III.01 - Angel wings, triskel and a pool game (Feat Eleonora Swan)

Brian ne passait pas la majorité de ses soirées en compagnie de sa belle Evalenn. Ce soir en était justement un.  La louve étant occupée de son côté, le chasseur avait décidé d'aller prendre une bière dans un bar du centre-ville. Ces endroits étaient souvent les meilleurs pour récolter de l'information sur le surnaturel. Les gens de la place étant souvent avinés ou saouls, il devenait facile de leur soutirer des détails sur telle ou telle affaire sans danger d'éveiller le moindre de leurs soupçons.

Depuis quelques temps, Brian travaillait sur un dossier concernant possiblement un nid de vampires. À maintes reprises des gens disaient avoir été attaqués par de sombres inconnus portant tous un tatouage identique représentant un cercle rouge sanguinolent dans lequel se retrouvaient des flammes orangées. Les informations manquaient cruellement dans cette affaire, c'était pourquoi le chasseur avait décidé de faire la tournée des bars -sans boire bien entendu- afin de voir s'il ne trouverait pas quelques indices lui permettant d'en connaître davantage sur ce mystérieux symbole ainsi que sur les multiples attaques nocturnes.

Il buvait tranquillement un simple verre de boisson gazeuse, ses oreilles toutes ouïes quand son regard le mena à une jolie noiraude ayant prit possession à elle seule d'une entière table de billard. Elle paraissait efficace, habile et rapide. Sans aucun doute qu'elle était à s’entraîner pour devenir encore meilleure...?  Brian sourit puis remarqua le tatouage qu'elle portait dans son dos. Il s'agissait apparemment d'ailes d'ange accompagnées d'un genre de triskel. Immédiatement il fut intrigué. Ce n'est que quand il aperçut le visage de la joueuse qu'il la reconnu; il l'avait vue plus tôt dans la journée, l'avait attrapée alors qu'elle était à tenter de changer l'enseigne de son commerce, perchée de manière dangereuse sur une échelle chancelante risquant de glisser à tout moment.  À ce moment il avait bien failli lui faire le commentaire, lui suggérer de s'y prendre autrement quand ce qui devait arriver était arrivé. S'il ne s'était pas trouvé sur place à cet instant, la belle se serait sans aucun doute fracturé un bras.  La femme était donc tombée dans ses bras, légère comme une plume, belle comme l'aurore, rafraîchissante comme le crépuscule. Après un bref "merci" "de rien" ils s'étaient quittés, pensant ne plus jamais se revoir... jusqu'en ces instants où il la regardait jouer avec dextérité, visiblement enfermée dans sa bulle de jeu que personne ne semblait oser crever.

Il allait le faire, lui.

Oh oui!

S'approchant d'elle, son verre à la main il se racla la gorge avant de lui adresser la parole.

- M'dame, comment se porte votre dos...? Aucune séquelle de votre malheureuse chute?

Il rigola, de bonne humeur, s'empara d'une baguette, prêt à jouer sans lui demander la permission.  En aucun temps il ne se présenta, en aucun temps il ne lui demanda son prénom. Cela viendrait plus tard, assurément.

Eleonora avait au petit matin essayé d'accrocher la nouvelle enseigne du salon de tatouage. En tant qu'artistes, les trois tatoueuses du salon, incluant sa personne, aimaient changer régulièrement l'enseigne. Ça avait l'air stupide, mais ça réussissait à attirer l'attention des curieux. Ce matin là, elles tirèrent à la courte paille pour savoir qui se chargerait de poser l'enseigne. Elles aimaient peut-être la relooker, mais elles n'aimaient pas à avoir à faire le boulot final, c'est-à-dire, clouer l'enseigne en équilibre précaire sur une échelle. Malheureusement, Eleonora n'eût pas de chance. Normalement, elle n'avait jamais à le faire, mais aujourd'hui, la chance avait décidé de tourner. Elle sortie donc les clous, le marteau, l'enseigne et l'échelle. Elle installa l'échelle et grimpa en tremblant un peu. Elle atteignit au prix d'un gros effort la vieille enseigne, prit une bonne quinzaine de minutes pour la décrocher et la laisser s'écraser sur le sol en-dessous d'elle. Elle descendit ensuite l'échelle et atteignit le sol. Elle prit quelques instants pour reprendre ses esprits et essuyer la sueur de son front. Disons seulement qu'elle n'avait jamais été à l'aise avec les hauteurs. Puis, une fois à peu près remise, elle s'empara de la nouvelle enseigne et reprit son ascension. Une fois en-haut, elle l'a cloua au-dessus de l'entrée du salon. Une fois certaine que ça tiendrait, elle essaya de saisir le haut de l'échelle pour reprendre la descente vers le sol, hors elle fit un faux mouvement et échappa le marteau, puis manqua la barre de métal. Elle chuta et... atterit dans les bras durs et musclés de quelqu'un. Elle ouvrit les yeux et vit le visage d'un bel homme. Elle lui souffla un ''merci'' et il lui répondit un ''de rien'' avant de la remettre sur ses pieds, lui faire un sourire et partir pour continuer son bonhomme de chemin. 

Eleonora avait passé le reste de la journée à se dire qu'elle avait été fichtrement chanceuse d'avoir été sauvé de justesse par cet inconnu. À la fin de la journée, elle fût la dernière à quitter et ce très tard, le salon. Un homme un peu bizarre lui avait ''demandé'' un tatouage représentant une flamme dans un cercle sanguinolent. Elle n'avait pas passé de commentaire, mais elle n'avait surtout pas apprécié les manières de l'homme. Puis, elle avait fermé le salon avant de foncer vers le bar. Ce soir, c'était son soir détente!

Elle avait donc investie le bar du coin, s'était prit une bière et avait rapidement repéré une table de pool non utilisé. La seule. Elle l'avait donc prise pour acquis et s'était installé. Elle avait préparé sa baguette, placé les boules et la balle blanche, et avait posé sa bierre sur le rebord de la table. Elle joua ainsi en solitaire une heure de temps et refusa régulièrement d'avides joueurs. Elle jouait d'un air extrêmement concentré, car elle aimait se perfectionner à ce jeux. C'était un hobbit qu'elle s'était trouvé. 

Eleonora avait donc joué ainsi jusqu'à ce que ce que quelqu'un l'interpelle, lui demandant avec un sourire aux lèvres et un verre dans la main, si son dos se portait bien. L'homme en question était le bel inconnu qui l'avait sauvé d'une possible blessure qui lui aurait valu quelques mois sans travail. 

- Très bien merci, dit-elle en le suivant des yeux. 

Elle vit l'inconnu aller se saisir d'une baguette, la préparer et venir vers elle. Eleonora releva un sourcil, posa une main territorial sur la table tout en s'asseyant sur le rebord et lança : 

- Oh là coco! Où crois-tu que tu vas comme ça? Cette table est occupé chéri, trouves-toi t'en une autre. Il y a des mecs en manque de défis là-bas, vas les voir! Laisse jouer l'artiste tranquille ok?, dit-elle en désignant du pouce un groupe d'hommes occupé autour d'une table avec leurs paris sur les différents joueurs.

Cette tatoueuse à la longue crinière d'un noir de jais, aux yeux bleus-gris et au teint pâle allait peut-être être la clé de cette mystérieuse énigme à propos des attaques perpétrés pratiquement à chaque soir dans le centre-ville de Huntfield, et même en bordure. Depuis un certain temps c'était le chaos. Une recrudescence non négligeable des phénomènes paranormaux et surnaturels se faisait amplement sentir dans le monde quand on s'attardait à lire les grands titres des journaux. La planète ne tournait plus aussi rondement qu'avant, si on pouvait le dire ainsi. Le taux de criminalité atteignait des sommets inégalés, forçant les autorités à travailler d'arrache-pied pour tout enrailler. Pourtant, plusieurs dommages collatéraux voyaient le jour et Brian se doutait bien que tout ceci n'était pas entièrement le produits de simples brigands. C'était bien plus que cela.

Le dossier qui le titillait depuis un certain temps tournait autour de gens ayant été attaqués par des personnes portant toutes le même symbole sur la nuque ou sur le bras, à savoir un cercle de sang dans lequel brûlaient des flammes orangées. Hâtivement il avait pensé à un clan de vampire, le cercle représentant probablement leur nid, le sang leur nourriture et les flammes... l'enfer bien entendu. L'enfer, Lucifer, le mal. Oh il pouvait se tromper, il ne possédait pas la science infuse mais pour l'heure c'était à peu près tout ce qu'il détenait comme information. Des témoins affirmaient avoir vu certains de leurs amis être attaqués au cou avant d'être enlevés, d'autre affirmaient avoir vu de ces malfaiteurs forcer des humains à boire de leur sang bref, de bons points qui appuyaient la théorie de Brian.

Au petit matin, lorsqu'il avait sauvé cette fille en train de fixer une enseigne il n'avait pas immédiatement percuté qu'il s'agissait d'une tatoueuse. Maintenant qu'il lorgnait vers les ailes d'ange et le triskel et qu'il se remémorait l'affiche, il comprenait qu'il détenait possiblement une jolie chance d'obtenir de l'information sur ces tatouages que portaient ceux qui semaient la terreur au cœur de la ville. Armé de son sourire et d'une queue de billard, il s'était donc approché de la fille en s'informant de l'état de son dos, sachant pertinemment que ce dernier se portait très bien vu l'opération de sauvetage effectuée. Quand la confirmation vint et que la belle prit place sur le rebord de la table, sa main déposée sur le tapis vert non loin de la boule numéro 8 -qui soit dit en passant était de la même couleur que ses longs cheveux- Brian émit un petit rire bref, bon joueur et quelque peu... coquin.

- Coco...? Coco va jouer avec l'artiste s'il le désire et l'artiste n'a rien à dire contre.

Il lui jeta un regard empreint d'un étrange mélange de sévérité et d'amusement. De quoi en déboussoler plus d'un.

- Au cas où tu n'aurais pas percuté, si je n'avais pas été là ce matin tu serais actuellement en train de passer une délicieuse soirée aux urgences à attendre qu'un médecin se libère pour te faire un plâtre... ou bien tu serais chez toi à souffrir le martyr étendue sur ton canapé en train de regarder un de ces feuilletons à la noix.

Il avala une gorgée de boisson gazeuse avant de poursuivre sur le même élan :

- Tu me dois une faveur, eh oui que veux-tu, rien n'est gratuit de nos jours...

Pendant un court moment il la fixa intensément, on ne peut plus sérieux, puis éclata de rire, content de cette petite provocation faite à la demoiselle.

- C'est une blague!

Il se pencha comme pour effectuer une petite courbette polie avant de héler la serveuse pour lui commander une bière fraîche.

- Je m'appelle Brian, et toi?

Tutoiement immédiat, pas de chichis et une main tendue vers elle, prête à serrer la sienne. Si tout se déroulait comme prévu, il pourrait poursuivre la discussion et éventuellement effleurer ce sujet qui le tracassait et sur lequel Evalenn et lui bossaient durement.

Spoiler:

Eleonora surveillait de près le bel inconnu qu’elle avait sous les yeux. Le petit malin s’était invité à sa table de pool et semblait croire qu’elle le laisserait jouer avec elle. Elle lui désigna une table bruyante et occupé par une bande mec derrière, tout en lui indiquant qu’il devrait aller jouer avec eux. L’inconnu laissa échapper un rire amusé et lança que ‘’Coco’’ jouerait avec ‘’l’artiste’’ et qu’elle n’avait rien à dire contre. Eleonora releva un sourcil amusé, mais feignit de paraitre un peu dérangé par sa présence. Il l’amusait et il était charmant. C’est alors qu’il ajouta avec force d’image, que sans lui et son sauvetage, elle serait aux urgences ou chez elle à souffrir. Il mentionna qu’elle lui devait une faveur... avant de lancer que c’était une blague.

- Hahaha! Très drôle, dit-elle d’un ton sarcastique.

Elle le vit se pencher un peu vers elle tout en lui tendant la main et se présenta comme étant Brian. Il lui demanda sans détour quel était son nom. Eleonora descendit ses fesses de la table et saisit sa main dans la sienne et souffla : ‘’ Eleonora. ‘’

La jeune femme lâcha la main de Brian et entreprit de ramasser les boules tombées dans les trous et de les placer dans le triangle qu’elle venait de repositionner sur la table. Si Coco voulait jouer, il fallait qu’elle replace la table pour lui. Une fois les boules bien placées, elle ôta le triangle et s’appliqua à remettre du bleu sur le bout de sa baguette. Elle déposa le cube de bleu sur le coin de la table et alla placer la boule blanche. Elle fixa Brian quelques secondes et lui lança un regard espiègle avant de se pencher et de frapper avec dextérité la boule blanche.

Celle-ci alla percuter le triangle de boules de couleur, et les boules s’éloignèrent les unes des autres. Une boule de couleur uni tomba dans un trou, et Eleonora s’appliqua a en viser une autre, avant de frapper de nouveau dans la boule blanche. Celle-ci percuta une boule mauve, mais la boule ricocha sur le bord du trou et dévia sur le tapis vert de la table. Eleonora lança : ‘’ Bon, à toi Coco! L’Artiste prépare son prochain coup. ‘’

Spoiler:

- Eleonora...

Il hocha la tête, comme pour approuver le prénom.

- C'est joli.

Bah oui, ça l'était!

Il la regarda placer les boules dans le triangle de plastique et ne put s'empêcher de sourire. Visiblement la belle noiraude venait de plier face à la présence imposée d'un nouveau joueur dans sa partie privée. Tandis qu'elle était à poudrer le bout de sa baguette, le chasseur accueillit la serveuse qui lui apportait la bière qu'il avait précédemment commandée. Il la paya, lui laissa un pourboire puis avala immédiatement plusieurs gorgées du liquide frais et pétillant. Eleonora et lui échangèrent ensuite un regard amusé avant que la belle démarre la partie.

Le coup fut parfait. Pour preuve, une petite boule s'engouffra dans un des trous de la table. Bien! Il savait maintenant qu'il avait les grosses et elle les petites. Façon de parler, bien-sûr, car les boules étaient toutes de la même grosseur!

- Bien joué Léo!

Elle l’appelait Coco? Il allait l'appeler Léo! Et ça c'était juste parce qu'il n'avait pas osé l’appeler Lolo hein!

Le deuxième coup de la tatoueuse ne porta pas fruit; la boule refusa d'aller se nicher dans le trou. C'était donc au tour de Brian. Ce dernier se mit à afficher une mine faussement sérieuse, osa même se gratter le menton, pensif, se déplaça autour de la table puis arrêta son choix sur la boule rouge et blanche qu'il envoya valser dans le coin non sans mentionner un "kiss sur la bleue" juste avant.  Ensuite il lança un "la jaune au coin" avant de l'envoyer s'écraser dans le trou, avec la rouge et blanche. Deux excellents coups. Bon, il fallait dire qu'il était un vieux croulant débordant d'expérience... il en avait joué, des parties de billard, dans sa vie. Et il avait quoi, le double de l'âge de la fille? Au moins!... Cependant, le troisième coup ne fut pas concluant. Trop de boules le gênaient dans ses prévisions.  Ce fut donc au tour d'Eleonora de jouer. Il allait pouvoir en profiter pour lancer le sujet qui le titillait depuis plusieurs minutes.

- Tu es tatoueuse c'est ça? Tu dois en voir passer de toutes les sortes dans ton commerce... En passant du petit couple mignon qui veut un symbole les représentant au gros motard qui rêve de Pin Up et de têtes de morts? Ça doit être franchement drôle et captivant.

Il but une énième gorgée de bière avant d’enchaîner.

- Par contre je suis certain que tu dois en croiser qui ont des histoires fabuleuses à raconter. Des gens qui ont des raisons très spéciales pour se faire tatouer tel ou tel truc. Il y en a qui t'ont particulièrement marquée?

Ce n'était là qu'une petite introduction au sujet. Dépendamment de la réponse qu'Eleonora allait faire, il verrait de quelle manière il pourrait poursuivre la discussion. Le plus beau dans tout ceci était que toutes ses réponses l'intéressaient et pas nécessairement pour fins d'analyse en tant que chasseur. Le métier de tatoueur était fascinant et d'avoir la chance d'entendre quelques histoires et anecdotes à ce sujet était toujours un réel plaisir.

Eleonora souffla son nom avec douceur à Brian, et celui-ci approuva. Il mentionna qu'il trouvait son prénom jolie. La jeune femme esquissa un sourire avant de s'attaquer à la table de billard. Elle commença son jeu et mit dans le trou une des petites balles. Bien contente, elle retenta le coup, sauf que la deuxième ne voulut pas entrer et dévia de sa course. Eleonora poussa un petit soupir, elle qui s'exerçait régulièrement, elle arrivait encore à ce faire avoir comme une débutante. Elle invita toutefois ''Coco'' à faire son petit bout de jeu. Lui entretemps l'avait surnommé ''Léo''. Eleonora avait seulement relevé un sourcil amusé à ce petit nom. Tiens, il s'essayait aussi?

 - Léo? Eh bien, c'est pas mal. Voyons voir comment tu t'en tires Coco.

Lorsque Brian se pencha à son tour sur la table, Eleonora croisa les bras et regarda avec intérêt l'homme exécuter ses différents mouvements. Il était précis, concentré et il ne semblait exister que le jeu sous ses yeux. Il en enfila deux parfaites dans les coins de table avant d'échouer avec la troisième. Trop de balles gênaient les trajectoires possible de ses autres balles. Un adversaire coriace en apparence. Probablement accro à ce jeu autant qu'elle.

- Très doué l'ami! Je vois que tu n'es pas un petit frimeur. Hâte de voir lequel de nous deux gagnera cette partie, dit-elle d'un ton admiratif. 

C'est alors que Brian lui demanda si elle était bel et bien tatoueuse, mais il devait le savoir parfaitement, puisqu'il enchaina sur le type de clientèle qu'elle devait voir défiler chaque jour dans son commerce.

 - Oui, j'en vois de toutes les sortes. Du couple un peu trop mignon au gros dur qui rêve que de crânes sur ses bras ou sur sa poitrine, mais qui est le premier à verser des larmes sous l'aiguille, dit-elle en riant.

Brian lui demanda alors si certaines de ses clients auraient pu la marquer plus que d'autres. S'il y avait des personnes sortant un peu de l'ordinaire ayant des demandes peu ordinaire. À ces paroles, Eleonora perdit légèrement son sourire et se concentra sur la table de billard. Elle enchaina deux coups parfaits à son tour avant de se planter sur le troisième coup. Elle jeta un coup d'oeil alentour d'elle, cherchant à voir s'il y avait un visage connu du salon de tatouage, mais n'en voyant que deux qui n'avaient demandés que des têtes de morts et des roses le mois dernier, elle se rapprocha de Brian, prit une gorgée de sa bière et dit sur un ton plus bas : '' En fait oui... Brian. J'ai vu des mecs bizarres dans les dernières semaines. Je la seule qui fait des tatouages tard le soir, du coup je me suis prit la palme du comble de l'étrange. Je crois que c'est un nouveau gang, je ne serais pas étonnée. Non en fait, logiquement c'est un nouveau gang. Ils m'ont tous demandé un tatouage particulier et ils faisaient un peu peur en fait ces mecs. Ils ne parlaient pas beaucoup, mais ils étaient hyper critique concernant le tatouage voulu. Je me suis dit qu'ils étaient peut-être tous sous les effets de la drogue ou un autre truc néfaste du genre, mais je crois qu'ils étaient parfaitement lucides en fait. Je ne sais pas ... j'espère juste que ce n'est pas une gang prônant le meurtre et la violence. Le dernier date de ce soir. Lui j'ai pensé qu'il voulait me... bouffer. Il avait un de ces regards je te jure! Je m'inquiète peut-être pour rien, mais mes deux autres collègues semblaient aussi un peu alarmée lorsque je leur ai dis ça. ''

Eleonora marqua une pause, fixant dans les yeux Brian, puis une lueur de suspicion apparût dans son regard et elle demanda : '' T'es pas de la police hein? '' et elle recula de quelques pas un brin mal à l'aise. Depuis son départ de la Russie, elle craignait que ses parents forcent des personnes à la ramener au bercail.

Il se demandait bien, lui aussi, qui allait gagner entre les deux car Eleonora était également une très bonne joueuse de billard. C'était une partie très intéressante qui, de surcroît, baignait dans une conversation tout aussi intéressante. Le monde du tatouage était étrange et fascinant. C'était agréable d'avoir la chance d'en discuter avec Eleonora tout en pouvant profiter de quelques informations utiles pour sa chasse du moment. Il rigola un bon coup, d'ailleurs, quand la jeune femme lui avoua que les gros durs étaient souvent ceux qui versaient des larmes sous l'aiguille.

- Je n'en doute pas un seul instant.

Son sourire se cassa quelque peu, toutefois, lorsqu'il nota la réaction de la fille face à sa question suivante. Visiblement, elle avait eu affaire à des gens un peu spéciaux et tentait de cacher son tourment en se concentrant sur son prochain jeu. Brian se mordit l'intérieur de sa lèvre inférieure, troublé, observa le jeu d'Eleonora sans dire un seul mot. Il la vit empocher deux de ses boules avant de rater la troisième. Ce qui le perturba le plus fut de la voir lorgner tout autour d'eux, toujours en conservant un silence implacable. Quelque chose n'allait pas, il en était convaincu. Pour masquer la soudaine inquiétude qui l'habitait mais aussi pour se donner quelque chose à faire il avala le reste de sa bière puis fit signe à la serveuse de lui en apporter une autre en brandissant discrètement sa bouteille vide puis deux de ses doigts sous les yeux de l'employée, sa dernière gorgée pas encore avalée. La femme hocha la tête puis fila derrière le bar pour récupérer les deux bières que son client lui demandait. Il ramena ensuite son attention sur la tatoueuse qui s'approchait de lui, la mine toujours bouleversée, écouta ce qu'elle avait à lui dire à propos des gens étrange qu'elle tatouait le soir alors qu'elle était seule avec eux.  Avec beaucoup de sérieux il la fixa, on ne peut plus intéressé à ses paroles. Il ne la lâchait pas du regard, concentré au maximum. Tellement concentré qu'il provoqua un doute chez la fille qui eut tout à coup... peur... qu'il soit de la police. Brian haussa un sourcil, étonné, puis secoua la tête de gauche à droite pour rassurer sa nouvelle amie.

- Non Léo, pas du tout. Je suis chômeur.  De la construction.

N'importe quoi!  Accompagné d'un rire amusant pour détendre l'atmosphère, bien entendu, ainsi que d'un large sourire un peu piteux pour signifier sa désolation de ne pas travailler en ces temps durs et froids.

Par quoi enchainer, ensuite? Le chasseur avait maintenant deux sujets de discussion et il ne voulait laisser filer aucun des deux. De un il souhaitait approfondir celui concernant les tatouages mystérieux et de deux il souhaitait en connaitre davantage sur cette étrange peur de la police qui semblait tourmenter Eleonora.

- Je suis juste curieux c'est tout. Dis-moi, ce gang se fait tatouer quoi comme symbole? Des couteaux avec du sang? Des billets de banque...?

Il rigola doucement, accueillit aimablement la serveuse qui se pointait avec les deux bières demandées, la paya, laissa un pourboire puis s'empara des deux bières avant d'en tendre une à sa camarade de jeu.

- Pour toi.

Il lui servit un autre sourire puis enchaina sans tarder.

- Je trouve que ce n'est pas très prudent de bosser tard le soir, surtout dans un salon de tatouage... Justement à cause de ce que tu viens de me dire. Comment saurais-tu te défendre contre un gang? Tu es seule, il n'y a personne pour t'aider. Ça ne te fait pas peur? Personnellement, de voir que des gens entreraient dans mon commerce avec une gueule qui me donne l'impression qu'ils vont me bouffer eh bien... ça ne me plairait pas trop! Je comprends tes collègues de flipper un tout petit peu...

Il ne parla pas tout de suite de la police, se pencha plutôt sur la table, mine de rien, pour reporter son attention sur le jeu. Comme il était distrait et que son esprit virait à fond la caisse, il ne fit entrer qu'une seule boule avant de rater un coup.

- À toi.

Prenant le cube de bleu dans sa main il en badigeonna le bout de sa baguette de pool, songeur. Il avait tout plein de questions à poser à Eleonora mais il ne voulait pas la bousculer. Par logique, il s'obligea à manger un peu de patience pour ne pas tout faire foirer et chasser involontairement la confiance qui était en train de se bâtir entre eux.

Eleonora fixait Brian d’un air très suspicieux, craignant de l’entendre se présenter comme étant un flic. Elle n’haïssait pas les flics loin de là, mais elle savait que ses parents n’avaient pas bien digérés sa ‘’fuite’’ de la Russie. Elle savait que ses parents, surtout son père, pourrait mettre une grosse somme d’argent sur la table et demander à quelqu’un de la ramener, peu importe le coût.

C’est pourquoi elle recula de l’homme et ne se concentra plus sur la partie de billard, trop concentré à essayer de savoir qui lui était vraiment. D’un air détendu, Brian mentionna qu’il était dans la construction et actuellement au chômage. Rassuré, Eleonora se détendit.

- Ah d’accord! Eh bien, je suis désolée hein, dit-elle en laissant échapper un rire embarrassé.

Brian lui demanda alors de quelle nature était les tatouages qu’elle devait faire de soir à certaines personnes précises. Eleonora hésita à en dire plus. Au fond, c’était peut-être une gang de môtards et peut-être qu’elle serait en danger si elle en disait plus? On ne savait plus de nos jours. C’est alors qu’il lui tendit une nouvelle bière, objet rassurant qu’Eleonora accepta : ‘’ Merci Coco. ‘’ et elle la décapuchonna et but une longue gorgée froide pour se détendre un peu. Brian ajouta alors que ce n’était pas prudent pour elle de travailler tard comme ça entouré de mecs bizarres. Il comprenait mieux que ses collègues flippent.

- Je suis au courant. Je me suis mis à songer à un gang aussi, dit-elle avant de déposer sa bière et de viser une boule sur le jeu, comme Brian venait de finir son tour.

Eleonora visa, mais manqua son coup. Elle n’était plus autant concentré sur sa partie, ses pensées vagabondant sur le sujet du moment. Eleonora jeta de nouveau un oeil inquiet autour d’elle afin de vérifier qu’aucun mec qu’elle n’avait tatoué n’était là, puis elle s’approcha de Brian un peu plus.

- Un cercle sanguinolent avec une flamme dedans. Ça te dit quelque chose? Parce que si tu poses la question, c’est que tu dois forcément savoir quelque chose que j’ignore., dit-elle en croisant les bras sur sa poitrine.

L'attitude d'Eleonora était étrange. La jeune femme paraissait très nerveuse quand il était question de parler des forces de l'ordre. Brian la trouvait stressée. Même son petit rire embarrassé était bizarre. Il y avait forcément anguille sous roche. La belle tatoueuse cachait quelque chose, c'était certain. Il l'avait vu à plus d'une reprise survoler la salle du regard, comme si elle voulait s'assurer qu'elle pouvait parler en toute sécurité. Avait-t-elle des problèmes avec Les motards, des gangs de rue ou des voyous...? Ou même des créatures, allez savoir... Huntfield en était tellement remplie que ça ne l'aurait même pas étonné. En tout cas, quelque chose la perturbait. Cela se voyait même dans sa manière de jouer. Au départ elle avait fait des coups de maître. Là, ça n'allait plus. Elle était indiscutablement déroutée. Son coup manqué, elle s'approcha de Brian et s'adressa à lui pour lui révéler à quoi ressemblaient les tatouages qu'elle devait faire à "ceux qui avaient l'air de vouloir la bouffer", puis croisa ses bras. Brian fronça les sourcils, réfléchit rapidement à ce qu'il pourrait répondre et qui n'inquiéterait pas Eleonora et finit par se lancer, la fixant alors qu'elle avait croisé ses bras d'un air déterminé.

- Comme je t'ai dit tantôt, je ne suis qu'un grand curieux. Je pense à me faire tatouer mais j'ignore encore ce qui me plairait vraiment. C'est pour ça que je te demande quels genres de tatouages se font faire tes clients. Je suis à la recherche d'idées. Justement, tu dois très certainement avoir des gens qui viennent te voir et qui te demandent des suggestions... Ça pourrait être mon cas je crois. En tout cas une chose est sûre, je ne vais jamais me faire tatouer un cercle sanguinolent avec des flammes dedans... Non mais, qu'est-ce que c'est censé représenter ça hein? Mort aux sorcières? Ne manquerait plus qu'un bûcher à placer juste en dessous du dessin...

Il réfléchissait, triait les maigres informations qu'il détenait. Eleonora avait parlé de gens ayant l'air d'avoir envie de la bouffer. Ils ne pouvaient être que des vampires, à son avis. Après tout ils venaient de soir, portaient un symbole contenant du sang et arborant des flammes. Comme les flammes de l'enfer, quoi! Des partisans de Lucifer, assurément. L'apocalypse était imminente, trop de signes le démontraient.

Comme c'était à son tour de jouer, Brian s'approcha de la table et frappa avec force. Deux boules entrèrent. Celle qui lui appartenait puis une autre, appartenant à sa partenaire de jeu. À cause de cela, il dû cesser de jouer.

- J'espère en tout cas que ces crétins qui avaient l'air d'avoir envie de te bouffer ne reviendront plus te voir car de la manière dont tu me parles d'eux, ils ont l'air sacrément menaçants...  Tatouer des mecs du genre, en série, ça doit être assez stressant.

Il espérait, en émettant cet avis, qu'Eleonora le contredise. Par exemple, qu'elle lui mentionne que ce n'étaient pas que des hommes... qu'il y avait également des femmes, ou encore qu'elle précise une quantité de clients, savoir s'ils étaient deux, cinq, dix ou plus...

S'adossant au mur afin de regarder Eleonora jouer, Brian but quelques  gorgées de bière. Tout à coup, un murmure discret mais présent se fit entendre comme quoi des policiers se trouvaient à l'extérieur du bar. Les mots "panier à salade" et "descente" circulèrent, forçant quelques jeunes à s'évaporer comme par magie. On sût finalement que les hommes de loi étaient sur place pour dissoudre du grabuge causé par certains clients en état d'ébriété et s'amusant à faire des "show de boucane" avec leurs voitures. Pendant tout ce temps, le chasseur ne quitta pas Eleonora des yeux. Il pouvait très bien voir que le fait que des policiers soient non loin du bar l'avait quelque peu saisie...

Eleonora était très suspicieuse envers Brian. Il lui posait pas mal de questions concernant ses clients louches du soir, et la jeune femme commençait à craindre qu’il soit de la police ou un truc du genre. Elle lui révéla néanmoins la nature du tatouage et croisa les bras sur la poitrine. Elle le fixait intensément, guettant toute possible réaction louche. C’est alors qu’il se prononça pour se défendre. Il manifesta qu’il n’était seulement qu’un grand curieux, car il souhaitait peut-être éventuellement se faire tatouer. Il ajouta qu’il essayait de savoir ce que les gens se faisaient faire, car il cherchait des idées pour son propre futur tatouage. Eleonora se détendit aussitôt et reprit une pause plus détendu.

- Ah! C’est donc ça! Nous y venons enfin : Coco veut un tatouage. Pas de problème mon chou, prends ton rendez-vous quand tu veux. En ce qui concerne les idées, oui tu peux venir me voir et on pourrait regarder ça ensemble., dit-elle avec joie.

Brian ricana alors sur la possible signification du tatouage sanguinolent. Eleonora haussa les sourcils, puis laissa échapper un ricanement à sa remarque : ‘’ Oui peut-être… Ou un espèce de culte sataniste! Sincèrement, je crois sincèrement que c’est une gang. Ça ne m’encourage pas à me balader seule le soir en ville, mais je n’ai pas trop le choix. ‘’

Elle regarda alors Brian se rapprocher de la table et reprendre un début de jeu parfait. C’est qu’il était doué son Coco! Il ne semblait pas le moins du monde déconcentré par l’environnement dans lequel il se trouvait. Elle l’admirait presque pour le coup. Brian reprit la parole en lui espérant de ne pas avoir à recroiser les ‘’mecs qui semblaient vouloir la bouffer’’, ajoutant qu’ils avaient l’air menaçants.

- Stressant? Pas mal oui. C’est la première fois que j’ai des clients de ce genre je dois dire. J’aime mon métier, j’aime les gens en général, mais eux… flippant!

Eleonora s’approcha de la table et tourna autour un court instant, cherchant un angle de tir. Elle commençait à se concentrer sur son jeu pendant que Brian buvait tranquillement sa bière, lorsqu’elle commença à entendre des clients murmurer avec frénésie. Elle s’apprêtait à faire son coup, lorsqu’elle entendit le mot ‘’descente’’. Eleonora se figea et releva un peu la tête, observant les clients. Elle vit des hommes commencer à s’éclipser discrètement, lorsqu’elle entendit le son caractéristique des sirènes de voiture de police. Elle se releva alors en quelques secondes, raide comme un piquet, sa baguette de jeu chutant sur le plancher. Rapidement, elle dit à Brian : ‘’ Euh.. je dois aller à la salle de bain. C’est urgent! ‘’ et elle fila sans demander son reste, essayant quand même de se donner un air ‘’normal’’.

Rendu dans la salle de bain, elle barra la porte et se ouvrit la fenêtre. Elle fit le coup classique de filer par la fenêtre des toilettes.

Dehors, elle fonça dans la ruelle en essayant de marcher plus sur le bout des pieds afin d’éviter que ses talons ne claquent au sol. Face à un muret, elle grimpa sur une poubelle et l’enjamba. Tombé de l’autre côté, elle tomba dans une ruelle différente et regagna la rue tout en essayant de ne pas avoir l’air louche, lorsqu’elle sentie une présence pas loin derrière elle.

Brian portait un tatouage depuis plusieurs années déjà. Un tatouage anti-possession qu'il s'était fait faire sur son omoplate droite et qu'il avait agrémenté d'autres trucs, non pas pour le camoufler mais plutôt pour le rendre moins tape à l’œil. Comme il s'agissait d'un pentagramme droit disposé dans un cercle entouré de flammes pour représenter un soleil, il y avait fait ajouter de la couleur orangée, un peu de jaune et aussi un peu de bleu. Seul, il s'était présenté dans un commerce de tatouage un jeudi soir fortement pluvieux avec le croquis de dessiné sur une feuille de papier. Dans un geste déterminé il l'avait donné au mec barbu qui n'avait plus un seul bout de peau sans encre et avait par la suite pris place sur la chaise rembourrée quelque peu défraîchie mais non moins confortable, bizarrement. L'artiste dans la trentaine s'était fait un plaisir de procéder à la douloureuse opération sous une musique endiablée qui défonçait presque les tympans. S'il était passé sous l'aiguille pendant quelques heures ce soir-là c'était grâce à Lucy et Liam, son cousin et son jeune frère ayant évidemment partagé dans l'immédiat leur découverte de cet important tatouage avec la famille. C'était il y a huit ans.  À l'époque Brian avait trente-quatre ans.

De dire à Eleonora qu'il songeait à se faire tatouer était totalement faux. De plus, vu la manière dont cette affirmation avait été énoncée, elle pouvait aisément faire croire à qui l'entendait que Brian ne s'était jamais fait tatouer, ce qui était également faux. Le but de cette déclaration avait été de mettre Eleonora en confiance, ce qui semblait avoir fonctionné puisqu'elle lui avait offert de venir la voir afin de discuter avec elle des possibilités qui s'offraient à lui. Bien! Un lien était tranquillement à se créer entre eux. Qui sait, si jamais la jeune femme finissait par apprendre ce que recelait la Terre comme créatures surnaturelles elle pourrait peut-être devenir informatrice pour lui et le prévenir dès que des personnes suspectes se présenteraient à son commerce...?

Souriant à cette éventuelle possibilité, Brian observait Eleonora jouer quand un murmure circula parmi la clientèle comme quoi des policiers arrivaient sur les lieux, leur traditionnel panier à salade prêt à être remplit de jeune délinquants n'ayant pas la majorité pour fréquenter l'endroit. Étrangement, la réaction de sa partenaire de jeu fut instantanée; dès qu'un mouvement de foule se fit sentir, accompagné par intermittence des mots "police" et "descente", Eleonora se dressa, son doux visage marqué par une certaine panique qu'elle tentait tant bien que mal de camoufler. Brian fronça les sourcils, hocha lorsque celle-ci émit le soudain besoin d'aller à la salle de bain, avala une gorgée de bière sans la quitter des yeux tandis qu'elle se faufilait efficacement à travers les clients pour rejoindre l'endroit souhaité. Suspicieux, il déposa sa bouteille maintenant vide sur la table de billard, la suivit furtivement et se mordit l'intérieur de la joue, songeur de la voir réellement se diriger vers les toilettes. Sa main se déposa sur la poignée -verrouillée- puis cogna avec force à la porte, en attende d'une réponse qui ne vint jamais.

- Léo, est-ce que tout va bien?

Toujours pas de réponse. Brian n'attendit plus, se recula de quelques centimètres, se positionna de côté et fonça vers la porte pour la défoncer d'un coup d'épaule. Si la première tentative échoua, la deuxième porta fruit lorsqu'il se servit de son pied pour donner l’assaut final. Expérience oblige, peu de portes lui résistaient lorsqu'il devait les ouvrir de la sorte, ne portant pas toujours sur lui de quoi trafiquer les serrures. Dans ce cas-ci, ses outils se trouvaient dans son camion, sortir pour les récupérer aurait représenté une perte de temps trop grande, d'où la décision de tout défoncer. Dans le brouhaha, personne ne lui porta attention.

Comme il s'y attendait, la salle de bain était vide et la fenêtre ouverte. Brian s'y précipita, vit Eleonora qui s'enfuyait en courant maladroitement, sans doute pour éviter d'attirer l'attention et faire taire l'écho qu'on retrouvait souvent dans ce genre de ruelle. Comment ne pas être piqué de curiosité et d'inquiétude quand on assistait à pareille fuite? En cinq secondes il passa la fenêtre, couru de toute ses forces jusqu'au muret, grimpa, comme Eleonora l'avait fait sur une poubelle et sauta par-dessus le mur pour retomber plus ou moins silencieusement sur le bitume et scruter l'horizon jusqu'à ce que son regard tombe sur la tatoueuse qui regagnait le plus naturellement du monde la rue principale du centre-ville. Quelques longues enjambées l'amenèrent près d'Eleonora et c'est tout naturellement qu'il lui empoigna le bras par le biceps gauche pour la tourner presque violemment face à lui et la plaquer contre un mur de brique appartenant à un commerce de chaussures.

- Ne dis rien, fait semblant de m'embrasser!

L'ordre avait été murmuré avec sévérité. Un refus était inacceptable, voir périlleux. Brian approcha son visage de celui de sa camarade, attendit que les bruits de pas appartenant aux trois policiers qu'il avait aperçu précédemment au détour de la ruelle se soient estompés puis s'éloigna de la tatoueuse sans lui lâcher le bras.

- Merci Brian de m'avoir cachée des policiers, fit-il en l'imitant, empruntant un ton quelque peu sarcastique. Et si tu me disait pourquoi les flics te flanquent une peur aussi bleue que la tienne? Parce que franchement, j'ai rarement vu ça...

Il la vrilla du regard, en attente d'une explication.

- Qui es-tu? Une dealeuse? Tu vends quoi, de la coke? Pourquoi as-tu peur de la police Léo?

Eleonora se figea, elle savait que quelqu’un l’a suivait. Un brin paniqué, croyant que c’était la police, elle accéléra le pas, avant de se faire saisir brusquement par le bicep gauche et de se retrouver plaqué avec violence contre un mur de brique. Elle fixa avec un masque de frayeur et des yeux de biche effrayée la personne qui se trouvait devant elle : Brian. Pourquoi l’avait-il plaqué ainsi? Pourquoi l’avait-il tout simplement suivi? Puis, tout aussi soudainement, il lui murmura de faire semblant de l’embrasser. Eleonora le regarda avec surprise s’approcher trop près d’elle, mais entendit les bruits de pas et comprit qu’il venait de la protéger de policiers. Il avait compris qu’elle les fuyait donc. Un truc de moins à expliquer. Il s’éloigna ensuite aussi prestement, mais garda une forte emprise sur son bras, chose qui faisait peur à la jeune femme.

Maniant le sarcasme, il imita une voix plus féminine pour faire comme si elle le remerciait. Chose qu’Eleonora ne fit pas tant elle était stupéfiée. C’est alors que les questions fusèrent : Pourquoi avait-elle peur de la police? Qui était-elle? Une dealeuse? Ce qu’elle vendait? Pourquoi craint-elle autant la police?

Eleonora reprit son sang froid ou à peu près, et se trémoussa comme un lapin qui essaierait de fuir le piège dans lequel il s’était fourré.

- Mais lâche-moi! Allez!, dit-elle avec un ton mi-paniqué, mi-mécontent.

Eleonora eu beau se débattre pendant deux bonnes minutes, elle constata rapidement que Brian avait une emprise de fer et qu’elle ne pouvait rien faire pour se libérer. Elle lui donna une tape sur le torse par colère et resta surprise de rencontrer un mur de muscles.

- T’es fait en quoi? En béton? Lâche-moi, tu me fais mal… et tu me fais peur!, dit-elle d’une voix plaintive d’où perçait une réelle frayeur. Ce sont eux qui t’ont envoyé? Pourquoi tu m’as menti? Laisse-moi partir, je ne veux pas y retourner!

Eleonora craignait réellement que Brian ai été envoyé par ses parents russes. Elle savait que sa fugue en Amérique risquait d’être de courte durée si ses parents avaient lancés des détectives privés pour la retrouver.

Quelque chose lui avait visiblement fait perdre le contrôle. Il avait été poussé par une folie étrange qui l'avait forcé à suivre Eleonora pour la questionner. L'attitude bizarre qu'elle avait adopté à chaque fois qu'il avait été question de la police l'avait fortement intrigué. C'était sans doute un genre de déformation professionnelle qui l'avait mené à la poursuivre ainsi jusque dans la rue et c'était sans doute également elle qui lui avait fait refermer avec force sa main sur le biceps de la jeune femme. C'est qu'il passait sa vie à faire ça, chasser les créatures et les attraper pour ensuite les tuer. Sauf que Eleonora n'en était pas une. Brian devait impérativement se le répéter pour ne pas que la situation dégénère.

Ce fut le regard terrifié de sa partenaire de jeu qui le ramena à la réalité, ainsi que ses vaines tentatives à se défaire de son emprise... et aussi le coup qu'elle lui envoya sur le torse. Réalisant combien il devait paraître terrifiant, Brian se ravisa, libéra Eleonora et bégaya de plates excuses. Comment lui expliquer qu'il avait été pris d'une folie s'apparentant à celle qui le gagnait lors de ses chasses? Jamais elle n'allait comprendre. Si ça se trouvait, elle ignorait totalement qu'il existait des créatures surnaturelles sur la planète. Il en avait d'ailleurs eu une belle preuve avec ces vampires qui allaient se faire tatouer à son salon. En aucun temps Eleonora n'avait songé au fait qu'ils puissent en être. Elle avait seulement soulevé le fait qu'ils avaient l'air d'avoir envie de la bouffer, sans plus.

- Hey... chut chut chuuut...

Il leva sa main droite à la hauteur de son visage, comme pour l'intimer au calme sans la toucher. Il s'en servait pour faire un geste doux d'apaisement, en plus d'afficher une mine horriblement navrée.

- Je ne voulais pas te faire de mal, crois-moi, ni te faire peur. Je suis désolé Léo. Je suis sincèrement désolé. J'ai les nerfs à vif ces temps-ci et tu n'avais pas à subir tout ça.

Il se recula afin de laisser plus d'espace entre eux. Ainsi, Eleonora ne se sentirait pas piégée comme il l'avait précédemment fait.

- Eleonora, personne ne m'a envoyé. Je ne comprends pas de quoi tu parles. Je ne vais t'amener nulle part et surtout pas où tu sembles avoir si peur d'aller. Viens... on va marcher un peu...

Elle semblait réticente mais il ne s'en préoccupait pas. Il souhaitait réellement lui venir en aide et éclaircir ce mystère qui planait tout autour d'elle.

- Et si tu m'expliquais ce qui se passe? Peut-être que je peux t'aider. Ça me ferait plaisir en plus. Et puis je tiens à me faire pardonner. J'ai agi en véritable salaud.

Il se mit tranquillement à marcher, espérant que sa compagne accepte de le suivre.

Eleonora était appuyé contre le mur, tentant vainement de se défaire de la poigne de fer de Brian. Il avait un regard bizarre, comme un chasseur chassant sa proie et qui tenait enfin la chose qu'il souhaitait attraper. Peur vous dites? La pauvre humaine avait la trouille de sa vie. Quand elle le vit lever sa main, elle eut peur qu'il la frappe qui sait? Après tout, elle ne le connaissait pas... pas encore assez en tout cas.

C'est alors qu'il lui intima calmement de se calmer, puis lui indiqua gauchement qu'il n'avait pas voulu lui faire peur. Il l'a lâcha et mit une distance entre eux. Eleonora pu respirer moins erratiquement et le regarder. Il avait l'air réellement désolé et presque surpris de sa propre manière d'agir. Était-il instable? Après s'être excusé, il lui indiqua qu'il cherchait à comprendre ce qui effrayait la jeune femme, car il ne comprenait pas les réactions qu'elle avait. C'est vrai qu'Eleonora ne l'avait pas beaucoup éclairé là-dessus, mais le pouvait-elle seulement? C'était pas le genre de chose que l'on disait à la première rencontre avec un inconnu. 

C'est alors qu'il lui proposa de marcher et lui demanda de lui expliquer ce qui se passait et lui proposa en même temps de l'aider. Eleonora hésita, mais décida de le suivre légèrement à distance.

Tu sais, ce n'est pas le genre de truc que je peux expliquer à n'importe qui. C'est juste que si t'es un flic sous couverture et que je t'explique, tu pourrais me coincer aisément. Je sais que depuis tout à l'heure tu me dis ne pas en être un mais... Je ne te connais pas assez pour t'accorder toute ma confiance mec.

Eleonora continua de marcher, pesant ses mots. Elle pouvait lui révéler le résumé, les bases, mais aucunement les détails.

- En gros, je ne viens pas d'ici. Je viens de Russie. J'ai fugué en quelque sorte, j'ai refusé l'avenir que l'on voulait m'imposer et je suis venu ici. Mes parents sont riches et ils vont tout faire pour remettre la main sur moi. Engager des gens pour ça, ils le feront. 

Eleonora ne dit rien de plus. Elle s'avança à la hauteur de Brian et lui prit la main et s'arrêta. Elle le forca à la regarder, puis ajouta : '' Prouve-moi que tu es de confiance, et je te promets que futurement je te raconterais tout. D'ici là, je ne peux pas... tout dévoiler. T'inquiète, je n'ai tué personne!, dit-elle en riant malgré les circonstances, Et en même temps, tu pourras m'en dire plus sur toi? ''

La jeune femme lâcha sa main et regarda autour d'elle pendant quelques secondes avant de s'approcher de Brian et se hissa sur la pointe des pieds pour lui donner un baiser sur la joue : '' À bientôt Coco! ''

Eleonora recula et lui tourna le dos sans plus et marcha un moment avant de changer de rue pour aller vers son appartement.

// FIN //

HRP : Oui, je coupe là, mais je crois que ce sera plus simple de se faire une autre rencontre dans un autre contexte pour discuter x) J'espère que ça te va? Si non, dit-moi lol

Eleonora avait accepté de suivre Brian afin de discuter un tout petit peu, sans être trop collée à lui. Le chasseur voyait bien qu'elle se méfiait de lui. Il ne pouvait pas la blâmer d'adopter un comportement du genre, après tout il avait été plutôt méchant et dur avec elle. Bien sûr, cela n'avait pas été prémédité, il s'était malencontreusement laissé emporter par ses instincts de chasseur mais au moins il était parvenu à se racheter un brin en s'excusant et en reprenant une attitude acceptable et normale.

Maintenant qu'il cheminait avec Eleonora à ses côtés, il pouvait enfin découvrir pourquoi la jeune demoiselle avait pris la poudre d'escampette en filant par la fenêtre du bar.  L'histoire était surprenante, étonnante, captivante et triste à la fois. Brian ne savait pas trop comment réagir.  Il laissait donc Eleonora parler sans l'interrompre. Son histoire était loin d'être banale. Quand elle eut terminé, il prit parole.

- Tout d'abord, je suis désolé de ce qui t'arrive... et je tiens à te rassurer une seconde fois, je ne suis pas flic. Jamais je ne vais te balancer. Je ne suis pas comme ça.

Il la fixa pendant un moment, curieux de connaître son âge. La demoiselle était majeure ça c'était certain. Elle était libre de faire ce que bon lui semblait sans devoir rien à personne. Malheureusement, certains parents n'acceptaient tout simplement pas ce fait. Les siens devaient en faire partie, visiblement... Brian se demandait quel genre d'avenir ils avaient réservé à Eleonora. Il ne devait pas être sensationnel pour qu'elle pense à fuir. Surtout quand on savait qu'ils étaient riches... Peut-être s'étaient-il organisés pour la marier à un inconnu, riche aussi? Tout était possible.

- T'en fais pas... pour les détails. Après tout, tu ne me connais pas. On vient tout juste de se rencontrer. Jamais je ne pourrais te blâmer pour ça, même que je ferais pareil que toi.

Il s'arrêtèrent et Eleonora lui prit doucement la main, l'obligeant à la regarder. Brian plongea son regard dans le sien, attentif et muet. Elle lui demandait de lui prouver qu'il pouvait être une personne de confiance? Il le ferait.

Un sourire se dessina sur ses lèvres lorsqu'il entendit la suite puis il acquiesça à sa question, montrant qu'il accepterait de parler un peu plus de lui à leur prochaine rencontre.

- D'accord Léo.

La tatoueuse le libéra alors, s'approcha ensuite de lui et s'éleva du mieux qu'elle le pouvait pour déposer un bisou sur sa joue, juste avant de lui dire au revoir.  Brian échappa un petit rire bref, sourit puis donna du menton pour la saluer, sa main droite légèrement relevée pour la saluer.

- Fais attention à toi petite rebelle!

Il la regarda filer, ne cessa pas de sourire puis rebroussa chemin pour retourner au bar, là où son pick up était garé.

FIN

Mercii pour ce rp!!