Belial - Le savoir est pouvoir

Belial naquit un mercredi.

Un mercredi en fin de matinée , pour être exact. Vers les onze heures, midi et demi, si on pouvait en croire le soleil à son zénith. Il faut dire qu'en ses temps forts reculés, la précision n'était pas à l'ordre du jour. Les humains avaient certes finis leur évolution sur le plan physique , mais au niveau technologique cela restait rudimentaire et le biface avait encore de beaux jours devant lui.

D'ailleurs à cette époque notre protagoniste ne s'appelait pas encore Belial, mais avait un nom bien plus compliqué remplis d'assonances qui le rendraient imprononçable aujourd'hui. De plus, à sa naissance, c'était une femme.

Le petit être grandi comme on pouvait grandir à cette époque. Il n'y a rien de particulier à raconter sur lui, jusqu'à sa rencontre avec un certain personnage : Lucifer, fraîchement débarqué du Paradis et qui se morfondait sur terre à la recherche d'un moyen de rentrer dans le jardin d'Eden pour corrompre le coeur de Lilith et ainsi prouver à Dieu l'infériorité des êtres humains. L'ex archange ne s'intéressa pas à cette gamine à moitié sauvage. Par contre, la créature de Dieu fit grande impression dans son jeune esprit.

Les années passèrent. L'enfant devint femme et eut à son tour des enfants. Mais malgré le temps, il restait toujours graver dans ses souvenirs le visage de cet inconnu mystérieusement disparu un beau soir d'automne en compagnie d'autres comme lui. C'est pourquoi, quand le destin voulu que leur route se croise à nouveau (Lucifer venait de s'enfuir des enfers pour rejoindre la terre et semer la zizanie entre Abel et son frère), elle le reconnut immédiatement et le supplia de la laisser l'accompagner et le servir.

Lorsque l'ignorante donzelle lui jura fidélité, le prince des démons l'accepta comme servante, faisant d'elle la première sorcière. Puis il l'instruisit et finit de corrompre son âme avant de l'envoyer ouvrer à travers le monde, lui donnant le nom de Belial : « la sans lumière » avant de lui-même aller tendre ses filets pour séduire la descendance d'Eve.

La femme prit son rôle tout particulièrement à cœur, rependant les enseignements de son maître, même après que celui-ci fut enfermé dans sa cage aux 66 sceaux soit disant inviolables. Usant et abusant de ses pouvoirs, elle vécut fort longtemps. Pour être exacte elle jouit dans tous les sens du terme, d'une vie longue et bien remplie, dans un monde ou le mal était encore une idée novatrice et pourtant, tellement séductrice.

La créature laissa ainsi son emprunte sanglante dans l'histoire humaine. Malheureusement, les anges, ses rabats joies, ne l'entendirent pas de cette oreille. L'enveloppe charnelle de Belial périt dans la pluie de feu qui s'abattit sur Sodome et son âme fut envoyée en enfer parachevant sa transformation en démon.



Les millénaires suivants furent un tantinet difficile pour notre héroïne.

Mine de rien, la perte de son corps fut un coup dur pour l'ancienne sorcière.
D'autant qu'il existait une certaine rivalité entre elle et Lilith nait de la jalousie due à leurs relations particulières avec Lucifer.

Et tourner en rond dans les enfers avec pour seule distraction que de torturer des âmes pour créer de nouvelles entités tourmentées, avait tendance à l'agacer. Ce n'était pas assez clinquant et la routine l'ennuyait.

De plus, le démon avait l'impression qu'on perdait de vue pourquoi Lucifer et les autres anges qui l'avaient suivi dans sa chute, c'étaient révoltés contre leur père. Même si elle était né de mère humaine, Belial avait bien compris que ce n'était pas seulement le fait de devoir s'incliner devant les humains qui les tourmentaient mais surtout le sacro saint libre arbitre qui fut accordé aux hommes et refusé aux créatures célestes. Là était le nœud du problème.

Alors corrompre des cœurs humains, oui; mais voir ses collègues assouvir leurs frustrations et/ou leurs penchants sadiques sans raison, non. C'était se perdre soit même et dévoyer la mission qui leur était confié: celle de prouver à Dieu qu'il avait eu tord.

Cette ambiance malsaine était donc intenable. Alors, Belial cherchait par tous les moyens à s'échapper de l'enfer afin de mettre le boxon sur terre en utilisant sa méthode pour tenter les âmes à sombrer dans les ténèbres. Connaissant son sujet, elle pouvait en moins de deux mois plonger une ville dans l'anarchie, en révolter le peuple, le conduire à renier Dieu et ce sans jamais utiliser la force.

Tous ses retours sur terre furent donc mémorables. Rappelées pas ses fidèles (des sorcières surtout) ou de ses propres moyens, elle partait à l'assaut du monde adoptant milles visages et milles langues différentes, mais restant toujours ouverte à la nouveauté.



Son dernier descendant mourut. A travers les siècles, L'ancienne sorcière avait gardé un oeil sur les enfants de ses enfants. Durant un temps ils avaient prospéré. Mais peu à peu, la branche s'était tarie jusqu'à que son sang ne coule plus dans aucunes veines humaines.

Le démon en éprouva un certain chagrin. Pour ne plus jamais revivre cela, il se jura de ne plus avoir d'enfant quitte à choisir de posséder que des hommes. C'est ainsi que Belial changea de sexe et tourna définitivement pédéraste.

Les siècles passèrent. On arriva à l'apogée de l'empire romain. Petit à petit Belial s'assagit, ne remontant plus que dans de rares occasions.

Le démon n'avait plus le goût à ça, il se sentait blasé , ayant l'impression d'avoir tout vu, tout essayé, tout fait. Plus rien ne l'étonnait. Plus rien n'avançait. Les humains l'ennuyaient. Ils devenaient de plus en plus simple à corrompre, cela manquait de challenge, d'épique.

L'ancienne sorcière regrettait les premiers temps. L'époque où on courrait encore le risque de faire face à une résistance active, parfois même à un ange ou deux. Mais avec le développement du paganisme, les emplumés se faisaient discrets semblant comploter une contre attaque.

En comparaison, la vie en enfer était bien plus trépidante. Des factions se créaient, cela complotait dans tous les sens jusqu'à devenir de véritable duel d'égos.

Son rang d'ainé et de démon des hautes sphères lui permit même d'avoir du recul sur les luttes intestines et souterraine pour la conquête du pouvoir. Malgré les demandes incessantes de certains de la jeune génération qui souhaitait l'avoir à leurs côtés, il fut très rare qu'il s'impliqua un clan, un camp ou un combat. Préférant être celui qui observe et se souvient.

Belial fit même la paix avec Lilith mettant fin à des millénaires de guerre froide. C'est ainsi qu'il gagna définitivement une réputation de neutralité. Pourtant, de temps en temps, il continua à s'intéresser à de jeunes recrues ou à des démons prometteurs. Mais c'était peu courant et cela ne dura jamais bien longtemps sauf pour deux d'entre eux sur lequel l'entité garda toujours un œil intéressé.



Mais l’action se passant maintenant sur Terre, Lucifer marchant parmi les humains, Belial ne pouvait plus se contenter de ce statut quo, ni louper l'occasion de revoir son maître. Même si ses sentiments à son égard avait changé, il gardait un profond respect pour son prince.

Quittant sa zone de confort, il retourna donc sur Terre pour contempler la chute imminente des mortels. Il devait se l'avouer, même s'il préférait que ce soit les démons qui gagnent, au fond, le camp vainqueur l'importait peu. Lui ce qu'il voulait c'était des surprises, du bling bling, les trompettes du jugement dernier et tout le tintouin.

Cependant, rien ne l'avait préparé à cette fin de XXém siècle et ce fut un choc quand ayant trouvé un hôte, Belial commença à gouter à la vie moderne.

Sans s'en apercevoir , il commença petit à petit se complaire dans son rôle de tenancier de bar. Parmi ses habitués, on rencontrait de tout et c'était l'endroit idéal pour être au centre des ragots. Même si bien souvent cela ne concernait que la vie sans intérêt des gens du quartier, le démon y prenait goût, jusqu'à même commencer à se demander sérieusement, si ça vaut vraiment le coup de détruire maintenant un monde où, mystérieuses créatures côtoient l'informatique et Hamlet ?