III.03 - Devine qui vient dîner ce soir ?

Cela faisait à présent plusieurs semaines que Melchom et Asmodée s’adonnaient à ce petit jeu qui consistait à mener une double vie. En public, les deux démons prenaient grand soin pour refléter une farouche animosité entre eux, résultat d’une rupture aux répercutions cataclysmiques sur leurs rapports sociaux. Cependant, en privé, une fois à l’abri des regards, Gueule d’Ange et l’Avatar de la Luxure laissent libre cours à la passion mutuelle qu’ils partageaient. Or ce soir là, était l’un de ces soirs où Asmodée comptait bien rattraper le temps perdu en rendant une petite visite surprise à son compère.

Trouver l’adresse de Melchom n’avait pas été véritablement difficile. Dans une ville comme Huntfield, il était possible d’apprendre tout et n’importe quoi. Il suffisait simplement de s’adresser aux bonnes personnes. Quant à savoir si Melchom apprécierait la surprise … le déchu n’en avait pas la moindre idée. Toutefois, il était certain de connaitre deux ou trois manières différentes de se faire pardonner si d’aventure son intrusion imprévue n’était pas perçue d’un très bon œil.

Vêtu d’une chemise noire sous un costume bleu cobalt, Asmodée avait laissé la cravate de côté, préférant adopter une apparence plus décontractée. Pour cette même raison, il avait laissé les deux premiers boutons de sa chemise détachés. Pour une fois, le Serpent du Jardin pouvait se permettre plus de souplesse dans l’image qu’il se devait de présenter. Ici, il n’était nul besoin de la rigueur dont il faisait preuve dans son milieu professionnel. Non, ce soir, le démon voulait partager un moment de détente. D’un rapide regard, il s’assura toutefois que ses chaussures en cuir noir étaient impeccables. Ce dernier détail réglé, Asmodée appuya donc sur le bouton de la sonnette. Debout devant le pas de la porte, le Gardien des Plaisirs attendait qu’on vienne lui ouvrir, une bouteille de vin rouge d’un cru prestigieux à la main.

En attendant, le démon afficha son sourire le plus convainquant, dévoilant une dentition à la blancheur et à la régularité irréprochables. L’œil vif, il posait ses iris vert-noisette sur le judas de la porte. Derrière, il entendait des bruits de pas se rapprochaient.

Melchom avait passé sa journée à l’extérieur, des trucs d’humains à gérer. Bien qu’il puisse résoudre la plupart de ses  dossiers à la maison, il aimait bien sortir et faire acte de présence un peu partout. Il c’était donc téléporté dans la plupart de ses industries pour y travailler, signer des papiers, engager, renvoyer, tâter le pouls de la situation économique et bien sûr, s’amuser. En fait, il passait plus de temps à gérer ses entreprises qu’à jouer les démons. Certains pourraient s’en plaindre, mais Melchom s’en fichait. Il jouait là où il y gagnait et c’est tout. Il avait dépensé, mais gagné de l’argent, beaucoup d’argent. Il était assez satisfait de sa journée. C’était agréable de continuer de vivre de cette façon, bien sûr Lucifer pouvait venir tout gâcher dès que l’occasion s’y présenterait, mais pour le moment, ce n’était pas le cas. Donc, aussi bien s’amuser tant qu’il le pourrait avec les humains! C’était mieux que rien non?

Une fois sa journée achevé, il était passé faire des courses pour cuisiner. George allait arriver et il lui proposerait de lui faire un truc, qu’importe en fait. Le plus important, c’était juste de bien s’entendre avec le chien. Le jeu allait bon train, le chien commençait tranquillement à lui faire confiance ou un truc semblable à de la confiance. Tant qu’il était gentil avec le démon, tout allait pour le mieux. Le démon pouvait donc s’amuser comme bon lui semblait à dresser son chien. Bon d’accord, dresser n’était pas le terme exacte, mais on s’en fichait puisque c’était le terme préféré de Melchom. Tant qu’au final, le chien changeait du tout au tout, le démon se sentirait gagnant dans l’histoire. Donc oui, pour le moment, il allait être gentil et adorable comme il avait appris à si bien le faire. Le talent de Melchom, c’était quand même de créer un besoin et de le satisfaire par la suite, donc aussi bien en profiter et de jouer avec la santé mentale déjà précaire du chien.

Une fois rentré à la maison, il rangea ses courses, retira la veste de son complet gris clair et retira la cravate qui l’accompagnait. Il était au courant qu’un complet sur un homme, c’était un peu comme de la lingerie fine sur une femme, mais dans tous les cas… Melchom avait hâte de le retirer. Il avait tout de même gardé ses chaussures, elle était propre et il n’aimait pas se promener en chaussette. Donc, il avait gardé son pantalon d’un gris impeccable, sa chemise blanche qu’il avait déboutonnée au poignet et au col et c’était à peu près tout. Il était chez lui, il pouvait être débraillé comme il le voulait, il n’avait pas à s’inquiéter de ce qu’en dirait George. Il avait finalement regardé l’heure et décidé de retourner travailler un peu sur son ordinateur personnel. Comme ça, il pouvait regarder George arrivé par les caméras de surveillance qui filmait chaque centimètre carrée de chez lui. Ouais, il était un peu maniaque de ce côté, mais ça lui avait servi à mainte reprise. C’est de cette façon qu’il vit arriver une personne, pas George non, mais bien Asmodée. Il avala un peu de travers sur le coup. Pas qu’il n’était pas content de le voir non. Juste à y penser, son corps s’emballait, mais… ce n’était pas prévu, ce n’était pas contrôlé. Il entendit la sonnette et se dirigea lentement vers la porte. Déjà, il avait sortis son téléphone pour texter un simple « Ne rentre pas, problème de démon, je t’appellerai. » Il avait envoyé et ensuite supprimé rapidement toutes ses archives. Juste… par précaution, sait-on jamais. Il espérait franchement que George ne lui réponde pas, il lui avait laissé son ancien appartement, il pourrait très bien y aller sans problème.

Notre démon favori ouvrit donc finalement la porte sans se soucier plus qu’il ne fallait de son apparence, il releva finalement les yeux pour juger son invité surprise et se permit un sourire de surprise en voyant Asmodée, comme s’il ne le savait pas. Feindre la surprise, c’était facile et c’était surement le plus simple en ce moment. Il senti rapidement son corps s’emballer de nouveau et il le calma avec une bonne dose de contrôle, s’il voulait dresser George… fallait qu’il soit capable de se dresser lui-même quand même.

-Mon beau, ça faisait longtemps. Je ne t’attendais pas. Vu son air légèrement soigné, mais débraillé… il ne l’attendait vraiment pas, donc tout collait. Et oui, ça faisait longtemps, Melchom avait une valeur temporel bien à lui. -Entre, je ne vais pas t’en tenir rigueur.

Vrai, on parlait d’Asmodée là. Que le démon le veule ou pas, le déchu lui faisait perdre la tête. Maintenant, fallait juste trouver une excuse pour la très, très légère odeur de chien ambiant. Parce que ouais, Maryse était passée le matin pour tout nettoyer pendant l’absence des deux habitants, mais… elle était humaine, elle n’était pas parfaite. Au moins, il n’y avait pas de poil de chien, c’était déjà ça de gagné. Melchom laissa donc sagement entré le déchu chez lui.

-Je te manquais?

Et cette phrase avait été dite sur un ton plus doux, mais légèrement rieur. Les guerres qu’ils se livraient en publique et les passions déchaînés en privé… c’était un jeu qui plaisait à Melchom. En prime, personne ne lui demandait rien en lien avec Asmodée, sauf une fois qu’on lui avait demandé de nuire au déchu et le démon avait pu répondre qu’il n’était pas con, que puisque lui et Asmodée était ennemi… il serait le premier accusé. C’était bien fait la vie, il gagnait sur beaucoup de point.

Lorsque la porte s’ouvrit, Asmodée découvrit le fringant démon dans une tenue légèrement négligée. Visiblement, Melchom ne s’attendait pas à recevoir de la visite, et encore moins celle du déchu, comme ses propos le confirmèrent rapidement. Les rencontres à l’improviste, sans aucune mise en scène, ni même préparation, étaient souvent les meilleurs, pleines de spontanéité et d’honnêteté. Le visage souriant du démon ne manqua pas de rappeler au Semeur de Péchés pourquoi il tenait en si haute estime cette imprévisible créature. Sans perdre d’avantage de temps, Melchom invita alors l’Exilé de l’Eden à se joindre à lui.

D’un pas gracile et assuré, Asmodée passa donc le pas de la porte, tenant toujours la bouteille d’une main presque désinvolte. D’un rapide coup d’œil, le déchu examina cette nouvelle demeure qu’avait choisi son ami. C’était différent de son précédent appartement. Sans doute était-ce plus ordonné … comme si quelqu’un prenait un soin tout particulier à ce que rien ne fasse tache dans ce décors. La question de Melchom força alors le déchu à reporter son attention sur son interlocuteur. Ce dernier lui demandait s’il lui avait manqué. Pour toute réponse, Asmodée lâcha alors un rire amusé, tout en lui adressant son sourire si caractéristique. C’était un doux euphémisme que de dire qu’il lui avait manqué. Chaque instant passé sans Melchom restait moins intéressant que lorsque l’Infortune d’Eve était en présence du démon.

Poursuivant sa découverte de l’habitation du démon de sa démarche souple et volage, Asmodée s’enfonça un peu plus profondément dans l’univers de son ami. Il déboucha alors sur ce qui était sans aucun doute le salon à en juger par le mobilier. Déposant la bouteille qu’il avait amené sur la table basse, le déchu ôta ensuite sa veste qu’il déposa repliée sur elle-même sur le dossier d’un fauteuil. L’Avatar de la Luxure fit ensuite face à Melchom, lui offrant alors un visage qui en disait long sur ses intentions.

« Sympa ce petit nid », commença-t-il d’une voix enjouée et un tantinet moqueuse.

« Presque un peu trop propre à mon gout, te connaissant, continua-t-il en passant son index sur le bord d’un meuble totalement dépourvu de poussière. Comme si tu cherchais à me dissimuler l’existence de toutes celles que tu mets dans ton lit. »

Cette phrase, le déchu l’avait lancée avec une pointe d’ironie, mais certainement aussi, une part de jalousie. Pourtant, il n’avait à aucun moment cessé de sourire à Melchom, tout en le couvant d’un regard gourmand. Finalement, cette pseudo concurrence avec toutes ces personnes que croisaient Melchom, s’en trouvait presque amusante, pimentant un peu cette relation en y ajoutant une part de concurrence. D’un pas à la fois toujours aussi désintéressé et lascif, le déchu se rapprocha de son interlocuteur, son sourire se faisant légèrement plus carnassier. Une fois à portée, le Maître des Succubes saisit sans autre forme de procès l’intimité du démon à pleine main. Son sourire s’élargit alors un peu plus, sans qu’à aucun moment son regard ne vacille, fixant toujours avec intensité les prunelles aciers qui lui faisaient face.

« Mais qu'importe ... puisque de toute manière, nous savons parfaitement qui il préfère parmi tout ce petit monde. »

Asmodée déposa alors un baiser plein de complicité au coin des lèvres de son ami, pour ensuite s’éloigner de lui et venir prendre place dans l’un des fauteuils, s’y asseyant confortablement. Jouant à faire glisser son doigt autour du goulot de la bouteille de vin posé sur la table basse face à lui, le déchu interrogea alors son ami.

« Et si on commençait par ouvrir cette bouteille, qu’en dis-tu ? »

Melchom ouvrit finalement la porte pour découvrir Asmodée. Une fois le stress de George passé, le démon était franchement satisfait de voir l’autre arriver. Bien sûr, il devrait lui raconter n’importe quoi au chien, mais il y arriverait. Il était doué à ce jeu-là. Le démon était légèrement négligé, mais il était chez lui, on ne pouvait pas vraiment lui en tenir rigueur. Il le laissa donc sagement entré, l’invitant même. Il gardait son petit sourire charmeur sur ses lèvres, il était ravi finalement. La soirée s’annonçait intéressante.

Sans arriver à détacher ses pupilles d’Asmodée, il l’observa mettre un peu de lui dans cette maison. Melchom ne s’encombrait que très rarement d’objets diverses, il préférait de loin la décoration moderne, froide et Maryse était là pour tout entretenir, c’était bien fait la vie. Melchom avait osé demander au déchu s’il lui avait manqué, sourire provocateur aux lèvres. Il ne pouvait qu’espérer lui manquer autant que l’inverse avait été vrai. Bien sûr, Melchom avait George pour se distraire, il couchait ici et là, mais jamais il n’avait ce besoin persistant, jamais il n’était comme il était avec Asmodée. Asmodée était une drogue, Melchom en était conscient et continuait sur cette voie. Le rire d’Asmodée était comme une caresse à l’oreille de notre démon, mais en même temps, ça signifiait que oui. Melchom laissa le déchu s’aventurer plus loin chez lui, prenant le temps de refermer consciencieusement derrière. Melchom était quelqu’un de prudent, il en avait pris l’habitude avec les années. Surtout qu’en ce moment, la ville regorgeait de chasseur à gogo pour chasser le grand méchant Lucifer. Ouais, Melchom n’était pas tout particulièrement du combat. Bien sûr, le côté partisan rapportait gros en ce moment, alors il y restait, mais… il n’était pas de ce genre-là. Melchom rejoignit tranquillement le déchu au salon. Il le regarda déposer la bouteille de vin, sa veste sur le fauteuil de George. C’était bizarre un peu, ça le faisait légèrement sourire.

-Je trouve aussi.

Il aimait bien quand Asmodée saccageait sa routine, c’était… passionnant. Sa mettait du piquant, tant qu’il évitait de parler de George, tout irait bien. Le sourire du démon devin presque carnassier quand le déchu mentionna que c’était un peu trop propre à son gout le connaissant. Que c’était peut-être pour lui cacher toutes celles qu’ils mettaient dans son lit. Il adorait cette sensation, cette… jalousie qu’il goutait dans le don de voix du déchu. Il adorait qu’on s’approprie sa personne. Il était comme ça.

-Je le dirai à ma femme de ménage alors. Qu’elle fait du… trop bon travail. C’est vrai que, vu comme ça… -Et tu me connais, je ne ramène personne dans mon lit… je préfère visiter celui des autres.

Son sourire de faisait joueur, presque provocateur pour le déchu. Il ne niait pas d’aller voir ailleurs, ça serait mentir que de se dire fidèle, mais… il disait la vérité. Jamais il n’amenait d’intrus dans son lit. Pour lui, c’était la maison de George et c’est tout. Avoir su, il se serait trouvé une adresse pour Asmodée, mais le mal était déjà fait. Melchom trouverait bien une façon de lui faire savoir qu’il préférait aller chez le déchu que l’inverse. Melchom observait doucement Asmodée se rapprocher. Il ne savait plus trop qui était le chasseur et qui était la proie dans ce jeu de séduction. Vu le sourire du déchu, Melchom était surement la proie, pourtant il ne recula pas, loin de là. Il vit le geste, se fit agripper ou caresser, c’était au choix. Melchom ne put s’empêcher de se lécher légèrement la lèvre inférieure avant de la mordre. Sa mâchoire ne put que de durcir pour garder le contrôle de sa personne. Asmodée avait le don de lui faire perdre la tête. Melchom continuait de se noyer dans le regard d’Asmodée, il le dévorait déjà. Il ne savait pas comment la soirée allait se dérouler, mais il savait au minimum ce qu’il avait envie qui s’y passe. Au final, ça lui importait peu, puisqu’il savait qui il préférait. Alors, tout en Melchom se fit joueur, presque… défiant quand il mentionna simplement :

-Ah bon, qui?

Sur un petit ton débonnaire, presque innocent. Comme s’il ne savait vraiment pas la réponse à sa question. Oui, il provoquait le déchu, mais ça allait. Il n’avait plus vraiment de preuve à faire. Il était adorable le démon, promit. Le bref baisé que Melchom avait reçu l’avait quand même laissé sur sa faim. Une faim que seul Asmodée était capable de satisfaire, mais déjà le déchu était parti s’assoir dans un fauteuil. C’était… très insatisfaisant, vraiment. Asmodée jouait doucement avec sa bouteille de vin, proposant ensuite de l’ouvrir. Melchom continua de l’observer, rajoutant simplement :

-C’est une excellente idée, je reviens.

Il quitta donc d’un pas léger vers la cuisine, il prit le temps de reboutonner ses manches, il faisait déjà légèrement moins négligé. Il fouilla rapidement dans ses tiroirs pour en sortir un ouvre bouteille et de l’autre main prit deux coupes pour ce genre de vin. Il était sage, bien élevé et il avait l’habitude de ce genre de soirée. Il déposa les deux coupes sur la table basse et tendis l’ouvre bouteille au déchu :

-À toi l’honneur.

Avant de s’assoir confortablement dans son divan. Ça ouais, c’était quelques choses qu’il connaissait, c’était à lui et il était dans son domaine. S’il arrivait à garder cette assurance, à captiver son intérêt, il arriverait à éviter qu’Asmodée se rende compte qu’à l’étage, il y avait une chambre avec les vêtements d’un autre… il pouvait surement lui éviter de voir ça. Melchom était du genre à vivre dangereusement, il y arriverait bien maintenant.

Comme à son habitude, Melchom usait de l’humour et de la provocation pour garder une certaine forme de contrôle en présence du déchu. Chacun disposait de ses propres techniques de préservation, et en ce qui concernait le démon, il s’agissait de la dérision. Cette stratégie de défense ne déplaisait pas le moins du monde à l’Avatar de la Luxure qui, au contraire, appréciait particulièrement cette facette de son ami, la trouvant à la fois divertissante et surprenante.

Durant quelques instants, Melchom s’absenta. Le déchu profita alors de ce moment pour apprécier un peu plus le décor. Les lignes épurées et la simplicité du mobilier donnait à cette pièce un aspect particulièrement contemporain. Nullement surchargé en bibelots, le salon offrait aux yeux un subtil équilibre entre modernité et praticité. Lorsque le démon revint, il déposa sur la table basse deux verres et tendit un ouvre bouteille à son invité, avant de s’assoir à son tour sur le sofa. Finalement, cette pièce à vivre était à l’image de son propriétaire : simple, efficace et agréable à l’œil.

Sans aucune précipitation, le déchu ouvrit alors la bouteille de vin, donnant à cette scène un air presque solennel. Puis, après avoir versé le liquide bordeaux dans chacun des verres, il en tendit un à Melchom. Asmodée s’apprêta alors à gouter le contenu de son propre verre, mais avant que celui-ci n’atteigne ses lèvres, il se ravisa et reposa sa boisson sur la table. A la place, il préféra observer plusieurs secondes le démon d’un regard concupiscent, doublé d’un sourire comblé aux coins des lèvres. Avec une certaine forme d’égoïsme, l’Infortune d’Eve s’accapara cet instant pour lui seul. Ainsi au milieu de ce salon, il profitait pleinement de la vue, près à tout afin que nul ne vienne perturber ce moment privilégié. Durant ces quelques secondes, Asmodée était loin de tous ces conflits bibliques, loin des tracas qu’avait générés la libération de Lucifer, loin de la pression que ses objectifs personnels faisaient naitre chez lui, loin de son business et des responsabilités qu’imposait la gestion de ses night-clubs … Il était comme dans une bulle de confort qui rien ne venait entacher.

Soudain, le Tentateur de l’Eden réalisa le nombre d’occasions qu’il avait perdu, en ne prenant pas la décision de venir rendre une visite surprise plus tôt à son ami. Même s’il avait devant lui l’éternité, il estimait que ce retard était une perte de temps déjà trop grande. Et en réfléchissant d’avantage, il se rendit également compte que jamais auparavant, Melchom ne l’avait convié à venir chez lui.

« J’aime beaucoup ce que tu as fait de cet endroit … si bien que j’en viens presqu’à me demander pourquoi tu ne m’as pas invité plus tôt », lança le déchu avec un regard perçant.

Saisissant son verre, cette fois-ci, Asmodée en but une gorgée, attendant la réponse du démon assis en face de lui, sans avoir perdu son air à la fois espiègle et pénétrant.

Melchom avait toujours été du genre charmeur et légèrement provoquant, adorant se servir de sa nonchalance pour laisser paraitre cette espèce d’aura qui était bien à lui. Il était comme ça et c’était surement pire avec Asmodée, parce qu’avec lui… Melchom se sentait le besoin de le revoir, donc de le garder intéressé à sa petite personne. Pour le moment, il semblait y arriver bien et il en profitait au maximum. Melchom partie donc rapidement à la cuisine chercher des verres et un ouvre-bouteille, il était équipé pour recevoir le démon quand même. Il termina sa course sur son canapé et il s’y installa bien. C’était son habitude en fait, il était chez lui, alors le confort était facile à trouver. Melchom déposa son regard sur le déchu, l’observant minutieusement ouvrir la bouteille. Il prenait son temps, il versa le vin dans les deux coupes, jusque-là, la soirée s’annonçait agréable. Melchom se saisit doucement de son verre quand le déchu lui tendit, le remerciant tranquillement. Le démon observa doucement la robe du vin, son odeur, la délicatesse de cette couleur lorsqu’il la faisait légèrement tournoyer. Le démon aimait le vin, mais il n’en buvait pas assez souvent à son goût. Son chien était plus thé en fait, alors il n’avait plus l’habitude du vin en soirée. Surtout que le dit chien pouvait souvent se coucher beaucoup trop tôt. Bon en même temps, ça laissait la possibilité au démon de sortir toute la nuit et de revenir aux petites heures du matin. Il allait finalement gouter le vin apporté par le déchu quand le regard de Melchom fut attiré par le démon. Il avait déjà abandonné son vin pour simplement l’observer. Melchom ne trempa donc pas ses lèvres dans son verre, regardant le déchu d’un air curieux et intéressé. Pas que le démon s’inquiétait, mais juste qu’il ne put s’empêcher de faire un sourire amusé à l’autre démon. Depuis quand il n’était pas capable de faire deux choses à la fois hein? Il se décida finalement à boire une gorgée, le vin était bon, c’était un très agréable moment. Il écouta le déchu parler, mentionnant au passage qu’il aimait ce qu’il avait fait de l’endroit, se demandant pourquoi il ne l’avait pas invité une question. Melchom supposait que de répondre : Parce que c’est la maison de George, mon chien. Ne soit pas une raison à dire en ce moment, donc il prit la peine de réfléchir tranquillement. Quoi? Melchom se laisser désirer? Jamais voyons. Bon d’accord, absolument tout le temps.

-Merci, j’aime beaucoup aussi. Pour ce qui est de ne jamais t’avoir inviter… je m’en excuse, c’est juste que… je sais pas. Je suis du genre à donner un certain ordre à ma vie, je classe tout dans certaine catégorie et vouloir t’inviter, j’aurais surement choisit une autre de mes propriétés plus adéquates. Quelques choses de plus toi. Ici, je cuisine, j’invite pour le travail et c’est tout. L’imite je travaille à partir d’ici.

Il le regardait, plongeant ses iris clairs dans le regard d’Asmodée. Le plus beau dans cet échange, c’était que techniquement Melchom ne mentait absolument pas. Cette maison était celle qu’il partageait avec le chien, donc jamais il n’y amenait de femme, d’homme ou de quoique ce soit, parce que George au final… il était pire qu’une pucelle, on ne s’en cachera pas. Alors, c’est avec un sourire joueur aux lèvres que Melchom rajouta simplement :

-Au final, cette maison est surement beaucoup trop chaste pour une rencontre avec toi, je n’y ai jamais amené personne pour des échanges passionnés.

Et c’était si vrai. Melchom c’était laissé noyé dans la luxure dès sa sortie des Enfers, pourtant… il n’avait pas que ce genre d’intérêt. Est-ce qu’Asmodée savait qu’en fait, Melchom était un bourreau de travail, qu’il possédait des Industries partout autour du globe? Melchom doutait un peu de la chose, Avec Asmodée, Melchom parlait très peu et profitait beaucoup. Peut-être qu’ils changeraient de jeu pour une fois? Tant que ça finissait par des ébats… Melchom serait heureux, vraiment.

Melchom expliqua alors qu’il n’avait pas pensé nécessaire d’inviter le déchu dans cette demeure, pour la simple et bonne raison qu’elle n’avait pas vocation de servir aux loisirs et à la détente. La fâcheuse obsession de Melchom de tout contrôler venait une nouvelle fois de frapper. Cette caractéristique maladive du démon avait déjà par le passé était un obstacle aux désirs d’Asmodée. Lui qui n’avait pas pour habitude qu’on lui refuse quoi que ce soit, ou même qu’on lui manifeste de la résistance, il devait bien avouer qu’il avait trouvé une exception en la personne de Melchom. C’était sans doute l’une des raisons pour lesquelles l’Avatar de la Luxure ressentait une telle attirance pour lui. L’ordre et le contrôle … deux concepts aux antipodes de ce qu’Asmodée faisait naitre. Habituellement, dans son sillage ne persistaient que chaos et effusion.

Finalement, Melchom rajouta également que d’après lui, une telle demeure n’était pas digne d’une personnalité comme celle du Gardien des Plaisirs, beaucoup trop chaste à son gout. Devant cette remarque, Asmodée arqua un sourcil de désaccord. Pourtant, il préféra ne pas relever, même si, d’une certaine manière, il se sentait presque offensé par de tels propos. Aucun lieu dans toute la Création n’aurait su l’empêcher de faire étalage de sa concupiscence, nul endroit n’était en mesure de se vanter de ne pas risquer de se transformer en un autel à sa débauche corruptrice. Chaque parcelle de cette terre pouvait potentiellement devenir le théâtre obscène de ses envies … rien n’était trop pur pour pouvoir l’empêcher de déverser son fiel tentateur.

Pourtant, Melchom avec son habituelle honnêteté, n’avait très certainement jamais eu l’intention de faire montre d’une quelconque marque d’irrespect. Bien au contraire, il était le genre de créature désirant rester en bon terme avec les êtres qui lui étaient chers. Asmodée préféra donc passer l’éponge pour cette fois. Toutefois, puisque cette résidence était si aseptisée, tout en étant à la fois un lieu dans lequel passait beaucoup de temps Melchom, alors le Maître des Succubes trouva opportun de devoir remédier à ce défaut. Il devenait plus que nécessaire de charger cette maison de souvenirs, notamment de souvenirs en rapport avec le Serpent du Jardin.

« Bien … puisqu’à présent je suis ici … dans la case "boulot", Asmodée mima des guillemets avec les doigts en prononçant ce dernier mot, que comptes-tu faire ? Me mettre dehors parce que je fais désordre dans le décor ? »

Le déchu laissa passer une fraction de seconde après ces paroles interrogatives, affichant alors un air provocateur. Un regard froid planté dans les yeux de Melchom, c’était comme si Asmodée déconseillait fortement à son interlocuteur d’opter pour ce choix.

« Ou bien … me laisser répandre encore un peu plus l’anarchie dans ta petite vie si ordonnée ? »

Cette dernière phrase, le démon de la Luxure l’avait lancée sur un ton amusé, tout en l’accompagnant d’un sourire railleur, achevant de donner des airs de défi à cette situation. Plongeant son index dans son verre de vin, Asmodée fit ensuite courir l’extrémité de son doigt sur le bord du cristal, exécutant des cercles à un rythme régulier. Quelques secondes après qu’il eut commencé, un son clair commença à résonner dans la pièce, émettant une note cristalline, sans que le déchu ne quitte du regard Melchom.

« Ce point d’honneur que tu mets ces derniers temps à tout maîtriser … cette manie de contrôler tout ce qui pénètre ton monde … cet ordre que tu t’évertues à maintenir dans tes affaires … n’est-ce pas cela qui rend cet endroit trop … chaste ? »

Asmodée sourit encore un peu plus, prenant grand soin de toujours maintenir ce contact visuel. Soudain, il cessa de jouer avec son verre, coupant net la note aigue. Délicatement, il porta alors l’index musical à sa bouche, en léchant le vin encore présent dessus.

« Que dirais-tu, pour une fois, de lâcher prise ? »

Melchom était quelqu’un de contrôlant et de rangé, ce n’était pas plus mal non plus! C’est en ne laissant rien au hasard qu’on restait en vie. Le seul problème, c’était qu’Asmodée débarquait n’importe quand, n’importe comment et qu’il lui faisait clairement perdre la tête sans que Melchom ni puisse rien. Avec ou sans pouvoir… Melchom n’arrivait à rien en présence du déchu et ça, c’était un problème quand même, non? Cette maison était à George, mais ça… le démon n’allait pas vraiment en parler à Asmodée, alors aussi bien lui raconter une fausse vérité qui se tenait et c’était le cas. En fait, cette maison lui servait à travailler et c’était vrai, parce que le chien était encore d’un ennui mortel. Bon d’accord, il commençait à apprendre, tranquillement et bientôt, Melchom ne doutait pas d’arriver à le salir un peu plus chaque jours. Il avait déjà commencé à gagner. Le démon ne refusait techniquement rien à Asmodée, il l’accordait juste dans un délai plus long. Fallait avouer qu’en prime, ça l’amusait beaucoup.

Puis, Melchom rajouta que la maison était trop chaste pour Asmodée et c’était vrai. Qu’il le prenne comme il le voulait, Melchom n’avait pas envie de voir Asmodée dans un décor froid et aseptisé. Il avait envie de vibrer et de sentir les vibrations de son plaisir se réverbérer sur un décor enchanteur, déclarant clairement la passion des deux démons, leur désir, leur pulsion, mais en ce moment, la maison ne criait pas « baise-moi » elle disait plus un tout petit « vous voulez un thé monsieur? » ce qui était franchement… pas la même chose. Ce n’était pas le message qu’il avait envie de projeter au démon de la luxure, à son démon de la luxure. Melchom c’était installé confortablement dans son canapé, écoutant sagement le démon juger sa manie du classement, ouais, il l’avait bien comprit avec les guillemets quand même. En même temps, Asmodée demandait si Melchom allait le mettre dehors, lui interdisant plus ou moins de le faire d’un regard. C’était un défi ça non? Mais il laissa le déchu terminé sa phrase, proposant de le laisser répandre encore plus l’anarchie dans sa petite vie bien rangée. Melchom ne pu s’empêcher un sourire joueur, presque moqueur, mais sans être insultant pour autant. Son regard brûlait d’une braise qu’Asmodée connaissait bien, mais que Mel s’évertuait toujours à dominer, c’était ça qui était drôle en ce moment non?

-Hm, je ne sais pas trop, je n’ai pas encore tout à fait décidé.

Quoi? Melchom? Provoquer le déchu? Comme s’il oserait voyons… Ouais bon, il le faisait complètement et il s’assumait en prime. Il jouait avec les émotions du déchu, il savait qu’il lui faisait un minimum d’effet et le repousser pour mieux le ramener était son jeu préféré. En même temps, c’était rare que Melchom cédait aussi rapidement quand même. Il avait de l’orgueil, céder n’était pas dans ses habitudes. Melchom observa doucement tremper son doigt dans le liquide vermeille. Le regardant caresser son vers, faisant naitre un son cristallin. Il avait le don de le… mettre en appétit. Il avait du mal à décrocher son regard du sien. L’écoutant donc rajouter que le point d’honneur que Melchom mettait à tout maitriser, qu’il maintenait, accusant sa manie de rendre la maison chaste
…
Son regard se fit légèrement plus fermé, plus froid. Ce n’était pas parce que le démon avait raison qu’il allait lui céder. Alors il haussa les épaules légèrement, avec toute la nonchalance, sourire légèrement joueur aux lèvres. Pourtant, son regard s’embrasa de nouveau en une fraction de seconde quand le démon cessa de jouer avec son verre, portant son doigt à sa bouche. Melchom en manqua un souffle, peut-être deux. Il n’allait pas perdre le contrôle, à ça non. Même si le démon lui demandait de lâcher prise. Melchom ouvrit la bouche avant de la refermer, il avait peut-être perdu son assurance pendant une fraction de seconde avant de retrouver cette nonchalance et ce sourire amusée.

-Oh mon beau, si tu savais le nombre de personne ayant tenté de me faire perdre le contrôle… je n’ai jamais réussi à lâcher prise, je suis une cause perdue.

Si c’était vrai… il n’en était plus aussi sur. Avant, il aurait dit oui sans hésiter, mais en ce moment, il n’en savait rien et ce n’était pas vraiment bon signe pour lui. Il n’allait pas… non. Il n’allait pas céder le contrôle, il n’allait pas faire ça, il ne pouvait pas. Il se devait de contrôler son environnement. Trop de chose en dépendait, vraiment. Il rajouta donc, avec son sourire le plus joueur et adorable :

-Puisque tu es dans la "case" boulot et chaste, tu veux que je te fasse à diner?

Quoi? Melchom, osé le provoquer de nouveau? Ouais, complètement. Il avait récupéré sa coupe pour en savourer une gorgée, dévorant toujours Asmodée du regard. Parce qu’au fond, c’était exactement ce qu’il faisait, il jouait avec le déchu, ne sachant pas s’il allait réussir à lui faire perdre son précieux contrôle.

Comme toujours, Melchom prenait grand soin à tenir tête au déchu, jouant les provocateurs dans ses attitudes et ses réponses, même si au fond, chacun d’eux savait qu’il n’en était rien. Le démon avait beau prétendre ne pas être certain de vouloir garder Asmodée sous son toit, il y avait peu de chance qu’il trouve la force de lui refuser son hospitalité. D’une part, cela aurait été se priver d’un moment particulièrement intéressant, et d’autre part, c’était (et ce point ci n’était pas des moindres) devoir faire face au courroux de l’Avatar de la Luxure, dont il savait le tempérament explosif lorsqu’on lui refusait quelque chose.

Melchom expliqua alors qu’il y avait peu de chance pour qu’il abandonne son habitude à tout vouloir contrôler et ordonner. Il se qualifia lui-même de cause perdue. A cette idée, Asmodée eut un sourire amusé. Ce défaut rendait presque le démon encore un peu plus intéressant. Melchom proposa alors de préparer quelque chose pour le diner. L’idée ne déplaisait pas à l’Infortune d’Eve. Il avait toujours apprécié les cadeaux. Par le passé, ces derniers portaient le nom d’offrandes, ses fidèles ne manquant pas de l’en couvrir afin de s’attirer les faveurs de Maître des Succubes. Mais les temps avaient changé, les humains étaient moins crédules (quoi que …), alors, le déchu avait dû apprendre à se contenter de ce qu’on lui offrait à présent. Pour ainsi dire, il était toujours sollicité, simplement que l’addition était réglée avec une monnaie différente. Aujourd’hui, il n’était plus question de victuailles, d’étoffes rares, d’épices raffinées, de gemmes et de métaux précieux, ou encore de sacrifices. Le dollar avait remplacé tous ces biens terrestres, bien que sa possession nécessitait parfois de faire couler le sang.

D’un signe de tête, Asmodée accepta donc la proposition du démon. Restant assis un instant, il observa Melchom se lever et se diriger vers la cuisine. Buvant une dernière gorgée de vin, le déchu observa une nouvelle fois la pièce. Finalement, il se leva et alla rejoindre son ami dans la pièce voisine. Lorsqu’il arriva, Melchom était déjà en train de sortir et de préparer divers ingrédients. Le déchu vint alors se placer derrière lui, l’enlaça au niveau de la taille, puis huma la nuque du jeune homme. Enfin, avec un subtil mélange de passion et de tendresse, il déposa un baiser sur l’épaule de Melchom, puis un second dans son cou.

« J’aime les causes perdues, commença à lui susurrer le déchu d’une voix séduisante et amusée. Voyons voir comment tu t’en sors en cuisine si je pimente un peu cette recette. »

Déposant un nouveau baiser sur la nuque du démon, Asmodée laissa ses lèvres quelques secondes à la naissance de la chevelure de son ami. En même temps, le déchu resserra un peu plus l’étreinte de ses bras sur les hanches de Melchom.

« Sera-t-elle suivie à la lettre ?, reprit-il de son ton aguicheur. Ou bien seras-tu perturbé par ma présence ? La mèneras-tu à terme ou bien décideras-tu de l’écourter pour te concentrer sur une autre activité ? »

Sans le relâcher, Asmodée se contenta alors de déposer son menton sur l’une des épaules de Mel, tout en observant ce que le démon comptait faire à présent, un espiègle sourire aux coins des lèvres.

« Personnellement, je n’ai pas tant faim que ça », se contenta-t-il de rajouter avec un ton légèrement provocateur et amusé.

Melchom adorait provoquer le déchu, ce n’était pas de sa faute, il était comme ça de nature. En même temps, le déchu n’avait pas l’air de détester. Ce qui allait très bien au démon. Parce que la vie serait triste s’il n’avait pas le droit de provoquer, surtout qu’entre les deux démons, le qui dominait était légèrement flou quand même. Melchom tentait d’embêter le déchu, mais il avait accepté l’idée du repas, il jouait bien le jeu. Le démon ne l’aurait jamais mis dehors, il ne pouvait pas sainement dire non au déchu, mais en même temps… pourquoi pas hein? Il pouvait bien s’en permettre un peu, l’embêter, le repousser pour mieux le ramener à lui. Jouer un peu pour mieux apprécier ce qu’ils auraient ensuite. Melchom n’allait pas abandonner ses manies pour le déchu, sachant clairement que c’était ce qui faisait son charme la plupart du temps, alors il allait juste s’amuser et puis voilà. Il c’était donc levé pour aller cuisiner, il ne savait pas quoi, ni comment. Il aurait surement cuisiné ce que George aurait apprécié manger… Pourtant, le démon avait bien envie d’opter pour quelque chose de plus… rapide à faire. Il avait apporté son verre à la cuisine, sortant des ingrédients pour un menu qu’il montait tranquillement dans sa tête. Il fallait que ce soit digne du déchu, c’était important. Il avait commencé à sortir des ingrédients quand il senti la présence du déchu, ses bras l’enlaçant. Il ne put retenir son sourire nonchalant, joueur même. Cuisiner allait peut-être devenir compliqué. Melchom reçu le baiser sur son épaule, il avait peut-être légèrement penché la tête pour offrir son cou au déchu qui y déposa un baiser. Hm, il faisait quoi là déjà? Le déchu avoua aimer les causes perdues. Melchom ne devait pas être si pire quand même, non? L’autre s’amusait, le démon aussi, tout allait bien. Il voulait voir comment le démon allait se débrouiller s’il pimentait la recette. Hm, c’est donc avec un sourire joueur, légèrement moqueur que Melchom demanda simplement :

-C’est un défi?

Parce que s’il y avait une chose d’importante à savoir pour le démon, c’est que s’il était ferme niveau contrôle, c’était bien pire lorsque c’était un défi à relever. Ouais, il avait de l’orgueil notre démon, vraiment. Le démon continuait de recevoir les caresses du déchu avec plaisir, il appréciait chaque contact, toujours. Pourtant, il ne savait pas vers quoi il voulait avancer. Il ne savait pas s’il allait simplement se retourner pour profiter d’Asmodée ou s’il allait respecter un peu plus la case « boulot » que cette maison offrait. Asmodée voulait savoir, le questionnant de cette voix qui réveillait de bas instinct chez le démon. Le déchu avait finalement déposé son menton sur l’épaule de Melchom. Le démon se sentait observé, étudié, désiré.

-Je suis toujours perturbé par ta présence, avec ou sans le mode déchu d’activé et tu le sais ça.

Parce que ouais, les deux démons le savaient très bien ça. Melchom ne s’en cachait pas. Asmodée troublait le démon bien plus qu’il ne l’avouait. Pour ce qui était d’écourter la recette… Asmodée n’avait pas bien faim. Oh, Melchom avait faim, il avait très faim, mais pas de nourriture.

Tu sais… on est à une téléportation de chez toi hein, ça… serait vraiment plus simple non?

Et il c’était retourné pour plonger son regard clair dans celui de son déchu. Son regard pétillant d’envie sagement contrôlé, il était doué dans ce domaine le démon. Alors, il lui murmura simplement un :

-Je n’ai pas tant faim que ça non plus en fait, mais je peux essayer pour t’embêter.

Avant de glisser une main dans les cheveux soyeux du déchu pour l’embrasser. Ouais, le démon mixait provocation et délicatesse, presque tendresse. Il faisait quasiment dans le sentimentalisme et il se régalait d’avance de voir comment réagirait l’infortune d’Êve, vraiment.

Comme le déchu l’espérait, Melchom avait pris les provocations comme un véritable défi. Connaissant la tendance de son ami à toujours vouloir relever ce genre de challenge, Asmodée avait volontairement agi sur cette corde sensible, afin de pousser le démon à toujours plus de témérité. Ce fut donc avec un sourire satisfait que l’Avatar de la Luxure accueillit la question de son ami. Pourtant, Melchom ne manqua pas de rappeler combien la présence du Serpent du Jardin le perturbait, sous-entendant par là que le jeu n’était pas totalement fairplay. Mais qu’importait, cet art de la ruse faisait parti intégrante du personnage qu’était Asmodée, si bien qu’il ne comptait certainement pas déroger à ses habitudes en pipant les dés afin d’accroitre ses chances de victoire.

Ce fut à ce moment là que Melchom évoqua la possibilité de se rendre chez son partenaire, plutôt que de poursuivre leur tête à tête dans cette maison. En même temps, il s’était retourné, faisant à présent face à Asmodée, et plongeant son regard cristallin dans les yeux du déchu. Une fraction de seconde, il sembla qu’il cherchait à prendre le dessus. Puis, insinuant une main derrière la tête d’Asmodée, il l’embrassa avec passion.

Le Gardiens des Plaisirs glissa alors un doigt entre leurs lèvres, interrompant sans ménagement ce baiser. Puis, délicatement, il repoussa légèrement Melchom de l’extrémité de l’index toujours posée sur la bouche de ce dernier. Le fixant avec assiduité, il plissa légèrement les sourcils, l’ombre du soupçon traversant son regard vers-noisette. Un silence de plusieurs secondes s’installa alors que les deux démons continuaient de s’observer. Finalement, le déchu y mit fin.

« Pourquoi tant d’insistance pour ne pas avoir cette rencontre ici ?, demanda-t-il avec un ton posé. Qu’est-ce que tu me caches ? »

La demande de Melchom de rejoindre l’appartement du déchu avait sonné creuse aux oreilles de celui-ci. C’était comme si elle avait manqué de sincérité. En quoi poursuivre chez le démon de la Luxure simplifierait les choses ? C’était comme si Melchom avait saisi le premier argument, la première occasion pour éloigner Asmodée de cet endroit. Dés le départ, il avait semblé au déchu percevoir chez son ami un certain malaise à être retrouvé dans cette maison. C’était comme s’il venait d’être interrompu alors qu’il était en train de réaliser quelque chose dont il avait conscience de l’illégitimité. Alors qu’est-ce qu’il pouvait bien vouloir cacher ainsi à Asmodée ? Que pouvait bien être ce secret qu’il tenait absolument à tenir à bonne distance de l’Infortune d’Eve ?

Avant que Melchom ne tente de répondre, le déchu augmenta la pression de sa phalange sur la bouche de son ami, comme pour l’inciter à bien réfléchir à ses prochains mots. Asmodée savait combien son partenaire était un baratineur lorsque cela l’arrangeait. Or, il était hors de question qu’il se débine de ses responsabilités avec un mensonge. Pas ce soir. De son index, le Prince des Succubes laissa s’échapper un part de son pouvoir corrupteur. Le regard toujours aussi fermement focalisé dans celui de Melchom, son sourire se fit alors plus éthéré, peu à peu remplacé par la suspicion.

« Quelle est réellement la fonction de cet endroit, Melchom ? »

Asmodée ôta alors son index, le faisant glisser délicatement vers le bas, le faisant, par la même occasion, passer sur le menton de Melchom, pour achever sa course en pointant son cœur.

Mais la provocation, il adorait ça! Ce n’était pas du jeu de le piéger avec ça, vraiment. Surtout que le démon était du genre téméraire, alors… en vouloir plus? Vraiment? Le jeu n’était absolument pas fairplay, le déchu trichait. Il avait toujours cette fragrance enivrante qui ne permettait pas à Melchom de réfléchir tout à fait adéquatement. Un jour, le démon arriverait à se contrôler complètement, sinon ce n’était pas drôle, mais pour le moment ce n’était pas tout à fait le cas. La meilleure preuve de ça, c’était que Melchom venait d’embrasser le déchu et il ne se gênait pas pour le faire. Il adorait le goût de ses lèvres, les caresses, la sensation. Ça avait aussi un petit côté satisfaisant que le déchu revienne vers lui, encore et encore. La luxure appréciait donc Mel à ce point et c’était… flatteur quand même. Pourtant, le déchu avait envie de jouer, il avait interrompu le baiser, un doigt, c’était tout ce qu’il y avait entre leur deux bouches, c’était… chiant. Pourquoi le déchu voulait absolument savoir hein? Il voulait savoir ce qu’il lui cachait. Rien n’était pas la meilleure des réponses, c’était impossible qu’il n’ait rien à cacher. La pression du doigt d’Asmo se faisait plus présente, l’intimant de réfléchir, mais c’était ce que faisait le démon, vraiment. Il senti la question d’Asmodée prendre tout son poids, demandant à quoi servait vraiment cette endroit. C’était une excellente question, mais répondre : George. Non, il ne le ferait pas. Il était plus fort que ça. Alors qu’il sentait de doigt de ce dernier glisser pour finalement le laisser parler… Il fallait qu’il la joue finement, il avait envie d’être honnête, mais Melchom et l’honnêteté…

Alors Melchom soupira, se passant une main dans les cheveux avant de juste s’éloigner de lui-même, comme un grand. Il n’était pas très content de la question. Il ne savait pas quoi y répondre, ni comment. Il était un peu désemparé pour la forme et il balança un regard légèrement irrité vers son démon pour finalement lui répondre :

-On c’était promit de ne pas parler boulot, jamais. T’es dans la case « boulot » et tu me demandes de ne pas te mentir? J’ai pas envie de te mentir mon beau, mais il ne faut pas me demander.

Il avait son regard plongé dans celui de l’autre. Il n’aimait pas cette envie de dire la vérité, il détestait cette emprise que le déchu pouvait avoir sur lui, Melchom était un démon tout en contrôle, il ne pouvait pas se laisser faire. Au moins, il avait évité la question, il l’avait détourné et ça, c’était une bonne chose. Il voulait savoir jusqu’à où était prêt à aller Asmodée pour avoir sa vérité.

-Tu me mets dans une sale position et pourtant, j’ai tout annulé pour passer la soirée avec toi, c’est tout ce que tu as à savoir.

Vrai, il était dans une sale position, il devrait faire oublier à George qu’il était un démon, qu’il avait des contacts démoniaque et que cette maison était sécuritaire pour lui. Melchom avait tout annulé, encore là, c’était vrai, il avait envoyé un sms à George. Pour ce qui était du reste, le déchu n’avait pas besoin de détails techniques.

-C’est rare, mais pour une fois… je crois que c’est toi qui aura à te faire pardonner.

Il avait tenté un petit sourire léger, comme s’il lui en voulait encore de sa curiosité. Parce que ouais, Melchom n’était pas gentil, Melchom était manipulateur et surtout, Melchom n’aimait pas dire la vérité, du moins, pas celle qu’il n’avait pas envie de dire et ça, c’était important pour lui.

Devant cette question qui appelait une réponse sans délais, Melchom commença par lâcher un soupire, manifestation de son inconfort. Puis, s’écartant du déchu, il garda quelques secondes le silence pour finalement adresser un regard légèrement courroucé à Asmodée. Devant une telle réaction, le sourire du déchu se fit plus aiguisé. Vraisemblablement, Melchom éprouvait une part de colère à l’encontre de son invité. Les questions que ce dernier lui posait, l’agaçaient, et visiblement, il n’était plus vraiment d’humeur à vouloir garder le masque. Pour la plus grande satisfaction de l’Avatar de la Luxure, Melchom montrait des signes de perte de contrôle. D’une intonation qui se mariait parfaitement avec son regard acier irrité, le démon rappela à Asmodée les termes de leur accord, notamment le fait qu’il ne devait rien lui demander au sujet de ses affaires professionnelles. D’autre part, la visite inattendue du déchu avait bousculé les projets de soirées de Melchom, qui pourtant, n’avait pas hésité à tout lâcher pour son invité surprise. Il attendait donc de lui un minimum de compréhension, et surtout, qu’il se fasse pardonner pour cette curiosité mal placée.

Avec quelques pas, Asmodée tua la distance qu’avait rétablie le démon entre eux, sourire carnassier aux lèvres et regard brillant de sadisme. Une fois à quelques centimètres de son ami, le déchu se pencha vers lui, puis, il huma l’air tout en se redressant vers son visage. Alors qu’il était arrivé à la hauteur du regard de Melchom, il sourit d’avantage, dévoilant une dentition immaculée et régulière.

« J’aime beaucoup ce petite zeste de rébellion que tu dégages. C’est nouveau, non ?, commença-t-il avec une voix amusée. Alors comme ça, je te mets dans une sale position … sache que ce parfum d’autorité chez toi me donne subitement envie de te faire adopter toute sorte de positions … toutes plus sales les unes que les autres. »

Se reculant, Asmodée restaura la distance qu’avait fait naître le propriétaire des lieux quelques instants plus tôt. Plaçant les mains dans les poches de son pantalon, le déchu commença alors à faire le tour de la cuisine d’une démarche nonchalante. Ne prêtant plus attention à Melchom, il faisait mine d’observer l’aménagement de la pièce, son sourire s’étant éclipsé pour l’occasion.

« Mais tu as raison, nous avions convenu de cette petite règle. Toutefois …, Asmodée s’arrêta de marcher, reportant son regard sur le démon, je ne t’apprendrai rien si je te disais que j’ai toujours eu beaucoup de mal à suivre les règles. »

Asmodée s’appuya alors au plan de travail situé derrière lui au centre de la pièce. Face au déchu se tenait Melchom. Le Gardien des Plaisirs arborait une mine étrangement sérieuse, qu’il était peu courant de lui voir. Fixant le démon de son regard vert-noisette pénétrant, il laissait l’extrémité de ses doigts pianoter sur le rebord du plan de travail avec un rythme régulier.

« Je sais que tu me caches quelque chose … que tout cet endroit est une vaste supercherie, n’ayant rien à voir avec ton travail, poursuivit le déchu avec sérieux. Comment je le sais ? Je le sens, un point c’est tout. Or … j’ai la fâcheuse tendance à être une créature avide connaissances … Que veux-tu ? Les vieilles habitudes ne se perdent pas comme ça. »

A cet instant, Asmodée cessa de faire jouer ses doigts sur la surface du mobilier, ces derniers étant dés lors parfaitement immobiles. Le regard du déchu se plissa alors légèrement, comme s’il cherchait à l’affuter.

« Bien entendu, libre à toi d’avoir tes petits secrets … »

Se redressant, Asmodée finit par s’approcher de Melchom, regagnant en même temps son sourire taquin et l’étincelle concupiscente de son regard. Posant alors un index sur la boucle de ceinture du démon, le Serpent du Jardin s’adressa cette fois-ci à lui avec un ton plus enjoué et coquin.

« Nous parlions donc de sales positions si je me souviens bien. »

Ouais bon, Melchom n’était pas dans une position très reluisante, Asmodée voulait savoir et Melchom refusait de lui dire. Ce n’était surement pas plus mal… si le déchu n’aurait pas autant insisté. Ce démon allait le rendre fou, vraiment. Melchom avait pris ses distances, c’était mieux comme ça, comme ça… il pouvait réfléchir un minimum. Comment ne pas perdre le contrôle face à Asmodée, vraiment? Qu’il lui fasse goûter l’envie, le désir, la passion, la colère, avec lui, c’était toujours plus qu’à l’habitude. Parce que ouais, il commençait à connaitre ses propres réactions face à Asmodée. Melchom avait tout sacrifié pour passer la soirée avec le déchu, c’était assez comme information, non? Pourtant, Asmodée revint à la charge, lui faisant perdre de nouveau tout le self-control qu’il avait gagné avec la distance. Son sourire… se sourire, lui donnait toujours envie de plus, Melchom le savait. Son regard baignant dans le sadisme… Melchom craignait et espérait le pire en fait. Melchom le laisse tout de même humer l’air, sachant que cette envie de plus qui grondait au fond de son estomac se devait d’être contraint. Il était si près, il aurait pu l’embrasser, mais… il se serait fait repousser, alors il le laissa parler, même si son visage c’était peut-être rapprocher légèrement du sien sans que Melchom ne le veule vraiment. Ce démon allait le rendre fou, vraiment. Asmodée aimait ce zeste de rébellion, mais c’était une première. Melchom avait toujours cru que le déchu aimait s’entourer de gens obéissant un minimum non? Il trouvait ça nouveau, bah s’il aimait… Melchom ne se gênerait plus hein. L’autorité de Melchom lui donnait envie de tester toute sorte de position. Le démon avala peut-être un de travers. Il avait très envie de ça en fait, mais… ce n’était pas le moment, vraiment pas. Fallait garder un minimum de contrôle. Respirer? Ouais, il pouvait surement.

-Il faudrait que je le veule pour ça et… en ce moment je n’ai pas vraiment envie. T’es chez moi, on suit mes règles, c’est normal.

Quoi? Melchom, pousser l’audace? Meuh non, il n’oserait jamais. Bon d’accord, c’était complètement ce qu’il faisait. Asmodée aimait l’autorité et la rébellion, on allait lui en donner un peu. En prime, ça l’aidait à retrouver un minimum le contrôle de sa propre personne. Au moins, Asmodée c’était reculé, ça aidait vraiment en prime. Le démon regardait l’autre faire le tour de la cuisine, l’observer. Alors, le déchu mentionna qu’ils avaient convenu de cette règle, mais que le déchu avait du mal à suivre les règles, alors le démon mentionna simplement :

-Mais tu sais, pas de règles, pas de Melchom. Alors, il faut choisir.

Il le regardait avec un air de défi, il testait voir si Asmodée était du genre à le vouloir lui, mais jouer dans ses règles ou trouver un moyen d’avoir les deux. Il y avait peut-être un petit ton de défi très léger parce que depuis qu’il avait George, il n’avait jamais cessé de jouer les maitres et sérieusement, sa vie sexuelle s’en ressentait. Il avait envie qu’on teste son autorité, il avait envie de combattre et de perdre, il avait envie d’Asmodée dans son lit, mais… il allait combattre, c’est un minimum. Le déchu avait pris un air sérieux, est-ce qu’il fallait s’en inquiéter? Surement un peu. Le déchu avança qu’il savait que Melchom lui cachait quelque chose, que cette endroit était une supercherie et que ça n’avait rien à voir avec son travail. C’était mal partie, vraiment. Il voulait savoir, vraiment. Le problème, c’est qu’il ne saurait pas. Donc…

-Tu as raison, j’exerce divers activités ici, pas que pour le travail, mais c’est loin d’être la maison des plaisirs. Promit.

Parce qu’il continuait d’être flou, toujours. Il n’aimait pas qu’on parle de lui. En fait, Melchom avait beau être complètement accro au déchu, il ne lui avait jamais parlé de lui, de sa vie. Il savait que Melchom avait un lien avec Anaëlle, mais ne lui en avait jamais dit plus. Maintenant que Melchom savait qu’Anaëlle était son ange gardien… du temps de son humanité, il ne comptait surement pas en parler non plus, c’était assez… euh… personnel non? Surtout que l’ange en question avait enterré les ossements de Melchom quelques part dans le monde. Joie… Au moins, Asmodée disait qu’il était libre d’avoir ses secrets, même s’il n’en donnait pas vraiment l’impression. Encore moins en se rapprochant de la sorte. Au moins, il redevenait l’Asmodée que notre démon appréciait, même si… ouais, c’était difficile de gérer comme proximité. Il ramena la conversation aux sales positions. Melchom se mordit légèrement la lèvre inférieure en disant simplement :

-Oui, on en parlait, mais on disait aussi que c’était toi qui me mettais dans une sale position, mais je doute que tu en sois capable en fait. T’es beaucoup trop bien pour ça.

Melchom était d’humeur joueuse et provocante finalement, il avait envie de tenir tête, il avait envie qu’on lui tienne tête, qu’on lui impose la vie et qu’il y prenne goût. Il n’avait pas envie de dominer, il en avait marre de dominer, il le faisait avec le chien et sérieusement, il avait envie de faire changement. Surtout que le chien… c’était un combat de longue haleine.

C’était indéniable : Melchom tentait par tous les moyens de garder le contrôle et par conséquent de s’assurer une certaine marge de sécurité. Toutefois, son côté joueur et séducteur le mettait en difficulté face aux tentations que le déchu ne manquait pas de lui présenter, tout autant que l’attirance qu’il éprouvait pour se dernier. Malgré tout, galvanisé par les derniers encouragements d’Asmodée en termes de rébellion, Melchom joua la carte de l’hôte difficile. Il prétendait ne pas désirer l’Infortune d’Eve. L’intéressé fronça les sourcils devant cette annonce, peu convaincu par un tel mensonge. Asmodée attendait mieux de son ami. Ce genre d’entourloupe, c’était bon pour les pétasses à deux sous qu’il ramenait chez lui le temps d’une nuit. Puis, Melchom gagna en conviction, annonçant de but-en-blanc qu’étant chez lui, les démons suivraient ses règles, et que si ces derniers n’étaient pas respectées, alors, le déchu devrait se passer de son amant. Cette fois-ci, le Prince des Plaisirs afficha un sourire. Les règles, il était passé maître dans l’art de les contourner.

Puis, lorsqu’Asmodée déclara ne pas croire un seul instant que cette demeure n’avait qu’un but purement professionnel, le démon fit un demi-aveu, précisant que de toute manière, cet endroit était loin d’être un lieu de dépravation. Le changement de cet état de fait ne tenait qu’à la volonté du déchu, car il ne tenait qu’à lui d’en faire un pur nid de délices et de perversion. Lorsque finalement, l’Avatar de la Luxure se rapprocha du propriétaire des lieux, ce dernier sembla perdre peu à peu contenance, comme si peu à peu, le contrôle cherchait à lui glisser des mains. De manière presque désespérée, il chercha une nouvelle fois à tenir tête à Asmodée, pourtant, dans le timbre de sa voix, le déchu perçut une faille, comme un désir de finalement succomber. C’était précisément un évènement comme celui-ci qu’attendait le déchu pour pouvoir frapper.

Plantant son regard aguicheur et joueur dans les yeux gris acier de Melchom, le Gardien des Plaisirs Impies continua d’afficher son sourire de prédateur, alors que d’une main habile il détachait la boucle de la ceinture de son partenaire, avant de sensuellement faire glisser cette dernière hors de son pantalon. Au même moment, Asmodée amena avec volupté son autre main sur la hanche de Melchom et subtilement la fit remonter le long de son échine, caressant lascivement le dos du démon, jusqu’à arriver à sa nuque. Arrivés à la naissance de la chevelure du propriétaire des lieux, les doigts de l’Avatar de la Luxure s’insinuèrent délicatement dans cette forêt sauvage aux tons châtains.

Ainsi, Melchom osait dire à haute voix que la Catin Déchue n’était pas en mesure de le mettre en fâcheuse posture. C’était clairement de la pure provocation, mais Asmodée prit le parti de relever le défi. Puisque Gueule d’Ange voulait pimenter le jeu, alors, il était grand temps d’en changer complètement les règles.

Se rapprochant légèrement, le déchu effleura de ses lèvres celles de Melchom, avant de finalement s’éloigner. S’écartant du démon, Asmodée empêcha ce dernier de le suivre en apposant au centre de son torse l’index de sa main tenant la ceinture.

« Puisque visiblement, ce soir,  tu ne me désires pas … et d’après la volonté de fer que tu prétends avoir, j’ai bien peur de ne pouvoir assouvir mes ambitions à ton sujet, lança le déchu avec un sourire espiègle. Je ne vais donc avoir d’autre choix que de m’amuser tout seul. »

A présent, Asmodée s’était suffisamment éloigner pour ne plus pouvoir tenir à distance le démon du bout du doigt. Derrière lui, l’Infortune d’Eve sentit le plan de travail du centre de la cuisine empêcher sa retraite de se poursuivre d’avantage. Tout au plus, deux mètres séparaient les deux créatures démoniaques. Le regard joueur toujours posé sur Melchom, le déchu déposa la ceinture précédemment retirée en bandoulière sur l’une de ses épaules. Puis, avec un mélange de provocation et de classe, il commença à déboutonner les premiers boutons de sa chemise noire, en partant du col, tout en prenant son temps. Se mordant la lèvre inférieure tout en continuant de fixer Melchom, le Maître des Succubes s’amusait de cette petite torture.

A présent sa chemise complètement ouverte et dévoilant son torse, Asmodée y fit courir délicatement l’extrémité de ses doigts sous le regard de Melchom, se prodiguant à lui-même une caresse que Gueule d’Ange ne manquerait certainement pas de désirer. De sa main libre, le déchu attira à lui un fruit que le Destin avait merveilleusement bien placé pour l’occasion. Ainsi, une pomme d’un rouge éclatant sauta de la coupole de fruits et roula sur le plan de travail jusqu’au démon du vice. Une fois saisie, Asmodée la porta à sa bouche, croquant dans le fruit sans cesser de planter son regard provocateur dans celui de son ami. Le fruit gorgé de jus laissa alors son nectar s’écouler de la bouche du démon, sans que celui-ci ne cherche à le retenir.

« Pourtant, il serait si facile pour toi de revenir sur ta parole, commença-t-il dire de sa voix mielleuse, si simple de me rejoindre pour obtenir ce qui à présent t’obsède tant. Tiens-tu tant que ça à tes foutues règles au point de ne pouvoir faire une exception pour ce soir … au risque de te priver de … »

Asmodée baissa alors son regard sur lui-même, suivant des yeux le mouvement lascif que sa main dessinait sur son torse, en descendant lentement vers son intimité. Puis, reportant son regard sur Melchom, il lui sourit d’avantage, totalement amusé par la situation, avant de finalement terminer sa phrase avec un ton provocateur et aguicheur.

« … tout ceci ? »

Portant une nouvelle fois la pomme à sa bouche, cette fois-ci, Asmodée en lécha la surface pour en récolter le jus de manière plus qu'explicite.