III.04 ¤ Sauvons le Commissariat

Mercredi 14 juillet 2010

Face à Ithuriel, un officier en uniforme debout de l’autre côté du guichet de l’accueil. Penché sur son bureau, il remplissait un formulaire et finit par lever les yeux vers la jeune femme au bout de quelques minutes de silence.

— C’est bon, tout est en ordre, mademoiselle, dit-il en offrant à Ithuriel un sourire charmant. Si nous avons besoin de quoi que ce soit, nous vous recontacterons.

Ithuriel hocha la tête. Elle récupéra sa sacoche posée à ses pieds et passa la bandoulière autour de ses épaules. Puis rendant son sourire au jeune homme, elle le remercia et se dirigea vers la sortie. Elle ne se rendit pas compte du regard appuyé qui la suivit jusqu’à ce qu’elle eut franchi la porte principale et ne se retourna que lorsqu’un individu lui percuta l’épaule.

— Excusez-moi, souffla-t-elle en franchissant finalement la porte et en quittant le commissariat. (Elle n’obtint aucune réponse de la part du malotru : un homme portant une écharpe autour du cou et une casquette sur la tête.)

*En plein mois de juillet…* se dit-elle en fronçant les sourcils. *Au beau milieu d’un pic de canicule. Les gens ne vont vraiment pas bien dans leur tête. Il a dû se prendre un sacré coup de soleil sur la tête.*

Se détournant, Ithuriel rejoignit le trottoir et se mit en tête de prendre la direction de la bibliothèque. Elle avait encore des recherches à mener à propos de ce mystérieux démon retenant sa grâce en otage. D’autant plus que le motel dans lequel elle séjournait n’était pas pourvu de la climatisation. Elle avait donc tout à y gagner à rejoindre la bibliothèque plutôt qu’à rentrer chez elle. Plus vite la question de sa grâce aurait été réglée et plus vite elle pourrait quitter cet endroit. Huntfield la mettait mal à l’aise. Elle appréhendait de s’attarder ici sans vraiment savoir pourquoi. Une question d’instinct. Et elle était la mieux placée pour savoir que celui-ci ne lui avait jamais fait défaut jusqu’à présent.

La bibliothèque ne se trouvant pas très loin du commissariat, Ithuriel fit le tour de celui-ci et gagna les rues qui serpentaient derrière le quartier général des forces de l’ordre. Elle passait devant les portes du parking souterrain quand un mouvement dans l’ombre retint soudain son attention à la périphérie de son champ de vision. Ithuriel s’immobilisa et contempla un instant les ténèbres lui faisant face sans rien remarquer de suspect. Elle était sur le point de se détourner et reprendre son chemin quand elle perçut comme un bruit étouffé. Elle aurait été incapable d’en déterminer la nature exacte ou même la source, mais on aurait dit un genre de cri. Comme si quelqu’un avait tenté d’appeler au secours avant d’être finalement maîtrisé pour de bon et mis hors d’état de nuire.

Un frisson d’angoisse descendit le long de l’échine d’Ithuriel tandis qu’elle fixait toujours en silence les ténèbres impénétrables. Une image s’imposa soudain à elle : le mystérieux individu l’ayant bousculée quand elle sortait du commissariat. L’homme portant une casquette et une écharpe en pleine journée ensoleillée et caniculaire. Ce n’était sûrement pas une simple coïncidence. Les sourcils froncés, Ithuriel s’avança lentement vers l’entrée du parking. Elle faisait aveuglément confiance à son instinct.

Le parking était agréablement frais comparé à l’air sec et étouffant qui régnait en maître absolu dans le reste de la ville. Si Ithuriel n’était pas aussi tendue, peut-être aurait-elle consenti à sourire à l’idée que cette fraîcheur bienvenue était comme un petit coin de Paradis sur Terre. Mais elle avait l’esprit en ébullition et les sens en éveil. L’homme à la casquette et le bruit étouffé qu’elle avait perçu étaient forcément liés. Son instinct était formel. Et force est d’admettre qu’il ne s’était pas trompé. Loin de là.

Au détour d’un pilier en béton armé soutenant le reste de l’édifice dans lequel se trouvaient les locaux de la police, Ithuriel se ramassa sur elle-même en découvrant un spectacle tout bonnement horrifique. À seulement quelques pas de là, un homme gisait au sol dans une mare de son propre sang et autour de lui étaient amassés entre cinq et huit individus se délectant du fluide vital s’écoulant des multiples morsures constellant le corps du malheureux. Et sous les assauts bestiaux de ces monstres sanguinaires, Ithuriel eut un haut-le-cœur en se rendant compte que le supplicié était encore en vie. Ses jambes et ses bras s’agitaient furieusement en tous sens sans pour autant parvenir à se dégager de la prise de ses adversaires. Une main plaquée sur sa bouche l’empêchait d’appeler au secours. Ithuriel le savait d’ores et déjà condamné. Elle ne pouvait rien pour lui venir en aide. Il était déjà trop tard.

La jeune femme se détourna en sentant ses yeux se brouiller sous le coup de l’émotion. Une réaction humaine sur laquelle elle n’avait hélas aucun contrôle. Les émotions restaient un véritable mystère à ses yeux. Elle n’arrivait pas à percer le secret de ce phénomène étrange rendant les mortels uniques en leur genre. Mais là n’était pas la question. Assister impuissante au tourment d’un innocent condamné avait fait monter les larmes aux yeux de la déchue. Elle ne pouvait rien pour lui venir en aide, mais sa nature de combattante ne pouvait se résigner à laisser un tel acte impuni. Ces vampires devaient être anéantis avant de causer plus de mal encore. Mais elle était seule. Seule contre cinq à huit vampires. Elle ne ferait pas le poids. Pas sans ses pouvoirs. Pas maintenant qu’elle était aussi vulnérable que ce pauvre homme qui n’avait rien demandé à personne et dont on avait arraché à présent la vie sans un soupçon de compassion. Son corps reposait désormais inerte au milieu de la mare écarlate.

Ithuriel tira de sa poche son téléphone portable. Elle connaissait une chasseuse à même de lui apporter le soutien dont elle aurait besoin pour empêcher ces monstres de commettre de nouvelles atrocités. Mais avant qu’elle ait pu composer le numéro d’Emmy, un sanglot retint son attention et une enfant surgit au coin de la voiture derrière laquelle elle s’était recroquevillée pour observer le massacre de ce policier innocent. La réaction première d’Ithuriel fut de tirer sa dague et de la brandir en direction de la nouvelle venue. Mais quand elle réalisa enfin qu’il ne s’agissait que d’une enfant, elle baissa le bras. L’enfant pleurait. Mais n’était-ce pas un numéro ? N’était-elle pas avec les vampires ? Telles furent les questions qui traversèrent l’esprit d’Ithuriel.

*Non. Elle n’est pas avec eux* se dit la jeune femme en secouant la tête. Encore son instinct qui parlait. D’une part la fillette était arrivée de la direction opposée à celle où se trouvaient les vampires. Et elle n’avait pas été attirée par l’odeur du sang frais inondant le sol bétonné à quelques mètres de là. Pour avoir combattu ces engeances jadis, Ithuriel savait qu’il était aisé de les distraire avec une odeur aussi alléchante pour eux. Elle n’avait donc rien à craindre de cette enfant. Du moins c’est ce qu’elle pensait.

La fillette vint s’agenouiller aux côtés d’Ithuriel en continuant de pleurer et de trembler de la tête aux pieds comme une feuille. Elle demanda d’une voix brisée par les sanglots ce qui se passait. Ithuriel ne sut que lui répondre. Elle jeta un regard à travers les vitres de la voiture lui servant de couverture et se retourna vers l’enfant en soufflant :

— Que fais-tu ici ? Tu ne devrais pas rester là, c’est beaucoup trop dangereux. Rentre chez toi… (Mais l’allusion d’Ithuriel au domicile de la fillette lui arracha un nouveau sanglot étouffé.) Quoi ? Qu’est-ce qui ne va pas ? Que s’est-il passé ? demanda-t-elle en voyant la fillette cacher sa tête dans ses mains.

L’enfant avoua alors à Ithuriel avoir vu un monstre se jeter sur sa mère. Ithuriel se glaça d’effroi. Ces vampires n’étaient pas seuls. Il y en avait d’autres. Combien très exactement ? Elle n’aurait pas su le dire. De toute évidence, ce n’était pas une coïncidence. Quand bien même ce parking était sous terre et loin des regards indiscrets, il n’était pas pour autant laissé à l’abandon. Ce n’était donc pas un lieu de nidification. Ces vampires n’étaient donc pas là pour défendre leur territoire ; bien au contraire, ils étaient là pour attaquer un territoire ennemi. Ils étaient là pour s’en prendre au commissariat et aux innocents se trouvant encore à l’intérieur de l’édifice.

Ithuriel baissa les yeux sur son téléphone et pressa une touche. Quand elle porta l’appareil à son oreille, elle n’attendit qu’une seule sonnerie avant d’entendre le son d’une voix familière.

— Emmy ? demanda-t-elle d’une voix urgente. Je crois bien que nous avons un problème…

Restée sur la couette toute sa vie était-il envisageable ? C'était la question que se posait irrémédiablement la belle skinwalker. Elle avait mis sa couette sur la tête comme pour tenter de s'isoler du monde. Recroquevillée sur elle même, elle fixait un point sur la matelas, comme si la réponse se trouvait dans les petits fil qui s'effilochaient. Elle soupirait encore et encore. Peut-être que si elle restait sous la couette alors Malphas ne la retrouverait pas ? Elle n'avait qu'à piéger l'ensemble d'une pièce pour vivre en ermite jusqu'à la fin de ses jours. C'était tentant non ? Bon bien sûre, il aurait toujours le soucis des courses. Elle pouvait très bien commander les produits banals, mais les cœurs humains n'étaient peut-être pas disponible dans les courses en ligne. Remarque, avec les temps qui courraient peut-être que c'était possible de négocier ? Des doutes persistaient...

Malgré son état d'esprit légèrement déprimée... Emmy gardait cependant son téléphone portable sous la couette. C'était légèrement contradictoire comme comportement... En réalité, la belle avait une sorte de conscience professionnel. Malgré l'envie de se morfondre sur sa petite vie de skinwalker, elle savait qu'elle devait rester disponible si jamais son téléphone sonnait... Après tout, si on l'appelait c'était pour une bonne raison ? Sauf qu'elle n'avait pas vraiment envie.

Alors qu'elle maugréait sur la vie et ses travers, Emmy put constater que son téléphone commença à s'éclairer ce qui signifiait qu'un appel était en cours. La lueur bleuté éclairait les draps, faisant vibrer également le sommier. Elle hésita une fraction de secondes, mais la chasseuse qui était en elle fut rapidement réveillée. Elle rejeta la couette de sa tête et se redressa tout en décrochant. Elle avait pu constater que c'était Lilian, une jeune femme qu'elle avait rencontré quelques semaines plus tôt et elle lui avait donné son numéro en cas de besoin.

La skinwalker écouta alors la voix de la jeune femme. Sa voix se faisait urgente, quelque chose ne tournait pas rond. LA belle fronça les sourcils, inquiète. Un problème ? Si ce n'était pas un problème surnaturel la jeune humaine ne l'aurait pas appeler.... Et ce genre de problème n'était pas à prendre à la légère surtout à Huntfield.

« Je t'écoute. » ajouta-t-elle d'une voix calme comme pour la rassurer. Mais déjà, elle s'activait pour enfiler son jean et ses bottes en cuir noir. La jeune femme lui expliqua la situation et Emmy comprit que c'était en effet urgent. « J'arrive ne bouge pas, surtout vise la tête ! La seule façon de se débarrasser de ces sangsues c'est de leur couper la tête. » ajouta-t-elle avant de prendre ses clés de voiture et de saisir son sac avec les armes qu'elle avait préparer en écoutant Lilian. Heureusement, ce petite bordel monumental n'était qu'à quelques minutes de bagnole et la belle serait rapidement sur place.

Elle s'engouffra dans l'habitacle, balançant son sac sur le siège passager. Son arme blanche, une lame assez longue pour trancher la tête de ces bestioles était sur le dessus du sac Elle appuya avec force sur l'accélérateur et démarra en trompe. Autan vous dire que le code de la route ne fut pas vraiment respecter, mais elle arriva du coup plus vite que prévu. A peine cinq minutes et elle était déjà là. L'adrénaline montait doucement en elle, au moins comme ça elle ne pensait plus à cette petite saleté de Malphas.

La belle arriva donc sur place et sans penser à sa belle carrosserie, la skinwalker arriva en trompe dans le parking du commissariat, endroit où Lilian lui avait dit se trouver. En passant, elle dégomma un vampire avec le pare-choc de sa voiture alors qu'il tentait de s'attaquer à une jeune femme. Il avait alors fait un magnifique voile planait de quelques mètres. Bien fait !

Emmy sortit précipitamment, sac à la main. La jeune femme semblait terrifiée. Pourvu qu'elle ne soit pas blessée ! En tout cas, cela ne semblait pas être le cas et la brunette lui somma de courir loin d'ici ce qu'elle ne se fit pas prier de faire. La skinwalker reposa son regard sur le parking qui était devenu un véritable terrain de guerre. Les partisans de Lucifer était ici pour récupérer le territoire, c'était à présent sûr. C'était une opération coup de poing.  Heureusement, elle ne semblait pas être la seule à avoir été contacté. En tout cas, son regard noisette passa au crible rapidement le parking à la recherche de Lilian. Pourvu qu'elle soit arrivée à temps... Mais déjà l'odeur du sang et du souffre se mélangeait. Il fallait protéger les innocents et la belle était bien déterminée à le faire ou à y laisser la vie. Elle avait également prévu des armes défensives dans le domaine du possible pour les humains... De l'eau bénite, quelques armes blanches. Bon elle avait aussi du sang d'un mort – après tout ses petites escapades dans les morgues pour manger devait bien lui servir à quelque chose pour son travail – mais elle n'était pas sûre que ce soit réellement utile....

Juste après que Lilian aille dans le parking souterrain, Simon allait rentrer dans le commissariat afin de porter plainte. En effet, il y a quelques heures, il a acheté un vélo d'occasion afin qu'il se déplace plus facilement et plus rapidement dans cette ville. En sortant du particulier avec son nouveau véhicule, il posa son vélo deux minutes le temps de rentrer dans un magasin afin d'acheter un journal. Bien entendu, lorsqu'il sortit, son vélo n'était plus là. Il tourna la tête instinctivement vers la droite, et commença à courir vers le voleur. Ce dernier ressemblait à un adolescent ayant plus ou moins seize ans. Voyant qu'il était poursuivi par Simon, il commença à pédaler en danseuse afin de prendre plus de vitesse. Quelques dizaines de mettre plus loin, Simon s'arrêta, se plia et mit ses mains sur ses genoux, tout en suffoquant. "De tcheu! Sale gosse! Y z'ont qu'ça à faire!" dit-il en suffoquant. Le commissariat n'était qu'à quelques carrefours. Une quinzaine de seconde après, le temps qu'il récupère son souffle, Simon se dirigea donc vers le commissariat afin de porter plainte. Mais les choses ne se sont pas faites comme prévue. En effet, lorsqu'il allait traverser la rue afin d'être du bon côté, une voiture fonça vers le sous-sol du commissariat en lui manquant de lui ôter la vie.

Pensant que c'était une voiture de police en fonction, il prit son courage à deux mains et se dirigea dans le sous-sol afin de leur demander pourquoi ce policier roulait si vite. Oui, normalement, ce sont des personnes ayant pour fonction d'aider la population, non pas pour leur faire peur ou leur faire du mal. Il s'enfonça dans ce tunnel sombre, passa juste sa tête et remarqua une femme ayant écrasé un homme avec sa grosse voiture. Il se retira par réflexe, et courra tout en longeant le bâtiment afin de rentrer par la porte d'entrée principale du commissariat. Après avoir passé les portes coulissantes, il regarda l'accueil mais il n'y avait personne. Il tourna la tête, et ne vit également personne au sein des bureaux ni dans les couloirs. Il n'y avait pas un chat, ni un bruit, mise à part la radio comme bruit de fond. Ya quelqu'un" cria Simon. "J'suis témoin d'un meurtre, ya eu un meurtre dans vot' commissariat!" dit-il de nouveau. Mais personne. Personne ne répondit. Il recula de quelques pas, et commença à être méfiant. Il voulait sortir de ce commissariat afin de partir le plus loin possible, mais les portes coulissantes ne s'ouvraient plus. Il s'était rendu compte qu'en rentrant dans ce commissariat, il était tombé dans un piège.

Simon resta donc très vigilent, et savait que la seule façon de sortir vivant était d'aller dans le parking souterrain, de passer discrètement sans se faire prendre et de sortir afin de partir le plus loin possible. Il marcha donc sur la pointe des pieds, et chercha un escalier, qui trouva facilement, descendant vers ce sous-sol. Arrivé au sous-sol, il n'y avait plus qu'une porte à ouvrir afin d'être dans le parking souterrain. "J'espère que c'te porte ne grince pas" pensait-il. Il ouvrit la porte, qui heureusement pour Simon, ne grinçait pas. Il passa la tête, et regarda la sortie mais vit un homme ensanglanté au milieu des voitures. Il se retira de nouveau, et resta caché là, entre cette porte et les escaliers, en espérant que personne n'avait vu ou ressenti sa présence.

Ithuriel mit un terme à la conversation téléphonique après avoir expliqué la situation à Emmy. Celle-ci lui avait dit qu’elle arrivait et lui avait préconisé de viser la tête : la décapitation était selon elle la seule façon de se débarrasser de ces vilaines sangsues. Et elle disait vrai. Il existait bien un autre moyen, mais le fait est qu’Ithuriel n’avait désormais plus accès à cette source infinie de puissance à l’état brut. C’est ce qui avait tendance à se produire quand un Ange choisissait de se couper les ailes. Néanmoins, cela ne voulait pas dire pour autant que la déchue était sans défense. Elle serrait toujours sa dague dans sa main droite et quand ses yeux se posèrent sur la tranchant effilé de l’arme, Ithuriel ne douta pas une seule seconde que sa dague puisse mettre hors d’état de nuire l’un de ces monstrueux vampires. Le fil de la lame était effectivement mortellement aiguisé. Suffisamment du moins pour avoir sectionné sans aucun effort la nuque d’une goule voilà de ça un mois presque jour pour jour. Elle n’avait donc rien à craindre. Ce qui la dérangeait surtout, c’était la supériorité numérique de l’adversaire. Contre ça, elle ne pouvait malheureusement rien faire dans l’immédiat si ce n’est attendre l’arrivée des renforts.

Ithuriel quitta ses pensées soucieuses en entendant la voix tremblante de la petite fille à ses côtés. La petite fille à laquelle elle n’avait même pas pensé à demander le prénom. Tout était arrivé si vite... Le mouvement discret dans les ténèbres. La découverte des vampires ayant investi le parking sous le commissariat. L’arrivée soudaine de l’enfant en larmes et sous le choc. Quand bien même connaître le nom de la fillette aurait sûrement pu aider Ithuriel à la rassurer un peu, le fait est qu’elle avait pour le moment plus important à s’inquiéter compte tenu de la situation. En réponse à la question de l’enfant, Ithuriel hocha la tête.

— Oui, répondit-elle en posant une main sur l’épaule de la petite fille et en serrant juste assez pour lui transmettre la force de faire face à l’inconnu. C’est son métier et elle saura quoi faire. Ne t’inquiète pas. (Elle marqua une pause et ajouta.) Tu verras, tout ira bien. Ne t’inquiète pas.

Ithuriel offrit à la petite fille un sourire chaleureux et lumineux. Ce dernier semblait déplacé en pareille situation. La fillette venait de perdre sa mère. Comme si un sourire et une pression de la main allaient suffire à lui faire oublier l’horreur des événements dont elle venait juste d’être témoin. Mais n’était-ce pas toujours mieux que rien ? Le plus important pour l’instant était qu’elle ne cède pas à la panique. Le temps viendrait ensuite pour elle de faire son deuil et d’affronter les conséquences de cette triste journée. Il y avait un temps pour chaque chose. Et là maintenant, c’était celui de la survie.

La petite fille sécha alors ses larmes en demandant à Ithuriel ce qu’elles allaient faire maintenant. C’est précisément la pensée qui venait de traverser l’esprit de la déchue. Et maintenant ? Survivre. Quitter le parking souterrain avant que les vampires ne les repèrent. En se disant cela, Ithuriel avait levé la tête pour jeter un rapide coup d’œil à travers la fenêtre du véhicule derrière lequel la fillette et elle avaient trouvé refuge. Plusieurs officiers de police venaient de mettre les pieds dans le parking souterrain. Ils étaient sûrement sur le point de partir en patrouille. Dès que leurs yeux se posèrent sur le corps sans vie autour duquel étaient agglutinés les vampires, ils n’eurent le temps de pousser qu’une exclamation de surprise en tentant de tirer leurs armes de leur holster avant que les sangsues ne leur sautent à la gorge pour les saigner à blanc eux aussi. Ithuriel ne pouvait pas rester là les bras croisés. Elle devait se porter à leur secours ou sinon ils se feraient tous massacrer les uns après les autres.

C’est alors qu’une petite main se glissa dans la sienne et attira de nouveau son attention. Posant les yeux sur la fillette orpheline de mère, Ithuriel ne put se résigner à la laisser là. Elle devait tout d’abord mettre l’enfant en sécurité avant d’entreprendre de porter secours aux officiers de police. Un temps pour chaque chose. Les innocents ne pouvant se défendre seuls d’abord. La police ensuite.

— Nous ne devons pas rester ici, finit par répondre Ithuriel à la question d’Isatys. Allez, viens. Je vais te faire sortir de là. (Elle tira sur le bras de l’enfant en se redressant.)
— Et où croyez-vous aller comme ça, mesdemoiselles ? demanda une voix grave en faisant se dresser les cheveux d’Ithuriel sur sa nuque. Vous n’allez tout de même pas nous quitter maintenant ? La fête ne fait que commencer et vous risquez de manquer le clou du spectacle.

Ithuriel fit volte-face et se retrouva nez à nez avec un homme ayant à peu près le même âge que son hôte. Peut-être aurait-elle pu le qualifier de bel homme si son menton n’était pas couvert de sang frais et si ses yeux ne demeuraient pas fixer sur l’appétissante petite fille qu’elle tentait en vain de mettre à l’abri derrière elle. Ce jeune homme avait tout du pervers sociopathe. Rien d’étonnant donc à ce qu’il fasse partie de cette meute de sangsues sanguinaires s’en prenant à de pauvres innocents n’ayant rien demandé à personne. Il fit un pas en avant vers Isatys.

— Ne t’approche pas d’elle, siffla Ithuriel d’une voix menaçante. (Ce qui eut le mérite de détourner le jeune homme de l’enfant tandis qu’il portait toute son attention sur elle.) Laisse-nous en paix.

Sans crier gare, le vampire passa à l’offensive. Ithuriel esquiva le coup avec grâce et souplesse et d’un mouvement sec du poignet entailla le bras de la créature qui siffla de colère en sentant la douleur se répandre dans tout son membre. Il fit volte-face et se jeta une seconde fois sur Ithuriel en laissant la colère dicter sa conduite. Ayant quant à elle les idées claires, Ithuriel le laissa fondre sur elle avant de s’esquiver au dernier instant en laissant la créature se trancher elle-même la tête sur le fil aiguisé de la dague mortelle. Deux bruits sourds discrets se firent entendre quand le corps et la tête tombèrent au sol à quelques secondes d’intervalle. Mais Ithuriel n’eut pas le temps de savourer sa victoire : un autre vampire avait profité de la diversion pour se glisser dans son dos à son insu. Et quand elle se retourna en sentant son souffle chaud et humide sur sa nuque, il était déjà trop tard.

La main du vampire trouva aisément son chemin jusqu’au cou de la déchue et se mit immédiatement à broyer sa trachée dans sa poigne de fer serrée comme un étau. Ithuriel se débattit en vain. Et alors qu’elle s’apprêtait à frapper son adversaire à l’abdomen avec son arme, celui-ci se pétrifia et sa poigne se desserra juste assez pour permettre à l’air de s’engouffrer de nouveau dans les poumons meurtris de la jeune femme. Puis la tête du vampire roula sur le côté et son corps s’effondra à son tour pour rejoindre celui de son acolyte à quelques centimètres de là. Ithuriel découvrit alors un homme.

Le nouveau venu n’avait rien semblant sortir de l’ordinaire, si ce n’est la machette ensanglantée qu’il brandissait dans sa main gauche. Celle-là même dont il venait de servir pour décapiter un monstre de la nature. C’était là le seul indice trahissant sa profession de chasseur de créatures surnaturelles.

— Vous allez bien ? leur demanda-t-il. (Ithuriel hocha la tête après s’être assurée qu’Isatys n’avait rien.) Vous ne devriez pas rester là. C’est beaucoup trop dangereux. On va s’occuper d’eux. Partez !

Il leur désigna la sortie au loin. Ithuriel se rendit compte alors qu’il n’était pas seul. D’autres chasseurs l’accompagnaient. Ou du moins des hommes portant des armes. Ils s’étaient d’ores et déjà lancés au cœur du conflit afin de venir en aide aux officiers de police. Ithuriel n’avait donc plus à s’en faire pour eux. Elle pouvait se concentrer sur le fait de mettre la fillette à l’abri du danger en attendant que tout ce remue-ménage se calme. Aussi se saisit-elle de nouveau de la main d’Isatys avant de l’entraîner à sa suite vers une porte estampillée « sortie de secours ».

La porte en question devait donner sur le commissariat se trouvant juste au-dessus de leur tête. C’est de là qu’étaient sortis les policiers quelques minutes auparavant. Et cette section du parking souterrain était séparée du reste par une barrière de sécurité. Qui plus est, seules des voitures de fonction étaient stationnées de ce côté-ci de la barrière. Ithuriel et Isatys étaient sur le point d’atteindre la porte quand se firent brusquement entendre des crissements de pneus et le rugissement d’un moteur à l’entrée du parking. Jetant un œil par-dessus son épaule, Ithuriel fut témoin de la collision entre une voiture et un homme qui fit un vol plané sur plusieurs mètres avant de finir sa course en heurtant violemment l’un des murs en béton armé soutenant l’édifice au-dessus de leur tête. Le vampire semblait sonné. Il eut toutes les peines du monde à se remettre debout. Pendant ce temps-là, sa victime avait pris la fuite en poussant des hurlements hystériques qui finirent par s’estomper une fois cette dernière partie.

Peu importe. Ithuriel resserra sa prise sur la main d’Isatys et entraîna la fillette vers l’issue de secours. Elles passèrent à côté d’un policier vidé de son sang étendu au milieu du chemin. Il était trop tard pour lui venir en aide. Son regard vide prouvait que la vie avait d’ores et déjà déserté son corps meurtri. La volonté d’Ithuriel ne fit que se raffermir encore. Elle souffla à Isatys en atteignant la porte :

— Écoute-moi attentivement. (Sa voix était douce et maternelle.) Je veux que tu fasses quelque chose pour moi. D’accord ? (Elle attendit un hochement de tête de la part de l’enfant.) Je veux que tu restes là et que tu te caches sans faire le moindre bruit. Est-ce que tu peux faire ça pour moi ? (Elle attendit un nouveau hochement de tête.) Je te promets que je vais revenir te chercher une fois que tout sera terminé. Mais en attendant, pas de bruit. D’accord ? Reste cachée et attends que je revienne.

Ithuriel poussa alors la porte et s’immobilisa sur le seuil en brandissant son arme quand une silhouette surgit soudain devant elle. Un homme. Dont le visage ne lui était pas du tout inconnu.

— Simon ? demanda-t-elle, interloquée. Qu’est-ce que vous faîtes ici ? (Une question légitime sachant que le mortel semblait avoir un don pour se retrouver au milieu de conflits sanglants.) Peu importe. Ce n’est pas le moment de parler de ça. Les explications devront attendre. (Elle posa les yeux sur Isatys et reporta son attention sur Simon.) Je peux vous demander un service ? demanda-t-elle en désignant la fillette sur ses talons. Pouvez-vous veiller sur elle pendant que je… (Des bruits de lutte de l’autre côté de la porte se firent entendre.) Je ne peux pas laisser seule. Est-ce que vous veillerez sur elle ? (Simon hocha la tête. Il avait l’air vaguement perdu.) Merci.

Ithuriel se tourna vers Isatys et ajouta :

— Ce monsieur va veiller sur toi. C’est un ami. Tu n’as rien à craindre. Je ne serai pas longue. Tu verras, tout ira bien. Je te le promets.

Ithuriel échangea un dernier regard avec Simon avant de quitter le corridor et retourner prendre part aux combats se déroulant dans le parking. Les bruits des affrontements agissaient sur elle comme le chant des sirènes. L’appel du combat résonnait dans tout son être et elle aspirait contre toute logique à retourner frapper du vampire. C’était sa nature profonde. Elle était un soldat après tout. Mener des guerres et participer à des batailles dantesques étaient sa seule raison d’être.

À peine la porte de la sortie de secours se fut-elle refermée dans son dos qu’Ithuriel se retrouva aux prises avec une sangsue. Mais celle-ci ne fit pas long feu avant que sa belle petite tête de miss America ne saute de ses épaules pour rouler au sol quelques mètres plus loin. L’ayant suivie des yeux, Ithuriel repéra alors une tête familière au milieu du chaos ambiant délestant une autre créature de sa vilaine tête remplies de dents acérées. Emmy. Ithuriel lui fit signe.

— Emmy ! Par ici !

À l’instant même où la chasseuse se tourna vers Ithuriel, un autre vampire s’immisça entre les jeunes femmes en montrant les crocs. Une véritable montagne de muscles les dépassant aisément de deux bonnes têtes. Une force de la nature qui n’aurait probablement aucun mal à les briser en deux d’une seule main. Ithuriel échangea un regard avec Emmy – de combattante à combattante. « Ensemble ? »

Un de moins. Voilà ce que pensait Emmy lorsqu'elle avait réussi à dégommer une vampire avec le capot de sa voiture. Bon en réalité, il pouvait sûrement encore se battre, mais qu'importe, au moins la jeune femme serait saine et sauve. La chasseuse se précipita d'ailleurs vers elle pour vérifier qu'elle n'avait pas été mordu et surtout qu'elle n'avait pas bu du sang du vampire. Elle fut soulagée de constater que tout semblait normal, aussi lui somma-t-elle d'aller voir si l'herbe était plus verte à ailleurs. Après ce court monologue et le regard à la fois terrorisé et reconnaissant de l'humaine qui venait de prendre la poudre d'escampette, son regard noisette balaya l'horizon à la recherche de Lilian, mais également de personnes à qui venir en aide.

Seulement, le vampire a qui elle avait offert un vol planait gratuit ne semblait pas l'avoir apprécié et s'était donc décidé à revenir se venger. Il était un peu plus grand qu'elle, mais sa carrure n'était pas du tout rassurante, il avait plutôt l'air d'un Edward Cullen qu'un véritable Garett Cullen.

« Sale petite peste, tu es la prochaine sur ma liste de course. » ajouta-t-il en montrant ses dents acérés. Au moins, il avait de l'humour. Mais ce n'était pas ses menaces qui allaient intimider Emmy, après tout elle avait déjà vécu pire, oui vraiment pire... Face à la rencontre avec les cavaliers, tout ceci n'était qu'une petite balade de santé. Elle pensa d'ailleurs l'espace d'un instant à sa rencontre avec Aiden qui avait été pimenté par la rencontre avec un nid de vampires.

D'ailleurs l’adrénaline commença à monter en elle ce qui lui fit esquisser un sourire. Un drôle de picotement titilla sa main droite, celle qui tenait sa lame. Elle lâcha le sac sur le côté, préférant être libre de ses mouvements. Elle commença à faire tourner la lame dans les airs, observant avec prudence son ennemi. Mais déjà, le vampire semblait en avoir assez de jouer avec sa nourriture et fonça sur elle. Elle esquiva avec grâce tentant tant bien que mal de lui toucher la tête, mais il n'était pas si facile de dégommer des vampires. Heureusement, Emmy n'était pas qu'une simple humaine et ses réflexes étaient des plus aiguisés grâce à son côté skinwalker. La sangsue tenta tant bien que mal de l'attaquer par derrière, grand mal lui en fit. Il l'avait sous-estimer et cela allait lui être fatal. Elle virevolta sur elle même pour éviter ses griffes et d'un coup sec et vif lui trancha la tête. Le sang gicla et éclaboussa le bras de la jeune femme. Mais elle n'avait pas le temps de se soucier de son apparence... Mais le sang réveilla ses instincts et la couleur de ses yeux s'assombrit. Son rythme cardiaque s'accéléra. Elle posa un regard froid aux alentours, elle devait retrouver Lilian sinon elle s'en voudrait toute sa vie.... Encore une chose qu'elle se reprocherait jusqu'à la fin de sa vie.

Elle s'avança encore un peu plus du commissariat, délestant un nouveau vampire de sa tête avec habileté. On ne mettait pas en colère Emmy Stinger sans en payer les conséquences ! C'est alors qu'elle entendit son prénom, elle se retourna pour distinguer Lilian. La jeune femme s'élança donc vers la belle. Elle espérait sincèrement qu'elle allait bien, mais au vu de sa tête, elle n'était pas blessée ce qui était une bonne chose.

Alors qu'elle n'était plus qu'à quelques mètres de  Lilian, qu'une sale sangsue se permit de mettre fin à leurs retrouvailles. On pouvait dire qu'il était costaud celui-là... Il faisait au moins deux têtes de plus que la skinwalker ce qui n'était pas pour la rassurer. Emmy recula de quelques pas pour évaluer la situation. Elle croisa alors le regard remplie de détermination de Lilian et acquiesça discrètement d'un signe de tête. Cet saleté n'allait pas faire long feu face aux deux dames. Elle fonça donc vers le vampire pour attirer son attention, Lilian la rejoignit rapidement. Si les deux jeunes femmes n'avaient pas été armés de lame, on aurait presque cru une danse chorégraphiée. Il était étonnant qu'elles réussissent à se synchroniser à ce point alors qu'elles ne se connaissaient que très peu. Mais bientôt, le vampire perdit la tête et Emmy se releva et s'avança vers la jeune femme.

« Tout va bien ? » demanda-t-elle hâtivement. « Qu'est ce qu'il s'est passé ?»

Emmy constata également que d'autres chasseurs étaient déjà de la partie.

« Il faut que nous réunissions les innocents à l'abri dans le commissariat ! » Lança Emmy d'une voix forte. C'était un repli tactique, certes, ils seraient entre quatre murs, mais il serait également plus facile de tenir la position et de protéger les humains.

Simon était toujours dans le hall des escaliers, devant la porte menant au parking du commissariat. Il ne savait pas trop quoi faire. En effet, le parking était pleins de monstres – du moins c'est ce qu'il en a jugé lorsqu'il a vu cet homme mort ensanglanté quand il avait entrouvert la porte et lorsqu'il avait passé sa tête – et il ne voulait pas remonter au rez-de-chaussée car il avait un très mauvais pressentiment. Il restait donc face à cette porte, et ne bougeait pas. Pourtant, il se sentait coincé dans ce hall. Oui, si un monstre ou quelqu'un lui voulant du mal venait du rez-de-chaussée il était obligé de rentrer dans le parking et de courir vers l'inconnu, et inversement s'il venait du parking. Il pouvait également entendre des gens crier et se battre à travers la porte. Des hommes, mais également des femmes. Ces hurlements ont duré entre deux ou trois minutes, et se sont estompés petit à petit. Un calme plat résonnait ensuite quand soudain, quelqu'un ouvrit la porte. Quelle ne fut pas la surprise de Simon en voyant un visage déjà connu: celui de Lilian, une jeune femme qui logeait dans le même ancien motel que celui de Simon, brandissant son arme sur lui? Il y avait également cette petite fille, Isatys qui avait encore l'air d'être perdue et apeurée. Cela faisait seulement la deuxième fois qu'il la rencontrait, et pour la seconde fois elle se trouvait dans une mauvaise situation. De plus, elle était vraiment mystérieuse, car Simon ne connaissait pas beaucoup de choses sur elle, elle était très étrange. Que faisait une petite fille dans le parking du commissariat?

Lilian était interloquée de voir Simon dans ce petit hall d'escaliers. Simon l'était également de voir son amie. "Euh… J'suis v'nu porter plainte car on m'a volé m'vélo" fit-il avec une voix et un regard un peu perdu. Il pencha la tête afin de voir derrière Lilian. Il y avait de nouveau un autre corps allongé à terre. Lilian donna quelques instructions à Simon, en lui demandant s'il pouvait veiller sur Isatys. Simon s'accroupit afin de se mettre à la taille de la petite fille dit-il. "Tu sais quoi, on va refermer la porte, et on va rester sagement ici sans faire de bruit ok?". Il regarda ensuite Lilian, et hocha la tête pour dire qu'elle pouvait lui faire confiance. Il referma la porte, et commença à poser quelques questions à Isatys. "Qu'est c'que t'fous ici? Et y s'passe quoi? Car j'suis perdu, en haut ya plus personne, aucun policier. Et c'est quoi ces hommes morts? Des monstres comme dans la forêt?".

Simon stoppa net ses questions lorsqu'il entendit de nouveau des gens se battre et crier dans le parking. Il reconnut entre autres la voix de Lilian. Simon allait se lever, ouvrir la porte et aider son amie par réflexe, mais il voulait avant tout tenir sa promesse: toujours avoir un coup d'œil sur Itasys et la garder en sécurité. Il mit sa main sur la bouche de la petite fille afin qu'elle ne fasse pas de bruit. "Chuut, ne crie pas et n'fais pas d'bruit, j'n'ai pas d'arme donc si un monstre vient sur nous, on s'ra mal…" dit-il. Oui, Simon était vraiment anxieux. Pourtant, à force de se retrouver dans ces situations, il avait appris à contrôler son stress ainsi que son anxiété. Mais là, c'était différent. Peut-être que c'était le fait qu'il était coincé, qu'il n'avait pas de porte de sortie, mais également parce qu'il avait la responsabilité d'une petite fille au milieu de tout ce bordel. Il était sec dans ses paroles et dans ses questions. Il allait transmettre son stress à Isatys sans le vouloir quand soudain, il entendit une autre voix. "Nous devons mettre les innocents à l'abri". Cette voix n'était pas familière. Il se leva et regarda Isatys. "Viens, on est sauvé!" fit-il avec un grand sourire. Il ouvrit la porte, et vit une seconde femme. "Venez, il y a une petite fille dans le hall, il faut la mettre à l'abri en vitesse.".

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Je suis désolé de cette attente mais j'ai eu un gros manque d'imagination... D'où ce poste déplorable... J'espère que ça ira.

Ithuriel sentit ses muscles se crisper quand la montagne sous stéroïdes à la bouche garnie de crocs acérés s’immisça entre Emmy et elle pour lui couper la route. La main de la déchue se resserra instinctivement sur la garde de sa dague et son regard rencontra aussitôt celui de son alliée chasseuse. Aucune parole ne fut échangée, mais les deux femmes décidèrent d’un commun accord d’attaquer la créature ensemble. Ce qu’elles firent sans perdre une seule seconde.

Emmy se chargeant d’attirer sur elle l’attention de l’abomination, Ithuriel se précipita à la rencontre de la sangsue et tenta de lui porter un coup dans le dos. Mais le monstre avait vu clair dans leur jeu et fit volte-face au dernier moment pour contre-attaquer la déchue avant qu’elle ait pu lui porter ne serait-ce qu’un seul coup. De justesse, Ithuriel se fendit et sentit le poing du vampire frôler de peu sa joue. Emmy s’engouffra dans l’ouverture pour frapper la montagne de muscles ayant baissé sa garde en se retournant vers Ithuriel. La sangsue lâcha un cri en sentant la lame de la chasseuse déchirer sa chair et faire couler son sang. Et c’est avec un regard de bête enragée qu’il se retourna vers elle. Ithuriel profita de l’occasion pour frapper à son tour et entailler profondément les mollets de son adversaire. Avec un bruit sourd, il s’effondra lourdement à genoux et Emmy lui porta le coup de grâce en frappant de taille avec son arme et en délestant la sangsue de son immonde tête.

Le combat n’avait duré que quelques secondes à peine. C’est tout juste si la créature avait eu le temps de comprendre ce qui lui arrivait. Les deux femmes avaient œuvré de concert avec une synchronisation parfaite. C’était à se demander si elles n’avaient pas lu mutuellement dans l’esprit de l’autre ou si elles ne travaillaient pas en symbiose ou quelque chose dans le genre. Dans tous les cas, leur démonstration de force leur avait permis de mettre fin à l’existence d’un autre vampire. Un travail rapide et efficace. Que demander de plus ? La fin de cet affrontement peut-être ? Ce n’était pas encore gagné…

Ithuriel observait le corps sans vie de la montagne de muscles quand la voix d’Emmy la tira brusquement de ses pensées. La chasseuse venait de lui demander si tout allait bien. Ithuriel avait le souffle court et elle se contenta donc d’un hochement de tête pour rassurer la jeune femme. En effet, elle allait bien. Elle n’était pas passée loin de voir la lumière au bout du tunnel quelques minutes auparavant, mais elle s’en était tirée indemne grâce à l’intervention inattendue d’une bande de chasseurs. Emmy insista en demandant ensuite ce qui s’était passé. Ithuriel prit le temps de retrouver son souffle avant de répondre :

— Aucune idée. (Elle secoua la tête et prit une nouvelle inspiration.) Je sortais du commissariat quand quelque chose a attiré mon attention dans le sous-sol. En arrivant ici, j’ai découvert ces abominations en train de s’en prendre à des innocents. Je… Je ne sais pas ce qu’ils font ici ni ce qu’ils veulent. Mais si tu veux mon avis, ce n’est pas une attaque ordinaire. De toute évidence, ils ne sont pas ici pour protéger leur nid. C’est comme si… comme s’ils voulaient revendiquer cet endroit pour eux.

Ithuriel fronça les sourcils en échangeant un regard avec Emmy après avoir vu un chasseur délester un autre vampire de sa maudite tête. Elle désigna ensuite ces hommes armés à qui elle devait la vie.

— Et ces hommes sont sortis de nulle part. On dirait des chasseurs. (Elle marqua une pause et ajouta.) Cela ressemble définitivement à une bataille rangée. Les vampires sont là pour prendre possession du commissariat et les chasseurs tentent de défendre leur terrain. Et nous nous retrouvons au milieu de tout ça.

Emmy mit quelques secondes pour assimiler toutes ces nouvelles informations. Et finalement, elle en arriva à la conclusion qui avait échappé à Ithuriel : mettre les innocents à l’abri dans le commissariat. Cela ne lui avait même pas traversé l’esprit. Certes, elle avait tout fait pour mettre la petite fille à l’abri du danger et s’était relancée dans la mêlée pour venir en aide aux officiers de police et aux chasseurs aux prises avec les vampires, mais elle ne l’avait pas fait dans le seul but de leur sauver la vie : elle avait surtout cédé à l’appel du combat. Car elle était un soldat et le champ de bataille était l’endroit où elle se sentait la plus épanouie. C’est là qu’était sa place. C’était sa seule raison d’être.

— Les innocents, répéta Ithuriel en hochant vivement la tête. Oui, tu as raison. Nous devons mettre les innocents à l’abri avant que ces abominations ne leur mettent la main dessus. Nous…
— Où est-ce qu’ils vont ?! s’exclama un homme – le chasseur à qui Ithuriel devait d’être encore en vie.

Ithuriel quitta Emmy des yeux pour reporter son attention autour d’elle. Le sol était couvert de corps sans vie. Ceux ayant perdu leur tête étaient des carcasses de vampires ; les autres appartenaient aux officiers des forces de l’ordre et à deux ou trois chasseurs ayant été submergés par leurs adversaires. La bataille semblait terminée. Au loin, on pouvait voir les quelques vampires encore en vie en train de prendre leurs jambes à leur cou. Mais quelque chose clochait. Ithuriel le sentait sans pour autant être en mesure de mettre le doigt dessus. Rien de tout ceci n’était normal. Cela n’avait aucun sens.

— On ne devrait pas rester ici, proposa Ithuriel en sentant la chair de poule hérisser les poils le long de ses avant-bras. Ne restez pas là, ajouta-t-elle à l’attention des autres chasseurs. Non ! Revenez !

L’un des chasseurs s’était lancé à la poursuite des vampires. Ithuriel échangea un regard inquiet avec Emmy. Le sous-sol du parking était décidément devenu bien trop silencieux. Cela ressemblait fort au calme avant la tempête. Plus les secondes s’égrenaient en silence et plus Ithuriel en avait la conviction. Et comme de fait : un grondement métallique vrombit dans le lointain et un choc sourd fit trembler le sol. Ithuriel écarquilla les yeux. Au même instant, le chasseur revenait en hurlant :

— Le rideau métallique ! Ils ont condamné la so…

Mais il ne termina jamais sa phrase. Un vampire surgit des ombres dans son dos et lui déchiqueta en une fraction de seconde la trachée avec une telle férocité que la tête du pauvre homme ne tenait plus qu’à quelques lambeaux de chair quand la sangsue le laissa choir au sol. Derrière le vampire, d’autres abominations se glissèrent en silence sous les néons jetant au sol une lumière blanche artificielle. Une bonne dizaine de vampires. Peut-être plus encore.

Ithuriel ne perdit pas une seconde de plus. Ici, sur le champ de bataille, elle était dans son élément. Il ne fut donc guère étonnant qu’elle retrouve en un instant ses automatismes. Et c’est en donnant des ordres autoritaires qu’elle s’adressa à tous les rescapés présents dans le sous-sol : chasseurs comme officiers des forces de l’ordre.

— Repliez-vous ! C’est un ordre. Repliez-vous dans le commissariat, tout de suite ! Allez !

Dans son dos, la porte derrière laquelle se dissimulaient Simon et Isatys s’ouvrit. L’ami d’Ithuriel était là et il les informa qu’une petite fille avait besoin d’être mise à l’abri. La déchue posa les yeux sur eux et secoua vivement la tête :

— Non ! Ne restez pas là. Ils reviennent à la charge. Nous devons nous mettre à l’abri dans les étages. (Elle ordonna de nouveau aux chasseurs de se replier et ils s’exécutèrent de gré en voyant la dizaine de vampires sur le point de déferler sur eux à tout moment.) Suivez-les. Nous serons plus en sécurité là-haut qu’ici-bas. Il fait encore jour et en ouvrant les rideaux et les stores, nous pourrons tirer profit de la lumière à notre avantage. Dépêchez-vous ! Allez !

Les officiers de police furent les premiers à se replier dans le couloir menant aux bureaux du poste de police. Puis les chasseurs entraînés leur emboîtèrent le pas et Ithuriel resta pour fermer la marche. La déchue vit les vampires fondre sur eux au moment où les derniers rescapés franchissaient la porte. Le battant refusa cependant de se verrouiller quand la jeune femme le referma brusquement.

— Il faudrait quelque chose pour bloquer la porte. N’importe quoi. Emmy ? Simon ?

Ithuriel s’arcbouta contre le battant métallique. Les vampires seraient sur eux dans quelques secondes à peine. Si d’ici là ils ne trouvaient rien pour condamner cette issue, les sangsues n’auraient aucun mal à défoncer la porte et à fondre sur les survivants partis trouver refuge à l’étage.

— Emmy ? insista Ithuriel en entendement le grondement sourd de dizaines de pieds se rapprocher.

Il fallait bien avouer qu'Emmy était impressionnée par les capacités au combat de Lilian. Elle n'avait pourtant pas été entraîné pour la chasse. Pour la jeune skinwalker elle n'avait plus rien à voir avec la petite étudiante qui était rentré dans la boutique... Pourtant il n'y avait pas tant de temps qui s'était écoulé. Comme quoi, la guerre change les gens facilement.

Quoiqu'il en soit, elles firent un excellent travail puisque la montagne de muscles qu'était le vampire ne fit pas long feu.  C'était à croire que ce n'était pas le premier combat titanesque que faisait Lilian... Mais Emmy avait d'autres choses à penser pour l'instant et son instinct de chasseuse se réveilla, demanda un rapide compte-rendu de Lilian. Les vampires semblaient vouloir le commissariat, un domaine de plus à rattacher à leur empire. Emmy serra les dents, comprenant rapidement la situation...

« C'est ce qu'ils veulent faire... Ils ont déjà le cimetière et la gare... Et maintenant... Ils veulent le commissariat. »

Pour Emmy il était hors de question d'abandonner cet endroit qui est censé représenté l'ordre et la force. C'était une provocation à l'état pur et la jeune femme n'était pas prête à leur faire de cadeau. Elle acquiesça, prenant quelques secondes de plus pour réfléchir à la situation avant de lâcher quelque chose qui semblait couler de source. Il fallait protéger les innocents et les mettre à l'abri dans le commissariat. Elle acquiesça d'un signe de tête, resserrant sa main sur son arme blanche.

Elle posa ensuite son regard sur les alentours qui ressemblait à l'apocalypse. Du sang, des corps sans vie, voilà ce qui habillait le sol à présent. Heureusement, il semblerait qu'ils avaient l'avantage... Seulement, Emmy savait que les forces de l'ordre n'avait pas l'expérience, bien sûre on les avait prévenu qu'il fallait viser la tête... mais tout de même. C'est d'ailleurs pour cela qu'elle se dirigea vers certains, leur demandant de rentrer dans le commissariat pour protéger les entrées et surtout les innocents. Il fallait également qu'ils trouvent les innocents pour les mettre à l'abri. Emmy les accompagna, tout comme Lilian qui faisait de même avec certains chasseurs.

Mais quelque chose clochait... Le sous-sol était presque vie... un silence de mort régnait... Elle échangea un regard inquiet avec Lilian. Son instinct lui dicta de fuir... Le sol se mit à trembler alors qu'un bruit sourd se fit entendre. De la taule forçait. Emmy se dirigea vers le son, son cœur battant la chamade. Mais déjà un chasseur s'avançait vers eux en hurlant qu'ils avaient condamné le sous-sol. Mais son cœur rata un battement lorsqu'il se fit sauvagement attaqué par un vampire.

Elle laissa un juron s'échapper. Elle fit quelque pas en arrière, serrant sa lame un peu plus avant de hurler à qui voulait l'entendre de se mettre à l'abri dans le commissariat.... Bon sang, combien de vampires allaient encore les attaquer ? Lilian aussi égosilla à demander aux gens de rentrer à l'intérieur. Emmy tourna aussi la tête pour entendre un homme lui dire qu'il y avait une petite fille à sauver. Bon sang, c'était terrible.

Emmy restait avec Lilian en première ligne pour faire rentrer le plus rapidement les personnes à l'intérieur du commissariat... Seulement, la jeune femme faisait fausse route... La lumière du jour n'aura aucun effet néfaste sur ces sales bestioles... La chasseuse se retourna vers deux chasseurs et leur ordonna sans autre ménagement d'escorter les innocents un peu plus haut dans le commissariat.   Accompagnée de Lilian, elles refermèrent la porte, c'est alors que la jeune femme lui demanda ce qui pouvait arrêter les vampires... En réalité, pas grand chose... Elle réagit rapidement et demanda à Lilian de se décaler alors quelle faisait tomber la bibliothèque qui se trouvait sur le côté. Elle tira également le bureau pour bloquer un maximum la porte avec l'aide de Lilian.

« Ca ne va pas les retenir bien longtemps. Il faut qu'on s'arme et qu'on se prépare. » ajouta-t-elle en commençant à remonter les escaliers.

Elle ouvrit la porte, plusieurs personnes se trouvaient déjà là. Certains effrayaient, d'autres prés à se battre. C'est alors qu'elle reconnut une petite qu'elle aurait préféré ne jamais revoir.

« Toi ! » ajouta-t-elle en prenant l'arme d'un policier pour la pointer en direction de sa tête. « Cette gamine est un démon ! Faites attention ! Qu'est ce que tu fous là ? » demanda-t-elle avec hargne.

Mais déjà, on entendait des bruits sourds. Une mauvaise nouvelle.

« Il faut qu'on se prépare ! Mettez ceux qui ne savent pas se battre dans une salle et barricadez-là de l'intérieur ! Les autres visaient la tête ! » dit-elle d'une voix forte visant toujours Isatys de son arme. Elle savait que ça ne serait pas à grand chose, mais c'était toujours.

« Je te conseille de dégager si tu veux pas qu'on te renvoie en enfer. » Elle avait raison avec tous ses chasseurs qui était dans les environs, elle ne ferait pas long feu.

Spoiler:

Au moment où Simon ouvrit la porte pour mettre la petite fille en sécurité, il fit de nouveau tête à tête avec Lilian. Elle lui ordonna d'un ton pressant - voire d'un ton de survie - de retourner en arrière car une grosse meute de vampires étaient encore présente. Elle passa ensuite la porte avec une petite armée de chasseurs, quatre ou cinq individus, mais insuffisant d'après elle. Simon était de plus en plus stressé, il bougeait sur place en balançant ses bras quand tout d'un coup, une autre femme dans le groupe de chasseurs fixa soudainement Isatys. Elle prit le fusil d'un policier et le pointa sur la tête de la petite fille. Simon voulait bouger, il voulait sauter sur l'arme, ou s'interposer. Mais il se sentait impuissant face à la situation. Et c'est à partir de ce moment où il apprit que cette petite fille dont il tenait la main était un démon qu'il se rendit compte que la situation était totalement irréelle: il y a même pas cinq minutes il se promenait dans la rue, et maintenant il est coincé dans une cage d'escaliers dans le sous-sol du commissariat avec d'un côté un armada de vampires assoiffés de sang et de l'autre, une démone dont il a déjà tenu compagnie en essayant de retrouver ses parents dans les bois. Il se rendit compte qu'il s'était fait piéger par cette petite fille. Elle avait vraiment bien joué son rôle d'enfant innocent et perdu.

Simon lâcha par réflexe la main d'Isatys, et recula de quelques pas. Elle les conseilla de quitter le commissariat par la porte d'entrée, puis disparut. Lilian cherchait à tout prix quelque chose pour barricader la porte, mais cette fois-ci, Simon n'allait pas savoir l'aider, pas comme la dernière attaque au motel par les goules. Oui, il n'est pas un chasseur, et il ne sait pas se battre. Il allait donc être inutile, et il allait même encourir des risques pour les autres. De plus, il ne savait pas subir cette pression. "J'suis désolé mais moi j'vais partir par l'porte d'entrée, j'vais suivre l'conseil du démon... Venez on a aucune chance ici..." dit-il avec la gorge sèche. "Si on reste en groupe, ya plus d'chance d'être en vie, on a aucune chance ici, venez...". Et sans plus attendre, il remonta les escaliers en courant afin d'aller au rez-de-chaussée tout en espérant que les autres allaient suivre. Lorsqu'il passa la porte et arriva au rez-de-chaussée, Simon vit cette armoire métallique sur la droite. Il s’arrêta une seconde, et entendit hurler dans le couloir. "Et merde…" pensa-t-il. Il s’approcha de cette armoire, la poussa et la glissa doucement dans les escaliers jusqu’au rez-de-chaussée. "Attention ! Calle c’te armoire contre la porte ainsi on pourra s’enfuir ! " Il les aida une dizaine de secondes afin de bien l’installer, puis remonta en courant afin de sortir du commissariat.

Il sortit en premier par la porte principale, comme cette démone leur avait conseillé. Malgré qu’il soit dehors, et que maintenant il était en sécurité, il continua à courir sans regarder derrière lui afin de se porter le plus loin possible de cette situation. A la base il était venu simplement pour se plaindre, et porter plainte pour le vol de son vélo, mais il ne s’attendait absolument pas à ce qu’une meute de vampire allait faire un massacre dans ce commissariat. Quelques heures plus tard, il s’en voulait d’être parti comme un voleur, en laissant le groupe sans leur donner de coup de main, mais il ne voulait pas se faire tuer. Il n’avait aucune arme, et ne savait absolument pas se défendre contre des vampires. Comment les tuer ? Un pieu dans le ventre ? Une gousse d’ail pour les faire fuir ? Ou bien une balle de fusil dans la tête comme avait conseillé cette chasseuse qui avait pointé l’arme du policier sur la démone ? Il espérait que le reste du groupe a su s’enfuir sans laisser d’autres victimes derrière eux.

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Simon n'a plus vraiment sa place dans ce rp'. Il ne sait pas vraiment se défendre, et fuir comme un lâche en donnant un petit coup de main juste avant correspond plutôt à son caractère. Je suis vraiment désolé de ce retard. Un grand merci à vous , bien vite le prochain

Ithuriel ignorait combien de temps encore tiendrait la porte menant au parking. Elle sentait les assauts des vampires sur le point d’avoir raison de ce modeste obstacle les séparant – ses compagnons et elle – d’une mort certaine. Ce n’était désormais plus qu’une question de secondes avant que le battant ne soit arraché de ses gonds et que les sangsues ne se jettent sur eux tous crocs dehors. Aussi la déchue insista-t-elle en s’arc-boutant contre la porte pour retenir aussi longtemps que possible les vampires. Mais Emmy et Simon devraient très vite trouver quelque chose pour condamner cette porte ou tout serait perdu. Heureusement, la chasseuse trouva rapidement une parade et demanda à Ithuriel de se reculer avant de renverser une bibliothèque au milieu du passage. Les mains libres, la déchue apporta son aide à la chasseuse et poussa également un bureau contre la bibliothèque de sorte que la porte ne puisse pas être ouverte. De l’autre côté du battant, les coups se firent plus énergiques et plus rageurs.

Mais la barricade tenait bon. Pour le moment…

Emmy tira tout le monde de ses pensées en faisant remarquer que ce barrage ne pourrait pas retenir les vampires très longtemps. Sur ce point, elle avait parfaitement raison. Quand bien il était désormais impossible d’ouvrir la porte, il n’en demeure pas moins que le battant était en métal et un crissement strident à glacer les sangs ne laissa planer aucun doute quant aux intentions du camp adverse : l’heure était venue de sortir les griffes. Au moment où cette pensée traversa l’esprit de la déchue, une serre mortellement aiguisée traversa avec une aisance surprenante l’épaisseur de métal barrant l’accès aux étages supérieurs. Puis une autre encore. Et une autre encore. Le temps leur était compté.

— Oui, reprit Ithuriel en écho aux recommandations de la chasseuse. Tu as raison. Nous n’avons pas de temps à perdre. Ils seront sur nous dans quelques minutes à peine. Nous devons nous tenir prêts à les recevoir comme il se doit. Il est hors de question qu’ils érigent une tête de pont ici.

Ithuriel suivit Emmy dans les escaliers en abandonnant derrière elle les sangsues déterminées à réduire cette satanée porte en miettes. Simon et sa petite protégée les avaient précédées à l’étage de quelques instants seulement. Étant la dernière à passer la porte estampillée « accès parking », Ithuriel referma le battant et fit signe aux policiers tout proche de la condamner en poussant un bureau devant.

— Cela nous fera gagner quelques secondes de plus, c’est toujours ça, souffla-t-elle à mi-voix avant de repérer Simon et la petite fille dans la foule. Ça va aller ? leur demanda-t-elle. Vous n’êtes pas…

Mais la fin de sa question fut interrompue par une exclamation menaçante de la part d’Emmy. Ithuriel se retourna vers la chasseuse au moment où celle-ci s’emparait de l’arme d’un policier et en braquait le canon vers… la tête de la petite fille. Instinctivement, Ithuriel s’interposa entre l’arme et l’enfant en levant les bras devant elle pour inciter sa compagne à garder son calme.

— Emmy ?! s’exclama-t-elle, les yeux écarquillés de surprise. Qu’est-ce qui te prend ? Baisse ton arme.

Mais la jeune femme n’en fit rien. Elle se contenta de répondre simplement que cette enfant était un démon et qu’il fallait faire attention. Ithuriel n’en croyait pas ses oreilles. Non. Pas cette petite fille en apparence si innocente et qui venait de perdre sa mère… La déchue baissa lentement les bras tout en tournant la tête vers la petite fille. Maintenant qu’elle y repensait, l’histoire que celle-ci lui avait servie était plutôt bancale. Elle avait raconté à Ithuriel avoir perdu sa mère. Et quand bien même ses larmes avaient paru sincères, la déchue devait bien admettre que l’enfant ne paraissait pas tellement sous le choc. Elle avait même l’air d’aller plutôt bien. Peut-être même trop bien, comme si elle prenait plaisir de la situation et du chaos ambiant.

— Est-ce que c’est vrai ? demanda Ithuriel presque dans un murmure.

Mais Emmy empêcha la fillette de répondre à la question de la déchue en exigeant d’elle de savoir ce qu’elle faisait ici. Un sourire amusé se dessina sur les douces lèvres de l’enfant qui expliqua qu’elle se promenait, tout simplement. Elle était curieuse de voir le travail des vampires. Un point c’est tout. Un frisson d’angoisse descendit le long de l’échine de la déchue qui s’écarta vivement de l’abomination en brandissant son arme dans sa direction. Elle n’y avait vu que du feu. La démone s’était bien jouée d’elle. Comment Ithuriel avait-elle pu à ce point baisser sa garde ? Cela ne lui ressemblait pas. Peut-être était-elle véritablement en train de succomber aux faiblesses des mortels. Les humains avaient tendance à protéger leur descendance même au péril de leur vie. Ithuriel s’était tout bonnement laissée amadouer par l’innocente apparence de cette créature fragile étant en réalité une abomination contre nature. Il était loin le temps où il lui aurait suffi de poser les yeux sur elle pour entrevoir son véritable visage et ne pas tomber bêtement dans le panneau. Malheureusement...

La démone déplorait le manque d’efficacité des vampires ayant pris d’assaut le commissariat. Ithuriel se demanda si elle n’avait pas orchestré tout cela ; si elle n’était pas celle qui tirait les ficelles dans les coulisses. Auquel cas, il suffirait de l’abattre pour s’assurer de la victoire. Mais alors que cette pensée traversait l’esprit d’Ithuriel, un bruit sourd monta du sous-sol en arrachant un cri apeuré aux civils encore présents sur les lieux. La porte avait dû céder et les vampires venaient certainement de faire leur fête à la bibliothèque et au bureau se dressant en travers de leur chemin. Ils seraient donc là d’une seconde à l’autre. Il n’y avait plus de temps à perdre.

Emmy et Ithuriel semblaient fonctionner de la même manière. Car avant que la déchue ait pu ouvrir la bouche, la chasseuse avait déjà donné les ordres aux rescapés et organisé la défense des lieux. Dans un calme somme toute raisonnable compte tenu de la situation, les civils se calfeutrèrent dans ce qui avait tout l’air d’être une salle de réunion, tandis que les policiers armés prenaient position en demi-cercle devant la porte menant au sous-sol. Ithuriel repéra parmi eux le jeune officier qui s’était chargé de sa déposition quelques minutes auparavant – ou quelques heures, elle n’aurait su le dire. Il n’avait pas l’air au meilleur de sa forme. La déchue eut un pincement au cœur en éprouvant la sensation que ce jeune homme vivait là ces derniers instants. Mais la voix d’Emmy la ramena au présent.

La chasseuse menaçait toujours la démone de son arme. Elle conseillait à l’abomination de prendre la fuite ou alors ils n’hésiteraient pas à la renvoyer en enfer. Ithuriel se tourna vers sa compagne tout en fronçant les sourcils sous le coup de la surprise. Pourquoi marchander ? Pourquoi ne pas simplement exorciser cette abomination et tirer un trait dessus ? Pour la simple et bonne raison qu’ils n’en avaient pas le temps. Des bruits de course montèrent de la cage d’escalier et déjà un premier coup puissant fit trembler le battant condamné par le bureau à l’autre bout de la pièce.

Ithuriel jeta un regard frustré à la démone. En d’autres circonstances, si elle avait été en possession de tous ses pouvoirs, il lui aurait suffi d’apposer sa main sur le front de la créature pour la condamner au néant éternel. Cela ne lui aurait pris que quelques secondes à peine et la question aurait été réglée. Là, néanmoins, la démone s’en sortait indemne et se permit même de jeter du sel sur la plaie en narguant les rescapés et en faisant un petit signe de la main à Simon et à la déchue avant de disparaître comme si elle n’avait jamais été là. Ce pouvoir aussi manquait à Ithuriel. Mais ce n’était guère le moment de se laisser aller à la mélancolie. La démone s’en était peut-être allée, mais les vampires étaient toujours là et toujours en surnombre et bien décidés à en découdre.

Il se passa alors une chose à laquelle la déchue ne s’attendait pas : Simon – l’homme aux côtés duquel elle avait affronté une meute de goules enragées – s’excusa, mais il préférait suivre le conseil donné par la démone plutôt que de mettre sa vie en péril en attendant que les vampires ne défoncent la porte barricadée menant au sous-sol. Il estimait que les défenseurs n’avaient aucune chance de remporter la victoire. Selon lui, le combat était perdu d’avance. Et préférant quitter les lieux avant que ne reprennent les hostilités, il fila à l’anglaise sans demander son reste. Un ou deux autres civils prirent également la poudre d’escampette tant qu’ils le purent. Les autres s’étaient tous barricadés dans la salle de réunion en espérant sincèrement que les chasseurs et les officiers de police suffiraient à assurer leur sécurité.

— Simon ! s’écria en vain Ithuriel en voyant l’un de ses alliés disparaître du champ de bataille. (Mais il était trop tard pour qu’il l’entende. Il était déjà loin maintenant.)

Quelque chose de lourd vint percuter la porte menant au sous-sol et le bruit retint l’attention d’Ithuriel qui s’efforça d’oublier Simon pour l’instant.

— Tenez-vous prêt ! lança Ithuriel en se détournant de l’endroit où Simon avait disparu et en prenant position aux côtés des policiers braquant leurs armes vers la porte menant au sous-sol. Nous pouvons remporter la victoire. Nous sommes en position de force ici. Restez dans la lumière et tout ira bien. Et ne les laissez pas vous approcher de trop près. Ces gens comptent sur nous, ajouta la déchue tout en désignant la salle de réunion du bout de sa lame. Ils comptent sur nous pour les sortir d’ici vivants. Alors ne leur faisons pas défaut. Pas maintenant. (La porte craqua et se fendit.) Attention, ils arrivent !

En écho à ces paroles, la porte vola en éclats et le bureau qui en barrait l’accès jusqu’à maintenant fut projeté à l’autre bout de la pièce en emportant avec lui un malheureux officier dont le corps fut broyé lorsque le meuble percuta le mur du fond de plein fouet. Il y eut un craquement sonore, puis un cri de douleur étouffé et un hoquet de surprise avant que les yeux du malheureux ne roulent dans leur orbite et que la partie supérieure de son corps ne retombe mollement sur le plan de travail. Une fin somme toute rapide et clémente. Peut-être un don du ciel comparé à ce que d’autres auraient à subir avant la fin de cet affrontement.

Entretemps, les vampires s’étaient déversés dans la pièce principale comme une marée monstrueuse. Ithuriel compta approximativement deux à trois vampires pour chacun des rescapés présents dans les lieux. D’où sortaient-ils tous ? Ils n’avaient pas été aussi nombreux précédemment. La bonne nouvelle, c’était que le soleil filtrait à travers toutes les fenêtres. Certes, les vrais vampires ne tombaient pas en poussière ou ne se mettaient pas à s’enflammer spontanément au contact de la lumière de l’astre de midi, mais ses rayons offraient mine de rien un avantage non négligeable aux défenseurs : les vampires y étaient suffisamment sensibles pour que la lumière les désoriente et les rende maladroits et moins réactifs. Difficile en effet de garder les idées claires quand on se retrouvait assailli par un violent mal de crâne et de vives démangeaisons dues au contact direct avec la lumière du soleil. C’était toujours ça de pris. Mieux valait ça que pas d’avantage du tout.

— Attention ! s’exclama un homme en faisant signe à Ithuriel. (C’était le chasseur qui lui avait sauvé la vie dans le parking un peu plus tôt.) Derrière vous !

La déchue fit volte-face et frappa instinctivement de taille au niveau de la racine du cou de la créature tentant de la prendre à revers. La lame trancha la chair et glissa sans rencontrer la moindre résistance entre deux vertèbres de la colonne vertébrale du monstre avant de ressortir de l’autre côté comme si elle venait tout simplement de trancher une brique de beurre en deux. La tête du vampire se détacha du reste de son corps et poursuivit sa course dans les airs avant de s’écraser quelques mètres plus loin. Ithuriel échangea un regard lourd de signification avec le chasseur qui se contenta d’un hochement de tête pour lui assurer que ce n’était rien.

Ithuriel se perdit alors dans l’euphorie de la bataille. Elle trancha plusieurs autres têtes sans vraiment prendre le temps d’en retenir le nombre exact. De temps en temps, elle percevait non loin d’elle la voix d’Emmy aboyant des directives ou bien les lamentations déchirantes de malheureux à l’agonie. Hélas, la déchue ne pouvait rien pour ces derniers. C’était dans l’ordre des choses. Les batailles avaient leur lot de pertes. C’était inévitable. La seule chose que ses compagnons et elle pouvaient faire, c’était de faire en sorte que l’ennemi rende les armes avant que trop d’hommes aient perdu la vie.

— Non ! hurla une voix de femme tétanisée. NON !!!

Ithuriel fit volte-face et découvrit avec horreur qu’une sangsue était parvenue à enfoncer la porte de la salle de réunion dans laquelle les civils avaient trouvé refuge. Ni une ni deux, la déchue se précipita à sa rencontre et tenta d’arracher la malheureuse victime des griffes de son bourreau. En vain. Il était d’ores et déjà trop tard pour elle. Et c’est un corps exsangue que la jeune femme arracha des mains du vampire. Ce dernier focalisa alors toute son attention sur la nouvelle venue. Il l’observa un instant et ouvrit les hostilités en lui portant le premier coup. Ithuriel para sans mal et contre-attaqua. La sangsue siffla de colère en sentant la lame mordre sa chair au niveau de l’abdomen. Mais elle avait esquivé le coup juste à temps pour que celui-ci ne soit pas fatal. Ce chien était sacrément rapide.

Le vampire sauta de nouveau sur Ithuriel. Elle bloqua la nouvelle attaque mais fut incapable de porter la moindre contre-attaque. Le vampire avait anticipé le coup et attrapé le poignet de la déchue au vol. Il le tordit lentement en arrachant un hoquet de douleur à la jeune femme jusqu’à ce qu’elle desserre sa prise sur son arme qui tomba au sol avec un bruit métallique. Le vampire sourit alors en découvrant ses dents pointues acérées. Mais il n’eut jamais l’occasion de planter ses crocs mortels dans la peau de porcelaine de la jeune femme. Quelqu’un vola au secours de la déchue.

En effet, trois coups de feu retentirent et le vampire se pétrifia sur place, les crocs à seulement deux ou trois centimètres de la peau d’Ithuriel. Il se retourna lentement pour faire face au jeune officier de police ayant fait les yeux doux à la déchue lorsqu’elle était venue lui remettre sa déposition. Sa main tremblait mais c’est de la détermination que la jeune femme et le vampire purent lire sur son visage quand il pressa de nouveau la détente de son arme à deux reprises. Mais rien ne se passa. Le chargeur de l’arme était vide. Le vampire sourit de nouveau.

Ithuriel se demanda un instant si elle n’avait pas recouvrer l’usage de ses ailes. Son corps demeura en suspension dans l’air quelques secondes et la jeune femme éprouva de nouveau la sensation d’être en train de voler au-dessus des nuages. Mais cela n’était bel et bien qu’une sensation. Le retour sur terre se révéla fort douloureux quand son corps s’écrasa contre le mur du fond après avoir fait un vol plané à travers la pièce où s’étaient réfugiés les civils. Ithuriel vit des étoiles danser devant ses yeux.

*Relève-toi. Allez ! Debout !*

La déchue secoua la tête plusieurs fois et finit par chasser les points argentés flottant devant ses yeux. Elle balaya la pièce du regard et repéra immédiatement les visages terrorisés des non-initiés persuadés que la fin était proche. Et alors elle l’entendit : un cri. Relevant les yeux, la jeune femme vit le vampire acculer le jeune policier dans un coin et briser son poignet tenant encore son arme au chargeur vide. Puis avec une lenteur qui ne devait être que le fruit de l’imagination de la déchue, il avança les lèvres et les crocs en direction du cou de sa future victime.

Ithuriel repéra son arme à quelques mètres de là. Sans la moindre hésitation, elle bondit sur ses pieds et se précipita vers sa fidèle lame. Une vague de soulagement traversa son corps en sentant le contact familier du métal sur sa peau. Et sans perdre une seconde de plus, la déchue fonça vers la sangsue et la délesta enfin de sa tête. Mais il était déjà trop tard. Le jeune officier de police assis à même le sol, le dos appuyé contre le mur derrière lui, avait beau presser sa main sur la blessure sanguinolente barrant son cou, il n’y avait rien à faire.

— Vous ! lança Ithuriel en repérant un chasseur venant de se débarrasser de la sangsue qu’il affrontait. Faites-les sortir d’ici ! (Elle désigna les civils toujours recroquevillés dans la salle de réunion.)

L’affrontement semblait tourner à l’avantage des défenseurs. Beaucoup de vampires étaient tombés et peu de victimes étaient à déplorer de leur côté. C’était donc le moment ou jamais de profiter de cette légère accalmie pour faire quitter les lieux aux civils. Le chasseur s’exécuta sans discuter les ordres. Et en quelques secondes à peine, les civils avaient quitté les lieux et étaient désormais sains et saufs. Ithuriel pour sa part demeura un instant aux côtés de l’officier de police qui tendait la main vers elle. Comme elle regrettait que son instinct ne lui ait jamais fait défaut. Elle avait pressenti que cet homme perdrait la vie et elle avait eu raison. Elle ne pouvait rien pour lui. Il était d’ores et déjà aux portes de la mort…

— Vous… ? essaya-t-il de dire. (Mais du sang jaillit de sa bouche. Beaucoup de sang.)
— Je vais bien, répondit Ithuriel en hochant la tête. Grâce à vous. Vous m’avez sauvé la vie. Merci.
— Bien…, souffla le jeune homme d’une voix à peine audible avant que ses yeux ne se voilent et que sa poitrine ne s’affaisse en rendant son dernier souffle.

C’était terminé. Il avait rendu l’âme. Ithuriel passa une main sur son visage et lui ferma les paupières. Et dire qu’elle ne connaissait même pas son nom. Il avait pourtant donné sa vie pour sauver la sienne. La déchue ressentit un picotement au niveau des yeux et comme un poids tomber sur sa poitrine. Et une larme coula en silence sur sa joue. Comment les mortels faisaient-ils pour endurer pareilles émotions sans jamais perdre la tête ? C’était insensé. Mais n’est-ce pas justement la raison pour laquelle Dieu les avait préférés à ses Premiers-Nés ? N’est-ce pas ce qui faisait tout leur charme ?

Ithuriel perçut un bruit sourd et fut soudain dérangée par le pesant silence régnant tout autour d’elle. Relevant les yeux, elle découvrit avec stupeur que tout était terminé. La bataille pour le commissariat s’était achevée entretemps et seuls demeuraient encore en vie les défenseurs. Les vampires avaient soit connu une fin sanglante soit pris la fuite sans demander leur reste. Non loin de là, la déchue posa les yeux sur sa compagne chasseuse. Emmy était couverte de sang et un corps sans vie gisait devant elle. Peut-être était-ce encore son intuition qui parlait, mais la jeune femme se douta qu’il s’agissait là du chef de la meute. Emmy l’avait-elle tué ? Si oui, alors c’est à elle que l’on devait cette victoire. Une fois le meneur tombé, les quelques vampires survivants avaient dû prendre leurs jambes à leur cou sans demander leur reste.  Et comme Ithuriel ne voyait pas les chasseurs venus leur apporter leur soutien au début des hostilités, elle se douta qu’ils avaient dû leur donner la chasse dans l’espoir de tous les exterminer une bonne pour toutes – histoire d’éviter toutes représailles.

Ithuriel soupira de soulagement. La tempête était enfin passée. Ils étaient tous sauvés.