départ. Plissant des yeux et fixant la rive opposée avec intensité, car il fallait noter qu'il y avait quand même une bonne distance entre les deux, elle remarqua quelqu'un qui semblait accroupie, un homme semblait-il. Curieuse et trouvant cela un peu étrange, elle décida d'aller voir.

Evalenn retourna à couvert dans la forêt et courût en suivant la lisière sans toutefois sortir sur la rive une nouvelle fois. Un peu essouflée, elle s'arrêta à distance de la personne qu'elle avait aperçue plus tôt. Elle était sur ses gardes, car elle ne savait pas qui elle allait rencontrer. Elle marcha doucement sans faire de bruit et avança en faisant attention de ne pas faire craquer de petites branches au sol. Finalement, elle s'arrêta pour humer l'air. Evalenn laissa apparaitre sur son visage un sourire, elle reconnaissait cette odeur! Elle s'approcha alors en se baissant et en fixant sa ''proie''. Visiblement, Logan était en train de dessiner. Un petit passe-temps dont elle aimerait bien pouvoir partager le talent. La jeune femme n'était pas médiocre au dessin, mais elle n'était pas ce qu'on pouvait qualifier d'artiste, ça c'était certain. Evalenn décida de surprendre son ami, puisque celui-ci semblait tellement concentré, que c'était certain qu'il ne l'ai pas encore remarqué, elle qui le fixait depuis un bon moment. 

Décidant que le moment était venu de le prendre par surprise, lorsqu'elle s'avança derrière l'arbre contre il était assis, elle s'avança soudain en laissant échapper un cri: '' COUCOUUUUU! '' et émergea à côté de lui tout sourire... Avant de le perdre aussi vite.

Le fait d'avoir voulu essayer de quitter mon domicile, histoire de tenter de reprendre un semblant de vie normale, était le meilleur moyen de panser enfin mes douleurs, mais ce n'était malheureusement pas une façon d'attirer un miracle, capable de gommer en deux temps trois mouvements une mort évitée de justesse. Malgré cette évidente certitude, je tentais tout de même de faire des efforts, histoire d'y mettre du mien et accélérer ma guérison du mieux possible. Le fait de me remettre à dessiner dans le cadre de mon métier était déjà un bon début, surtout après cette pause imprévue causée par ce qui m'était arrivé. Le fait de récupérer ma profession était une façon comme une autre d'assembler les morceaux brisés de mon être, histoire d'en faire une personne tangible, changée, mais capable de continuer de vivre. Ce travail n'était pas facile, tout comme l'était la vie, mais la reconstruction restait une étape obligatoire par laquelle il fallait passer, si on souhaitait continuer d'exister, et c'était exactement ce que je souhaitais. C'était pour cette raison que je me trouvais dans ce lac aujourd'hui. Je voulais me sentir en train de revivre.

Avec un rythme plus lent qu'à mon habitude, je poursuivais les traits de mon dessin, histoire de replonger en douceur dans le bain de mon profession, et aussi éviter d'agir trop brusquement pour mon mental encore fragile. Grâce à ce rythme, j'arrivais à davantage me rendre compte de ce que je faisais, mais je prenais également conscience du fait que je n'allais jamais perdre la main, malgré mes pauses. Ces petites marques positives étaient assez encourageantes, et cela me plaisait, évidemment, mais j'espérais simplement que cela allait suffire à m'aider. Il fallait vraiment que je parvienne à m'en sortir...c'était important. Cette peur que Kierkan avait enfermé dans mon corps m'empoisonnait depuis trop longtemps. Je ne voulais clairement plus poursuivre mon existence avec ce poids. C'était bien trop difficile.

Même si de beaux progrès avaient pu avoir lieu aujourd'hui, des signes me montraient que je n'étais pas encore tout à fait guéri. Alors que j'étais en train de retravailler le dos de la femme assise sur le banc, dos inspiré librement de celui de Emmy, je sentais des larmes en train d'apparaître au fond de mes yeux. Pourtant, je continuais de dessiner, en insistant. Ce n'était pas forcément la meilleure solution...mais je voulais continuer de travailler. Mon dessin ainsi que mon moral me demandaient beaucoup de concentration. Il pourrait se passer n'importe quoi autour de moi que je ne m'en rendrais pas compte. Par surprise, mon affirmation se vérifia, car une visite vint tout d'un coup se greffer dans mon processus de concentration. Evalenn venait de me surprendre, en train de dessiner, alors que des larmes commençaient à tomber de mes yeux. Je les avais évidemment essuyées en vitesse, mais Evalenn les avait forcément vues.

- Salut. lui dis-je, la voix un peu fragile... Excuse-moi...je...je ne pensais pas que je pleurerais...

Mes larmes m'avaient en effet pris par surprise, alors que j'aurais évidemment préféré qu'Evalenn ne puisse pas me voir dans cet état, mais le mal était malheureusement fait, alors on ne pouvait rien y changer. La tristesse était certes une réaction humaine, mais je n'aimais jamais la montrer au grand jour. À présent, il était fort possible qu'elle m'interroge sur le fondement de ma tristesse, sauf que je ne savais pas si j'avais la force d'en parler. Je ne me sentais pas encore tout à fait prêt.

- Comment vas-tu ?

Il s'agissait là d'une belle tactique idiote pour essayer d'éviter de parler tout de suite du fondement de la naissance de mes larmes, mais je savais bien que je n'allais pas pouvoir éviter ce sujet... Evalenn allait forcément me poser la question, je le sentais...

Evalenn avait fait une entrée bruyante, mais surtout pour taquiner son ami Logan... alors elle fût sous le choc lorsqu'elle le vit se retourner lentement vers elle et la saluer sans énergie et d'une voix fragile. Plus troublant encore, était ses larmes qui coulaient lentement et sans retenues sur ses joues. La jeune femme le fixa sans dire un mot, ne comprenant pas ce qui pouvait le troubler à ce point et le rendre si malheureux, surtout qu'aux dernières nouvelles il allait bien. Elle jeta un rapide coup d'oeil à son dessin, et remarqua qu'il dessinait une femme assise de dos. Aucune trace dans le dessin de quelque chose de malheureux, mais peut-être un peu de mélancolie? Elle reporta son regard sur celui de son ami, voyant dans ses yeux qu'il semblait brisé. Evalenn s'approcha plus doucement cette fois et vint s'asseoir en tailleur à côté de lui, son corps dirigé vers le sien, pour lui éviter à elle de tourner la tête constamment pour lui parler, et pour lui donner la liberté à lui de regarder vers le lac s'il ne désirait pas croiser son regard.

C'est alors qu'il lui demanda comment elle allait. Prudemment, Evalenn répondit: '' Je vais bien. Ma cheville s'est remise en place depuis notre escapade à la bibliothèque hantée. Ça été un peu mouvementé ensuite, mais ça va. '', dit-elle en laissant planer vaguement ce qui s'était passée dernièrement dans sa vie, ne désirant pas mettre l'emphase sur elle-même, afin de se concentrer sur le vrai sujet important: Lui, Logan.

Elle décida d'entamer doucement son questionnement, ne voulant pas pousser les limites et sans vouloir paraitre trop intrusive dans sa vie privée: '' Logan, qu'est-ce que tu as? Qu'est-ce qui t'es arrivé depuis...? Tu sembles bien malheureux. Tout va bien avec ta femme? ''. Evalenn avait décidé d'explorer les pistes possibles ayant pu mener son ami sur le chemin de la tristesse, et c'est pourquoi elle décida de lui demander si tout allait bien dans son couple. Fallait le reconnaitre, les chicanes de couple sont courantes. Peut-être faisait-elle fausse route, mais c'était la meilleure manière de l'inciter à parler et de dévoiler ce qui n'allait pas.

Patiente Evalenn le fixa en laissant un silence s'installer, mais tout en ne cherchant pas à le troubler, lui laissant le temps de trouver les mots et la force de s'exprimer.

En venant près de ce lac, je pensais pouvoir rester seul pour travailler sur ma commande, et ne faire rien d'autre que cela. Évidemment, rien ne s'était passé comme prévu. Mes émotions, preuve flagrante de ma fragilité actuelle, venaient de me rattraper, pour attaquer mes yeux au moyen de larmes abondantes et incontrôlables. La venue d'Evalenn, alors que ma tristesse s'exprimait visiblement, était un second imprévu...car je ne voulais vraiment pas que quelqu'un de proche de moi, autre que Jessica ou William, puisse me voir dans cet état. Ce n'était pas un refus pur et simple juste pour faire joli, mais simplement un refus provisoire, parce que je ne me sentais pas encore capable d'affronter le regard et le questionnement de n'importe qui. Mon mental n'était pas encore assez fort pour supporter tout cela. Il suffisait déjà de voir les difficultés que j'avais à sortir de chez moi pour comprendre que j'étais loin d'être parfaitement remis de tout ce qui s'était passé. Si j'étais dehors, c'était uniquement pour dessiner, et aussi pour commencer peu à peu à revivre une vie normale...mais si j'avais écouté ma conscience, je n'aurais jamais osé franchir le pas.

Maintenant qu'Evalenn était là et qu'elle m'avait vu en train de pleurer, j'étais complètement perdu. Devais-je tout lui raconter et lui faire le récit complet des horreurs que Kierkan nous avait infligés à Jessica et à moi-même ? Devais-je voir en sa présence l'occasion de me libérer enfin des restes de cette histoire qui avait brisé mon mental ? Je ne savais pas trop quoi faire... Si j'avais demandé à Evalenn comment elle allait, c'était pour prendre de ses nouvelles, mais également pour éviter de plonger tout de suite dans ce qui n'allait pas chez moi...surtout que je ne savais pas encore quoi lui dire. Entre la douleur morale qui ne me faisait pas vraiment du bien, et cet égarement, on ne pouvait pas vraiment dire que ma position était belle.

Evalenn était juste à côté de moi, assise en tailleur, à me demander ce qui n'allait pas, en me demandant si tout allait bien avec Jessica, histoire de tenter de comprendre la source de mon malheur. Ce dernier ne pouvait aisément pas venir d'elle. S'il y avait bien une personne incapable de me rendre malheureux, c'était bien Jessica.

- S'il y a bien une personne incapable de me rendre malheureux, c'est bien Jessica...ce n'est pas à cause d'elle si je suis comme ça...c'est autre chose.

Cette toute autre chose était plus compliquée et surtout très difficile à gérer. Allais-je réussir à tout raconter à Evalenn ? Je sentais déjà cette douleur en train de tordre ma gorge, comme pour m'empêcher de parler...mon corps n'avait pas envie que je raconte cette douloureuse histoire. Mais moi, en avais-je envie ? Je ne le savais pas vraiment...

- Ma vie a été aussi plutôt mouvementée depuis la bibliothèque hantée...un peu trop d'ailleurs. commençais-je avant de prendre une légère pause, histoire de reprendre mon souffle. Il y a que...en fait...je...pardon c'est difficile à dire...mais je vais y arriver...il le faut.

Je ne savais pas quels mots employer pour raconter ce qui venait de m'arriver. Après tout, mon histoire ne faisait pas vraiment partie de ces choses dont on parlait très facilement, mais je devais le raconter...il le fallait.

- Avec Jessica...on a vécu l'horreur...avec un malade mental...et...ça a failli très mal se finir. On a réussi à s'échapper, à trouver de l'aide...mais la fin de l'histoire est passé à deux doigts de l'enfer, pour moi...

Il fallait que je le dise...à tout prix...mais c'était très difficile, pour moi.

- Il m'a gravement empoisonné...au point même de tripler les doses, juste pour être sûr que ça me tue...et j'ai vraiment failli mourir. J'ai été sauvé...bien sûr, mais vraiment de justesse. J'ai vraiment cru que j'allais y passer cette fois...

Evalenn était assise en tailleur se demandant comment amener Logan a lui parler. Elle lui demanda alors la première chose qui lui vint à l'esprit. Est-ce que tout allait bien à la maison? À cette question, Logan ne se fit pas prier pour lui donner une réponse. Tout allait bien chez lui et jamais ça irait mal avec sa Jessica. Bon, c'était une bonne nouvelle, mais qu'en était-il alors de la mauvaise? Que se passait-il donc qui puisse le mettre dans un tel état? Le loup-garou lui admit alors que sa vie, depuis la bibliothèque hantée, avait été un peu trop mouvementée à son goût. Puis, il hésita et dit tout haut qu'il fallait qu'il arrive à lui dire. La jeune femme se sentie troublée et très inquiète dans le voir dans cet état.

- Tu sais Logan... dit-elle un peu mal à l'aise, Si tu as besoin de temps pour parler, je peux attendre, ajouta-t-elle ne sachant pas trop à quoi s'attendre.

C'est alors que Logan lâcha la bombe. Il lui apprit qu'il avait vécu l'enfer avec sa femme aux mains d'un malade mental. Au point qu'ils avaient faillis y laisser leur vie. Par chance, ils avaient réussis à s'échapper de justesse et à trouver de l'aide. Toutefois, il ajouta que ça aurait pu vraiment mal se terminer pour lui. Pourquoi lui en particulier? Elle n'obtint pas la réponse à la question qu'elle posait mentalement. Par contre, il mentionna avec difficulté que le malade mental l'avait empoisonné, pas une fois, mais trois fois! Juste pour être certain qu'il meure. 

Cette dernière phrase donna des frissons à Evalenn. C'était quoi cette histoire? C'était qui se malade?! Pourquoi Logan avait-il été visé? Qu'est-ce que le cinglé avait fait à sa femme? Evalenn affichait un air troublé et un brin angoissé. En plus des chasseurs et des démons, il fallait maintenant ajouter les ''serial killer'' ou les fous d'asile à sa liste d'ennemis et de personnes à éviter.

- Attend Logan. Pourrais-tu m'expliquer ça, mais en partant du début? Je veux dire... pourquoi est-ce qu'un fou vous a fait du mal? Ta femme, a-t-elle subit le même traitement?... Elle n'est pas morte tout de même?! 

Evalenn lui posa les questions qui la taraudaient. Elle savait que Logan pourrait refuser d'y répondre puisque le traumatisme était récent, mais elle s'essaya quand même. Elle souhaitait comprendre ce qui c'était vraiment passée et si un nouvel ennemi avait fait son apparition en ville... déjà que la folie semblait gagner Huntfield! Lucifer avait été malheureusement libéré et les répercussions en ville étaient plus que visibles. C'était l'Enfer sur Terre... ou presque!

L'idée de pouvoir enfin réussir à parler de ce qui m'était arrivé serait très certainement le meilleur moyen pour moi d'avancer et de tourner peu à peu la page de cet événement traumatisant. Malheureusement, même si du temps était passé depuis ma sortie de l'hôpital, cela s'avérait encore difficile pour moi d'évoquer les souffrances subies à cause de Kierkan. Evalenn était pourtant une personne de confiance, quelqu'un à qui je pouvais parler sans être jugé deux secondes après, mais la vérité avait quand même du mal à sortir. C'était ma douleur, et la dévoiler au grand jour était encore au dessus de mes forces. Malgré mes difficultés flagrantes, j'avais quand même pu réussir à parler à Evalenn et dire, en gros, ce qui nous était arrivé à moi et Jessica. Il n'y avait pas énormément de détails, mais c'était déjà un bel effort venant de moi, surtout compte-tenu de mon état actuel.

Évidemment, après mon début d'explication, Evalenn voulut en savoir davantage, ce qui était une réaction plus que logique. Elle se mit alors à me poser plusieurs questions en rapport avec ce que je venais de dire. Maintenant que j'avais commencé à en parler, il fallait continuer à plonger avec davantage de profondeur dans les révélations. Ce serait réellement dommage de m'arrêter en si bon chemin, car cela anéantirait mes efforts. J'allais ainsi continuer de parler. Il le fallait...

- Avant lui...il y a eu quelqu'un d'autre. commençais-je, histoire de partir du tout début de l'histoire, car Evalenn ne pourrait pas comprendre l'histoire de Kierkan sans avoir connaissance de l'histoire de Kazran, son frère jumeau. Le fou avait un frère jumeau, qui a perdu la tête suite à la mort de sa mère, assassinée par un loup-garou. Il m'a surveillé...va savoir pourquoi...et quand il a découvert que j'étais un loup-garou, surtout un capable de se maîtriser et d'éviter de tuer des gens pour ma survie, le pire a commencé. Il a continué de me surveiller et à guetter le parfait moment où j'allais être suffisamment vulnérable pour m'enlever. Il m'a retenu dans une cabane minuscule, retiré de la lumière du jour et sans repère. Il tenait à se "venger" de la mort de sa mère, même si je n'avais rien fait, et il me présentait alors des victimes, pour que je les tue comme j'étais censé le faire, sauf que je n'ai rien fait. J'ai refusé, et lui il ne l'a pas apprécié, évidemment, alors en échange de chacun de mes refus c'était torture sur torture, et les victimes mourraient sous mes yeux. Si je suis encore en vie après cette histoire, c'est parce qu'il a fait une erreur en laissant une victime en vie. Dans son comportement, il y avait de sérieux indices concernant la cause de sa folie, et j'en ai profité en distrayant le type et en orchestrant l'évasion de la victime, pour qu'elle s'échappe et qu'elle aille chercher de l'aide. Par la suite, Jessica m'a retrouvé et m'a sorti de là avec l'aide d'une amie. Cette fois-là aussi j'aurais pu...y passer. Disons que si le type n'avait pas fait une erreur, je n'aurais pas pu être sauvé.

Cela avait été plutôt difficile de parler de tout cela, mais il avait bien fallu que je le fasse. Sans le bout concernant Kazran, Evalenn n'aurait jamais compris ce qui était arrivé à cause de son frère.

- On pensait avec Jessica que tout serait fini après cela, car le fou qui m'a enlevé est mort, mais on a eu tort. Il s'est avéré en effet qu'il existait un frère...jumeau évidemment. Il n'a pas répété le schéma de son frère, car il nous a enlevés tous les deux cette fois-ci. Au départ, il disait vouloir simplement savoir ce qui était arrivé à son frère, mais il voulait tout simplement s'acharner, car il savait pertinemment ce qui s'était passé. Ce type avait juste besoin de jouets vivants...et il s'est servi de la mort de son frère pour en avoir deux servis sur un plateau d'argent. Il nous a fait beaucoup de mal, à tous les deux, mais heureusement j'ai été le seul triplement empoisonné dans l'histoire. On a pu s'échapper, mais cela n'a pas été facile. Ce dingue était plein de ressources... Dans mon cœur, ce psychopathe est mort, mais je ne sais même pas s'il l'est réellement. Je n'ai jamais vu son corps...et tant que je ne le vois pas j'aurais toujours peur de le revoir...

Je parlais énormément, au point que ma voix puisse parfois avoir du mal à suivre le flot de mes nombreuses paroles. Il fallait pourtant que je le fasse, pour qu'Evalenn puisse avoir connaissance de tout ce qui m'était arrivé...car le fait de ne savoir qu'une partie de l'histoire ne lui permettrait pas de comprendre pourquoi je me sentais aussi mal.

- La première fois, je sais que j'ai failli mourir...mais je ne l'ai qu'à peine ressenti, pensant simplement revenir de loin et échapper à un terrible cauchemar. Au fond, j'ai ressenti cela aussi la seconde fois, mais cela a été plutôt différent quand même, car à chaque fois que je me sentais en train de mourir...je m'en rendais vraiment compte. Ces sensations étaient si fortes...qu'au final ma survie au lieu de m'aider m'a perdu. J'ai encore du mal à m'y faire, autant aux douleurs qu'au fait d'être encore en vie. C'est comme si je suis encore désorienté...et que je ne retrouve pas encore mon chemin...que j'ai encore mal. Je ne sais pas, je ne comprends pas tout...

Après avoir fini mon long discours, je me mis à fouiller dans mon sac, pour en sortir une bouteille d'eau et en boire une petite gorgée, encore surpris d'avoir autant parlé au sujet de mes douleurs. Je m'étais inconsciemment libéré, sans m'en rendre réellement compte.

Evalenn était réellement troublé par les aveux de Logan, mais elle ne savait pas toute l’histoire. Il avait commencé par la fin de son récit et non pas par le début. De ce fait, elle ignorait complètement pourquoi un malade s’était attaqué à lui et sa femme. Elle hésita un peu avant de lui demander, mais elle se jeta quand même. Elle lui demanda ce qui s’était passé, en lui réclamant le début de l’histoire, même si elle se doutait qu’il ne voudrait peut-être, voir surement, pas en parler.
Elle avait de la chance quand même, car Logan prit un petit moment avant de se lancer. Il lui raconta donc que le malade avait eu un frère jumeau. Ce frère avait été le premier à s’en prendre au loup-garou, par simple envie de vengeance. Non pas une spécialement dirigé sur lui, mais bien seulement parce qu’il était ce qu’il était. Une créature du surnaturelle, de la même espèce que celle qui avait assassiné les parents des deux frères. Elle sût ainsi qu’il avait été retenu dans le noir et torturé, et qu’à chaque refus d’assassinat, ces humains étaient tués par le premier frère... Jusqu’au jour où il pu enfin se libérer avec l’aide de sa femme Jessica, et une amie de cette dernière. Puis, plusieurs temps plus tard, vint la réplique du deuxième frère, puisque le premier était mort. Ce deuxième fou avait voulu leur faire du mal aussi, en se servant de raisons bidons. Selon Logan, c’était juste parce qu’il avait besoin de ‘’jouets’’ vivants.
Evalenn réprima une envie de vomir. Le pauvre était tombé sur deux vrais fous en soif de sang. Preuve était faite qu’il n’y avait pas que les démons qui étaient cruels. Puis finalement, il lui déclara qu’il était troublé à chaque fois de passer aussi près de la mort, sans pourtant mourir. Que ça lui laissait un effet bizarre, étrange. Evalenn acquiesça. C’est vrai que passer à deux cheveux de crever c’était toute une épreuve!

- Je comprend ce que ça fait de rester vivant alors qu’on a frôlé la mort. C’est vrai qu’on est tout drôle après... J’ai entendu dire que certains avaient l’impression de perdre à chaque fois un fragment de leur âme. J’ignore si c’est vrai ou si c’est possible. Enfin.... chacun vie ça différemment. Bien franchement, je ne sais pas si c’est juste un manque de bol ce qui s’est passé avec ces deux frères? Tu étais peut-être là au mauvais endroit et au mauvais moment... Ça aurait pu être quelqu’un d’autre. Des fois faut pas chercher je pense. Il y a juste des personnes qui sont irrécupérables à ce niveau là.

Evalenn se trémoussa un peu sur place, légèrement mal à l’aise. Elle savait que ses paroles n’étaient pas hyper réconfortantes, mais elle ne savait pas exactement comment s’adresser à lui à propos de cette histoire d’horreur.

Tout au fond de mon cœur siégeait une intense douleur, dont je ne parvenais toujours pas à guérir. Même avec tous ces jours qui venaient de passer, la puissance de ma souffrance n'avait pas réussi à décliner. J'avais vraiment envie de croire que Kierkan était mort et qu'il n'allait jamais réapparaître dans mon existence, mais ce statut ne l'empêchait malheureusement pas de continuer à me tourmenter. Sa mort avait même su ouvrir une torture encore plus désagréable qu'une simple torture physique. Ce qui m'arrivait actuellement était bien plus fort que ce que j'avais vécu par le passé avec Kazran et même bien plus fort que tout le reste. J'en étais certain car auparavant jamais je n'avais eu aussi mal.

Le problème d'une douleur, telle que celle que je subissais en ce moment-même, était justement le fait que j'avais énormément de difficultés à en parler. Ce que j'avais pu dire à Evalenn relevait du miracle, car jusqu'à aujourd'hui j'étais surtout resté muet concernant ce qui m'arrivait en ce moment, parce que j'avais bien trop mal pour parvenir à le faire. Ainsi, j'avais pu tout lui avouer, du tout début de l'histoire jusqu'à la fin. Cette libération était aussi surprenante que salutaire, car cela me prouvait que je n'étais pas un cas aussi désespéré que ce que je pensais, et qu'il était peut-être encore possible pour moi de guérir de ce qui me tourmentait en ce moment. J'allais pouvoir bientôt m'en sortir...à force d'attendre, et j'avais vraiment hâte de pouvoir vivre cela pour vrai.

Dans sa réponse, Evalenn avait su mettre mettre un nom sur mon mal, en indiquant que certaines personnes avaient l'impression de perdre un fragment de leur âme en frôlant la mort sans pour autant la laisser les atteindre. Au fond, ses paroles étaient une plutôt bonne façon de décrire ce qui m'arrivait. À cause de Kierkan, j'aurais très bien pu mourir mais je ne l'avais pas fait. À la place, mon corps avait survécu au poison qui aurait du me tuer, mais ce n'était pas le cas de mon âme. Cette dernière n'était pas revenue intacte de ce qui m'était arrivé. Allait-elle pouvoir guérir d'une expérience pareille ? Aucune idée. Après tout, j'avais bien pu "guérir" de Kazran, alors pourquoi pas de Kierkan ? Souvent, il était dit que l'espoir faisait vivre, alors il fallait continuer d'y croire.

- Ce que tu as dit, au sujet du fragment d'âme qu'on perd quand on frôle la mort d'un peu trop près, c'est la description parfaite de ce qui m'arrive... Au fond, tu as trouvé les mots que je n'arrivais pas à trouver...

Il était certain qu'il était plus simple de parler d'une souffrance quand on parvenait à la décrire, et je disposais à présent des mots exacts pour pouvoir le faire, grâce à ce qu'avait dit Evalenn.

- En fait, j'ai l'impression que mon corps a pu survivre au poison qui aurait du le tuer...mais que mon âme n'est pas entièrement revenue de cette mésaventure. J'ai encore pas mal de difficultés à recoller les morceaux de cette dernière d'ailleurs. dis-je, avant d'ajouter ceci : Peut-être qu'avec le temps j'y arriverais, du moins je l'espère. Après tout, j'ai pu réussir à me remettre à peu près de ce que m'avait fait Kazran...alors pourquoi pas Kierkan...

Je mis ma main sur le coin droit de mon front, là où j'avais pris un sacré coup à cause de Kierkan, lorsqu'il nous avait enlevés Jessica et moi. C'était un étrange réflexe que je ne comprenais qu'à peine. Je ne souffrais plus de la tête, plus depuis quelques temps en tout cas, mais je mettais toujours ma main à cet endroit. Peut-être était-ce pour symboliser la désorientation de mon être, et donc de mon cerveau, mais je ne pouvais même pas en être certain, ne comprenant même pas la nature de mon geste.

- Ça va bien se passer...ce n'est pas comme si c'était la première fois que je souffrais... disais-je en écho à ma vie plutôt compliquée. En effet, j'avais vécu Kazran, une forte fièvre à cause de ma nature, une attaque de bête sauvage, celle d'une créature dont j'ignore le nom de la race, mais également une enfance très compliquée dont très peu de personnes connaissaient les détails...et plein d'autres choses encore, alors on pouvait dire que j'étais devenu une sorte de spécialiste des blessures à la longue.

- Excuse-moi, je vais arrêter de me plaindre...

Evalenn mentionna a Logan avec douceur que certaines personnes, quand ils frôlaient la mort, disaient avoir l'impression de perdre une partie de leur être. Un bout de leur âme envolé à chaque fois. Elle trouva matière à ajouter que c'était peut-être un mauvais concours de circonstances ses rencontres avec les frères diaboliques et fous à lier. 

Logan accepta son idée des morceaux d'âmes perdus, ajoutant que c'était ce à quoi il pensait sans arriver à le formuler clairement. Evalenn hocha de la tête, comprenant sa douleur. Enfin, elle en comprenait une partie, mais seul lui allait vivre avec l'étendue complète de celle-ci. Pas elle. Evalenn avait déjà passé à travers bien des affaires, des choses graves certes, mais pas traumatisantes à ce point. Jamais quelque chose qui aurait pu... Enfin, le traumatisme lié au meurtre de sa famille et le traitement de son père ensuite était quelque chose, mais ça s'était traduit en colère pure et en haine complète au lieu d'un sentiment de terreur et d'abattement. Non, au fond, elle ne pouvait pas réellement comprendre ce par quoi son ami passait, mais elle essayait de s'en convaincre et de l'en persuader. Elle faisait des efforts pour essayer d'aider ses amis dans la douleur, mais ce n'était pas sa force. Elle avait une Calli à moitié détruite sur les bras et elle avait de la difficulté à gérer la situation. Alors, l'ajout de Logan lui démontrait parfaitement à quel point elle était juste complètement nul sur ce plan. Toutefois, elle faisait des efforts. Elle gagnerait peut-être quelques points pour l'effort déployé?

Logan ajouta que ses douleurs étaient peut-être guéries physiquement, mais que mentalement, il n'y était pas encore. Que ça prendrait un certain temps. Elle le regarda se toucher le coin de la tête distraitement, comme tiraillé de l'intérieur par un démon sans nom, avant de laisser sa main retomber. Il mentionna alors qu'il allait réussir à traverser cette nouvelle épreuve, que ce n'était pas la première fois qu'il allait devoir le faire. Puis, il s'excusa en quelque sorte en lui disant qu'il arrêterait de se plaindre de ses malheurs. Evalenn se sentie mal en l'entendant dire cela. Avait-il compris que la jeune femme ne savait pas comment réagir? Qu'elle avait de la difficulté à l'aider en cet instant? C'était peut-être une faiblesse plus visible qu'elle ne le pensait au final. Elle se mordit la lèvre inférieur distraitement, tournant son regard vers le lac. 

- J'espère que tu vas arriver à effacer ça en parti et réussir à continuer à avancer dans la vie. Toi et ta femme, votre vie va être différente pendant un temps. Ta femme aura certainement prit pleinement conscience du côté éphémère de la vie et des dangers qui en résultent. Toi par contre, en tant que créature, tu dois te faire plus discret et surveiller vos arrières. Sur tes gardes en permanence, n'oublie pas. On est des lycanthropes, on est surveillé par les curieux et les gens avertis. Ceux qui savent que le surnaturel existe et les chasseurs nous surveillent étroitement car on agit, même sans le vouloir, différemment des humains normaux, dit-elle avec une note de mélancolie soudaine.

Evalenn se déplaça et vint s'asseoir contre le flanc de Logan, fixant le lac elle aussi. Elle replia ses genoux contre elle-même, ne dit plus un mot et laissa Logan dessiner en paix. Elle voulait seulement être près de son ami, et le protéger. Si elle avait réussi à le surprendre, lui un lycanthope, n'importe quoi d'autre le pourrait. Elle ne pouvait courir le risque qu'il se fasse attaquer ou tuer par distraction. Il était en souffrance et elle souhaitait être celle qui pourrait le protéger, même si ce n'était qu'une partie de la journée. Il l'avait bien aidé elle quand elle avait eu besoin d'aide. Aujourd'hui, elle lui rendait le même service.

// FIN //

Merci pour ce bel RP ^^