III.02 Le retour de la patronne

Evalenn se réveilla en sursaut, complètement trempée de sueur. Elle venait de faire un cauchemar terrible. Un mélange de sang, de tortures, de hurlements et de sons de bruissements d’ailes. Un crie avait retentit, qui s’était ensuite mué en hurlement. Au départ, elle croyait que c’était une personne qu’elle tuait. Jusqu’au moment où elle se rendit compte que c’était elle-même qui hurlait. Des éclats de rires mauvais retentissaient. Puis un visage apparût soudain, Séraphine. Son propre hurlement la fit se réveiller et c’est dans un état frôlant l’hystérie qu’elle se rendit à la salle de bain attenante à sa chambre en tremblant.

En tremblant, elle ouvrit les deux robinets qui laissèrent déferler sur son corps un liquide tiède. Flageolante, elle fit de son mieux pour ne pas s’effondrer. Lorsqu’elle eût reprit à peur près ses esprits, elle sortie de la douche et agrippa une serviette. Elle s’approcha du miroir et en ôta la buée pour observer son visage. Ses pupilles étaient dilatées, son visage était blême et elle remarqua un chatoiement au fond de ses prunelles. Son côté lycanthrope essayait d’émerger pour la protéger. Elle avait trop d’adrénaline dans le corps. Sachant qu’elle mettait en péril la sécurité de Calli, qui avait sa chambre pas très loin, elle se sécha et s’habilla. Elle se fit une queue de cheval, mis ses habits léger d’hiver et sortie dehors. Le vent froid balaya son visage et ses cheveux à demi-humide, ce qui lui procura un frisson. Elle devait courir, juste se dégourdir pour évacuer l’adrénaline qui s’était accumulé en surplus dans son corps et pour se changer les idées.

Evalenn entama alors un léger jogging qui se mua en course dans les bois. Elle laissa libre cours à sa force et à ses instincts. Elle évacua en grande partie l’adrénaline et s’arrêta à demi essoufflée, appuyée contre un arbre. Il n’était qu’une heure du matin, elle n’avait pas beaucoup dormie et avait la sensation que malgré tout, elle n’arriverait pas à se rendormir.

Elle poussa un soupir et reprit le chemin inverse, mais cette fois, en marchant. Comme elle allait amorcer le mouvement, elle sentie un déplacement dans l’air. Elle se figea alors et se retourna. Une femme inconnue se trouvait là et elle n’avait pas un air sympathique. Elle avait l’air en colère.

- Qui… qui êtes-vous?, demanda-t-elle avec crainte en sentant que c’était une ange.

Peut-être n'avait-elle pas envie de la reconnaître ? Ou avait-elle sincèrement oublié ? Cela l'aurait étonnée. Elle l'avait croisée de nombreuses fois, pendant et hors de ses transformations. Ses deux formes auraient du se rappeler d'elle, à moins d'une manipulation comme c'était arrivé à l'une de ses sœurs. Elle aurait dû attendre son retour. Enfin, ça, elle savait déjà que ça n'avait pas été le cas. Comme elle avait été déçue, de voir son lycanthrope de compagnie retourner s'acoquiner avec des sorcières... Retrouver sa trace avait été ridiculement facile. Séraphine avait cependant attendu qu'elle soit seule pour aller à sa rencontre. Elle n'avait pas envie de s'attirer des ennuis inutiles avec une magicienne dont elle ne connaissait pas l'étendue exacte des pouvoirs. Elle n'avait pas peur d'elle, elle était juste... prudente. Et puis, en abordant la traîtresse seule, elle lui laissait une chance de s'expliquer. Peut-être. Si Evalynn choisissait les bons mots. Et ça ne commençait vraiment pas bien.

« Aurais-tu perdu la mémoire, jeune louve ? D'ici, tu devrais presque me reconnaître à l'odeur. »

Surtout qu'elle n'avait pas changé de véhicule depuis. Ou peut-être sentait-elle toujours un peu l'huile brûlée ? Qu'importait après tout. Elle n'appréciait pas être oubliée. Son ton était froid mais, après tout, Eva ne méritait pas un accueil chaleureux, pas après avoir trahi son serment. L'ange s'approcha d'un pas lent, son regard ne lâchant pas celui de la jeune femme. Sa voix se fit plus basse, plus menaçante.

« Pensais-tu que je ne reviendrais pas ? »

Elle espérait bien que non. Elle aurait même pu venir réclamer son allégeance trente ans plus tard, ça n'aurait pas dû être un problème. La louve était supposée être prête à obéir quoi qu'il arrive. Sans doute avait-ce été une mauvaise idée depuis le début, aurait-elle dû l'éliminer plutôt que de tenter de l'apprivoiser. Mais elle avait fait l'effort de commencer son dressage et elle comptait en collecter les fruits ou continuer le travail, pas laisser quelqu'un d'autre l'utiliser. Alors qu'elle aurait pu commencer la punition de suite, elle lui laissait le temps de répondre. C'était plutôt généreux, non ?

Evalenn était terrifiée en voyant cette ange sous ces yeux. Qui c’était bordel? Qu’est-ce que ça lui voulait? Elle lui demanda de s’identifier et la créature lui demanda en retour si elle avait perdu la mémoire. Que rien qu’à l’odeur, elle devrait savoir qui elle était. Le cœur battant la chamade, Evalenn recula contre un arbre et dit d’une voix chevrotante :

- Je sais que vous êtes un ange… C’est votre nom que j’ignore. Que me voulez-vous?

Evalenn fixait la créature céleste avec des yeux de biches effrayées. Elle craignait tant que Séraphine la retrouve et laisse déferler sur elle sa colère, qu’à chaque fois qu’elle voyait un ange, elle devenait craintive et méfiante tout à la fois.

C’est alors que la femme s’avança d’un air menaçant et lui demanda si elle avait cru qu’elle ne reviendrait pas. Ses paroles, son regard, suffirent à faire geler sur place Evalenn qui la regarda complètement terrorisée. Là, elle venait de comprendre qui c’était. Là la peur envahit son corps au complet et elle aurait pu juré qu’elle avait sentie sa propre âme s’agiter pour tenter de s’enfuir.

- Séraphine…. Tu… tu as changé, dit-elle avec crainte.

En effet, la dernière fois qu’elle avait vu Séraphine, ce n’était pas sous ce visage. L’autre femme avait des traits hautains, une peau basané résultant d’un corps métisse, de longs cheveux noirs et un peu plus grande. Cette femme sous ces yeux étaient complètement différentes. Evalenn hésita à parler de nouveau. Si l’ange était en colère, elle en savait les raisons. Elle n’avait pas suivit l’entrainement en quelque sorte, ayant tout laissé tombé en constatant son absence.

Evalenn ferma les yeux quelques secondes pour reprendre maitrise de ses émotions. Son cœur palpitait, sa respiration était devenu laborieuse et un mal de tête se pointait à l’horizon. Elle grogna légèrement, mais sans malice.

- Tu es revenu pour me punir c’est ça? Je suis désolé, mais je te croyais partie. Tu n’es pas revenu et tu m’as laissé m’entrainer toute seule. J’ai sombré dans un enfer pas possible, devenant de plus en plus désorienté. J’ai réussie à m’en sortir. Je ne compte pas y retourner.

La jeune femme avait l'air véritablement paniquée. Elle avait assez de jugeote pour la craindre, visiblement, même si elle ne la reconnaissait pas. Ce qui était tout de même étrange. Jusqu'à ce qu'elle se rappelle d'un léger détail qu'elle ne pensait pas spécialement avoir d'importance. Oh, oui, c'était vrai. Elle avait passé quelques temps dans une autre humaine pendant un petit moment et c'était dans cette peau là qu'elle avait rencontré la louve, et continué à la voir, pour ne pas la perturber outre mesure. Ce genre de considération lui était complètement sorti de la tête et expliquait pourquoi la blonde ignorait son nom. Ce qu'elle lui voulait ? Elle lui répondit par une autre question, lui demandant si elle pensait qu'elle ne reviendrait pas. Cela eut l'effet escompté et Evalenn se figea, alors que la terreur s'affichait sur son visage. Séraphine s'approchait toujours, se réjouissant du fait qu'elle ait enfin saisit à qui elle avait affaire. Oui, elle avait changé, mais elle n'allait pas épiloguer là dessus. La conversation ne changerait pas de sujet si facilement. S'arrêtant à quelques pas, son regard ne lâchait pas la mortelle, jugeant l'ampleur de sa trahison de ses grands yeux bleus. Ses excuses lui semblaient bien pauvres. Et elle n'appréciait pas qu'elle sous-entende ne pas vouloir s'y remettre.

« Alors comme ça, je m'absente quelques mois et tu penses que je t'ai oubliée ? » Elle fit une pause, quelques secondes. Elle aimait assez la tension qui s'installait lors des moments de silence. Concernant son absence, c'était inutile de préciser qu'elle l'avait passée enfermée. Elle avait sa fierté et moins de monde serait au courant, mieux elle se porterait. « Sais-tu qu'il y a une guerre en cours et que tu n'es pas la seule chose que j'ai à l'esprit ? » Son ton était dur, plein de reproches. Même si le temps passé pouvait sembler long pour un humain, Séraphine ne s'en rendait pas compte. Il faut dire qu'elle avait eu le temps d'apprendre la patience. Soit, elle n'était pas prête à la pardonner comme ça. Jetant sur elle un regard méprisant, l'ange lui lâcha froidement : « Tu me déçois, je pensais pouvoir compter sur toi. » Elle n'était pas juste déçue, elle était en colère. Mais en le présentant comme ça, elle donnait à la louve la possibilité de choisir de se rattraper. De décider de s'en tenir à sa promesse.

Evalenn était dans tous ses états. Jamais au grand jamais elle n'aurait pensé revoir l'ange un jour. Cette ange qui avait viré sans dessus dessous sa vie sans aucune émotion. Cette même ange qui avait menacé sa vie, celle de ses amis et de ses proches. Cette créature qui avait voulu l'obliger à s'entrainer et qui, lors de son refus, lui avait bien fait comprendre qu'elle se devait d'obtempérer. Avec ses moyens de pressions, Evalenn avait été obligé de faire ce que l'ange lui demandait, et elle s'était mise à tuer comme elle le désirait. Puis, à un moment le temps passa et la louve se rendit compte de l'absence plus que visible de l'Être céleste. Constatant sa disparition, elle avait foncé pour se trouver de l'aide, puis elle était enfin sorti de cet enfer, tout en retournant vers ses amis avec qui elle avait coupé les ponts pour les protéger.

Sa vie semblait de nouveau belle et calme, elle avait de nouveau le plein contrôle sur son côté lycanthrope, elle avait de nouveau droit à de la joie, si on ne prenait pas en compte le stress que les Keynes faisaient peser sur elle, et... Voilà que ladite créature ailée se repointait. Pour pas moins que réclamer son aservissement de nouveau et de manifester son mécontentement de voir que madame avait voulu d'une vie meilleure. La louve grogna de nouveau. Elle n'aimait pas le ton avec lequel l'ange s'adressait à elle.

Séraphine, l'air menaçante, lui lança avec une question que parce qu'elle ne s'était pas occupé d'elle, qu'elle croyait que l'ange l'avait oublié aussi simplement. Elle réduisit l'espace entre elle, faisant grimper la tension mauvaise d'une coche. Elle lui lança sur un ton dur qu'il y avait une guerre en cours et que forcément, elle avait d'autres trucs plus importants encore en tête. Cette fois, elle lui jeta un regard méprisant avant de lui dire qu'elle la decevait, car elle croyait qu'elle aurait pu compter sur elle.

Evalenn ne savait plus comment réagir. L'ange était en colère, elle-même était en colère. Elle ne voulait pas être asservie de nouveau, mais elle se rendit compte de mauvaise grâce qu'elle l'était toujours. Que le temps de la disparition de l'ange n'avait rien changé à son statut de chien-chien obéissant.

- Je ne veux pas continuer. Laisse-moi tranquille! Tu as ruiné ma vie pendant près d'une année, alors il n'est pas question que je retourne à tes ordres. Je veux vivre ma vie sans que tu interviennes, je ne veux pas tuer des personnes innocentes de nouveau rien que parce que toi tu le veux. Tu m'as asservie une nuit de pleine lune, c'est mon loup qui est à tes ordres, pas moi. Pas ma partie consciente. Et oh... quel dommage pour toi, mais j'ai le contrôle de cette louve maintenant. Et JE refuse d'être à tes ordres de nouveau, lui cria-t-elle au visage en la poussant en arrière, très en colère.