III.01 Le Québec, c'est assez loin?

Si Anaëlle ne se trompait pas, elle se trouvait présentement dans un autre pays. Quelle drôle d'idée que les humains avaient eu que de séparer la Terre offerte par le Seigneur! C'était difficile de s'y retrouver, surtout pour un ange amnésique comme Anaëlle. Le mois de novembre s'était tranquillement installé sur cette partie de la planète, le froid se faisait plus présent et cela paraissait dans l'habillement des humains. Des manteaux pour les protéger du froid, mais pas seulement. Plusieurs portaient aussi des bonnets et des gants. L'hiver était pratiquement à leur porte. Mais ils auraient droit encore à un peu de répit, si la chance était de leur côté et le vrai froid n'arriverait qu'en décembre. Anaëlle avait du s'adapter aussi à cette température différente. À Huntfield, il est vrai que ce n'était plus l'été, mais il ne faisait pas très froid non plus. Un simple petit manteau suffisait. Plus au nord, dans un pays qu'on appelait le Canada, c'était autre chose. Le froid venait plus rapidement, surtout dans cette partie du pays qu'on appelait le Québec et plus précisément Montréal. C'était la métropole de cette province. Il y avait beaucoup d'habitants, mais jamais autant que dans les grandes villes américaines. Mais qui disait grande population disait aussi grande proportion de démons. Dans les bas fonds de la ville comme dans les grands immeubles, on était pratiquement certain de tomber sur une créature démoniaque. Pourtant, ce n'était pas ça qui attirait l'ange dans cette ville, dans ce coin du monde. Elle avait souhaité se faire oublier, du moins, en partie, par les habitants de Huntfield. Elle s'était montrée au monde, de manière assez violente. Elle avait laissé derrière elle une traînée de sang. Ce n'était pas quelque chose dont elle était particulièrement fière, mais elle savait que cela était nécessaire. Les humains étaient beaucoup trop occupés à vivre leur petite vie pour voir que quelque chose de plus grand, de plus gros, se dessinait sous leur yeux. Ils comprenaient souvent mieux lors d’événements spectaculaires, mais aussi d'événements assez malheureux. Ils comprenaient la réalité de la mort. Elle avait usé de sa lame céleste pour enlever la vie à quelques pauvres humains. Ce n'était pas le cœur léger qu'elle avait commis ces actes, mais elle l'avait fait, cela devait l'être. Mais une fois ces actes commis, elle avait préféré mettre de la distance entre Huntfield et elle, afin de laisser les humains gérer cette crise et leur laisser digérer ces évènements. Donc, elle se trouvait en ce moment à Montréal, métropole canadienne. Elle se trouvait plus précisément dans le quartier chinois de la ville. C'était plus simple de s'y balader, puisque les voitures n'y circulaient pas. Ce n'était pas un très grand quartier, mais il y avait beaucoup à voir pour les yeux curieux de l'ange. Finalement, Anaëlle s'arrêta dans un petit salon de thé. Elle prit place à une table et savoura le calme de l'endroit. Cela faisait du bien d'être loin de la tumulte de Huntfield!

Même si la ville de Huntfield était devenue l'épicentre de ces projets sinistres d'apocalypse à venir, cela n'empêchait malheureusement pas le mal de se répandre un peu partout sur la planète Terre, et ainsi d'amener les anges à éradiquer la menace. Pour l'heure, les territoires éloignés de l'épicentre ne devaient heureusement pas faire face à une menace aussi puissante que celle de Huntfield, mais cela ne les épargnait pas pour l'éternité. À mesure que le temps passait, le mal allait se répandre partout sur la planète. En essayant d'agir maintenant, on aurait certainement le plus de chance d'avoir un effet positif sur cette menace terriblement dangereuse. Après tout, nous n'étions pas les symboles de lumière pour rien. Il s'agissait là de notre rôle le plus fondamental.

La mission de ce jour était pourtant très spéciale, car j'allais quitter Huntfield pour la toute première fois depuis mon arrivée, qui avait eu lieu plusieurs mois auparavant. C'était mon devoir de faire tout mon possible pour que le mal recule, mais quitter Huntfield me laissait une sensation bizarre. Cette ville, je la connaissais depuis maintenant plusieurs mois, au point d'avoir du mal à connaître autre chose. C'était pour cette raison que l'idée de fouler le sol d'une autre ville dans un autre pays était pour moi très étrange, mais il fallait bien que je m'adapte, pour le bien de ma mission. J'avais en effet été appelé dans la ville de Montréal, au Québec, là où le mois de Novembre était bien plus froid qu'à Huntfield. Il était question d'un colis à protéger d'une influence démoniaque, une mission plutôt inhabituelle pour l'habitué des âmes perdues que j'étais. Qu'y avait-il dans cet étrange paquet ? Je l'ignorais. Je ne l'avais pour ainsi dire pas ouvert, mais à peine l'avais-je touché que j'avais pu ressentir son importance, sans avoir eu besoin de l'ouvrir. Ce colis avait alors été mis en sûreté, comme prévu, là où aucun démon n'aurait l'idée d'aller. En même temps, c'était surprenant que j'y aille aussi, dans ce "fameux endroit".

Ma mission à Montréal était finie depuis maintenant plusieurs heures, mais je n'étais pourtant pas encore parti de là-bas. Une partie de mon être avait en effet le sentiment que j'avais encore quelque chose à faire dans cette ville, sans pour autant comprendre de quoi il s'agissait. Je restais alors en ville, en train de vagabonder au hasard, sans trop savoir ce que je cherchais. Le hasard me mena au quartier chinois de la ville. Là-bas, les voitures ne circulaient pas, laissant une plus grande liberté aux piétons, qui ne s'en privaient évidemment pas. Le paysage émerveillait mes yeux et me rappelait à quel point j'étais attaché à cette planète. En même temps, pourquoi vouloir à tout prix détruire ces pures pièces de beauté ? À mon sens, tout ceci était inconcevable.

Ma marche me conduit non loin d'un salon de thé dans lequel j'allais m'arrêter un petit moment. Il n'y avait pas beaucoup d’affluence à cette heure, rendant l'atmosphère plutôt tranquille. Cela allait me changer les idées et me donner l'occasion de réfléchir un petit peu. Je pris place à une table, au fond de la pièce, avec dans mes mains un livre regroupant plusieurs photographies de paysages prises un peu partout sur la planète. Je le feuilletais, tout doucement. Après tout, j'avais tout mon temps.

Un peu plus tard, j'entendis la porte s'ouvrir, laissant une nouvelle cliente pénétrer dans le salon, mais cette cliente n'était pas n'importe laquelle. Le hasard m'avait en effet mené jusqu'à Anaëlle. Je n'arrivais qu'à peine à y croire. Peut-être était-ce elle qui m'attirait encore dans cette ville, mais pourquoi ? Sur le coup, je ne comprenais rien...et je n'osais surtout pas l'approcher, non pas par hostilité mais par respect. Je replongeais alors dans mon livre d'images, quelques secondes après avoir remarqué Anaëlle. Après tout, peut-être ne m'avait-elle pas vu, et peut-être voulait-elle être seule. La brusquer ne serait juste pas la meilleure façon d'agir à mon sens. Cette position confirmait mon surnom de "douceur incarnée" car je n'étais vraiment pas du genre à agir sans réfléchir, et surtout avec force.

J'attendais alors, assis à ma table, en continuant de feuilleter mon livre, ne voulant pas faire le premier pas vers Anaëlle si jamais ma présence n'était pas désirée.

Spoiler:

Une femme vint finalement à Anaëlle afin de prendre sa commande. Tiens donc, elle parlait français! L'ange n'avait pas pensé au fait qu'en changeant de pays, elle aurait pu changer de langue. Par contre, l'amnésique compris ce qu'elle lui disait. Il ne devait pas y avoir de barrière entre les anges et les humains. Surtout une barrière aussi simple que le langage. Peut-être que cela faisait même partie de la formation des anges, au Paradis, Anaëlle ne s'en souvenait plus. Cela paraissait logique par contre. En effet, si vous n'étiez pas de comprendre les habitants de la Terre, vous ne pouviez pas y descendre. Simple question de logique! Après tout, si on peut le dire ainsi, la langue maternelle des anges, c'était l'énochien, non? Mais bon, cela n'avait pas vraiment d'importance en ce moment même. Anaëlle regarda rapidement le menu et choisi un thé au hasard. Elle n'avait pas vraiment de préférence. Et puis, thé noir, thé vert ou earl grey, c'était du pareil au même non? Elle n'y connaissait rien, elle apprendrait en ce moment en fait. Une fois la commande prise, la serveuse s'éloigna, laissant l'ange patienter. L'amnésique pu donc observer à loisir le petit salon de thé. Il n'y avait pas beaucoup de clients encore. L'un deux attira particulièrement l'attention de l'ange. Son cœur manqua un battement. Était-ce de la peur qu'elle sentait, c'est ça que les humains ressentaient? Manakel se trouvait lui aussi dans le salon de thé. Était-ce le hasard, tout simplement? Elle ne le croyait pas. Les probabilités étaient trop minces pour que ce soit l’œuvre du hasard. Peut-être avait-il reçu l'ordre de la ramener se faire juger, après ce qu'elle avait fait. Cela pouvait se comprendre après tout, elle avait tué des humains. Elle devait faire face à ses actes. Fuir n'était pas la solution. Elle se leva et alla rejoindre son frère. Elle était sur ses gardes, prête à défendre sa vie si besoin était. Lors de leur dernière rencontre, il n'y avait pas eu d'animosité, mais avec les dernières actions d'Anaëlle, les choses pouvaient avoir changées. Anaëlle resta debout, face à son frère et l'interrogea :

- Es-tu ici afin de me ramener?

Une simple question, mais dont la réponse pouvait signifier beaucoup pour l'avenir d'Anaëlle. Elle ne voulait pas le combat, mais elle ne voulait pas non plus être condamnée, pas par les anges qui s'opposaient à Lucifer.

Spoiler:

Si on n'avait pas fait appel à moi dans le but de protéger ce colis mystérieux, je n'aurais probablement jamais fait le voyage vers cette belle ville qu'était Montréal. Par la suite, une fois ma mission accomplie, j'aurais du ne pas m'attarder dans cette ville et repartir à Huntfield, mais je ne l'avais pas fait. Une partie de mon être me retenait ici, avec l'intime sentiment que j'avais autre chose à faire dans cette ville, quelque chose qui n'avait rien à voir avec une mission. C'était comme un réveil profond de mon instinct angélique, quelque chose que je ne pouvais pas contrôler, mais qui ne me trahissait surtout jamais. À chaque fois qu'une impression telle que celle-ci me titillait, c'était toujours avec justesse. Si j'avais pris la décision de rester ici et de vagabonder au hasard dans la ville, c'était peut-être par espoir de comprendre pour quelle raison je devais encore me trouver à Montréal. Le hasard m'avait alors mené jusqu'à ce salon de thé pas très fréquenté à ce moment de la journée. Le calme dominait l'atmosphère, et cela allait ainsi me laisser du temps pour réfléchir et feuilleter mon livre rempli de magnifiques photographies de multiples paysages de la planète Terre. Le fait de tourner les pages de ce livre renforçait mon attachement déjà très important pour cette belle planète bleue. Chacune de ses beautés me plaisait et me fascinait dans le même temps. Au fond, le contraire aurait été pas mal surprenant, surtout en me connaissant.

À la longue, la réalité me rattrapa quand je vis Anaëlle entrer dans le salon de thé. Était-ce pour elle que je devais encore rester un peu dans cette ville, ou bien n'était-ce qu'un énième jeu du hasard encore une fois ? Je n'en étais pour le moment pas certain, mais peut-être allais-je pouvoir comprendre ce qui se passait grâce à Anaëlle. En tout cas, le peu d'affluence dans ce salon de thé avait pu lui permettre de remarquer facilement ma présence, et elle fut évidemment aussi surprise que moi. Pourtant, elle s'approcha, restant debout face à moi, et me demanda si j'étais ici dans le but de la ramener, à cause de ce qu'elle avait fait.

Je fermais mon livre, pour relever mon visage dans le but de la regarder et de lui répondre en la respectant.

- Crois-le ou non, mais je ne suis pas là pour ça Anaëlle.

En même temps, si j'avais été ici pour la ramener, je me serais comporté d'une toute autre manière, et puis je n'étais pas du genre à mentir.

- Si je suis venu à Montréal, c'est pour une toute autre raison. J'avais une mission à accomplir ici...la routine donc. dis-je avant de siroter un peu mon thé. Je ne suis pas là pour me battre avec toi. En vérité, je ne savais même pas que tu te trouvais ici.

Il n'y avait pas plus honnête que la réponse que je venais de lui donner. De toute manière, pourquoi lui mentirais-je ?

Elle se trouvait là, debout devant lui, comme un élève fautif devant le professeur, attendant les réprimandes ou le verdict, mais ce n'était pas pour ça que Manakel était venu, heureusement. Son frère lui expliqua qu'il était venu dans cette ville puisqu'il avait eu une mission à accomplir. Cela faisait partie du quotidien des anges. Et puis, les anges n'avaient pas que du travail à accomplir aux États-Unis. Partout dans le monde, on avait besoin de leur aide. Ils ne pouvaient pas être partout à la fois malheureusement, mais ils faisaient tout ce qui était en leur pouvoir afin de réduire les catastrophes en ce monde. Aussi, les anges allaient en priorité là où ils étaient appelés. Il y avait certains pays où on ne croyait pas du tout en Dieu et donc, les anges y étaient beaucoup moins demandés. Manakel avait donc été envoyé à Montréal pour accomplir une mission, sûrement donnée par le Paradis, Anaëlle ne savait pas trop. Elle était détachée du Paradis, elle n'était plus sur la même «radio» si on peut dire cela ainsi. Elle préférait garder une certaine distance par rapport à tout ce qui se disait. Tellement d'informations, tellement de conversations, cela devenait difficile de tout suivre et puis, il ne fallait pas oublier que si elle restait ainsi connectée à tous ses frères et sœurs, elle devenait beaucoup plus facile à repérer. Pour un ange qui souhaitait prendre un peu de distance et se faire oublier, il fallait se détacher un peu de sa famille. Ce n'était qu'une situation temporaire. Elle réglerait tout cela une fois les choses remises en ordre. Lucifer trouverait bientôt un véhicule adéquat et alors, il pourrait régler les problèmes de famille (simplifions ainsi!). Anaëlle était toujours debout face à Manakel, hésitant un peu. Elle aurait pu le laisser là et simplement retourner à sa place et boire le thé que lui servirait l'humaine. D'un autre côté, elle appréciait la présence de Manakel et elle se doutait bien qu'il ne tenterait pas de l'attaquer ici, en présence d'humains. Peut-être avait-il quelques conseils à lui donner?

- Pourrais-je prendre place à ta table alors, si tu me le permets?

Anaëlle avait demandé cela avec timidité. Elle le dérangeait peut-être et ce n'était pas ce qu'elle souhaitait faire. Il ne s'attendait pas à la trouver ici, c'était peut-être que lui aussi avait recherché un peu de solitude, solitude qu'elle venait de briser. Elle rajouta, en toute honnêteté :

- J'aimerais bien discuter avec toi...

Même si nos retrouvailles initiales avaient eu lieu dans le plus parfait des hasards, je ne m'attendais vraiment pas à rencontrer Anaëlle à Montréal, surtout que ma venue n'avait aucun rapport avec ma sœur. Pourtant, cette ville venait de nous réunir et cette nouvelle rencontre me laissait supposer qu'Anaëlle était à l'origine de ce besoin inconscient de rester à Montréal. Pourquoi devais-je alors à tout prix la rencontrer ? Pour l'instant, tout ceci n'avait aucun sens pour moi, mais peut-être allais-je en trouver un en discutant avec elle. Ces sursauts de mon instinct ne s'étaient pour le moment jamais trompés, alors il n'y avait pas de raison pour que le contraire se déroule aujourd'hui. Il fallait juste que j'en sache un peu plus sur ce qui avait bien pu nous réunir dans ce salon de thé de Montréal, et je ne pourrais le faire qu'en discutant avec elle. Ce lieu public n'était pas un terrain de combat. Je n'oserais jamais mettre en danger des humains, alors qu'ils n'avaient pas demandé à être mêlés à ces projets d'apocalypse qui se dessinaient.

Apprenant que je ne souhaitais pas la combattre, Anaëlle me demanda alors si elle pouvait prendre place à ma table. Pourquoi dirais-je non ? En même temps...j'avais besoin de lui parler, alors autant le faire assis à la même table qu'elle plutôt qu'à distance en hurlant et en faisant profiter tout le monde de notre conversation. Je lui fis alors un signe, comme pour l'inviter à s'asseoir.

- Tu peux t'asseoir avec moi, cela ne me dérange pas. lui dis-je en douceur, comme pour la rassurer et lui démontrer encore une fois que le combat ne m'intéressait pas.

L'humaine revint avec la commande d'Anaëlle, s'étonnant de ne pas la retrouver à la table où elle était. Je lui fis signe pour lui montrer qu'elle était venue me rejoindre. Ainsi, elle déposa le thé demandé et repartit d'où elle venait, nous laissant seuls.

Anaëlle émettait alors le souhait de discuter avec moi. Cela tombait bien, car je le partageais également, mais peut-être avait-elle quelque chose de parler à me dire ou bien à me demander. Peut-être devais-je alors rester à Montréal pour cette raison, histoire de l'éclairer, ou de l'orienter...même si ceci n'était encore une fois qu'une simple supposition.

- De quoi aimerais-tu qu'on parle ?

Son frère lui donna la permission de prendre place avec lui, c'est donc ce qu'elle fit. Elle n'avait pas voulu s'imposer non plus, c'est pourquoi elle avait demandé avant toute chose. Anaëlle manquait quelque peu d'assurance depuis ses derniers actes, du moins on aurait dit. En fait, elle était plutôt méfiante, n'était pas certaine de ce que les autres penseraient de ce qu'elle avait fait. Elle ne regrettait pas ce qu'elle avait fait il y a quelques jours à Huntfield, elle savait que c'était nécessaire, mais d'un autre côté, une petite partie de son être se demandait si elle aurait peu éviter de tuer les gens. Peut-être qu'elle aurait pu adopter une autre manière de faire pour ouvrir les yeux des humains. Elle aurait pu utiliser ses pouvoirs, tout simplement. Si elle n'avait fait que déplacer quelques voitures, on aurait cru qu'elle utilisait un truc ou quelque chose dans le genre. Ensuite, si elle s'était rendu à l'hôpital pour y soigner tous les malades, on aurait cru à un nouveau messie et on l'aurait idolâtrer, alors que ce n'était pas l'objectif recherché. Il fallait mettre les humains en garde contre l'avenir qui se dessinait devant eux et non pas avoir une confiance aveugle en un être supérieur. S'ils avaient cru en Anaëlle, pourquoi se préparer contre les créatures? Leur «messie» les aurait sauver. Ils n'avaient donc rien à craindre. Non, il avait été nécessaire de tuer quelques humains. Ils étaient des martyrs, leur mort servirait à leurs semblables. C'était un noble sacrifice donc. Par contre, tous les anges n'étaient pas d'accord avec elle. Alena lui en avait plus que fait part lorsqu'elle était venue à elle après le massacre. Ils étaient de leur devoir de protéger les humains selon elle. Pourtant, n'avait-elle pas compris que c'était ce que faisait Anaëlle? Elle protégeait les humains contre leur ignorance. Ils devaient être prêts, ils devaient savoir.

L'amnésique prit place face à son frère, maintenant qu'il lui avait donné son accord. Puis il fit signe à la serveuse qui semblait chercher sa cliente. Oups, oui elle avait changé de place. Mais bon, ce n'était pas comme si elle avait à chercher très longtemps pour la trouver, surtout que Manakel l'avait apostrophé. Ce dernier demanda à Anaëlle de quoi elle souhaitait parler. La serveuse n'était plus là, ils pouvaient donc parler librement.

- J'aimerais parlé de Huntfield, ce qui s'est passé depuis mon départ. Mais aussi, j'aimerais savoir si des frères souhaitent vraiment ma mort.

Ce ne serait pas trop étonnant, mais si c'était vraiment le cas, Anaëlle aimerait bien le savoir afin d'agir en conséquence.

Maintenant que j'avais l'occasion de discuter avec Anaëlle, mon instinct me faisait clairement savoir que j'étais à ma parfaite place, et que je n'avais pas besoin de chercher plus loin. C'était comme si ma venue à Montréal devait obligatoirement me conduire jusqu'à ma sœur. Pourquoi elle et surtout pourquoi maintenant ? Pour l'heure, j'étais incapable de répondre à ces deux questions. Seule cette discussion allait pouvoir me permettre d'assembler toutes les pièces du puzzle imposé par mon instinct, cette espèce de chose qui n'avait jamais tort. En tout cas, j'étais persuadé que cette rencontre avec ma sœur n'était forcément pas du au hasard. Il suffisait juste que je comprenne pourquoi mon instinct souhaitait à tout prix parler à Anaëlle. Je ne faisais que le supposer, mais peut-être que mon espoir de la revoir revenir parmi nous qui agissait et qui m'incitait à lui parler. Cette supposition réclamait une confirmation que seule Anaëlle pouvait m'offrir.

Le début de notre discussion se fit en douceur, avec les éternelles fondations par lesquelles il fallait toujours passer. Anaëlle aimerait parler avec moi de ce qui s'était passé depuis son départ, mais elle aimerait surtout savoir des anges souhaitaient la voir morte. Qu'il s'agisse de l'un ou l'autre des sujets, ils étaient parfaitement légitimes, et j'allais en parler avec elle, sans retenue.

- Le contraire venant de toi m'aurait surpris. lui dis-je juste après ses propositions de sujets de discussion. En ce qui concerne Huntfield, la situation n'a pas réellement changé. C'est toujours aussi...perturbé. Je ne vois pas trop comment l'expliquer autrement en réalité.

J'allais commencer à lui parler du deuxième sujet, évidemment le moins évident des deux. Le ton de ma voix restait doux, mais la situation me préoccupait et cela s'entendait clairement.

- Depuis mon arrivée à Huntfield, même si cela fait plusieurs mois maintenant, je n'ai pas rencontré énormément d'anges. Ton cas n'a été évoqué qu'une seule fois, et je n'ai pas vraiment aimé cette fois-là. C'était avec Diana. Pour elle, ton comportement passe pour une pure trahison et à ses yeux tu es définitivement perdue. J'avais beau lui dire le fond de ma pensée à ton sujet...j'avais l'impression de parler à un mur. Pourtant cela ne m'empêche pas de continuer d'y croire. Je suis quelqu'un qui a du mal à perdre espoir, même quand le contexte s'y prête.

Après une maigre pause, j'ajoutais ceci :

- Pour être honnête avec toi, j'espère que je ne suis pas le seul à penser de cette manière. La réalité serait bien désespérante sinon...

J'avais moi aussi plusieurs questions à poser à Anaëlle, pour tenter de la comprendre, mais je n'osais pour le moment pas les poser. Je voulais d'abord lui apporter les réponses dont elle avait besoin, avant d'espérer qu'elle m'en apporte. Peut-être que cette discussion allait être l'occasion de moi de renforcer mes espérances...ou bien le jour où elles allaient s'éteindre.

La discussion s'amorça entre le frère et la sœur. Anaëlle n'avait pas tourné autours du pot et elle en était venue directement au vif du sujet. Elle voulait savoir quel était l'état de la ville de Huntfield depuis qu'elle en était partie. Les choses ne pouvaient pas avoir changé tant que cela non plus, après tout, cela ne faisait que quelques jours, pas des années. Malgré le peu de temps que durait son absence pour le moment, Anaëlle savait que les choses avaient quand même changé, ou du moins, elle l'espérait. Elle espérait que ses actions n'avaient pas été vaines, qu'elles avaient eu un impact. Il ne fallait pas que toute cette histoire soit reléguée au rang des faits divers. Qui sait, peut-être qu'il y avait certaines personnes qui tenteraient d'étouffer l'affaire afin de ne pas mettre la ville en état de panique. Et pourtant, c'est ce qu'il fallait, que les humains soient prêts à se défendre et à montrer leur vraie valeur. Mais bon, cela ne semblait pas nécessairement avoir eu l'effet escompté, puisque Manakel répondit à sa sœur en lui disant que la situation n'était pas très différente du moment où Anaëlle avait mis les voiles. La ville était encore perturbée selon lui. Au moins, avec le temps, les gens réfléchiraient et tenteraient de comprendre ce qui s'était passé. Anaëlle espérait que plusieurs humains ouvriraient enfin leurs yeux et seraient ainsi mieux préparés à ce qui les attendait là dehors. Les loups-garous, les vampires, les démons, les fantômes : toutes ces créatures ne souhaitaient aucun bien aux humains. Aussi bien être prêt à leur faire face, non? L'amnésique hocha la tête pour signifier à son frère qu'elle comprenait ce qu'il voulait dire par «perturbé» et elle écouta la suite de sa réponse. Elle lui avait demandé si des anges s'étaient mis en tête de ramener la tête d'Anaëlle. Malheureusement, la réponse n'était pas vraiment celle que l'amnésique voulait entendre. Il lui parla de Diana. Anaëlle savait exactement de qui il voulait parler. Les deux sœurs avaient eu deux rencontres assez... explosives. La première fois, Anaëlle avait souhaité détruire un sceau et sa sœur l'avait menacé en la voyant faire. Puis, la seconde fois, c'était avait été les menaces mises à exécution.

- Diana m'a bien montré et expliqué de plusieurs manières ce qu'elle pensait de moi. Elle m'avait même menacé de prendre ma grâce et heureusement pour moi, elle ne l'a pas fait, mais je préfère éviter sa route en ce moment.

Il ne fallait pas tenter sa chance par une autre rencontre, cela ne finirait pas bien pour Anaëlle, elle en avait l'impression.

- J'ai bien l'impression que plusieurs seront prêt à vouloir me tuer, mais pas tous. J'ai rencontré Astarielle il y a quelques temps, elle comprend la situation, comme toi je crois.

Le fait d'évoquer l'opinion de Diana concernant le changement de camp d'Anaëlle n'était pas une tâche bien facile pour moi, car je gardais encore en mémoire les traces virulentes de sa réaction. Lui parler et lui dire que je baignais encore dans l'espoir de la ramener vers nous n'avait pour ainsi dire servi à rien, car Diana était catégorique à ce sujet. Pour elle, Anaëlle était partie et elle ne pourrait jamais revenir. Je respectais son avis, ne désirant pas me disputer avec elle, mais cela ne m'empêchait pas de ne pas être d'accord avec elle. Ce que j'avais perçu dans le regard d'Anaëlle lors de nos retrouvailles ne pouvait pas être un mensonge. Elle avait certes changé de camp mais elle ne semblait pas aussi pourrie que la vermine démoniaque dont je protégeais la plupart des âmes perdues dont j'avais la charge. Pour moi, c'était le signe qu'elle n'était pas entièrement partie. Les autres pouvaient penser comme ils le voulaient, cela n'allait pas m'empêcher de continuer à espérer. La "douceur incarnée" perdait rarement espoir. C'était pour ce fait qu'on m'avait assigné à ces multiples missions de guide. Je n'étais pas du genre à abandonner et lâcher prise dès qu'un problème se présentait à moi, alors j'allais forcément agir de la même façon avec mes protégés...mais également avec mes semblables. Je refusais de condamner Anaëlle trop vite car je souhaitais pouvoir la comprendre. Si elle avait choisi ce camp, il y avait forcément une ou plusieurs raisons, voire même des circonstances particulières qui l'avaient orientée dans ce sens. Le savoir m'aiderait...car peut-être que je pourrais y voir une solution, une porte de sortie...bref quelque chose de tangible.

Pour en revenir à la discussion que j'avais avec ma sœur, celle-ci me parla de Diana. Anaëlle l'avait à priori rencontrée et Diana lui aurait bien expliqué ce qu'elle pensait d'elle, au point même de la menacer de prendre sa grâce. Ces paroles ne me plaisaient pas. J'étais partisan de l'union, et non pas du conflit. Les choses n'allaient pas avancer en se rangeant derrière des menaces. Au contraire, c'était le meilleur moyen d'empirer la situation déjà problématique. Je n'aimais pas le fait d'avoir l'impression d'être l'un des rares à comprendre ce fait. C'était comme si hors du paradis les anges perdaient leur intelligence et se noyaient dans les mêmes conflits que ceux qui leur servaient d'hôtes. C'était absurde...

- Je ne peux que te donner raison en disant d'éviter sa route pour le moment...surtout si elle t'a menacée de cette façon. Elle te condamne par avance... lui dis-je, au sujet de notre sœur. Mais quand même...qu'elle ose te menacer comme ça, je trouve ça écœurant mais surtout ridicule, car ce n'est pas en se rangeant derrière ces générateurs de conflits que les choses vont avancer. Au contraire, c'est le meilleur moyen d'empirer la situation. Je lui dirais bien d'arrêter d'agir comme elle le fait et de tenter de comprendre les choses ou bien les gens avant de passer directement à une condamnation, mais j'ai peur de parler à un mur.

Anaëlle me dit alors qu'elle avait l'impression que plusieurs anges seraient prêts à la tuer, mais pas tous. Elle avait parfaitement raison...car je faisais partie de ces anges-là, et je ne devais pas être le seul. Pour preuve, elle parla d'Astarielle.

- Je ne te condamne pas comme elle le fait, et je suis certain qu'Astarielle non plus. Par contre, des anges pensant comme Diana, il doit y en avoir un bon paquet...alors sois prudente. Certains ne se donnent même pas la peine de chercher à comprendre ce qui s'est passé. Ils voient juste les faits et pas ce qu'il y a en dessous des faits, comme les motivations, les circonstances...tout ça quoi...

Après avoir siroté un peu de thé, je rajoutais ceci :

- Je déteste ça...devoir me méfier même de mes semblables, alors que normalement on devrait être s'écouter...se comprendre...mais surtout être unis. Ces conflits, ça me fatigue.

Sans vouloir faire de mauvais jeux de mots, Anaëlle n'allait pas tenter le diable. Diana n'était pas une sœur qu'elle tenait particulièrement à revoir, au vue de leur relation. Avec le temps, peut-être que les choses changeraient, mais l'amnésique ne souhaitait pas prendre de chance. Elle irait plutôt vers ceux qui étaient bienveillants et qui ne souhaitaient pas voir sa tête au bout d'une pique. Manakel faisait partie de ces anges qu'elle appréciait. Et pourtant, ce n'était, pour Anaëlle, que leur deuxième rencontre. Son frère savait être doux et ne pas brusquer les choses. Il avait des paroles pour rassurer Anaëlle et il ne l'accusait pas. Au contraire, il essayait de comprendre et tentait de l'aider. C'était de cela qu'avait besoin Anaëlle, non pas d'être torturée et blessée. Diana n'avait pas compris cela. Castiel non plus. En fait, Manakel faisait penser à Urakaba, pour quelques facettes. Ces deux frères étaient ceux qui avaient été les plus patients avec Anaëlle, ceux qui avaient répondu à ses nombreuses questions. Par contre, il demeurait une réelle et grande différence entre Urakaba et Manakel : les deux frères d'Anaëlle appartenaient à deux camps différents. Du moins, Manakel n'avait pas œuvré dans le but de libérer Lucifer. Anaëlle s'en était rendu compte la dernière fois, lorsqu'elle avait parlé de Lucifer comme chef rassembleur pour les anges. Manakel avait été triste (ou déçu?) de voir à quel clan appartenait sa sœur. Il n'appartenait donc pas au même, c'était logique! Cette comparaison, l'amnésique la garda pour elle. Elle ne voulait pas offensé Manakel. En effet, elle ne savait pas ce qu'il pensait d'Urakaba. Plusieurs anges détestaient ce frère. En même temps, Manakel semblait incapable d'éprouver de la haine, il était trop bon pour cela, n'est-ce pas? Parlant de haine, Anaëlle écouta son frère se désoler de l'attitude de Diana. Anaëlle lui donnait raison, elle n'avait pas choisi la meilleure manière d'agir pour attirer la sympathie de sa sœur ou pour désamorcer le conflit. Manakel lui dit de faire attention aussi, car des anges qui agiraient sans poser de question, il y en aurait pour s'en prendre à leur sœur Anaëlle.

- J'en suis consciente, c'est pourquoi j'ai pris un peu de recul. Ainsi, j'évite les conflits. Je ne souhaite pas affronter nos frères et sœurs, mais je ne me laisserai pas abattre non plus s'ils viennent à moi. Je me défendrai.

Encore une fois, elle faisait preuve d’honnêteté avec Manakel, elle n'avait rien à lui cacher après tout. Et puis, en l'informant de ses intentions, peut-être le dirait-il à quelques anges et le message se répandrait. Ainsi, peut-être aurait-elle plus de chance de ne pas se retrouver face à un frère pour un combat.

- Avec un peu de chance, le conflit ne durera pas éternellement, du moins, je ne le souhaite pas. Nous sommes une famille après tout.

Dans chaque famille, qu'il s'agisse d'une famille humaine, animale, ou tout bêtement notre famille, la vie ne se déroulait jamais sans la venue de perturbations orageuses. La métaphore météorologique montrait en réalité que les conflits avaient forcément leur place dans une famille, même chez les êtres soi-disant censés s'entendre et être unis. Il était donc normal, chez les anges, d'être en conflit, mais l'être à ce point-là ne relevait pas de la normalité, bien au contraire. Le conflit qui nous secouait était d'une dangerosité affolante, et j'aimerais vraiment que chaque ange parvienne à s'arrêter un peu pour réfléchir et comprendre ce qui se passait, plutôt que de chercher forcément le combat avec ceux qui n'étaient pas d'accord. C'était ce que je faisais avec Anaëlle. Au lieu de la condamner trop vite, comme ce que Diana semblait avoir fait, j'agissais à ma manière, en tentant de comprendre Anaëlle. Mes espérances à propos d'elle étaient peut-être justifiés, et je ne pouvais le confirmer qu'en discutant avec elle. Sans animosité et sans chercher le combat, il était parfaitement possible de poursuivre une discussion tangible. Il suffisait de le vouloir, voilà tout, mais pas mal de personnes, et pas forcément les anges, avaient du mal à en arriver à cette simple volonté. Pourtant une discussion ne faisait pas de mal. Au contraire, elle permettait cette compréhension que je souhaitais tant viser. Anaëlle n'était pas méchante. Un ange foncièrement mauvais n'agirait pas comme elle le faisait. Elle s'était perdue, dans des circonstances auxquelles je n'avais pas pu assister, et avait du choisir une voie plus tangible que le fait d'être indécis. Elle n'avait certes pas choisi le même camp que moi, mais je la comprenais quand même. Il fallait bien qu'elle se range dans un camp. L'indécision aurait été dangereux pour elle...très dangereux, même si le fait de se ranger d'un côté ou de l'autre amenait forcément des ennemis, mais c'était quand même moins qu'en étant ni d'un côté ni de l'autre.

Je poursuivais alors ma discussion avec elle, toujours sans hostilité et au contraire avec beaucoup d'attention. Je respectais le discours de ma sœur, le comportement normal à avoir pour un interlocuteur...mais que certains n'avaient pas forcément. J'étais gentil...souvent trop gentil, mais Anaëlle le méritait aujourd'hui. Elle n'était pas mon ennemie, du moins tant qu'elle ne cherchait pas à me combattre ou à me tuer, alors je n'avais pas à agir en ennemi... Ce n'était clairement pas nécessaire.

- À mes yeux, tu as eu raison de prendre du recul. Risquer une nouvelle rencontre avec des anges capables de te condamner aussi rapidement n'est pas la meilleure issue pour toi. Tu te préserves et c'est normal d'agir ainsi. J'espère juste que certains anges ne jugeront pas mal ta fuite. Tu sais...c'est un peu comme chez les humains, quand quelqu'un prend la fuite lors d'une arrestation de police, et qu'on juge forcément qu'il a quelque chose à se reprocher. Ce n'est peut-être la comparaison la plus juste pour nous, en tant qu'ange, mais c'est une façon comme une autre de l'expliquer...

Utiliser les humains pour comparer certaines pièces de notre conflit angélique n'était pas commun pour moi. En vérité, c'était la première fois que je le faisais. En même temps, à force de descendre parmi eux, j'avais une sacrée expérience de leur vie.

- Quand on parle de moi, on dit souvent que je suis la douceur incarnée, que je perds difficilement espoir, et c'est le cas. Je garde toujours espoir que tout puisse s'arranger...je le veux vraiment. Ce n'est pas sain, ce conflit qui dure. C'est dangereux autant pour nous les anges que pour la planète et tout ce qui l'habite. On est une famille, sans doute la famille la plus gigantesque qui existe...un conflit à une si grande échelle fait forcément des dégâts et je n'aime pas vraiment ça. Pourtant j'espère...et je me bats avec mes idées personnelles pour tenter à l'échelle de ma toute petite personne d'arranger les choses, mais je ne peux pas tout arrêter tout seul, je le sais... Je peux quand même continuer d'espérer. Au fond, je n'ai jamais arrêté d'espérer.

Anaëlle ne cherchait pas le conflit ouvert avec ses autres frères et sœurs et c'était pourquoi elle avait pris un peu de distance face à eux. Du moins, par rapport à ceux qui tournaient autour de la ville de Huntfield. Cette ville qui attirait les créatures surnaturelles de toute sorte. C'était à se demander ce qui s'y passait vraiment. C'était étrange quand même de voir autant d'anges et de démons se retrouver au même endroit. Y avait-il quelque chose pour les attirer tous? Même Anaëlle y était demeurée suite à son réveil. Pourtant, elle était libre d'aller n'importe où ailleurs, mais Huntfield avait retenu son attention. Les habitants avaient besoin d'aide, avaient besoin d'être guidés et donc, l'ange y était demeuré. La présence angélique pouvait aussi s'expliquer par la présence démoniaque, comme une réponse. Si le mal se trouvait à un endroit, le bien devait s'y rendre aussi pour le combattre. C'était là le cycle de la vie, en quelque sorte. Désormais par contre, les anges n'étaient pas que des représentants du bien. Certains s'en prenaient au leur, ce qui était de la pure folie aux yeux d'Anaëlle. Mais au moins, elle en était consciente et donc, pouvait éviter le conflit. Son frère fit la comparaison avec les humains, comme quoi en partant, certains allaient croire qu'elle admettait certains torts, qu'elle montrait, de cette façon, sa culpabilité. Pourtant ce n'était pas le cas. Elle croyait vraiment que ce qu'elle avait fait était bien, que c'était même nécessaire de le faire, afin d'aider les humains. Certes cela n'était pas la belle méthode gentille, mais le traitement choc. Il n'y avait pas beaucoup de temps devant eux, voilà pourquoi l'ange avait adopté cette technique. La fin justifiait les moyens.

- Je comprends ce que tu veux dire. Diana était prête à me condamner alors que je n'avais encore rien fait, de mon point de vue du moins. Le seul fait qu'elle me reprochait était d'avoir souhaité briser un sceau. Pourtant, c'est un démon qui l'a fait et cela m'a déplu. Je ne veux pas que les démons commencent à se mêler de nos histoires. Je ne veux pas de leur aide. Mais ensuite on me dit que je travaille avec eux. Je ne comprends pas comment on peut m'accuser si facilement!

Les démons, elle les haïssaient, mais tous ne comprenaient pas cela. Pourtant, c'était normal de les détester non? C'était encré au plus profond de la nature des anges. Les démons étaient à détruire.

- Il faut continuer d'espérer comme tu le fais. Il y aura des pertes, je le sens, mais nous ressortirons plus fort de cette épreuve, et plus unis aussi. Les malheurs unissent les humains, pourquoi cela n'aurait pas le même effet pour nous? C'est dans les catastrophes que les humains réagissent et s'unissent pour faire face à tout cela. Nous pouvons sans doute apprendre un peu d'eux de ce côté.

Huntfield n'était pas vraiment la ville rêvée pour un être en quête de paix, car elle était devenue malgré elle un pôle surnaturel, une sorte d'aimant attirant toutes les créatures vers elle. Si quelqu'un avait vraiment besoin de trouver la paix, il fallait s'isoler ailleurs, dans un endroit qui n'avait pas la malchance d'être souillée par ces conflits paranormaux aux allures éternelles. La ville de Montréal était un parfait exemple pour illustrer cette paix trouvée en dehors du pôle surnaturel. Pour preuve, ma venue ici n'était même pas bercée par ce devoir de veiller sur mes protégés. J'avais du protéger quelque chose, certes, mais ce n'était pas une personne, mais plutôt un mystérieux paquet que je n'avais pas eu le loisir d'ouvrir. Anaëlle pouvait alors espérer être un minimum en sécurité en s'isolant à Montréal. Par contre, il fallait juste espérer, si jamais des anges ou des démons la retrouvaient, qu'ils contamineraient pas cette ville par des combats inutiles. Montréal avait la chance d'être un minimum calme, autant qu'elle puisse continuer à l'être pour encore un bon bout de temps. J'ignorais par contre les intentions de bon nombre d'anges concernant Anaëlle. Beaucoup n'allaient certainement pas être aussi compréhensifs que moi et chercheraient alors à la retrouver...pour que cela dégénère d'une façon stupide mais surtout inutile. J'aimerais vraiment que cette conclusion ne se concrétise pas... Les dégâts causés pourraient être immenses et surtout affecter des personnes qui n'avaient rien demandé. Il fallait alors prier...pour que les anges qui condamnaient par avance parviennent à se contenir, mais j'avais bien peur que cela arrive quand même.

Anaëlle était d'accord avec moi, par rapport à ceux qui condamnaient par avance, et m'en dit un peu plus par rapport à ce que lui reprochait Diana. Cela avait un rapport avec un sceau qui avait été brisé. Diana lui reprocherait d'avoir souhaité le briser, alors qu'un démon s'en était chargé. Tout cette histoire semblait être une immense embrouille.

- Je comprends... lui dis-je, avant de lui poser une question, qui était à mon sens importante. J'aimerais par contre savoir quelque chose, par rapport à cette histoire de sceau brisé. Diana était-elle présente ce jour-là ou bien ne t'accuse-t-elle que par des bruits de couloir qu'elle n'a pas cherché à confirmer ou infirmer ? En est-il de même pour cette accusation de collaboration avec les démons ?

Avoir une réponse à cette interrogation était important pour moi, car cela pourrait peut-être me permettre de faire la lumière sur tout ce qui s'était passé. Après tout, les autres anges avaient leur version, mais avaient-ils fait attention à celle d'Anaëlle ? C'était à cette dernière que j'étais attentif aujourd'hui.

- Tu n'as pas tort...en parlant des malheurs capables d'unir les humains en un groupe solide et surtout baigné par une solide cohésion. Ce fait j'ai pu y assister plusieurs fois au cours de mes missions de guide. Il y a pas mal de facettes chez eux qui me fascinent, mais d'autres qui me perdent dans le même temps. Au fond, personne n'est parfait...qu'il s'agisse des humains, des anges, des démons ou de tout le reste.

Niveau vérité, ma dernière phrase en cachait une très solide. Personne n'était parfait...ah ça oui...

- À force de descendre sur Terre, pour guider ceux que je devais guider, j'ai pu voir tellement de choses tu sais...j'ai même pu servir de grand médiateur pour interrompre des conflits qui auraient pu faire d'intenses dégâts, plusieurs fois...mais ce n'était pas quelque chose d'aussi problématique que le conflit qui atteint les anges...ces espèces de projet d'apocalypse tout ça. C'est un conflit à une échelle plus puissante. J'aimerais pouvoir me sentir utile autant que j'ai pu l'être pour ce que j'ai accompli sur cette Terre, mais tout seul je ne peux pas le faire. Je suis certes un ange gentil, voire même parfois trop gentil pour certains, mais la douceur incarnée ne peut pas avoir autant d'effets sur notre famille que sur les humains. Ce n'est pas du tout la même chose... dis-je avant de m'interrompre moi-même, en sirotant un peu mon thé. Faut juste espérer que la bêtise du plus grand nombre ne causera pas de dégâts inutiles. Il y a pas mal de choses sur cette planète que je ne veux pas voir être détruites...

Je m'étais pas mal laissé aller dans ce discours, mais j'avais dans un sens besoin de dire tout cela. Il fallait bien que ça sorte, plutôt que de rester enfermé dans ma tête, en silence dans un coin de ma conscience.

Manakel souhaitait avoir un peu plus de détail concernant Diana et ce qu'elle pensait d'Anaëlle et de cette histoire de sceau. Il était vrai que l'amnésique n'avait pas donné beaucoup de détails et ce qu'elle avait dit n'était pas très clair. Cela remontait à quelques temps déjà, mais Anaëlle s'en souvenait très clairement encore. Ce n'était pas le genre d'événements qu'on oubliait en règle générale non plus! Cela avait été un événement marquait pour l'amnésique depuis son réveil. Elle n'était pas prête de l'oublier. Donc, lorsque son frère la questionna pour savoir si Diana avait été présente, elle lui expliqua plus clairement, espérant répondre à toutes ses interrogations :

- Diana était effectivement sur les lieux. C'était la première fois que je la rencontrais et j'ai cru que peut-être elle était une alliée. J'avais entendu parler d'une dame qui parlait d'extraterrestres mais aussi d'un objet bizarre. Je m'y suis rendue, comme Diana et deux démons. Eux aussi c'était la première fois que je les rencontrais, et j'espère bien que c'était la dernière. Nous avons cherché le sceau, tous, mais c'est l'un des démons qui a mis la main dessus en premier. Lorsque j'ai voulu le détruire, j'ai été propulsée plus loin. Un démon a détruit le sceau et les deux créatures démoniaques ont fuies. Quant à notre sœur, elle m'a alors appelé traîtresse et elle est aussi partie.

Diana parlait en connaissance de cause puisqu'elle avait été présente sur les lieux. Par contre, elle ne donnait aux autres que sa version des faits, sans prendre en compte celle d'Anaëlle. Est-ce que cela changerait l'avis des autres la concernant, Anaëlle en doutait. Souvent, ils se faisaient un opinion puis s'y tenait dur comme fer. L'amnésique aurait beau se défendre, les choses demeureraient pareilles. La conversation s'orienta vers les humains et leur capacité de s'unir alors qu'ils étaient victimes de catastrophes. Manakel et Anaëlle étaient d'accord sur ce point. La conclusion de Manakel fit naître un petit sourire à l'amnésique. Personne n'était parfait. Oui, il avait bien raison et elle l'avait constaté. Peu importait la nature d'un être, il n'était pas parfait. Manakel parla ensuite de ses propres observations. Ce n'était pas la première fois qu'il descendait sur Terre, il connaissait donc mieux les humains. Il avait servi de médiateurs à quelques occasions afin de calmer les tentions et empêcher les conflits de s'envenimer. Il est vrai qu'avec sa douceur, il devait être parfait dans ce rôle. Elle l'écouta avec attention, étant donné que son expérience pourrait un jour être utile à sa cadette. Elle l'écoutait sans toucher à son thé. Pour ainsi dire, elle l'avait oublié. La conversation était beaucoup plus intéressante que d'essayer ce breuvage, surtout qu'elle ne ressentait pas la soif.

- Il y aura des dégâts c'est certain. Je crois même que cela peut être nécessaire pour la résolution de ce conflit, mais nous ne pouvons que limiter les dégâts, qu'ils ne soient pas inutiles.

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