VI.06 ¤ Frantic Drawing

Asaliah ne dormait pas à l’instar des siens mais elle savait que certains d’entre eux provoquaient cet état de leur vaisseau et du cerveau par plaisir et non pas nécessité. Ne plus être conscient de son environnement par divertissement était à son sens une attitude un peu trop humaine. C’était comme le fait de boire de l’alcool pour être ivre ou de se droguer pour échapper "à la dure réalité de ce monde". Ceci dit, ça devait être désagréable d’être humain, d’avoir froid, d’avoir faim au moins trois fois par jour et de devoir aller aux toilettes pour y faire des choses que l’ange qualifiait aisément d’anti-charisme. Les mortels avaient des instinct d’animaux mais l’ancienne chef de garnison ne pouvait pas "leur jeter la première pierre" même si techniquement c’était Dawn qui l’avait embrassée et qu’officiellement l’ange ne l’avait pas repoussée uniquement pour servir la cause du Paradis. Elle n’avait pas non plus de désir pour Gadreel qui jouait toujours le rôle de son mari parce que les autres anges se considéraient comme des frères et des sœurs et qu’un frère ne couchait pas avec sa sœur. C’était mal. C’était peut-être vraiment pour cette raison qu’Asaliah détestait les démons en fin de compte, parce qu’ils pouvaient faire ce qu’ils voulaient, parce qu’ils n’avaient pas de conscience ni de règlement moral. Dans les faits, l’Enfer ne faisait pas subir de sévices sexuels aux âmes de enfants qui y étaient précipitées mais il ne devait pas y en avoir tant que ça. Il fallait vraiment y mettre du sien pour être corrompu par le mal durant "l’âge d’or".

"Bonjour Logan, tu te lèves de bonne heure."

Asaliah avait vécu une aventure épique avec la créature et elle avait eu envie de lui rendre visite pour prendre de ses nouvelles avant de se rendre compte que le soleil venait à peine de réapparaître à l’horizon, de se lever pour l’exprimer d’une façon poétique. La rosée du matin accueillait l’ange, humidifiant légèrement sa longue robe bleu ciel avec des petits motifs de nuages blancs. Quand elle se déplaçait, le tissu ondulait et on avait l’impression que les nuages se déplaçaient dans un ciel estival. C’était une jolie tenue d’été qui la changeait de son uniforme. L’ange aurait sans doute rebroussé alors chemin si elle n’avait pas aperçu Logan assis sur le perron, en train de dessiner mais son sourire disparaissait au fur et à mesure qu’elle s’approchait.

"Logan ?"

Asaliah fronçait les sourcils en se rendant compte que Logan ne s’était visiblement pas levé de bonne heure dans le sens où il était assez chiffonné pour ne pas s’être couché du tout cette nuit. L’homme était dans un état second et noircissait de dessins un carnet depuis un bon moment.

"Logan ..."

L’ancienne chef de garnison éprouvait de l’affection pour la créature, pour ne pas dire de l’amitié, ce qui était plutôt exceptionnel chez elle. Prenant place sur le banc à coté de lui et assez près pour que leur cuisse se touche, l’ange tendait la main et la passait amicalement autour de l’épaule de l’homme avant de déposer un bisou amical sur sa joue barbue même si elle préférait les joues glabres mais c’était pour aider Logan.

"Reviens Logan, j’ai les mêmes à la maison."

Un peu d’humour pourrait ramener la créature sur terre, de toute façon la méthode douce était la seule solution, le brusquer pouvant soit le tuer, soit le faire se transformer, ce qui amènerait l’ange à se défendre et de fait à tuer Logan. Etant donné que ça ne marchait pas tout de suite, Asaliah y voyait là une bonne occasion de faire une des choses qu’elle appréciait le plus : S’écouter parler. Il lui semblait qu’elle en avait bien pour un petit quart d’heure avant qu’il "émerge" alors elle se "lâchait" :

"Je venais voir comment tu allais et visiblement j’ai bien fait de passer puis c’était ça ou voir Gadreel se balader torse nu. Ca n’est pas moral de se déplacer ainsi devant son épouse, parce que je joue le rôle de sa femme pour les besoins d’une mission de longue haleine. Gadreel est aussi un ange, si tu voyais son corps tout boursoufflé de muscles, ce n’est pas moral de se balader comme ça parce que dans les faits, on n’est pas mariés. C’est comme si je me baladais en nuisette à la maison. Alors tu vas me demander si je me balade en nuisette à la maison et la réponse est oui mais moi c’est différent parce que je ne montre que mes jambes et qu’elles sont jolies, mes jambes alors que son corps de bodybuildé, je peux t’assurer que je ne bavais pas, j’humidifiais ma bouche parce que je dois beaucoup parler dans mon travail officiel de commercial humaine et que c’est mieux d’avoir une bouche bien humidifiée … Et ça fait combien de temps que tu es redevenu lucide ?"

L’ange ne s’était pas aperçue que Logan avait cessé de dessiner pendant qu’elle lui parlait, Dieu et lui seuls savaient quelles paroles il avait perçues. Elle rosissait légèrement avant d’éluder tactiquement cet aparté pour se concentrer sur le problème d’état second que la créature venait de subir :

"Je venais prendre de tes nouvelles quand je t’ai vu dans cet état second alors je t’ai dit plein de bêtises pour t’en faire sortir sans te brusquer. C’est la première fois que ça t’arrive ? Je peux t’aider d’une quelconque façon ?"

Elle se demandait s’il voudrait lui montrer ses dessins dont la nature pourrait expliquer au moins en partie son état second mais c’était à Logan de décider s’il voulait de son aide.

Logan était toujours en état second même s’il avait cessé de dessiner et Asaliah ne savait pas si elle devait s’en réjouir ou non mais du point de vue de l’homme, c’était plutôt en soi une mauvaise nouvelle qu’il n’ait pas retrouvé sa lucidité. L’ange n’avait pas regardé les dessins même si elle était très curieuse et le carnet était fermé. De plus Logan parlait ensuite mais ça n’avait pas l’air d’être lui qui s’exprimait, comme s’il était en proie à un dédoublement de personnalité. Ca lui faisait un peu penser au film "Split". Observer les humains passait aussi par s’interesser à leurs œuvres même s’il y en avait tellement que l’ancienne chef de garnison ne regardait que les bons films, plus quelques "navets" amusants tel que "la cité des anges".

"Ce que tu dis ne plaide pas en ta faveur mais il ne faut pas se fier aux apparences. Ne me dis pas qui tu es. Je vais trouver."

Répondait-elle avec son air concentré - qui lui valait de froncer fortement les sourcils - quand l’inconnu assurait que Logan lui avait fait trop confiance, qu’il lui avait laissé trop le champ libre et que c’était allé trop loin. L’autre lui assurait ensuite que Logan n’assumerait pas ce qu’il avait dessiné et Asaliah préférait focaliser sur ce point pour le moment plutôt que sur le potentiel insoupçonné de son don. Elle allait parler mais l’inconnu disait encore quelques mots qui l’étonnaient mais commençaient aussi à lui mettre la puce à l’oreille.

"Je l’aiderai à assumer son don parce que Logan est mon ami."

L’ange de première génération était surprise par ses propres paroles mais c’était pourtant vrai qu’elle aimait bien la créature. C’était bien la première fois qu’elle ressentait ça pour ce qu’on qualifiait de "monstres".

"Tes propos sont étranges, tu as l’air de tenir à lui. J’ai l’impression que tu es son Jiminy Cricket, sa conscience."

C’était peut-être ça, ou pas mais il y avait plus important.

"Ne me dis pas des choses que je ne suis pas censée savoir, ça sera à Logan de mes les dire ou non. Tu pourrais peut-être le ramener par paliers pour lui éviter de paniquer, un peu comme comme un plongeur sous-marin remontant des profondeurs. Je m’occuperais du reste."

Asaliah serait-elle capable de rassurer quelqu’un ? Ca serait une première mais une chose était sure, elle aurait pu découvrir des secrets embarrassants en interrogeant ce qu’elle soupçonnait être sa conscience mais le fait de refouler ainsi sa nature curieuse était un signe évident de respect pour Logan. Ca aussi, c’était inédit !

Asaliah était venue voir Logan de bon matin afin de prendre de ses nouvelles et elle l’avait trouvé en train de dessiner dans un état second. La créature n’avait pas conscience de ses actes et l’ange avait eu une étrange et brève discussion avec une partie de sa conscience, ce qui n’était pas anodin même pour une créature céleste. Il émanait de cet homme une sorte d’aura de mystère, c’était comme s’il avait des secrets et que ses secrets avaient eux-mêmes des secrets. C’était comme s’il était un espion, voire même un agent double durant "l’âge d’or" des espions, c’est-à-dire pendant la guerre dite froide entre l’Amérique et l’Union Soviétique. Tout ceci étant au demeurant hors sujet, Asaliah en revenait au sujet lui-même. Elle ne devinait pas que Logan se croyait seul dans le sens où ça induirait qu’il se parlait à lui-même or il n’avait vraiment pas l’âge pour radoter mais peut-être des antécédents psychiatriques. L’ange le voyait perdu, déboussolé aussi le touchait-elle à la nuque pour lui communiquer une forme de chaleur et ainsi apaiser son esprit.

"Logan, c’est Asaliah. Tu étais en état second mais c’est passé. Decontracte-toi, ça va aller."

Lui disait-elle amicalement avant d’enchaîner en désignant le carnet :

"Tu as rempli ce carnet de dessins et il est possible que les voir ne te fasse ps spécialement plaisir alors je pourrais les regarder si tu veux. Comme ça, je te dirais si tu peux les voir à ton tour, du moins pourrais-je t’y préparer psychologiquement si tu veux."

Il était fort possible que Logan refuse de lui montrer ses dessins et de fait Asaliah ne pourrait pas l’aider dans le sens où la clef de cette énigme se situait probablement et même certainement, voire même sans le moindre doute selon l’ange dans ce carnet rempli de dessins. Il était également fort possible à tout le moins que la créature ne veuille pas de son aide et dans ce cas Asaliah respecterait son choix. L’ange se lèverait, elle saluerait amicalement Logan avant de partir d’un battement d’ailes, ne le revoyant que lorsqu’il serait prêt à lui demander de l’aide, ce qui pourrait potentiellement ne jamais arriver. Logan pouvait tout aussi bien bénéficier du soutien de quelqu’un d’autre, ce dont la créature céleste ne pourrait décemment pas lui en tenir rigueur. Elle attendait donc la réponse de l’homme sans lui mettre la pression, pour reprendre l’expression.

Asaliah aimait les siens, pas comme une famille mais en tant que peuple, ce qu’ils auraient du être si les archanges ne les avaient pas "infantilisés" en quelque sorte afin de les garder sous contrôle. L’ange de première génération protégeait l’humanité avec modération et un peu plus depuis qu’elle avait fait cette promesse à l’ancien propriétaire de son vaisseau et dont l’âme reposait auprès de sa famille chérie au Paradis. Ca faisait penser quelque peu aux routes du Paradis, une vieille série TV sponsorisée par une marque de mouchoirs jetables, avec le même acteur que dans la petite maison dans la prairie, sponsorisée par une marque d’antidépresseurs. Il se trouve que l’ancienne chef de garnison aimait bien Logan, il avait l’air d’absorber son trop plein d’énergie, de la rendre moins remuante. Elle l’écoutait et comprenait qu’il connaissait "Jiminy Cricket". Il lui révélait une autre partie de ses aptitudes, ce qu’elle interprétait à juste titre comme une marque de confiance.

"Je peux t’aider à comprendre petit à petit."

Disait-elle amicalement puis Logan ouvrait le carnet et tombait sur un mot qu’il décidait de lire à voix haute, une autre preuve de confiance.

"Je n’aime pas trop ça non plus."

Asaliah contemplait le carnet comme si c’était un colis piégé. L’homme ne savait pas quoi faire et l’ange n’était pas sure de vouloir regarder ce qu’il y avait à l’intérieur. Dans les œuvres de Lovecraft, les humains devenaient fous en lisant des secrets antédiluviens.

"Des fois on est confrontés qu’à des mauvais choix mais il faut quand même faire un choix. Si tu regardes ce que tu as dessiné, ça peut te causer du tort. Si tu ne regardes pas et qu’il se trouve que ça aurait pu sauver des proches, ça t’en causera encore plus, du tort."

Disait-elle en posant une main amicale sur l’épaule de son ami avant de déglutir péniblement - le contrôle de son vaisseau et elle, ça faisait deux - par anticipation à ce qu’elle ajoutait :

"Je peux regarder la première page, du coin de l’œil."

Dans le cas où Logan accepterait, la créature angélique se plaçait de sorte à ne regarder le carnet que d’un œil, plaçant ensuite une main juste devant, écartant juste assez l’index et le majeur pour apercevoir l’image qui apparaîtrait éventuellement dans son champ de vision. Elle rabattrait "ce volet de sécurité" si c’était trop atroce, montrant par exemple la fin du monde ou Murmur mettant une déculottée à Asaliah après lui avoir imposée un bonnet d’âne sur la tête et l'ange regarderait vraiment l’image si cette dernière se révélait supportable.

Asaliah était venue rendre visite à Logan pour prendre de ses nouvelles et son ami n’allait pas bien, pas bien du tout. Il avait visiblement passé la nuit dans un état second à dessiner des choses, remplissant ainsi un carnet à priori presque totalement mais aussi à écrire une lettre "à sa propre attention". L’ange avait tenté de le ramener à la réalité et avait eu alors une conversation aussi brève qu’étrange avec "une partie de la conscience" imprimée en quelque sorte dans l’esprit de Logan puis ce dernier était revenue logiquement déboussolé et l’ancienne chef de garnison avait déployé tout son tact – et surprise, elle en avait- et toute sa diplomatie pour apaiser son ami. Ce dernier lui révélait à ce moment précis qu’il avait déjà créé des œuvres étranges par le passé. Il avait peur de voir le résultat de "sa nuit blanche" tout en comprenant qu’il le regretterait probablement s’il ne le faisait pas, rejoignant ainsi les propos précédents d’Asaliah.

"C’est lié à ton don. Je ne sais pas si ça se voit mais je nourris moi-même une forme avérée d’appréhension."

Ca se voyait que la créature céleste avait peur même si elle avait nourri une forme de courage en proposant de voir le premier dessin mais Logan faisait le geste de découvrir le premier dessin et Asaliah baissait la main "paravent" en voyant ce qui était de fait intimidant mais pas non plus horrifique qu’elle redoutait. Ah, le poids des mots, le choc des images !

"Jusqu’ici ça va même si ça n’est pas rassurant, pas rassurant du tout."

Ceci dit, elle écoutait la créature lui expliquer le sens de ce dessin dont la menace inhérente qu’elle induisait à l’encontre de Logan.

"Ha mais non ! Logan, je serai ton garde du corps si tu es d’accord, et ça rime."

Vu que ça ne les avançait pas plus dans les faits, elle poursuivait :

"Le prochain dessin nous en apprendra peut-être davantage … Pas tout de suite !"

L’ancienne chef de garnison protégeait à nouveau sa vue en partie derrière sa main pour ne plus rien voir si c’était une vision d’effroi comme par exemple Dean Winchester donnant un concert de rock and roll devant cent mille spectateurs plongés dans une sorte de transe extatique malgré et peut-être aussi pour sa façon de massacrer au sens sonore du terme les plus grands hits tels que "born in te USA" ou "suspiscious Minds", ce qui serait assurément un des signes annonciateurs de la fin des temps.

"C’est bon, tu peux y aller."

La tension venait de monter d’un autre cran ! Qu’allaient-il (entre)voir dans ce carnet ?

Logan avait peur, Asaliah la voyait sur son visage, dans les tensions de son corps, de chaque parcelle de son être. C’était aussi pour cette raison qu’elle ne remuait pas le couteau dans la plaie – pour reprendre l’expression – en lui assénant l’évidence qu’il pouvait sauver des vies grâce à son don. Ca, il s’en doutait parfaitement.

"Je n’ai pas eu le temps de voir le dessin suivant."

C’était la pure vérité, Logan ayant refermé tout de suite le carnet après avoir aperçu son œuvre et l’ange de première génération ne pouvait pas la voir en obstruant en grande partie son champs de vision avec sa main. Ceci dit, elle posait une main amicale sur l’épaule de la créature.

"Je peux t’aider à sauver des vies si le carnet montre ce type de menace mais toute d’abord tu dois te détendre et je peux aussi t’aider en ce sens. C’est parti."

Elle les transportait en Inde, dans un jardin fort bien entretenu jouxtant une sorte de temple indien mais avec bien plus de verdure. Une douce odeur de vanille flottait dans l’air et le bruissement apaisant de fontaines se faisait entendre.

"Bonjour Neela, c’est pour une urgence. Mon pote a besoin de se détendre."

Disait-elle à la femme vêtue du traditionnel sari alors que l’humaine méditait mais elle les accueillait avec joie. Asaliah faisait le pigeon voyageur pour transporter des courriers avec son soupirant à l’autre bout du pays et la mortelle leur souhaitait la bienvenue dans un anglais très scolaire, ravie de lui rendre service à son tour, observant Logan avec un air navré avant de confirmer que c’était effectivement une urgence puis de préconiser un bain et un massage pour la créature. Elle incluait l’ange dans cette perspective.

"Il vous faut faire du bien à votre corps pour que votre âme ait envie d’y rester."

Ca faisait sourire Asaliah qui voyait dans ce changement d’ambiance et de détente une solution pour Logan afin de prendre assez de distance avec l’analyse à venir de ses dessins, ce qui lui permettrait de garder son sang-froid et de pouvoir par conséquent voir le bon coté dans son don : La capacité de pouvoir aider son prochain. Il pouvait aussi refuser cette aide que Asaliah percevait davantage comme une opportunité, comme un moyen fort relaxant de l’aider dans l’épreuve qui les attendait mais il ne le percevrait peut-être pas ainsi pour sa part.

Asaliah accueillait le retour surprise de l’autre avec une expression dubitative avant de l’écouter et de prendre des notes, fidèle en cela à elle-même. Logan constituait un cas clinique du point de vue psychiatrique et l’ange pouvait faire preuve de psychologie quand elle s’en donnait la peine, c’est juste qu’elle s’en donnait rarement la peine, c’était le moins qu’on puisse dire à ce sujet. L’ancienne chef de garnison avait pourtant observé l’éveil des différents degrés de conscience chez l’être humain : Le conscient, l’inconscient, la quête du Moi, la machine infernal et Œdipe à ne pas confondre avec un œdème qui avait autant à voir avec l’attirance plus ou moins latente d’un enfant pour un de ses parents que la luxure avec une luxation d’un genou ou avec une végétation luxuriante.

*Allons bon, revoila Mister Hyde*

Pensait-elle avant de prendre des notes des réflexions nés d’une façon intuitu personæ chez l’Autre, ou pas. Asaliah commençait à ne pas l’apprécier celui-là, il prenait trop le pas sur la personnalité de Logan et quand il le voulait de surcroît. C’était comme la possession d’un démon quelque part et par conséquent elle ne pouvait pas apprécier ça même si ses propos pouvaient se révéler utiles sauf cette fois dans le sous où l’Autre lui demandait de veiller sur Logan. Elle ne serait pas là si ce n’était pas le cas. Logan revenait alors à son grand soulagement.

"Tu es ami avec ton psy."

Asaliah notait évidemment cette information.

"Tu lui as déjà sauvé la vie et ton ami est à nouveau en danger de mort."

Ceci écrit, l’ange refermait son bloc-notes et regardait l’Autre avec un air à la fois bienveillant et déterminé avant de prendre à nouveau la parole :

"Visualiser le reste du carnet devrait nous aider à y voir justement plus clair et pour ça tu dois se détendre, être zen, en paix avec toi-même, en harmonie avec la galaxie et si possible dans le sens des aiguilles d’une montre. Alors va te changer. Un bon massage nous attend."

Il n’y avait pas de raison que l’ange ne détende pas elle non plus son vaisseau même si ce dernier n’en avait techniquement pas besoin mais d’une part ça aiderait certainement Logan à accepter ce "cycle purificateur" si son amie y prenait part aussi et d’autre part Asaliah désirait qu’on soit aussi aux petits soins pour elle. Le temps d’un battement de cils et l’ange de première génération était alors vêtue d’un maillot de bain avec une serviette éponge autour de la taille. N’étant pas une créature céleste, lui devrait aller au vestiaire, ce qui lui prendrait environ deux minutes mais ils n’étaient pas pressés, le tout étant de savoir si son ami allait jouer le jeu ou s’il se sentait trop tendu pour accepter de se détendre, ce serait son droit mais dans ce cas Asaliah ne voyait pas ce qu’elle pourrait faire pour l’aider, le libre-arbitre n’étant pas l’apanage des humains mais en fait plutôt de toute la Création.

Cet épisode de dessin frénétique, dont j'avais été la victime malheureuse et volontaire, avait su générer en moi une cassure mentale à l'origine de l'apparition de quelqu'un d'autre, une partie de moi-même beaucoup plus calme, beaucoup  plus sûre, beaucoup plus en maîtrise de ce qu'il était, et sans doute avec des connaissances d'informations coupées de ma perception à cause de ma peur. L'intensité de cette dernière demeurait franchement préoccupante, et il était important que je fasse tout ce qui était en mon pouvoir pour réussir à la gommer, sauf que mon crâne était comme pétrifié, immobilisé. Il était comme impossible pour moi de faire autre chose à part penser au tout dernier dernier que j'avais pu observer, et à la peur qu'il m'inspirait. J'étais littéralement bloqué, et il fallait franchement que cela change. Pour cela, il était très important que je parvienne à faire confiance à Asaliah, qui ne me voulait forcément que du bien et non autre chose. En tant qu'ange, elle me voulait forcément du bien, et j'avais conscience que je pouvais me fier à elle. Il le fallait, pour que je réussisse à m'en sortir.

Afin de réussir à faire avancer les choses que je tentais de faire preuve de sincérité envers Asaliah, justement parce que je me trouvais dans une démarche de prise de confiance avec elle. Si je parvenais à me mettre à l'aise avec elle, cela pourrait m'aider à me réconcilier avec moi-même, mais aussi à mieux gérer la suite de l'analyse de ce carnet, qui contenait très potentiellement des horreurs. Preuve flagrantes des efforts que j'entreprenais, j'avais même osé dévoiler des choses, que je n'avais dites à personne d'autre qu'elle, notamment sur le fait que j'avais déjà dû sauver Daniel par le passé, avec l'aide d'un autre dessin fait dans des circonstances compliquées, puisque c'était le responsable de la cicatrice présente dans mon cou qui m'avait forcé à le faire (mais ça je ne lui avais pas dit).

Elle avait raison sur le fait que la visualisation du reste du carnet devrait pouvoir nous aider à y voir plus clair, et la priorité était à ce que je retrouve mon calme à tout prix.

- Retrouver mon calme pour mieux gérer la suite...on ne perd rien à essayer je suppose...

Je me dirigeais vers ce qui semblait être le vestiaire, le but étant de me changer pour pouvoir "profiter du massage" comme ce qui était prévu, endroit qui fournissait ce que dont j'avais besoin pour l'exercice de cette probable douce expérience, sur un point de vue vestimentaire. Je prenais ainsi le temps de me changer, avant de me stopper net devant un miroir, observant la cicatrice présente dans mon cou. Je déposais ma main sur elle.

- Tu as eu de la chance de t'en sortir vivant...ne la gâche pas... me dis-je à moi-même, avant de mettre moi aussi cette fameuse serviette éponge et de quitter le vestiaire, prêt à me laisser guider.

- N'empêche, il a fallu que je te rencontre, pour me laisser embarquer dans cette démarche de prendre enfin soin de moi, de cette manière.

Preuve que j'étais un peu moins coincé, j'osais même lâcher ce genre de phrase totalement détente et imprévue.

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