III.05 - I Was The Target This Time...

Lorsqu'une patte poilue vint se déposer sur mon torse, mes yeux eurent pour premier réflexe de s'ouvrir pour remarquer la tête d'Ayanna, inquiète, alors que la chienne couinait en me voyant dans un état pareil. Même si j'étais à l'heure actuelle encore assez faible, bien que vivant, je pris tout de même la peine de caresser sa tête, en pensant que ça la rassurerait, mais cela n'était pas le cas, car l'adorable chienne couinait au contraire encore davantage. En même temps, qui ne couinerait pas à sa place en voyant l'état dans lequel j'étais ? Un peu plus tôt dans la journée, même si je ne l'avais pas cherché, j'avais fait la rencontre d'un ange, sauf que c'était une mauvaise surprise. L'ange en question avait basculé vers l'autre voie et j'avais fait l'erreur d'essayer de le raisonner. La tête de mule que j'avais eu en face de moi préférait la violence plutôt que la parole et, j'en avais malheureusement fait les frais. Un combat s'était rapidement engagé entre nous, lame contre lame, et son issue ne fut guère joyeuse. En fin de compte, l'ange m'avait blessé par un coup fortement désagréable dans le ventre, mais il n'avait pas échappé à ma lame lui non plus, c'était d'ailleurs ce qui avait pu mettre un terme à notre combat. Au fond, cela n'aurait rimé à rien de continuer de nous battre surtout si aucun de nous n'était réellement en état de poursuivre l'offensive. À ce moment-là, j'aurais très bien pu appeler un de mes frères ou bien l'une de mes sœurs dans le but de me porter secours mais je ne l'avais pas fait, même si cela m'aurait sans doute permis de me tirer de cette mauvaise situation plus rapidement, mais je ne l'avais pas fait. En vérité, je souhaitais mieux n'appeler personne pour ne pas priver un protégé d'un sauvetage plus mérité que le mien. Ainsi, voilà le schéma qui m'avait conduit sur ce canapé, à faire preuve d'un contrôle incroyable sur la douleur qui m'attaquait, car je n'avais pas crié une seule fois en la présence d'Ayanna, mais surtout de patience car je devais attendre de retrouver suffisamment de force pour permettre à la blessure de guérir et de petit à petit disparaître.

- Ayanna...ne t'en fais pas pour moi...je vais m'en sortir... dis-je avant d'ajouter ceci après un nouveau couinement de sa part. Crois-moi...tu ne vas pas te débarrasser de moi comme cela...ce n'est qu'un mauvais moment à passer...mais après ça ira je te le promets...

Par la suite, un geste d'Ayanna me troubla. Pourquoi avait-elle mis son nez sur le bracelet que Jessica m'avait donné ? Que cherchait-elle à me dire ?

- Jessica...

Ayanna insista plusieurs fois, ce qui me permit de comprendre ce qu'elle cherchait à me dire.

- Non ne va pas la chercher...s'il te plait...

Je ne voulais pas que Jessica puisse me voir dans cet état. Cela forgerait une vision qui ne me plairait pas...mais Ayanna, en véritable tête de mule, ne m'écouta guère. Intelligente, la chienne me montra qu'elle avait appris à ouvrir la porte toute seule et décida de partir à toute vitesse, certainement pour aller chercher Jessica. Ayanna pensait-elle que la présence de Jessica allait me faire du bien ? Avait-elle compris ce qui nous unissait elle et moi ? En tout cas,  la chienne semblait parfaitement bien me connaître...

Même si l'idée de voir Jessica débarquer et me découvrir dans cet état ne me plaisait pas, le fait de la voir me permettrait sans doute d'éclipser le négatif de mes pensées. Au fond, Ayanna avait peut-être raison. La présence de Jessica était certainement la meilleure chose qui pourrait m'arriver, en dehors du sauvetage par un autre ange que je refusais catégoriquement.

Plantée debout sur le patio, je fixais le ciel qui s'assombrissait de plus en plus rapidement. Précédemment, j'avais eu pour idée de désherber les plates-bandes de fleurs qui se trouvaient non loin du cabanon mais vu le changement soudain de la météo, je commençais à me demander s'il ne valait pas mieux remettre cette désagréable corvée à plus tard. Je n'appréciais pas vraiment débuter des choses sans savoir quand j'allais pouvoir les terminer. Peut-être que le moment n'était tout simplement pas opportun pour ce genre de tâche. La venue du mauvais temps n'allait toutefois pas m'empêcher de faire autre chose de plus court et facilement réalisable, il suffisait juste de trouver quoi faire. La maison était propre et bien rangée. Je n'avais pas envie de jouer du piano ni de me tourner les pouces. Quand Logan était absent, il était impératif que je m'occupe l'esprit. Ça m'aidait à passer le temps en attendant qu'il revienne et que nous puissions à nouveau nous coller l'un à l'autre.

Le ciel se mettait soudainement à gronder quand je me surpris à caresser le pendentif que Manakel m'avait offert à Noël. L'humeur dans laquelle je me trouvais présentement était difficile à décrire. Alors que, l'instant d'avait je me sentais relativement bien, là tout de suite je me sentais tout à coup bizarre, inconfortable. Ce que je ressentais était étrange... si étrange que je finis par prendre le téléphone pour contacter Logan qui se trouvait auprès de William. Mon amoureux m'assura que tout allait bien et me reconfirma qu'il allait rentrer en début de soirée, tel que prévu. Cela me laissait donc plusieurs heures à tuer; des heures qui s'annonçaient longues et pénibles puisque je ne pourrais visiblement pas les passer à améliorer le terrain, le mauvais temps étant de plus en plus imminent.

Lorsqu'une goutte de pluie aboutit sur mon nez, un long soupire s'échappa d'entre mes lèvres. L'orage n'allait vraisemblablement pas tarder. Je ne pensais pas me tromper en affirmant qu'il s'abattrait sur la ville dans une quinzaine de minutes tout au plus. En tout cas, s'il passait plus loin, la pluie elle, viendrait tout de même. Valait peut-être mieux ranger certains trucs au cas ou de forts vents s'inviteraient. Par précaution, je me rendis donc près de la piscine afin de récupérer le matelas pneumatique destiné à paresser sur l'eau qui trainait négligemment à côté des chaises longues.  Ce satané accessoire de plaisance était toujours le premier à s'envoler dès que la première bourrasque.

Je le tenais dans mes mains quand je crus entendre un jappement bref et sec... mais peut-être était-ce mon imagination qui me jouait des tours, avec ce vent qui ne cessait de prendre de l'ampleur. Toutefois, lorsqu'un deuxième jappement retentit, je sus que quelque chose ne tournait pas rond. C'est à ce moment qu'Ayanna sortit de nulle part, bondissant sur moi comme un clown d'une boite à surprise.

- Ayanna!

La chienne de Manakel me fixait d'un regard vitreux, couinait, tournait en rond, gémissait en reculant parfois avant de revenir auprès de moi pour déposer ses pattes avant dans mes mains.

- Ayanna qu'est-ce qu'il y a? Où est Manakel? Il est à la maison?

Je n'étais pas douée en langage canin puisque je n'avais jamais eu de chien ni aucun autre animal domestique, d'ailleurs, mais je voyais clairement qu'Ayanna tentait de me faire comprendre quelque chose.

- Mais qu'est-ce qu'il y a...?

Mon coeur battait à tout rompre maintenant. Je fouillais les environs sans rien apercevoir d'anormal. Ayanna était seule, ce qui était très inquiétant. Jamais je ne l'avais vue sans Manakel. À ce moment, je fus persuadée qu'il était arrivé quelque chose de grave à mon ange. Quand Ayanna se mit à reculer pour une énième fois, couinant et gémissant à en fendre l'âme, je fis un pas vers elle pour tenter de la calmer. Elle recula alors, plaçant une distance volontaire entre nous deux. Le manège se répéta encore trois autres fois avant que je comprenne qu'elle cherchait à m'entrainer ailleurs.

- Okay... okay j'ai compris! Va Ayanna! Montre-moi où est Manakel.

Quand elle décolla à toute vitesse j'en fis de même, la peur au ventre. Ayanna se dirigeait droit vers le domicile de mon ange, domicile qui se trouvait à quelques coins de rue du mien, fort heureusement. Elle aurait pu aller n'importe où, vers la forêt, par exemple, ou ailleurs dans le cartier mais non, elle fonçait droit vers la maison de Manakel. C'était une chance que je sois en forme car la bête courait plutôt vite. Je n'étais pas aussi rapide qu'elle mais j'étais tout de même capable de conserve un rythme acceptable. Quand la maison fut enfin visible je me mis à souffler de soulagement.  J'avais tenu le coup jusque là et en plus, j'étais miraculeusement parvenue à me rendre à destination sans être atteinte par la pluie. L'orage semblait vouloir passer plus loin. Finalement, il n'y aurait sans doute qu'une ondée mais ça, en toute honnêteté, c'était vraiment le cadet de mes soucis maintenant! Avant de mettre la main sur la poignée, je pris cinq secondes pour caresser la tête d'Ayanna tout en lui soufflant un "chuuutt" rassurant. La chienne continuait de couiner, le regard triste. Elle piétinait sur place, impatiente que j'ouvre la porte.

- Ça va, je rentre...

Mais comment procéder, alors qu'on n'avait pas été officiellement invité...? Je me sentais un peu mal à l'aise de pénétrer chez Manakel sans avoir sa permission... mais celle d'Ayanna comptait, pas vrai? Et puis il semblait réellement y avoir une situation d'urgence. J'ouvris donc la porte non sans avoir cogné deux petits coups très brefs.

- Manakel...?

Des yeux, je fis le tour de la pièce jusqu'à ce que mon regard se dépose sur mon ange, affalé sur le canapé, le ventre ensanglanté.

- Manakel!

En un bond je fus sur lui, le coeur battant, les larmes aux yeux.

- Mon Dieu qu'est-ce qui s'est passé...?

Je ne criais pas, je restais étonnamment calme mais on pouvait très bien sentir dans ma voix et ma gestuelle que j'étais terrifiée.

- Comment... comment est-ce arrivé? Comment tu te sens...? Comment se fait-il que tu ne te sois pas guéri...?

Ça, ça m'inquiétait énormément! Ce qui se passait n'était pas de bonne augure. Quelque chose ne tournait pas rond. Je n'étais pas diplômée en anges mais je savais tout de même que les anges pouvaient s'auto-guérir. Si c'était le cas, pourquoi est-ce que Manakel ne l'avait pas fait? Pourquoi est-ce qu'il n'avait pas effacé sa blessure...? Blessure qui, mentionnons-le, semblait être plutôt grave vu sa dimension et la quantité de sang qui tachait les vêtements de mon ange.

- Oh Manakel...

Je m'étais agenouillée sur le sol pour ne pas remuer le canapé en m'assoyant dessus et ainsi provoquer d'autres souffrances puis j'avais tendrement cueilli l'une des mains de Manakel pour la tenir dans la mienne. En même temps, à l'aide de celle qui était libre, je caressais doucement son visage dans le but de l'apaiser quelque peu... même si je doutais que cette manoeuvre soit efficace vu la situation.

- Je t'aime... ça va s'arranger tu vas voir...

Ayanna s'était couchée non loin de moi, la tête sur ses pattes avant, le regard empreint de tristesse.

- Tu as bien fait Ayanna, merci...

Je lui fis un hochement de tête pour lui faire comprendre que je la remerciais du fond du coeur d'être venue me chercher. Je me doutais bien que ce n'était pas Manakel qui l'avait envoyée. Il aurait eu bien trop peur de me déranger ou de m'alarmer, ça je le savais très bien.

Maintenant, que fallait-il faire? Comment aidait-on un ange à guérir? Déjà, il fallait que j'examine la blessure.

- Je peux...?

Mon regard planté dans celui de Manakel, j'attendais sa permission pour pouvoir lever son chandail et rendre mon verdict. Après, seulement après, j'agirais.

Combien de temps mes yeux étaient-ils restés clôturés de la sorte ? Je n'en avais pas la moindre idée, mais le fait de les rouvrir et de me rendre compte que Jessica venait d'arriver près de moi m'apportait un soulagement assez salutaire. Au fond, même si j'avais refusé de le croire en cherchant à interdire à Ayanna d'aller la chercher, ma compagne à quatre pattes était dans le vrai en pensant que la présence de Jessica m'aiderait. Elle me connaissait bien mine de rien et avait su aisément retrouver la trace de la belle humaine, car on passait très souvent non loin de chez elle, alors le chemin était facile à assimiler pour elle. La présence de Jessica me faisait finalement du bien, mais je n'aimais pas l'idée de l'inquiéter autant sur mon sort. J'allais m'en sortir, bien évidemment, mais j'avais juste besoin d'un peu de temps pour me remettre de ce qui s'était passé, surtout tout seul. Ce n'était pas une arme humaine à l'origine de ma blessure mais celle d'un autre ange. Si l'arme était comme la première catégorie citée, la blessure n'aurait pas été trop difficile à guérir, mais ce n'était pas le cas. Ne souhaitant pas appeler un quelconque ange pour me porter secours, seule la patience allait pouvoir me guérir...et Jessica me soutenir dans cette épreuve qui était loin d'être agréable.

La belle humaine, inquiète, me posa évidemment tout plein de questions, dans le but de comprendre ce qui avait bien pu me mettre dans cet état mais également pourquoi je n'étais pas encore guéri de mes blessures, alors qu'un ange pouvait guérir sans problème. Cela n'allait pas être bien facile de lui expliquer tout cela, mais elle était en droit de le comprendre. Je ne pouvais tout simplement pas lui mentir à ce sujet...

- J'ai fait une mauvaise rencontre...un ange qui a basculé du mauvais côté...j'ai voulu chercher à le raisonner mais cela ne servait à rien. À la place, l'ange a préféré se battre contre moi...et voilà ce qui m'a mis dans cet état. Si j'ai du mal à guérir, c'est parce que ce n'est pas une arme humaine qui m'a blessé...donc c'est plus long à guérir...mais ça va aller...

Je disais à Jessica que tout irait bien, parce que j'étais évidemment persuadé que cela allait être le cas. Si cette blessure était faite pour me tuer, je serais déjà mort et ce n'était pas près de se produire à priori, alors j'allais m'en sortir...cela allait juste être un moment plutôt pénible à passer, mais Jessica pourrait peut-être le rendre moins pénible.

Ma mission personnelle semblait souhaiter analyser ma blessure. Qu'avais-je à perdre en lui disant non ? En vérité pas grand-chose.

- D'accord... lui dis-je simplement.

Peut-être que cet examen allait permettre de rendre les choses moins douloureuses qu'elles ne l'étaient. Certes, je ne criais pas, mais je n'étais pas insensible face à ce que je ressentais. J'avais mal...je ne le disais simplement pas voilà tout.

Jessica agit délicatement avec moi, comme à son habitude, afin de pouvoir regarder l'étendue des dégâts. Rien qu'à voir sa mine, ce n'était pas compliqué de comprendre ce qui se passait.

- C'est moche...n'est-ce pas ?

Même la mine triste d'Ayanna me disait à quel point c'était moche...

Le choc que j'avais ressenti en apercevant Manakel affalé sur le canapé, yeux fermés, ses mains ensanglantées calmement déposées sur son ventre avait été si intense que j'étais encore incapable de le décrire avec précision en ces instants, pour la simple et bonne raison que rien ne m'avait préparée à cela. Certes j'avais eu l'impression que le sol s'était ouvert sous mes pieds, qu'une main géante m'avait fouillé les trippes et arraché le coeur mais au-delà de cela, j'avais ressenti autre chose d'encore plus puissant. Un sentiment qui m'avait affolée, terrifiée, fouettée, à savoir celui d'avoir la très désagréable sensation qu'on allait m'arracher Manakel. Paniquée, je m'étais donc immédiatement élancée vers lui pour cueillir sa main et l'interroger sur ce qui s'était passé. Jamais, depuis qu'il faisait partie de ma vie, je ne l'avais vu dans un aussi piètre état. En réalité, jamais je n'avais vu Manakel blessé. Je ne comprenais d'ailleurs pas comment il pouvait l'être puisque les anges s'auto-guérissaient. Ce fait m'inquiétait considérablement et m'avait évidemment amenée à lui poser directement la question, question à laquelle mon ange avait pris le temps de répondre en me donnant les grandes lignes de ce qui venait de lui arriver.

- C'est terrible...

J'étais choquée et peinée d'apprendre que Manakel s'était battu contre un ange méchant et que, parce qu'il avait tenté de le raisonner, il avait subit cette terrible blessure à l'abdomen. Une blessure qui, soit dit en passant, ne se guérissait pas avec autant de facilité que si elle avait été causée par une arme humaine.  Manakel allait s'en remettre, il en était persuadé et je le croyais sincèrement... mais il allait obligatoirement devoir souffrir et patienter avant que cela ne devienne de l'histoire ancienne... parce que même s'il me le cachait, je le voyais, qu'il souffrait. Il ne remuait pas, parlait peu, respirait de façon calculée, sans doute pour se retenir d'exprimer cette douleur atroce qui devait le dévorer. Manakel ne voulait pas nous inquiéter, Ayanna et moi, c'était évident.

- Ça va aller, je vais m'occuper de toi, okay...?

J'avais demandé à voir sa blessure afin de pouvoir m'orienter sur la façon de l'aider. Je n'étais pas médecin mais j'avais tout de même vu beaucoup de reportages médicaux... et puis avec le bagage de mauvaises expériences personnelles que je détenais, un bagage horrible, je devais me l'avouer, je n'étais plus autant paniquée et effrayée de voir des masses de sang et des blessures que j'avais pu l'être autrefois.

Lorsque mes yeux se posèrent sur la plaie, je dû néanmoins porter mon poing droit à mes lèvres pour empêcher un sanglot de s'échapper. Il était hors de question que je flanche devant Manakel mais pour tout dire, il m'était extrêmement difficile de ne pas craquer. Pour se faire je respirais profondément, un peu trop bruyamment mais je parvenais tout de même à contrôler ma respiration. Mon coeur, toutefois, ne suivait aucun rythme logique. Il battait de travers, cognant avec dureté dans ma poitrine, pulsant avec une si grande force que j'avais l'impression de le sentir dans tout mon corps.

- Manakel... pourquoi tes frères ou tes soeurs ne t'ont pas guérit?

Oh, que je redoutais sa réponse! Il allait me dire qu'il avait préféré laisser sa place, je le sentais trop bien venir et je trouvais cela terrible... car cette guérison ne devait être l'affaire que de quelques secondes... mais Manakel préférait s'oublier pour penser aux autres. C'était toujours ce qu'il faisait et cela me peinait. Sa blessure était grave mais je ne voulais pas le lui dire. Il n'avait pas besoin de le savoir.  De toute manière, il s'en doutait déjà alors je ne répondis pas à sa question. Ma mine le démontrait déjà assez clairement...

- Je t'en prie, repose-toi, je m'occupe de tout. Maintenant ta mission c'est de relaxer, tu ne fais rien d'autre. Si je te vois bouger je ne réponds plus de mes actes.

Je blaguais maladroitement tout en lui donnant des ordres, des ordres que j'avais murmuré avec beaucoup de douceur, tout en effleurant son visage de sorte à le forcer à fermer les yeux. Je conservais une voix faible, presque éteinte. Il me semblait que cela allait l'aider à se détendre.

- Je reviens.

Ce n'était pas dans mes habitudes de fouiller chez les gens mais cette fois-ci j'allais devoir le faire. À la salle de bain, je mis la main sur des serviettes de dimensions variées ainsi que différents bandages en rouleau et en tampon. À la cuisine, je pris un bol dans lequel je fis couler de l'eau tiède. Je fis également couler un verre d'eau fraiche pour Manakel, au cas où il ressentirait le besoin de s'hydrater un tout petit peu.  Un mouvement sec de mes mains chassa quelques larmes qui s'étaient invitées sur mes joues sans que je ne leur en donne la permission. Voir mon ange dans cet état me bouleversait profondément.

De retour à ses côtés, je repris ma position initiale, à savoir celle où je me trouvais à ses côtés, agenouillée sur le plancher du salon. Délicatement, je pris une à une les mains de mon ange pour les déposer sur le canapé, de part et d'autre ses cuisses. Ainsi, j'avais pleinement accès à son abdomen. Une fois le chandail soulevé avec minutie, je pris soin d'y déposer la plus grande des serviettes, pliée de sorte à ce qu'elle cache entièrement la blessure de Manakel et qu'elle absorbe ce qui s'en échappait. Plusieurs tours de bandage la gardèrent en place, empêchant le sang de continuer de s'échapper de la plaie. Par chance, vu la position de Manakel, j'avais pu être en mesure de faire tenir efficacement le tout sans l'obliger à bouger.  Ainsi il y avait une pression  continue sur son ventre sans que j'aie à me servir de mes mains.  Suite à cela, je ne pouvais pas faire grand chose d'autre. Je n'avais rien pour suturer la coupure et comme je savais qu'elle finirait naturellement par guérir d'elle-même, il n'y avait eu qu'à la colmater avec un linge et un peu de pression. La nettoyer n'allait rien donner d'autre que provoquer de la douleur et de l'inconfort supplémentaires. C'était pourquoi je m'étais abstenue de le faire.

- Si tu as soif, je t'ai apporté un verre rempli d'eau fraiche.

Maintenant je nettoyais doucement l'une de ses mains pour en chasser tout le sang qui la barbouillait. Patiemment, je trempais une petite serviette dans le bol d'eau tiède puis je la passais délicatement entre les doigts de Manakel afin de leur redonner leur couleur d'origine. Je ne parlais pas beaucoup, particulièrement parce que je voulais éviter de le faire interagir avec moi. Il me semblait que s'il s'exprimait, ça allait lui faire mal.

- Tu souffres... je le sens...

Je ne le regardais pas, concentrée à ma tâche. Cette sensation de douleur émanant de lui me brisait atrocement.

- Tu sais ça fait deux fois que je ressens ta détresse... la première étant quand je t'ai fait venir chez moi pour que tu passes quelques jours en ma compagnie. Tantôt, quand le vent s'est levé et que le ciel a grondé, j'ai su qu'il t'était arrivé quelque chose... J'aimerais juste... pouvoir le sentir avant que ça ne se produise et ainsi éviter que tu souffres...

Une larme silencieuse roula sur ma joue mais je ne fis rien pour la chasser.

- Je peux te poser une question un peu bizarre...? Toi, tu as mal... mais lui? Est-ce qu'il a mal, lui aussi...?

J'ignorais si Manakel comprenait de qui je voulais parler... En fait, je pensais à son hôte. À cet homme qui acceptait de prêter son corps à mon ange que j'aimais tant.

- Tu n'as pas besoin d'élaborer, juste un oui ou un non me suffira. Je ne veux pas que tu parles... j'ai peur que ça te fasse souffrir davantage... Tu n'as pas besoin de répondre non plus, je vais comprendre si tu ne souhaites pas aborder ce sujet...

Avec timidité, parce que ma question était assez spéciale, je finis par lever les yeux pour regarder Manakel. J'espérais que mon interrogation n'allait pas le choquer.

Il n'avait pas été facile pour moi de dévoiler à Jessica les détails de ce qui m'était arrivé, mais je l'avais pourtant fait, car la belle humaine était en droit de comprendre ce qui avait bien pu me mettre dans cet état. Par contre, il y avait une chose qu'elle ignorait et que je préférais taire, d'une part pour ne pas l'alarmer davantage mais aussi parce que ce détail était certainement le truc le moins facile à admettre pour moi. L'ange en question, qui avait retourné sa veste comme je l'avais dit à Jessica, était en vérité un ange dont j'avais été relativement proche au Paradis. Je pensais qu'en le retrouvant j'aurais pu avoir l'occasion de montrer qu'il y avait plus d'anges que ce que je pensais qui n'avaient pas changé de camp, mais il s'était avéré que lui l'avait fait, résultat il n'y avait plus rien à faire. Le fait d'essayer de lui faire entendre raison n'avait servi à rien du tout, car je me battais contre une position à priori aussi solide que la mienne au sujet du camp bénéfique, alors le combat s'était naturellement déclenché...nous blessant tous les deux. En songeant à ce qui s'était passé, je me rappelais de ce que Castiel m'avait dit, au sujet d'Urakaba et de Séraphine, sauf que l'ange en question n'avait rien à voir avec eux. La seule chose positive de cette histoire restait tout de même que j'avais osé tenter ma chance, car j'aurais peut-être pu parvenir à faire quelque chose, mais de son côté il refusait de m'écouter, alors le choix de la violence s'était révélé essentiel, même si j'avais horreur de cela. Me lancer dans ce genre de combat, surtout contre un frère que j'aimais, était quelque chose qui me faisait horreur et que je n'aimais pas faire, mais il avait été vital de me défendre à ce moment-là. Si je ne l'avais pas fait, j'aurais sans doute été le seul blessé du combat d'ailleurs, et cela aurait d'ailleurs été pire que la lame traversant mon ventre, mais nous avions été deux à être blessés, sauf que lui n'aurait peut-être aucune gêne à appeler quelqu'un pour lui porter secours alors que moi je ne le faisais pas. Je refusais tout simplement de priver les protégés de mes frères et sœurs de leurs pouvoirs...car ils étaient les priorités de notre mission. C'était pour cette raison que je n'avais appelé personne, et que je ne le ferais pas. Je n'étais pas à l'article de la mort...alors mon cas n'était pas une urgence. Certes j'avais mal, mais je n'allais pas perdre la vie à cause de cette blessure.

Jessica examinait ma blessure, agissant avec la délicatesse qui la caractérisait. À voir sa tête, je me doutais bien que ce qu'elle regardait avait l'air pas mal moche, en même temps le jour où une blessure serait au contraire jolie ne pouvait pas exister. Au sujet de la moche étendue sanguine caractérisant ma souffrance actuelle, Jessica souhaita me demander pourquoi je n'avais pas été guéri par l'un de mes frères ou sœurs. Elle n'allait très certainement pas apprécié ce que j'allais lui dire, mais ma réponse allait être une marque d'honnêteté supplémentaire. Je ne voulais pas mentir à Jessica en inventant n'importe quoi pour expliquer pourquoi personne ne m'avait sauvé.

- Je ne les ai pas appelés...car je ne veux pas que quiconque soit oublié simplement parce que je suis blessé. Les protégés sont prioritaires en comparaison de moi...j'ai toujours fonctionné comme cela.

Peut-être redoutait-elle ma réponse, car la belle me connaissait bien à force de me fréquenter, mais elle m'avait interrogé alors autant lui répondre pas vrai ?

Jessica semblait déterminée à s'occuper de moi, et à tout faire pour que je me sente mieux, une vérité d'ailleurs car avec c'était le cas. Elle avait ce don sur moi que personne d'autre n'avait. En résumé, à elle seule, elle était capable de me calmer, ce que je ne pouvais pas forcément retrouver avec les anges. J'osais même me surprendre à fermer les yeux de nouveau, non pas par faiblesse, mais parce que je me sentais bien.

- Merci... lui avais-je dit, alors que je savais que Jessica était partie faire quelques fouilles dans la salle de bain. Je n'avais pas besoin de la voir pour m'en rendre compte, car je l'entendais.

Je ne rouvris mes yeux que lorsque Jessica revint près de moi, à faire tous les efforts possibles pour boucher l'écoulement sanguin provoqué par la blessure et à effacer les traces présentes sur mes mains, rougies par les traces de sang. Elle me signala également la présence d'un verre d'eau au cas où je souhaitais boire un peu, ce qui était gentil de sa part, et qui fut remercié par un simple mot, le même que quelques lignes au dessus.

La blessure me faisait encore souffrir, mais je l'acceptais. La présence de Jessica m'aidait à penser à autre chose, et à ne pas me concentrer sur le fait que la lame de cet ange m'avait fait énormément de dégâts. Elle déviait mes pensées vers un chemin plus simple à gérer, parce qu'elles étaient concentrées uniquement sur Jessica, qui me parla de quelque chose qui me surprit un peu. En effet, elle aurait à priori ressenti le fait que j'allais mal, comme la dernière fois lorsque j'avais été nourri par des doutes et qu'elle m'avait invité chez elle. Peut-être que la force de notre lien amenait ce genre de sensation, mais je ne faisais là qu'une supposition non certaine. Je ne pouvais pas savoir ce qui amenait Jessica à ressentir des choses pareilles.

- On est peut-être tellement proches que le mal-être de l'autre nous atteint comme s'il était le nôtre... supposais-je, en pensant malgré tout qu'il y avait un peu de vrai derrière mes dires.

Par la suite vint une toute autre surprise, car Jessica voulut savoir si le mal dont je souffrais pouvait être ressenti par mon hôte. Je n'aimais pas réellement évoquer ce genre de chose, mais j'allais le faire.

- Je pense...mais en pratique je n'en sais rien... lui dis-je, avant d'ajouter ceci : Ce n'est pas vraiment un sujet dont j'aime parler excuse-moi...

J'avais horreur d'aborder ce sujet, et je pensais bien que cela se voyait. Pourquoi ressentais-je autant de gêne ? C'était justement par l'acte de possession en lui-même. Mine de rien, un ange possédait un être se retrouvant en sommeil dans son propre corps. Même si on cherchait à combattre pour une bonne cause, le point de départ n'était pas forcément bien positif pour l'hôte.

Enfin...pas besoin de s'éterniser si longtemps si un sujet qui me gênait autant, car une tartine dans ce paragraphe descriptif ne ferait qu'un rajout sur une réponse évidente.

Finalement, j'étais vraiment trop bon pour mon propre bien en ayant des pensées pareilles...

Ayanna s'approcha de nouveau de moi pour me tendre l'un de ses jouets, un putois sonore son fameux "pouic-pouic" inspiré d'une histoire vraie, preuve que la présence de Jessica semblait avoir rassuré la belle chienne.

- La voilà redevenue joyeuse...ça me soulage.

Peu après elle s'éloigna pour s'amuser à balancer "pouic-pouic" un peu partout. La voir ainsi me faisait sourire.

- Mine de rien...c'est la première fois que je suis présent sur Terre en compagnie d'un animal, mais il faut un début à tout et puis Ayanna est gentille, j'aurais très bien pu tomber sur un chien plus méchant qu'elle.

Faire de l'humour pendant la souffrance était une bonne idée, mais rire n'en était pas une, c'était pour cette raison que je ne riais pas et que je me contentais de sourire. J'étais calme malgré l'épreuve désagréable, mais c'était uniquement grâce aux deux compagnes terriennes les plus importantes pour moi.

- Merci Jessica...d'être venue..

Je ne parlais pas beaucoup, tandis que je soignais doucement Manakel. La raison en était fort simple : je ne souhaitais pas qu'il interagisse avec moi parce que j'étais persuadée que faire cet effort allait le faire souffrir encore plus qu'il ne souffrait déjà. C'était difficile de me retenir car j'avais beaucoup de questions, beaucoup d'interrogations. En temps normal, j'aurais été curieuse de connaitre plus de détails à propos de cette bagarre qui l'avait laissé dans ce piteux état mais au vu de la situation, j'avais préféré me taire. Je n'aimais pas du tout le fait que mon ange se batte et encore moins qu'il en ressorte blessé de la sorte. Sa plaie au ventre était immense et aurait tué n'importe quel humain. Je remerciais le ciel que ça ne se soit pas déroulé ainsi pour lui. Maintenant qu'en était-il de l'autre ange? Est-ce qu'il était mort? Est-ce que Manakel l'avait tué ou blessé? Cette possibilité me faisait peur car je craignais d'éventuelles représailles. Et si cet ange maudit revenait pour se venger? La peur me gagna soudainement. Il fallait que je sache... mais il valait mieux reporter ma question à plus tard. C'était tout de même un sujet assez délicat.

À mon grand désarrois, suite à ma question, Manakel me confirma ce que je redoutais, à savoir qu'il avait préféré ne pas faire venir un frère ou une soeur pour le guérir afin de laisser sa place à d'autres cas plus prioritaires que lui. Je n'étais pas du tout d'accord avec sa façon de penser. J'avais vu comment procédaient les anges pour guérir les blessures; le tout s'effectuait en à peine cinq ou dix secondes... Qu'étaient ces secondes, dépensées pour le soigner? Rien du tout! Pendant que Manakel peinait à guérir, il ne pouvait pas venir en aide à ses protégés. Si un frère où une soeur était venu le voir, il aurait déjà été sur pieds, prêt à secourir le monde. Oui, il était vrai de dire qu'en cinq ou dix secondes il pouvait s'en passer des choses. Des hommes et des femmes pouvaient mourir si leur ange n'était pas là pour eux... je ne pouvais le nier, Manakel avait raison sur ce point mais pendant qu'il souffrait, là, tout de suite, pendant ces très longues minutes... qui s'occupait de ses protégés? Lui qui se faisait un devoir d'être là pour eux... lui qui avait peiné à accepter de prendre deux ou trois jours de congé pour rester auprès de moi... N'était-ce pas un peu contradictoire?  Il me semblait que la décision qu'il avait prise était insensée. En terme de temps, plus de protégés risquaient de mourir que s'il avait opté pour la guérison angélique assistée...

- Je comprends... mais pendant ce temps... qui s'occupe de tes protégés...?

Je ne le regardais pas, continuellement affairée à délicatement laver ses mains de tout le sang qui les souillaient.

- Pardonne-moi... mais je n'aime pas te savoir souffrant... tu es bon, tu ne mérites pas de subir tout ça... Une guérison angélique aurait été appropriée je pense... J'aimerais tant le posséder, ce pouvoir de te guérir... ce pouvoir d'être capable de te venir en aide... À quoi bon ressentir ces impressions dont je t'ai précédemment parlé si je ne peux rien faire pour t'aider...? J'arrive toujours quand il est trop tard, quand le mal est déjà fait... Je suis désolée...

Je le caressais doucement à la main, profondément attristée par cette malheureuse situation. Quand je voulus savoir si cette souffrance était également partagée par son hôte, Manakel me fit une réponse qui me troubla quelque peu.  À ce moment j'eu le désir de rentrer sous terre pour avoir osé demander pareille information. Tout ce que je pus faire, suite à cela, fut de bafouiller d'inaudibles et maladroites excuses, mon regard obstinément dirigé sur sa main gauche que je terminais de nettoyer.  Ainsi le sujet fut clos. C'est ce moment que choisit Ayanna pour manifester sa présence. Jouet en gueule, elle semblait rassurée par ce qui se passait. Cela fit sourire Manakel qui affirma être, pour la toute première fois depuis son arrivée sur Terre, en présence d'un animal domestique.

J'eus envie de le questionner à ce sujet mais je ne le fis point. Son rejet par rapport à ma question précédente me bloquait. Comme j'avais peur d'en subir un autre je m'abstins de le faire, me contentant de sourire faiblement à cette affirmation. Quand Manakel me parla du caractère de sa chienne, j'ouvris enfin les lèvres :

- C'est vrai qu'elle est gentille...

Mon attention se porta sur Ayanna qui s'amusait avec un jouet bruyant. La voir à nouveau enjouée me rassura. On disait souvent que les chiens avaient un sens que les humains ne possédaient pas. Si elle était maintenant d'humeur à jouer alors cela signifiait qu'elle sentait que Manakel était hors de danger. Elle était, en quelque sorte, un baromètre canin mesurant l'état de santé mentale et physique des gens... et des anges.

- Elle te sent hors de danger je crois...

Lâchant la main de Manakel, je me remis sur pieds tandis qu'il me remerciait d'être venue.

- Ce n'est rien... heureusement qu'Ayanna était là...

C'était, à ma façon, une manière de lui faire une petite remontrance parce qu'il n'avait pas osé me faire venir de lui-même. Il avait fallu qu'un chien en prenne la décision pour que je me retrouve à ses côtés.

- Je reviens...

J'allais vider le bol d'eau souillée dans l'évier et me laver les mains avant de revenir auprès de mon ange. Cette fois-ci je pris la décision de m'asseoir à ses côté plutôt que de me repositionner à genoux sur le plancher. Ainsi je pus prendre sa main entre les miennes et continuer de le caresser tendrement afin de favoriser sa détente.

- J'aimerais savoir une chose... une seule... Ensuite je me tais et je te laisse tranquille, promis...

Ça me coûtait de ramener ce sujet sur le tapis, surtout que Manakel commençait vraiment à se sentir mieux... mais c'était plus fort que moi, je devais savoir...

- Est-ce que cet ange risque de revenir pour se venger...?

Je m'en voulais de lui poser cette question, moi qui souhaitais ne pas le faire parler. Je me morigénais pour cette attitude égoïste... mais j'aimais Manakel, il me fallait absolument le savoir en sécurité...

Après être allée ranger les choses qui ne m'étaient plus utiles pour soigner Manakel, j'étais revenue auprès de lui mais cette fois-ci j'avais décidé de m'asseoir sur le canapé, tout juste à ses côtés. Cette position m'apaisait puisque je pouvais tranquillement caresser mon ange tandis qu'il guérissait tout doucement.   Je tenais absolument à ce qu'il se sente calme et confortable puisque cela favorisait un état de détente qui ne pouvait qu'être bénéfique à sa guérison.  J'avais vu sa plaie au ventre comme j'avais pu constater à quel point sa blessure était grave. J'avais également vu l'urgence qu'elle soit pansée, soignée, effacée. Mes gestes simples étaient parvenus à enrayer l'hémorragie mais ils ne possédaient pas un pouvoir de cicatrisation. Ce boulot, c'était Manakel qui allait devoir le faire mais pour cela il devait récupérer et retrouver un minimum de forces pour pouvoir y parvenir. C'était pourquoi je me faisais un devoir de le tenir calme et immobile afin que toutes les chances soient de son côté. J'ignorais de quelle manière, précisément, la magie opérait mais je me doutais bien qu'elle ne pouvait avoir lieu qu'en des conditions optimales, ce qui n'était pas le cas depuis mon arrivée. Cependant, j'avais noté un mince progrès à propos de l'état dans lequel se trouvait Manakel. Il me semblait mieux portant qu'à mon arrivée, ce qui me laissait croire qu'il allait bientôt être capable de réparer le mal que cet ange maudit lui avait causé. En attendant, je m'évertuais à propager des ondes de douceur sur son corps pour lui montrer que j'étais là pour lui mais également pour lui faire comprendre que tout irait bien.

Comme je ne souhaitais pas le voir faire d'efforts, je limitais les discours dans le but de l'empêcher de trop parler, ce qui aurait pu faire remuer son ventre et causer un surplus inutile de douleurs. Ainsi, lorsque Manakel revint sur le sujet que j'avais osé en parlant de son hôte afin de s'excuser de sa réaction, je ne fis que lui souffler un long et doux "chuuuuutt", tout en le caressant tendrement au visage. En toute délicatesse, je m'étais un peu plus collée à lui. Ma tête reposait près de la sienne tandis que mes bras enlaçaient le sien, tout en trouvant le moyen de distribuer de délicates petites attentions sur son corps. Même si je restais passablement inquiète, je me sentais plus en confiance qu'à mon arrivée. Manakel allait bientôt guérir, j'en étais convaincue.

Toutefois, malgré cette nouvelle confiance qui grandissait de secondes en secondes, un tourment non négligeable continuait d'accaparer mon esprit. Je craignais que l'ange qui avait blessé Manakel revienne chercher vengeance. Quand je lui en fis part, Manakel dut m'avouer qu'il ignorait si cela allait se produire. Je n'aimais pas cette réponse qui laissait présager qu'un nouveau malheur pouvait se répéter. Je ne doutais pas des capacités de combat de Manakel, loin de là, mais je ne doutais pas non plus qu'un ange mauvais et déchainé devait être très menaçant pour sa sécurité. Il me semblait que tout ce qui touchait de loin ou de près à Lucifer était doté d'une force sombre et puissante difficile à renverser.

- Alors soit prudent je t'en supplie...

Manakel était bon et ne souhaitait que la paix. Je comprenais sa démarche et son insistance de tenter de ramener un frère égaré mais il y avait des limites à ne pas franchir et visiblement c'était ce qu'il avait fait en tentant de le raisonner.

- Les forces du mal son très puissantes...  Je ne comprends pas comment des anges peuvent ainsi changer de camp. Qu'est-ce qui peut bien les attirer à vouloir faire le mal, alors qu'au départ ils sont nés pour répandre le bien autour d'eux...?

Ces subtilités m'échappaient mais il fallait dire que je n'en connaissais pas un rayon sur la motivation des anges et sur la manière dont Lucifer procédait pour grossir ses rangs.

- Ce qu'il faudrait à cette Terre, c'est une armée de Manakel... si c'était faisable, tout le monde se porterait bien mieux...

J'en étais d'ailleurs la preuve vivante. Mon ange avait tant fait pour moi que jamais je ne pourrais suffisamment le remercier.

- Parlant de se porter mieux, dis-moi comment tu te sens...? Tu crois que ça va aller...?

Je parlais beaucoup, oui, mais toutes ces phrases avaient été lâchées avec douceur et calme, soufflées d'une voix lente et basse pour favoriser et entretenir une ambiance apaisante et dépourvue de tout stress.

- Je crois que tu ne saignes plus...

J'avais délicatement relevé le chandail de Manakel afin d'inspecter l'énorme pansement que j'avais fait tenir en place. Il ne paraissait plus s'imbiber de sang, signe que la pression faite à son ventre était bien dosée.

- Repose-toi, je reste près de toi. Je ne te lâche pas...

Toujours collée à mon ange, je multipliais les douces attentions à son égard, toujours dans le but d'entretenir cette belle douceur qui caractérisait notre relation.

Mon existence diffusait depuis son commencement un souhait qui n'allait certainement jamais s'éteindre, car je n'étais pas près de m'en détourner. Seul la paix m'intéressait, ma conscience n'appréciant pas l'idée de voir toute vie bercée uniquement par la violence sous toutes ses formes. Je militais pour cela, une sorte d'idéal bénéfique que j'espérais pouvoir un jour trouver, même si je savais bien que je ne pourrais jamais profiter d'une telle chose, en tout cas pas à l'identique. La nature de toute vie était nuancée, car même le plus saint des esprits pouvait céder à une certaine violence autant morale que physique, mais j'espérais au fond de moi pouvoir résoudre les gros problèmes de l'existence. Je ne parlais pas là des petits tracas capables de secouer n'importe qui, mais des gros conflits, des dangers capables de menacer de nombreuses vies uniquement à cause d'une certaine colère, une haine forte et terriblement dangereuse. Ce n'était qu'un souhait, et j'espérais apporter par mes soins une certaine pierre à un semblant d'édifice stable, même si parfois mon souhait pouvoir me mettre en danger. C'était parce que je détestais la violence que j'avais souhaité raisonner l'ange à l'origine de ma blessure. Je voulais tenter de le convaincre que le fait de se détourner du droit chemin était une erreur, histoire de chercher à le récupérer dans les rangs des anges bénéfiques, mais l'ange avait refusé de m'écouter. Restant sourd face à mes dires, le combat avait alors éclaté. Mes souhaits de paix m'avaient mis dans cet état, un fait incroyable à admettre mais pourtant véridique malheureusement.  

Les attentions de Jessica me faisaient beaucoup de bien et me permettaient de percevoir cette épreuve comme moins douloureuse qu'elle ne l'était. Au départ, avant qu'Ayanna n'aille délibérément la chercher, j'avais refusé sa présence, mais l'intelligente chienne avait au final eu raison de faire ce qu'elle avait fait. La présence de Jessica était exactement ce dont j'avais besoin pour me remettre de ma blessure. Je ne pouvais pas rêver d'une meilleure compagnie qu'elle pour être parfaitement honnête, même si je n'aimais pas l'idée de ne pas la rassurer avec les réponses que je fournissais à ses questions. Ainsi, lorsque Jessica avait exprimé sa crainte de voir l'ange revenir pour se venger, je lui avais dit que je ne avais pas s'il pouvait le faire ou non. J'aurais aimé lui dire que ce n'était pas le cas, mais je ne pouvais pas lui mentir à ce sujet uniquement pour lui offrir ce qu'elle souhaitait entendre. Cela aurait été idiot...même si je n'aimais pas le fait de l'inquiéter.  

- Je serai prudent, ne t'en fais pas...

Par la suite vint le sujet des forces du mal si attirantes pour des anges. Ce n'était pas facile de parler de cela, mais je le fis quand même.

- Il y a certains arguments qui peuvent se révéler très séduisants pour certains quand une force malsaine promet à une conscience bénéfique de ressentir un sentiment profond de liberté ou même de disposer d'un certain pouvoir, une sorte de domination que le bien n'offre pas forcément. Je ne sais pas exactement ce qui peut inciter certains de mes frères et sœurs à opter pour le mal plutôt que le bien, mais peut-être est-ce à cause d'arguments justement trouvés et fortement convaincants... Pour ma part, ce genre de chose m'intéresse pas. Je désire la paix...j'ai toujours voulu la paix, et Lucifer ne promet que des destructions en tout genre, alors il est hors de question que je m'allie à ce genre de projet.

Même dans cet état j'arrivais à renfoncer mes engagements, ce qui était une prouesse phénoménale, mais peut-être était-ce justement le signe que je me sentais petit à petit mieux, hypothèse qui faisait l'objet d'une nouvelle question de Jessica.

- Je crois que c'est en train de passer petit à petit...la douleur laisse sa place à l'apaisement.

Elle le faisait encore plus avec ce sang qui ne semblait plus couler et la présence de Jessica qui me permettait de me calmer.

Depuis sa venue, tout était plutôt centré sur moi et mon état assez désastreux, mais  j'avais envie de changer de cible et que cela concerne plus Jessica. C'était à mon tour de lui poser des questions.

- Dis-moi comment tu vas...s'il te plait... dis-je au début avant d'ajouter finalement ceci :Tu étais inquiète pour Logan la dernière fois qu'on s'est parlés. Est-ce que cela s'est arrangé ?

J'espérais entendre du positif dans ses dires...

Manakel et moi discutions tranquillement tandis que celui-ci reprenait des forces. Je n'osais pas trop m'adresser à lui par peur de provoquer certaines souffrances en le forçant à me répondre mais au fil du temps, je constatais avec soulagement que mon ange se portait mieux et qu'il était en mesure d'entretenir une conversation lente et calme. Les sujets que nous abordions avaient, je l'espérais, le pouvoir de lui changer un tout petit peu les idées et de les diriger ailleurs que sur sa blessure.  Je me demandais souvent comment cette dernière se portait vu la gravité qui la caractérisait mais j'avais bon espoir qu'elle allait vite guérir puisqu'elle ne paraissait plus vraiment saigner.  En silence, je priais pour que très bientôt mon ange puisse se servir de son don afin de la faire disparaitre de façon définitive. En attendant, nous parlions à voix basse, blottis l'un contre l'autre à se caresser mutuellement dans une douceur qui me berçait doucement.

Suite à mon interrogation, Manakel m'expliquait patiemment pourquoi certains de ses frères et soeurs passaient du côté obscur. Ses mots m'effrayaient car si une entité parvenait à convaincre des anges de passer du côté obscur, c'était qu'elle était beaucoup plus puissante que ce que je croyais au départ. Les anges naissaient pour faire le bien, celui ou celle qui parvenait à les faire changer d'avis détenait un pouvoir incroyable et des arguments en béton... ou bien il était un beau parleur capable de trop belles promesses.

- C'est triste... Si seulement Lucifer pouvait disparaitre... il me semble que tout le monde se porterait bien mieux... et il n'y aurait plus de blessures et de bagarres comme ce qui t'est arrivé. Tu ne méritais pas ça... tu es si bon et si doux...

Je poursuivais mes caresses, triste et inquiète. Je détestais savoir qu'un ange avait fait du mal à Manakel alors que celui-ci n'avait voulu que discuter. J'espérais de tout mon coeur qu'il se porte mieux le plus rapidement possible.

À ma très grande surprise, la conversation s'orienta tout à coup sur Logan et moi. Manakel se demandait comment j'allais et si tout s'était arrangé avec Logan. Un demi sourire s'afficha sur mes lèvres. Mon ange était incapable de ne pas s 'en faire pour moi.

- Ça n'a pas été facile, pour tout t'avouer...

Ma mine était soudainement devenue triste et pendant quelques secondes, mon esprit s'était égaré, sans doute à la recherche de souvenirs à ce sujet.

- C'était dur... c'était...

Je ne parlais plus, par peur de flancher. Il me fallait un peu de temps pour reprendre sur moi-même et tout raconter à Manakel.

- J'ai dû le bousculer verbalement pour le faire réagir... ce qui a provoqué une réaction plutôt inattendue de sa part. Alors que je croyais être en mesure d'entamer une discussion avec lui, il s'est sauvé pour s'enfermer dans la salle de bain... J'ai eu peur qu'il commette l'irréparable... Pour être honnête, j'ai bien failli t'appeler...

Je ne pleurais pas mais ma voix était marquée par l'émotion. N'importe qui était capable de voir à quel point cette épreuve m'avait affectée.

- Même si ça va mieux, je n'arrive pas à me pardonner ce que j'ai fait ni ce que je lui ai fait subir. Je lui ai montré un côté de moi qu'il ne connaissait pas. Un côté violent, horrible, sombre... un côté de moi qui l'a blessé, qui l'a bouleversé...

Je fis une petite pause avant d'ajouter :

- Je ne veux plus jamais vivre ça. Jamais!

Malheureusement, ce n'était pas terminé.

- Depuis ce temps, Logan ne cesse pas de travailler. Il cherche constamment à s'occuper l'esprit, il ne tolère pas de rester sans rien faire... Il passe beaucoup de temps avec son ami William, il ne tient pas en place... Alors je suis encore inquiète... Il se surmène... sans doute pour effacer les horreurs que j'ai fait resurgir dans sa tête.  Je le sais, je le sens... je le vois... et je sais que ça ne va pas.

Cette terrible conclusion m'horrifiait, nul besoin de le préciser.

J'éprouvais de la gêne à parler de mes soucis personnels à Manakel, surtout lorsqu'on tenait compte de la condition dans laquelle il se trouvait, c'est-à-dire gravement blessé et souffrant, mais puisqu'il me l'avait lui-même demandé et que je savais parfaitement qu'il était sincèrement concerné par ce qui m'arrivait, j'avais pris le temps de lui répondre en lui racontant les derniers événements. Je savais que mon ange allait pouvoir me conseiller et, à quelque part, j'espérais secrètement que le fait d'orienter la conversation sur autre chose que sa blessure allait avoir le mérite de lui changer un peu les idées et de chasser un brin de sa souffrance.

Après avoir raconté comment j'avais volontairement brusqué mon amoureux afin de détruire le blocage émotionnel dans lequel il s'était enfermé depuis la seconde agression de Kierkan, Manakel me fit part de sa compréhension des faits et ce, tout en tenant délicatement l'une de mes mains. La chaleur de son contact m'incita à me rapprocher de lui même si j'étais déjà considérablement collée contre son corps. Avec beaucoup d'attention, j'enregistrais chaque information, la pesait, la sous-pesait pour ensuite en venir à la même conclusion que mon ange. J'étais d'accord sur toute la ligne; à sa manière, mon amoureux tentait de retrouver une sorte d'équilibre mais il n'agissait pas nécessairement de la bonne façon. Les maladresses dont Manakel parlait étaient présentes et nourrissaient de plus en plus cette inquiétude que je cultivais depuis le jour du "déblocage".

- J'ai tendance à croire que ce qui se produit est effectivement de ma faute car si je n'avais pas provoqué ce déblocage émotionnel, rien de tout ceci ne serait à se produire actuellement... sauf que je n'ose imaginer dans quel état serait Logan si je ne lui avais pas donné un petit coup de pouce. Sincèrement, jamais je n'aurais pu prédire ce qui allait se passer par la suite. Je croyais bien faire en l'aidant à s'extirper de cet état mais en le faisant, j'en ai provoqué un autre... qui n'est guère mieux.  Tu ne saurais mieux dire en affirmant que le fait de s'arrêter de vivre est une façon de laisser Kierkan gagner... seulement là, c'est trop... mais je t'en supplie, ne soit pas désolé de m'avoir poussée à agir de cette manière avec lui, il le fallait. Si je ne l'avais pas fait, qui sait ce qui aurait pu arriver? Peut-être que je n'aurais plus jamais eu la chance de retrouver l'homme qu'il était lorsque je l'ai rencontré...

Un bref soupire s'échappa d'entre mes lèvres, tandis que je caressais à mon tour la main de mon ange.

- Je sais qu'il m'aime... et moi aussi je l'aime... je l'aime tellement fort... Je veux que tout s'arrange, je le veux...

Il y avait tant de projets que je souhaitais accomplir avec Logan, tant de rêves à réaliser...

- Tu sais, il y a quelque mois, nous avons pris la décision d'avoir un enfant... mais je crois que ça ne se produira jamais...

Pourquoi? J'avais mes explications.

- Je pense que mon corps refuse de coopérer. Il y a trop de stress dans nos vies. Trop d'incidents, de mésaventures... Je voudrais juste... que ça cesse. Je voudrais simplement être capable de mener une vie normale remplie d'amour et de paix et pourquoi pas... pourquoi pas me marier? J'aimerais ça, me marier. Me marier et fonder une famille... Mais est-ce seulement raisonnable lorsqu'on regarde le monde dans lequel on vit? C'est un monde bourré de dangers, de créatures méchantes et de démons. Un monde violent, hostile... non compatible avec la vie que je rêve d'avoir. De nos jours, donner naissance à un enfant c'est comme placer une épée de Damoclès au-dessus de sa tête dès son premier souffle.

Voilà un discourt qui était pessimiste, sombre et très négatif.

- Finalement c'est peut-être une bonne chose que je sois incapable de sentir grouiller cette vie en moi...

Je me tus, ne souhaitant pas planter une ambiance lourde autour de nous. Je devais impérativement reprendre sur moi.

- Excuse-moi, tu n'as pas à subir tout ce qui me passe par la tête. Dis-moi, Manakel, comment te sens-tu? Est-ce que tu prends du mieux?

Mon regard se porta dans le sien en même temps que je lui faisais une douce caresse au visage. J'étais inquiète pour mon ange. J'avais hâte qu'il retrouve des forces pour se guérir et ainsi faire disparaitre cette plaie béante qu'il avait au ventre.

Même si ma position était loin d'être confortable, cela ne m'empêchait pas d'être inquiet pour Jessica, surtout à la vue des souvenirs que je conservais de notre dernière rencontre, et cette souffrance que j'avais pu percevoir en elle, un mal que j'aurais aimé qu'elle ne ressente pas, mais je ne pouvais malheureusement pas protéger ma belle mission personnelle de tout le mal que pouvait engendrer l'existence, même si j'en avais profondément envie. Jessica n'avait pas vécu des moments bien joyeux ces derniers temps, et tout ceci l'avait fait profondément souffrir, je le savais...raison pour laquelle j'avais orienté notre conversation sur elle. J'avais besoin de savoir comment elle se sentait, si sa situation évoluait positivement ou non, et si par hasard elle n'avait pas besoin de me parler de quelque chose pour, peut-être, lui venir en aide. C'était un besoin vital que je souhaitais à tout prix combler, me souciant réellement du bien-être de celle que j'avais choisi volontairement de protéger...et petit à petit d'aimer.

Ainsi, je lui avais fait part de mon point de vue concernant l'état de Logan, en lui confiant que je croyais qu'il cherchait à retrouver une sorte d'équilibre, celui que Kierkan lui avait fait perdre, mais que sa conscience lui envoyait des réflexes erronées par ignorance de l'agissement parfait. Pour moi, je ne pensais pas que Jessica était responsable de l'état de l'homme qu'elle aimait. Le véritable fautif dans tout cela n'était autre que Kierkan et personne d'autre que lui. Pourtant, la belle humaine semblait vraiment convaincue de sa responsabilité. Je n'aimais pas le fait qu'elle puisse penser ainsi...mais mon avis ne semblait pas suffisant pour qu'elle change le sien. La seule chose qu'il fallait garder à l'esprit, pour moi, était le fait que Logan et Jessica s'aimaient, profondément, d'un amour qui ne semblait pas proche de l'extinction et qui d'ailleurs n'allait sans doute pas atteindre ce stade. Cet amour les sauvait toujours, et cela allait être le cas pour le déséquilibre dont Logan était actuellement victime. C'était un obstacle, mais ils allaient le surmonter...je le savais.

- Je souhaite réellement que tout s'arrange. Je le veux pour vous deux.

Et mon souhait était sincère...

Par la suite, Jessica se lança dans un discours qui me toucha, tant par la sincérité des projets qu'elle souhaitait accomplir que par la tristesse qu'ils lui inspiraient, justement parce que ces rêves ne semblaient pas près de se réaliser selon elle. Je la caressais, pendant toute la durée de son discours, pour montrer que j'étais là pour elle et que je l'écoutais, du début jusqu'à la fin. Même si elle s'excusait, souhaitant me remettre au centre de la conversation, je me permis de lui dire quelque chose.

- Dans ces cas où tu penses perdre espoir et croire que rien ne va s'arranger, j'aimerais que tu penses à une chose. L'espoir est une lumière dans une existence, une lumière qui ne s'éteint pas mais que parfois notre conscience a du mal à contempler mais il ne faut pas la perdre de vue. Quand tu ne sais pas où il se trouve, pense à une chose qui le représente. Cela peut être un sentiment...une personne, ou même les deux à la fois. Quand on pense que les temps sont dures, il faut trouver la pensée qui ne le sera jamais...

Une fois mon discours achevé, je me mis enfin à répondre à l'interrogation initiale de Jessica, qui concernait mon état.

- Je me sens progressivement mieux, je le sens sincèrement. Peut-être que si...

J'osais mettre ma main sur ma blessure, et une lumière s'échappa petit à petit d'elle. La guérison avait enfin lieu...enfin...et cela semblait d'ailleurs bien réjouir Ayanna qui sautait partout.

- Enfin je vais dire adieu à cette plaie...

Aurais-je du dire "Dieu soit loué" ? Non je n'étais pas allé jusqu'à cet éternel cliché.

- Merci Jessica, de m'avoir aidé, sincèrement. lui dis-je, parce que j'y tenais, et qu'elle méritait d'être remerciée. Peut-être que la guérison aurait été plus longue sans elle.

Je trouvais Manakel fort et courageux, de combattre la douleur et la souffrance que devait dégager sa terrible blessure. En temps normal, il aurait dû demeurer sagement assis sans bouger ni parler mais je savais qu'il n'allait pas le faire parce que même anéantit, il continuait de s'en faire pour moi. À mon arrivée, j'avais fait attention de ne pas engager de trop lourde conversation afin d'économiser ses forces mais cela n'avait pas duré; au fil du temps celle-ci s'était animée et maintenant elle allait bon train, était presque aussi fluide que lors de nos rencontres hasardeuses ou préméditées. Secrètement, je priais pour que notre discussion puisse détenir le pouvoir de diriger les pensées de mon ange ailleurs que sur sa plaie même si je n'aimais pas l'inquiéter avec mes problèmes personnels. Manakel avait toujours été de bon conseil et comme il m'avait énormément aidée au cours des dernières semaines à propos mes inquiétudes pour Logan, je n'étais pas étonnée qu'il se renseigne. Je savais qu'il souhaitait de tout son coeur et de toute son âme que tout finisse par s'arranger pour nous deux. Malheureusement, ce n'était pas encore tout à fait le cas. J'avais mon lot de tracas au sujet de mon amoureux et j'en fis part à Manakel qui se mit à me parler de l'espoir et de quoi faire pour ne jamais le perdre de vue. Ses mots me touchèrent avec force et je sus immédiatement à quoi m'accrocher si jamais j'en venais à penser le perdre.

- Je m'accroche à toi, Manakel... L'espoir, c'est toi... C'est toi ma lumière qui ne s'éteint jamais... et je ne veux jamais, jamais te perdre... Merci de toujours être là pour moi... Merci pour tout ce que tu fais pour Logan et moi...

Je le caressais avec énormément de tendresse. J'effleurais son visage, ses mains. Je glissais mes doigts dans ses cheveux, encore et encore, avec toute la douceur dont j'étais capable.

- Je déteste te savoir souffrant... J'aimerais tant pouvoir t'aider comme toi tu le fais avec moi...

Fort heureusement, Manakel se sentait mieux, suffisamment, même, pour qu'il tente de se guérir lui-même.

- Tu le crois?

Il ne me répondit pas, déposa sa main sur sa blessure et fit apparaitre cette douce lumière annonciatrice d'une guérison imminente. Tandis qu'il se concentrait à se soigner, je lui soufflais de doux "chuuutt" tout en ne cessant pas de le caresser à sa joue. Quand Ayanna se mit à sautiller de joie et que mon ange m'annonça qu'il allait enfin dire adieux à sa plaie, je me remis à respirer normalement, intensément soulagée.

- Enfin... j'ai eu si peur...

Manakel me remerciait mais il n'avait absolument pas besoin de le faire.

- Je n'ai rien fait... Tu n'as pas à me remercier... c'est plutôt à moi de le faire... car tu es toujours avec moi... j'ai eu très peur de te perdre, Manakel... vraiment très très peur...

Maintenant que tout semblait terminé, une certaine pression retombait, une pression que dont je n'avais pas réalisé l'ampleur avant que je la sente disparaitre pour de bon. J'avais réellement eu peur pour mon ange et cette guérison miraculeuse provoquait un flot de larmes silencieuse qui se bousculaient à mes yeux pour s'échapper. Ainsi, je pleurais abondamment sans émettre le moindre son, submergée par un paquet d'émotions que je n'arrivais plus à contrôler.

- Je suis désolée... pardon, pardon, pardon...

Je pleurais, à la fois soulagée et heureuse.

- Je t'aime si fort... et j'ai eu si peur...

Je restais blottie contre Manakel, mes mains solidement accrochées à ses vêtements. Même Ayanna avait sauté sur le canapé pour se blottir contre lui. Elle lui avait tout d'abord léché le visage avant de se coucher à ses côtés, sa tête sur ses cuisses. Je la sentais soulagée, elle aussi.  Ma main se déposa sur sa tête pour la caresser avec tendresse.

- Ça va aller, Ayanna... et surtout, continues de venir me le dire, quand ce coquin de Manakel se replie sur lui-même, okay?

Comme si elle me comprenait, elle me fit un petit couinement très drôle qui me fit échapper un rire sincère malgré mes larmes. Sans bouger de position, je poursuivis mes petites attentions, encore et toujours nichée contre mon ange.

FIN DU RP
Je t'aime mon amour à moi ♥