III.03 - Let's start a debate ? [ft. Jo]

Blood tournait en rond comme un lion en cage dans la chambre qu’il avait loué dans un motel. Il ne pouvait pas se sortir cette chasse de la tête. Un échec cuisant aussi bien pour lui que pour ses collègues, qui échangèrent à ses yeux le manteau de d’Homme pour celui de Bête. Ca ne devait être qu’une surveillance d’une créature pour le moment innocente et qui devait le rester. Mais l’un de ceux l’accompagnant n’avaient pas su se contenir et malgré tous ses efforts, la créature craqua sous cette pression inattendue. Elle, qui ne demandait qu’à vivre sereinement avait été obligé de fuir et de tuer pour cela, passant par là de l’autre côté de la barrière. Et Blood enrageait. Car ce n’était pas de la faute de celui qui préféra fuir pour se sauver si les choses avaient dégénérées à ce point. Mais dans le monde actuel, c’était suffisant pour le conduire à l’exécution.

Blood n’aimait pas vraiment ce monde et ce qui y trainait, mais il avait apprit à composer avec afin de rendre sa peinture la plus grise et claire possible. Totalement neutre, ne jugeant jamais vivement. Réfléchir. Toujours. Mais sa justice n’était pas parfaite ; il n’avait pas puni le chasseur pour son acte. Il en a encore l’utilité après tout avec ce qui se prépare dehors… Il se rongea un ongle et décida de sortir. Enfilant son manteau tout en refermant la porte derrière lui, l’air frais du soir balaya ses pensées comme la muse les tourments de son poète.

Il marchait dans les rues la tête ailleurs. Tentant de ne plus se perdre dans ses pensées sans y arriver pourtant. La nuit lui offrait l’anonymat. Son regard dériva au loin sur deux hommes se battant à la sortie d’un bar et, parallèlement à cette scène, deux chiens errants se fixant, se jaugeant. Leurs corps étaient tendus mais communiquaient l’un avec l’autre dans un langage connu d’eux seuls. Une tête qui se détourne, des babines qui se lèvent juste, un détour, et voilà un conflit oublié. Ce qui n’est pas le cas avec les deux ivrognes. Ne se comprenant pas, ne communiquant pas, il n’était pas étonnant de voir qu’ils en venaient aux mains. Parfois, les hommes sont plus des animaux que les animaux eux-mêmes.

Il continua sa route, aussi silencieux qu’une ombre et aussi invisible qu’un son ; le métier aidant. Comme à son habitude, il allait là où le menaient ses pas. Ils étaient les seuls guides en qui il avait confiance. Il marcha longtemps, jusqu’à la bordure de la ville, jusqu’au Roadhouse qui en délimitait la sortie, ou tout du moins était-ce ce que son nom laissait à supposer. Il regarda la devanture un petit moment avant d’entrer. Cela ne pouvait pas lui faire de mal après tout, et il avait bien besoin d’un verre ! Ses pas claquaient contre le parquet en bois. Un son dur et net masquant son hésitation. Il jeta un regard circulaire à la pièce qui composait le bar. Quelques tables, des jeux comme un billard ou un simulateur de tirs. Des ivrognes déjà ivres morts alors qu’il est encore tôt, d’autres personnes discutant, insouciants, et lui, au milieu de tout cela, ne sachant pas trouver sa place, préféra un tabouret près du bar. Il s’y installa et attendit. Il commanda une bière simple qu’il commença à siroter tandis que ses pensées retournaient à cette chasse.

« Est-ce qu’une créature innocente mérite un tel sort ? Est-ce juste ? »

Il ne s’était pas rendu compte d’avoir parlé à voix haute bien qu’elle fur noyée dans la foule. Ce n’était qu’ une partie de la question, mais c’était un début. Il avait l’impression de retourner des années en arrière, quand ses convictions grandissaient et changeaient encore avant de devenir ce qu’elles sont aujourd’hui… Mais peut-être devait-il en changer ? Car après tout, rares sont ceux qui préfèrent défendre un « monstre » contre un chasseur même quand le dernier est en tord. Blood se gratta l’oreille, but une nouvelle gorgée de sa bière et soupira.

La nuit promettait d’être éprouvante. Quelques personnes étaient déjà pleines et voulait encore de l’alcool, Joanna et son employée tentaient de les raisonnés et surtout de confisquer les clefs des véhicules de ses derniers. Ils étaient rares les personnes à ne plus tenir debout ou de consommer jusqu’à ne plus être capable de prendre la route et la jeune blonde, maintenant aux mains de l’affaire familiale, veillez toujours à ce que tout le monde rentre sain et sauf. De toute manière, les habitués s’entraidaient beaucoup et aider aussi la jeune femme pour ne pas se faire un sang d’encre à savoir si ses clients sont bien arrivés sain et sauf chez eux.

Du coin de l’œil elle observe le nouveau venu, elle ne fut pas celle qui le servit, car elle venait donner des hamburgers et des frites à une table de quatre chasseurs ayant un grand appétit et qui réclamerait certainement bientôt un supplément de quelque chose. Elle ressert une jeune femme en limonade -chose peu courante ici- et débarrasse les verres vides avant de se redresser en entendant le nouveau venu. C’était clair, il faisait partie du club des chasseurs ! il fallait juste qu’il soit un peu plus discret ou les personnes n’ayant aucune notion du surnaturel le prendrait certainement pour un fou ! La blondinette se rapproche et lui offre un sourire réconfortant, cet homme ne semblait vraiment pas dans son assiette.

« Quelque chose ne va pas, monsieur ? Elle se mordilla la lèvre inférieure avant d’en dire plus, un peu peur de le brusquer. Une chasse c’est mal passé ? »

Elle en avait connu aussi des chasses bien planifiées, prévues de A à Z depuis un bail, avec aucune faille qui finalement se termine plutôt mal. Que ça soit pour la « proie » ou pour eux, car oui, parfois ils perdaient des hommes -des femmes aussi- le nombre de victimes pouvait se compter des deux côtés. Elle s’appuya contre le bar derrière elle avec toutes les bouteilles que personne à part le personnel ne pouvait toucher ou attraper.

« Vous pouvez parler librement, ici nous sommes presque tous des chasseurs et ceux qui ne le sont pas sont parfaitement au courant du monde surnaturel qui nous entoure. »

Elle hoche positivement la tête pour l’encourager à en dévoiler un peu plus, qu’il s’épanche sur ce qui le tracasse. En attendant, elle attrape un verre qu’elle remplit d’eau pour en boire quelques gorgées avant d’en attraper un autre et de le remplir de coca pour le faire glisser jusqu’à l’autre serveuse qui devait bien mourir de soif et à qui des bulles ne feraient pas de mal non plus.

Il faisait paresseusement tourner le liquide de son verre d’un mouvement souple du poignet, il semblait calme, presque étranger à lui-même. Il avait l’impression de se ramollir, de ne plus avoir le même cœur qu’autrefois, ce cœur impertinent qui croyait dur comme fer à ses convictions. Il épargnait les innocents et châtiait les coupables, comme le divin qui délaissa ce rôle, préférant déléguer qu’agir Mais cette fois cela fut différent. Il n’avait pas su comprendre à temps que le coupable était innocent, et il avait l’impression de devenir tout ce qu’il ne voulait pas être. Et le liquide tournait encore. Il n’aimait pas l’alcool, mais voir le liquide ambré danser au rythme qu’il lui imposait avait quelque chose de rassurant, lui conférant une prise sur la réalité, quelque chose qu’il pouvait contrôler et dont il connaissait les intentions néfastes et qu’il pouvait donc mater sans risques.

Il restait inconsolable de sa faute. Il tentait de se calmer, de chercher dans sa mémoire des maximes qui pourraient le déculpabiliser, de lui montrer que son geste, sans être bon était tout de même respectable. Et il l’était ! Il est un chasseur et son but, comme celui des autres, est de chasser des créatures, mais cela ne suffisait pas à l’accommoder à sa peine. « En avouant ses erreurs, on met la raison au présent et le tort au passé. » disait-on… Si seulement cela pouvait être aussi simple.

Sûrement attirer par son air effondré, la jeune serveuse vint le voir pour lui demander si tout allait bien. Ah ! Si elle savait ! Mécontent d’être interrompu dans ses pensées et n’était pas d’humeur à converser avec un autre être humain, il lui jeta un regard qu’il tenta de rendre froid avant de se détourner sans un mot. Il ne voulait pas parler, pas dans un endroit où d’autres pourront constater sa faiblesse et son sentimentalisme. Il savait que les chasseurs n’étaient pas des brutes épaisses sans cœur, mais il avait pour désir de toujours être plus fort que ce qu’il semblait. Il la suivit du coin de l’œil et soupira quand elle prit place en face de lui. Elle l’encouragea à parler mettant en avant le fait que tous ici savaient ce qu’il se passait. Elle était têtue. Il le voyait à son air et il devina qu’il n’aurait pas de répits avant d’avoir desserrer les gencives.

« « Je n’aime pas le travail, nul ne l’aime ; mais j’aime ce qui est dans le travail l’occasion de se découvrir soi-même. » » Commença-t-il « Conrad, Au cœur des ténèbres, et c’est un peu ce qu’il m’est arrivé aujourd’hui. »

Il s’était découvert irréfléchi et aveugle, il s’était découvert meurtrier, insensible à la détresse qu’on lui envoyait à la figure, hermétique à tout sentiment. Il avait cru un mensonge lui qui pensait connaître la nature des Hommes à défaut de connaître celui des Bêtes. Il était fier de lui, de cette consigne qu’il s’était donné, c’était sa fierté, ce qui le faisait se sentir différent et qui le soulageait au moment de dormir, se répétant qu’il n’agissait qu’envers les coupables. Il s’était trahi et c’était pourquoi il se sentait si mal, pitoyable. Contre toutes attentes, il bu le verre cul sec, jurant intérieurement en accomplissant cette action qu’il ne commettrait plus jamais une telle erreur, car alors cette erreur deviendrait une faute.

Joanna ne put s’empêcher de lever un sourcil, s’il ne voulait pas parler qu’il le lui dise simplement et qu’elle se mêle de ce qui la regarde, mais étonnement il fini par décrocher quelques mots. Il venait définitivement de passer une mauvaise journée, si elle n’avait pas vraiment l’habitude que ses clients parlent sous citations qui pouvaient tout aussi bien être une énigme pour la jeune femme. Elle pencha légèrement la tête sur le côté droit.

« Peu de personnes aiment réellement ce travail…ou n’importe quel travail en général d’ailleurs, même le plus « normal »… On a juste une grosse responsabilité et un énorme poids sur les épaules. Il faut faire les bons choix, mais ça n’est pas facile du tout ! »

La jeune fille en a commit aussi des erreurs, par maladresse ou parce qu’elle se sentait menacé, mais avait tout simplement mal interprété les propos ou tentative de la créature. Elle n’en était pas fière, elle a aussi laissé s’échapper des coupables qui ont malheureusement perduré et proféré de nouveaux crimes avant d’être enfin mis hors d’état de nuire. L’expérience et le temps faits qu’ils connaissent mieux les signent, qu’ils comprennent mieux quand ils se font berner ou non et comment monter un cas solide avec preuve, ect… afin de ne pas tuer des innocents. Mais il y a toujours « des bourdes » comme diraient certains policiers.

« En tout cas ici, personne ne juge personne. »

C’était une règle mise en place par sa mère, de son vivant, elle avait accepté toutes ses personnes d’avoir un point d’ancrage au roadhouse, mais s’ils venaient et parlaient boulot ils ne devaient juger l’action des autres. Car pour elle, une erreur pouvait arriver à tout le monde, d’ailleurs ça en coûta la vie de son mari, mais jamais elle n’éprouva d’animosité envers les Winchester pour autant…Si Joanna fut un peu plus récalcitrante, elle comprit vite le point de vue de sa mère et pardonna à son tour.

Son regard balaya de nouveau la salle et elle se fit la réflexion que de toute manière personne ne les écoutait, alors il n’aurait pas peur d’être jugé. Joanna le laisserait parler de son problème s’il en a envie, ou d’échanger des banalités. Lui servir ce qu’il désire boire aussi.

Il n’avait pas menti, simplement trouvé une façon détournée pour exprimer ce qu’il ressentait. Il n’aimait pas réellement parler de cela, mais parfois il devait reconnaître que se confier à des inconnus pouvait avoir du bon. Un nouvel œil sur une situation qui semblait être sans issue. Dire que sa journée avait été mauvaise aurait été un euphémisme. Il y avait longtemps qu’il n’avait pas vécu de journée comme celle-ci, dont les évènements avaient l’air de s’imbriquer entre eux de façon à lui barrer définitivement la route, de ne lui offrir aucune retraite.

Il se sentait piégé et avait simplement trouvé refuge dans le premier endroit qui lui avait semblé assez sûr pour être une retraite temporaire convenable. La jeune fille qui le servait répondit à sa citation. Sans doute se sentait-elle concernée par son état, mais le fait est que cette attention soulagea Blood autant qu’elle le gêna, étant peu habitué à se livrer. Mais ce soir n’était pas un soir comme les autres, il avait merdé et avait besoin de vider son sac.

« Je pense que le pire c’est que quelque part, j’aime ce travail. Je l’ai choisi et j’aime la façon dont je mène cette vie. J’élucide sans être une justice bicolore froide et tranchante. »

Oui, il aimait ce travail, le fait de sauver des vies, d’en connaître la valeur et les dangers, de contrôler cet aspect du monde qui était inconnu pour de trop nombreux autres. Il aimait cette responsabilité qu’il s’était donné de sauver le plus de personnes possibles, créatures comprises, car il arrive parfois qu’elles soient innocentes et que, comme les humains « normaux » elles n’étaient que les victimes des autres ou d’instincts les dépassant. Un pays neutre entre deux camps se faisant la guerre, voilà ce qu’il tendait à être.

« Mais une fois que vous êtes coupable, que vous êtes responsable même sans le vouloir d’une perte qui n’avait pas lieu d’être, comment vivre avec ça ? »

Blood était un perfectionniste dans l’âme. Tout devait être parfait et fonctionner selon son plan. Jusque là, cette façon de faire qu’il avait apprise sur le tas, se forgeant avec l’aide de chasseurs et créatures plus expérimentées que lui, lui avait réussi. Il n’avait jamais perdu un innocent sous sa garde directe. Sa première perte était un homme paniquant et sortant d’un cercle de sel qu’il avait tracé pendant qu’il était au dehors à la recherche de l’entité. Ce n’était pas de sa faute, il n’était pas là. Ici la chose était différente. Il avait été dans la même pièce, et il avait échoué, épargné même. Et cela l’enrageait. Il savait que, parfois, il valait mieux fermer le poing dans la poche afin que personne n’ait conscience de cette colère qui nous ronge, mais il n’était pas de ceux qui choisissaient leurs vestes pour la profondeur de leurs poches.

Il eut un rire amer. Oui, il aimait ce travail. Peut-être pas pour les bonnes raisons, mais c’était ce qui le faisait vibrer, sentir en vie. Il avait besoin de savoir que son cœur battait encore même après une terrible bataille, il avait besoin de sentir son sang couler dans ses veines ou le long de ses plaies. C’était ce qu’il avait toujours connu depuis son arrivée en Amérique, c’était pour cette vie qu’il avait été fait, et il ne voyait pas d’autre façon que de trouver sa place dans le monde autrement qu’en faisant ce pour quoi il avait été formé durant toute sa jeunesse. Il savait que cet instant n’était qu’un égarement furtif, mais parfois il était plus agréable d’avoir quelqu’un avec qui se cacher la tête sous la couverture afin de se cacher des monstres incarnant les échecs que l’on assume pas encore.

Spoiler:

Joanna comprenait parfaitement le jeune homme ; car même si son père fut un chasseur ce n’était pas censé être son propre destin. La vie à fait qu’il décède jeune et que la petite blonde prenne le relais de son père, elle était bien entourée cependant. Dean et Sam gardaient une conscience et Sam ne tuerait jamais un innocent, Dean était un peu plus borné, mais Ruby est bien en vie, non ? Elle réfléchissait donc plus que certains chasseurs, mais elle s’était aussi fait avoir plus d’une fois par rapport sa gentillesse et le fait qu’elle donne un peu trop rapidement le bénéfice du doute.

Ce travail, elle l’aimait aussi peut-être inconditionnellement, rencontrer des personnes ayant tout un même but : protéger les habitants, même s’il était peu gratifiant, dangereux et que cela fait d’eux des assassins ce n’est que peu de chose quant à savoir que certaines créatures sont mises hors d’état de nuire. La jeune femme tentait de passer sous silence la nature de certains innocents comme Logan. Jamais elle ne pourrait le tuer, jamais elle ne pourrait ne serais-ce que lui faire du mal ! Il se tient à carreau, il sait se faire discret et se contenir. Se mordillant les lèvres, elle soupira à la question de Blood.

« Tout dépend des personnes, certains vivent très bien avec ça ou alors ils sont hantés par leurs souvenirs toutes leurs vies, malheureusement. »

Autant choisir l’honnêteté que le mensonge, il était bien difficile de soulager les « âmes » des chasseurs, la conscience est souvent mise à mal et ils restent marqués de leur première chasse, leurs premiers « meurtres », mais ensuite il faut se forger et se blinder afin de ne plus être aussi touché et ne pas finir par se mettre une balle dans le crâne ou le cœur. Joanna tentait tant bien que mal de ne pas penser à tout ça, elle s’employait à mettre une certaine distance entre ses actes durant la chasse et elle-même, elle n’est pas totalement détachée non plus, car elle doit rester un minimum concentré et savoir ce qu’elle faisait.

La barmaid resservit un verre au chasseur, il en aurait certainement besoin, elle ferait tout de même attention à ce qu’il n’atteigne pas l’ébriété, car on ne sait jamais comment une personne dans cet état d’esprit réagit.

« Dans un sens, c’est un peu le job qui nous choisit que le contraire… »

Blood ne savait pas quoi dire, pas quoi ajouter. Ce que lui disait la jeune femme était empli de bon sens mais il ne pouvait pas s’empêcher de ressentir ce tiraillement intérieur. Car tout au long de son expérience dans le milieu de la chasse, il avait apprit que personne n’était tout à fait innocent ; par contre il avait déjà croisé des êtres totalement coupable se complaisant dans la satisfaction morbide que leur procurait leurs méfaits. Que ce soit créatures ou chasseurs. De nombreuses années auparavant, il avait croisé un chasseur qui ne faisait cela que pour donner libre cours à ses pulsions meurtrières, ne prenant pas en compte si sa cible était ou non innocente.

Pour lui, une créature était une proie qu’il devait abattre s’il voulait être au sommet de cette pyramide informe qu’était la chaîne alimentaire. Et ce que craignais Blood était un jour de devenir comme lui, aujourd’hui plus qu’hier, car il le sentait : il changeait. Ses positions ne sont plus aussi certaines et parfois même son regard se durcit et juge avant d’entendre les premiers mots. Il se refusait cependant à devenir ce genre d’être. C’est aussi pour cela que ne pas prendre plaisir dans ce métier lui convenait. Il se contentait de la satisfaction d’avoir sauvé des vies. Humaines ou non.

Mais aujourd’hui, il ne ressentait pas cela. Cette satisfaction était étouffée par sa culpabilité. Mais il préférait avoir des remords que des regrets. Les premiers sont plus facilement acceptables, moins lourds sur les épaules. On les supporte plus longtemps et on hésite moins à les partager. Mais Blood n’est pas partageur, il porte seul le poids du monde dans lequel il évolue, le sien. Comme venait de le dire la jeune femme près de lui, il parvenait à vivre avec cela sur les épaules et la conscience. Ces pensées, ses remords démontraient qu’il n’était qu’un humain imparfait. Mais il se plaisait à penser qu’à la fin il serait juger selon ses principes et non pas de façon expéditive. Si un tel jugement était encore possible.

Parfois se greffait dans ses songes un visage oublié. Mais il ne l’avouerait jamais.

Elle le resservit sans qu’il n’en fasse la demande et lui offrit un pauvre sourire et un hochement de tête en remerciement. Il saisit le verre d’une main distraite, fit tourner d’un geste du poignet avant d’en prendre une gorgée.

Ouais… Peut-être était-ce vrai. C’était plus le boulot qui les choisissait que l’inverse. Il vous tombe dessus dans crier gare et s’insinue petit à petit dans la vie au point d’en prendre une grande partie, ne laissant de place pour rien d’autre. Mais parfois, cette vie pleine de combats et d’aventure se révélait être pesante, mais c’était son travail que de se battre, que ce soit contre les autres ou contre lui-même, il plongerait et nagerai à contre courant si cela lui permettait de faire la différence dans cette lutte constante. Alors il ne disait rien, s’effaçait, devenait une partie du décor jusqu’à la prochaine lutte dans laquelle il s’engageait. Il était ainsi fait. Il n’abandonnait pas. Telle était sa détermination.

« Vous avez sans doute raison. Ca nous tombe dessus ou on né dedans et dans tout les cas il n’y a pas de demis mesures, il n’y a plus que les problèmes que cette vie engendre. » Il but une gorgée d’alcool et mit son verre de côté, avant de reprendre. « Mais les problèmes, quand on sait comment les prendre, ne sont que des opportunités. Reste à voir ce que l’on en fait. Si l’on veut faire la différence ou non. A la fois simple et complexe. »

Et cette volonté l’habitait profondément.

Elle pouvait sentir à quel point l’homme se sentait perdu, mal, une certaine peur dans son regard. Cette peur, elle ne pouvait que la comprendre, la partageant elle-même pendant un bon bout de temps…maintenant elle a appris à s’en défaire grâce à certains amis, lui conseillant de se détacher le plus possible de chaque situation et de toujours écouter son instinct même pour savoir si elle allait prendre ou non en charge une affaire, la considérant comme étant juste ou non. Cependant, pas mal d’affaires était légitimes et il fallait y mettre un terme afin que les créatures cesse de nuire, faire en sorte que les personnes qui auraient pu être des victimes potentielles soient sauvées sans même qu’ils ne soient au courant.

It’s a thankless job, but someone’s got to do it.
Like a mop, and a broom,
No one wants a thankless job.*

Joanna fronça ses sourcils aux paroles de Blood, si elle était d’accords avec la première partie, au moment où il parla de problème elle fut un peu à la ramasse…Parlait-il de problèmes personnels ou des problèmes que peut engendrer le fait de vivre une telle vie ? Avoir un métier comme chasseur. Elle tenta de réfléchir avant, tant de possibilités à traduire ces dires qu’elle n’était même pas sûre laquelle était la plus possible, l’homme semblait la plupart du temps perdu dans ses songes, raison pour laquelle elle hésite tant sur le réel « problème » dont il parle.

« Naître dedans c’est pas si mal, on s’en sort, on comprend juste un peu plus tôt et réellement que les monstres ne se cachent pas sous notre lit, cependant ça ne veut pas dire qu’ils n’existent pas. Elle hocha la tête, plus pour elle-même en ayant des bribes de souvenirs avec son père avant qu’il ne se fasse tuer. Quant aux problèmes, desquelles parlez-vous ? »

Elle tenta de ne pas trop de le brusquer, mais de le faire parler tout de même, ce n’était jamais bon de garder tout pour ça…Pourrissant l’âme. Elle connaissait aussi, au départ elle restait plutôt discrète sur ces chasses avec sa mère, elle avait peur de rester trop affecter et que ça ne devient encore plus concret si elle lui en parlait…Mais Ellen a su trouver les mots justes et Joanna depuis ce sentait toujours « mieux » de pouvoir partager là dessus et avoir un regard extérieur sur le bon vieux « c’est bien ou c’est mal ce que j’ai fait ? » elle continuait à présent avec Jessica et Dean, mais Dean était un peu plus vieille école et à partir du moment où la personne qu’elle a tuée été une créature, à son sens elle faisait bien.

Blood ressentait étrangement la gentillesse de la jeune fille à son égard. Il avait l’impression de revenir des années plus tôt, quand sa tante était encore en vie et qu’ils se comprenaient sans pour autant se parler. Ils n’avaient jamais été doués avec les mots. Mais avec cette jeune femme, il parvenait à les trouver. Ce n’était pas une chose aisée, il prenait le temps nécessaire pour construire chacune de ses phrases, et il parlait, se livrant un peu à cette inconnue. Car il arrive un moment où ce que l’on a sur le cœur devient trop lourd à porter et que le besoin de parler, de même dire quelques mots, pas grand-chose en soit, se révélait être plus salvateur que ce à quoi on peut s’attendre.

C’était son héritage, son fardeau.

La réponse de la jeune fille ne l’étonna pas. Il la comprenait même, elle était encore jeune et ses monstres n’étaient pas ceux de Blood. Le chasseur avait l’impression d’évoluer dans le même univers que les autres mais de glisser sur un monde différent. Peut-être était-ce la boisson qui commençait à lui monter à la tête, mais parfois, il ne se sentait pas à sa place, et c’est sans doute ce sentiment qui se trouvait être à l’origine de ces divagations.

« En effet, les monstres sont toujours là, existant et épiant le moindre de nos mouvements. » Lui répondit-il, morose, après un moment. « Seulement, les monstres ne sont pas forcément ceux que l’on croit. Certains sont insidieux et savent très bien se cacher de nos yeux que l’on pense expert.»

Il se gratta le menton en soupirant. Un peu ailleurs, presque rêveur, il réfléchissait à la suite de sa réponse. Toujours dans ses pensées, sa main droite effleura la gauche à l’endroit où une cicatrice se trouvait, autre preuve de son incompétence. Ses yeux avaient été aveugles même face aux évidences, et le voilà assis dans ce bar à s’épancher sur ses malheurs. Pathétique.

« Je parle de tous les problèmes. » dit-il en rompant le silence qui s’était alors installé. « Les problèmes de la vie, les problèmes de la chasse, il n’y a pas de différences entre eux si ce n’est leur finalité. Mais au fond, ils ne sont que les reflets de nos erreurs et des choix que l’on peut décider de faire pour tenter de réparer les choses. »

Mais parfois, il est trop tard pour réparer ce qui a été briser.

Elle hocha la tête, ayant l’air un peu absente un moment, repensant à toutes les créatures qu’elle a pu croiser jusqu’à lors…dans tout ce lot ceux dont elle eut le plus de mal à croire l’existence était les anges. Oui, oui, même en les rencontrant ce n’était pas toujours pas ça avec la chasseresse…Oh, bien entendu maintenant c’est passé, elle y croit et ils se sont bien adaptés à son quotidien il faut le dire ! Castiel, Anaëlle, Astarielle…Tiens, d’ailleurs c’était amusant cette façon dont leur prénom a tendance par finir toujours par le même son, on ne retrouve pas ça chez les démons, mais ceux-ci avaient des prénoms souvent originaux donnant un peu la puce à l’oreille tout de même. Bon, après par exemple des prénoms comme Ruby étaient originaux, mais il laissait déjà moins transparaître la vraie nature de la dame.

Joanna ne s’est jamais considérée experte, même si elle est loin d’être une débutante et elle ne se fiait jamais à l’apparence des gens, les monstres les plus infâmes peuvent avoir une apparence des plus attirantes ou tout à fait banale. Au moins, elle était sûre à présent qu’aucun démon ne pouvait entrer, éliminant ainsi une menace de plus, mais les autres pouvaient parfaitement entrer…à leurs risques et périls ! Puis son attention se reporta sur le jeune homme alors qu’il parla à nouveau, haussant les épaules à ces mots.

« L’erreur reste humaine, même si l’on en fait et que l’on chercher à les réparer…au moins, on tente le tout pour le tout ! On ne peut pas se permettre de stagner pour réfléchir des semaines et des semaines sur des choix que l’on doit faire. Parfois il faut réfléchir vite et annoncer une décision rapidement. Sous le feu de l’action, on peut faire des bêtises, mais cela peut aussi nous mener vers un chemin meilleur. »

Il lui a fallu des années avant de finalement sauter le pas avec Dean, sa mère n’était qu’une excuse pour pouvoir pousser l’échéance et réfléchir encore et encore entre le pour et le contre…Au fond, elle savait déjà la décision qu’elle allait prendre depuis longtemps, il lui fallut juste une situation, comme si on l’a poussé vers l’avant et dans ce cas présent une bataille de farine. Elle eut un léger sourire en y repensant, balayant ainsi les disputes qu’elle eut avec sa mère, car elle se faisait trop de soucis, déjà qu’elle se faisait du souci pour chacun d’entre eux sans qu’il ne soit ensemble…Pour Ellen, Jo et Dean auraient été bien trop impulsifs et Dean l’aurait conduite à sa perte en l’emmenant chasser… sauf que ce dernier tenté tellement de la protéger que si elle l’écoutait elle ne chasserait plus que des bêtes inoffensives du style animal et non surnaturel. Mais quand tu es baigné dedans, c’est foutu, c’est rare que tu reviennes en arrière ou que tu te mettes complètement en retraite.

« Il ne faut pas s’arrêter sur les problèmes, certes ils sont là et je ne dis pas que l’on ne peut pas se lamenter dessus, mais il faut aussi prendre le dessus et aller de l’avant, ne pas répéter les mêmes erreurs et juste survivre. »

Que ça soit durant une chasse ou dans la vie en général…