VIII.04 - Sur la route de Memphis

Je rigole avec l'ange quand il évoque le souffre. En plus ça pue à mort et c'est toxique pour nous pauvres et faibles humains, comme quoi tout est fait pour nous nuire, chez un démon.

À son tour Jeliel me remercie. J'étais sérieuse si je peux me rendre utile pour faire revenir les démons à ce qu'ils étaient avant les boîtes, j'en suis. S'il y a bien un truc qui me gonfle dans mon job, c'est les démons, les humains sont déjà bien assez tordus pour certains, mais non, faut encore que les démons en rajoutent. Je ne fais pas partie de ceux qui affirment que tout le mal existant vient d'eux, nous sommes aussi responsables. C'est pas les démons qui ont inventé la connerie humaine, par contre c'est eux qui en profite pour empirer les choses. Et ça, ça me file de l'urticaire.

Le jardin n'étant pas très grand, nous ressortons après en avoir fait le tour, Jeliel s’assoit sur un gros rocher plat où il y a la place pour deux, alors je l'imite. D'ici on pouvait voir la plage où nous devions aller, quelque part on avait sans doute une meilleure vue depuis notre caillou qu'en étant sur la plage elle-même.

Je ne suis pas très plage et cocotier, ceci dit se serait mentir si je disais que je trouve l'endroit moche. Ce serait juste plus cool s'il faisait à peine moins chaud, c'est que je suis habitué au frais moi, du coup même si c'est pas la canicule ici et que c'est bien moins pire que dans ce foutu désert, ben j'ai un peu chaud. Mais ça reste supportable.

L'ange me dit que le bruit des vagues l'aide à méditer. Moi le ressac, ça me donne envie de pisser, d'ailleurs le bruit des cascades aussi, mais pas la pluie, qui elle, me relaxe, c'est bizarre … ouais on va éviter de dire ça à voix haute. En plus c'est pas le cas pour le moment et ça n'empêche pas que j'aime bien ce son mais c'est pas ce qui me détends le plus du coup. Et puis moi la méditation … C'est plutôt en cognant sur un punching-ball avec la photo de quelqu'un que je déteste, que je me détend vraiment.

"C'est pas un cliché, il existe des enregistrements d'heures entières de bruits de vagues pour aider les gens à se détendre. On peut même en télécharger sur internet."

Je doute que l'ange utilise beaucoup internet, mais peut-être qu'il va chercher en le sachant ! Il me dit ensuite qu'il me ramène quand je veux.

"Je vis à Huntfield, dans une caravane à côté de mon garage. Mais on peut rester encore quelques minutes !"

Je lui donne également l'adresse, parce que oui, une caravane à Huntfield, c'est flou.

J’ignorais qu’il existait des enregistrements sur le ressac et non seulement ils existent mais ils durent des heures entières. Par contre Lexi évoque "le bruit des vagues", or le terme de bruit me semble plutôt négatif mais elle ne l’a peut-être pas utilisé en ce sens et puis elle aurait le droit de ne pas aimer, elle. La mortelle m’informe ensuite qu’elle vit à Huntfield, dans une caravane à coté de son garage, et non dans un garage à coté de sa caravane, ce qui ne serait pas la même chose, avant d’ajouter qu’on peut rester encore quelques minutes.

"On fait comme ça."

Les humains ont tendance à "grappiller" les bons moments, peut-être pour les quantifier et les comparer aux mauvais moments, peut-être pour tendre vers une sorte de bilan positif au final, pour se dire que "ça valait le coup de vivre finalement". Si c’est le cas et mes observations vont plutôt dans ce sens, c’est un concept qui m’échappe quelque peu puisque la qualité l’emporte sur la quantité mais ça compte peut-être aussi. Ce que je veux dire par là, c’est que la qualité de moments vécus compte peut-être aussi dans ce "bilan vie" à ne pas confondre avec un "bilan vital".

En fait, le plus important dans la situation présente c’est que j’en déduis que l’humaine passe un bon moment pour désirer ainsi le prolonger de quelques minutes, et c’est aussi mon cas. Finalement Lexi m’indique plus précisément l’endroit où elle vit et je l’y dépose avec sa moto, ça va de soi.

"Je t’appellerai dès qu’on passera à l’offensive, et je sonnerai."

Du coup je lui passe mon numéro de téléphone parce que les anges peuvent avoir en effet un téléphone portable, un iphone dans mon cas et le tout dernier, parce qu’on peut être une créature céleste et être victime de la mode. Puis c’est mieux de sonner que de transporter dans le domicile d’un être humain qui trop souvent n’aime pas être surpris … En tenue d’Adam ou d’Eve pour le dire sobrement. Je prends donc congé de l’humaine et me retire d’un battement d’ailes. Après avoir détruit la boite démoniaque, je lui dirai.

Spoiler:

Jeliel est d'accord pour rester encore quelques minutes. Je me demande si ma compagnie lui plaît, pour ma part oui, j'apprécie beaucoup le moment que nous venions de passer. Je me doute que les anges n'ont pas la même façon d'apprécier les choses que nous humains, être immortels tout ça, doit changer certains point de vue. Ça et le fait qu'ils soient … des anges. Je n'ai pas eu à jouer la comédie pour être quelqu'un que je ne suis pas, je suis restée moi-même durant toute cette petite escapade et rien que ça, c'est cool. Non pas que d'habitude je change d'un ïota ma personnalité, mais mon côté brut de décoffrage ne plaît pas à tout le monde. Ma mère était beaucoup plus fine que moi, j'imagine donc que ce caractère ne me vient pas d'elle, des fois je me demande si je ressemble à mon père ou si ça vient d'ailleurs encore, mais bon, c'est sans doute pas le moment de penser à ça. En tout cas cet aspect de ma personne n'a pas eu l'air de gêner l'ange.

Le moment de partir était venu et Jeliel ma ramène donc avec ma moto devant le palais qu'est ma caravane. Il me dit qu'il me tiendra au courant quand on passera à l'attaque.

"Pas de souci, mais en fait, frappe plutôt, la sonnette ne marche pas."

Ce serait ballot de rater l'offensive sur une boîte démoniaque parce que ma sonnette ne m'a pas donné l'information qu'un être céleste était en train de s'acharner dessus pendant que je suis sous la douche avant de partir en abandonnant.

Je sors l'antiquité qui me sert de téléphone portable de ma poche, comparé au modèle que trimballe mon nouvel allié j'ai bien dix ou quinze ans de retard. Le sien doit presque faire le café. Le mien … il a une sonnerie personnalisée et c'est déjà pas mal.  Oui mais moi au moins personne ne peut pirater cette chose à clapet que je n'utilise que pour téléphoner. J'entre donc en mémoire le numéro de Jeliel avant de lui donner mon propre numéro.

Je dis au revoir à l'ange avant qu'il disparaisse d'un battement d'ailes puis j'entre dans ma caravane. Ma priorité maintenant, là, tout de suite ? Dormir !

[HRP : Terminé aussi, merci^^]