III.05 ¤ Cinq ans plus tard

Vendredi 22 octobre 2010

Cela avait débuté comme une journée parfaitement ordinaire. Après une courte nuit plutôt agitée, la déchue avait passé la journée à traquer des démons et poussé ses recherches jusque tard dans la nuit. Elle se savait sur une bonne piste. Elle était enfin sortie de l’impasse et sentait qu’elle se rapprochait du démon s’étant emparé de sa Grâce. Elle détenait à présent un nom. Non pas un nom d’emprunt, mais le nom véritable de cette abomination ayant osé poser sa sale main sur une essence céleste. Ce n’était plus désormais qu’une question de temps avant qu’elle ne le déniche du trou à rat dans lequel il était caché. Et bientôt, très bientôt, elle pourrait enfin régler ses comptes avec lui et exiger réparation.

Mais avant cela, Ithuriel était rentrée éreintée de sa traque nocturne. Elle dormait très peu depuis son arrivée à Huntfield. Depuis qu’elle avait découvert la raison de sa présence dans la petite ville assiégée par les démons et la menace qui pesait sur toutes les âmes innocentes y résidant. Un poids qui pesait sur sa conscience. Un poids énorme. Car cette épée de Damoclès était suspendue au-dessus de la ville à cause d’elle. Cela était pourtant parti d’un bon sentiment. N’étant pas digne selon elle d’appartenir à l’armée céleste du Seigneur et n’ayant par conséquent plus sa place aux Cieux, Ithuriel s’était coupé les ailes et avait chuté sur Terre dans l’espoir que cette épreuve lui permettrait de faire rédemption et de racheter ses fautes. Mais en agissant de la sorte, elle avait apporté la ruine dans son sillage. Ou du moins, le monde connaîtrait-il le chaos et la désolation si le démon s’étant emparé de sa Grâce décidait finalement d’en faire usage à des fins diaboliques. Celui qui avait dit que l’enfer était pavé de bonnes intentions avait eu raison sur toute la ligne. Ithuriel l’avait hélas appris à ses dépends.

Aussi la déchue s’était-elle endormie comme une masse à peine sa tête posée sur l’oreiller. La nuit était déjà bien avancée et elle devait se lever tôt le lendemain pour reprendre ses recherches. Néanmoins, quand bien même cela était plus ou moins une habitude, sa nuit fut particulièrement agitée et la jeune femme eut le sentiment de n’avoir profité d’aucun sommeil réparateur quand ses yeux s’ouvrirent et qu’elle fut éblouie par la lumière du petit matin filtrant à travers les vitres crasseuses de sa chambre de motel. N’avait-elle pas tiré les stores avant de se coucher ? C’est ce qu’elle faisait d’ordinaire, tenant à son intimité. Mais la nuit passée avait été tellement éreintante qu’elle s’était peut-être tout bonnement couchée sans avoir la force de faire quoi que ce soit d’autre. Cela non plus ne l’aurait pas étonnée.

Se passant une main sur le visage, Ithuriel se frotta les yeux et tourna sur le côté pour jeter un œil à son radioréveil. Elle s’attendait à y lire qu’elle avait dormi bien plus longtemps qu’elle n’aurait dû. Mais le fait est que l’appareil était éteint quand ses yeux se posèrent dessus. Aucun chiffre lumineux pour la renseigner sur l’heure qu’il était. Encore une panne de courant ! La troisième depuis le début de cette semaine. Cela commençait à devenir une habitude exaspérante. Mais que pouvait y faire Ithuriel ? Elle avait un toit sur la tête et un lit dans lequel faire ses nuits. Tout le monde ne pouvait pas en dire autant.

*Tu parles d’un lit* commenta la déchue en roulant de nouveau sur le dos et en grimaçant de douleur en sentant un ressort métallique du matelas faire pression sur sa peau. *Ce matelas est bon à jeter.*

Un autre ressort lui arracha alors un petit cri douloureux et Ithuriel se rendit enfin compte que quelque chose ne tournait pas rond du tout. Elle était en réalité non pas étendue sur son matelas ayant connu des jours meilleurs, mais à même le sommier métallique de son lit. Le matelas avait disparu. Comment une telle chose pouvait-elle être possible ?

Son instinct de soldat prit le pas sur tout le reste et chassa d’un coup les derniers lambeaux de sommeil embrumant encore son esprit. Et se redressant brusquement en position assise sans se préoccuper des ressorts lui entaillant l’arrière des cuisses, Ithuriel balaya du regard l’intérieur de sa chambre de motel et retint une exclamation de surprise en découvrant que la pièce s’était métamorphosée en l’espace d’une seule nuit. D’ordinaire, la chambre qu’elle louait à la semaine n’avait rien d’une suite de luxe. Il y faisait constamment froid et le courant fluctuait autant que la bourse de Wall Street. Impossible de prédire quand il se couperait et s’il serait possible de prendre une douche chaude au réveil. Mais ce n’était rien en comparaison du spectacle post-apocalyptique qui se présenta à Ithuriel quand enfin elle examina plus attentivement les environs.

Tout d’abord, les stores avaient été arrachés des fenêtres et la lumière du soleil ne parvenait à filtrer que difficilement à travers une bien trop épaisse couche de crasse et de poussières accumulée sur les vitres. Néanmoins, la lumière était suffisante pour éclairer les ruines qu’était devenue la chambre de la déchue depuis la veille. L’ameublement était sens dessus dessous. Les tiroirs de la commode étaient ouverts et leur contenu éparpillé au sol un peu partout dans la pièce. Les portes des placards du coin cuisine avaient été arrachées de leurs gonds et les étagères étaient désormais vides. Le micro-onde ne trônait plus sur le plan de travail mais gisait en pièces détachées dans un coin de la pièce. La porte du réfrigérateur était elle aussi grande ouverte mais cela ne posait pas tellement problème étant donné qu’il était vide et que le courant était de toute manière coupé dans tout le motel. Et bien entendu, le matelas sur lequel la déchue pensait être étendue avait disparu et il ne restait à présent du lit plus que le sommier métallique aux ressorts effilés comme des lames de rasoir. Mais que diable s’était-il passé ici ? C’était à se demander si la fin du monde n’avait pas eu lieu pendant que la déchue dormait.

Une boule se forma soudain dans le ventre d’Ithuriel. La déchue retint inconsciemment sa respiration tandis que son regard se tournait instinctivement vers la fenêtre aux vitres crasseuses. En une fraction de seconde et sans vraiment avoir conscience d’avoir couvert la distance la séparant de la fenêtre, la déchue se retrouva le nez collé à la vitre.

— Non ! souffla-t-elle à mi-voix en refusant de croire ce que voyaient ses yeux. Non !

S’éloignant de la fenêtre, la déchue gagna la porte qui résista quelques secondes avant de consentir à dégager la voie en grinçant sur ses gonds rouillés depuis des années. Libre alors de quitter la chambre, Ithuriel s’avança dans le couloir courant à l’extérieur du bâtiment et donnant accès aux chambres du premier étage. Ses jambes refusèrent de la porter plus loin que la rambarde de sécurité à laquelle elle dut s’agripper de toutes ses forces pour ne pas tomber à terre. Mais qu’importe. Elle n’avait que faire s’effondrer au sol comme un vulgaire sac à patates. Son champ de vision à présent élargi et englobant une bonne partie de Huntfield, la déchue venait de découvrir avec stupeur que ce n’est pas seulement sa chambre de motel qui avait sombré dans le chaos et l’anarchie, mais bel et bien la ville entière, si ce n’est même le monde dans sa globalité.

— Qu’avez-vous fait ? demanda la déchue en devinant que tout ceci n’était pas un simple rêve.

Ayant servi avec loyauté et ferveur l’armée céleste durant des milliers d’années, la jeune femme savait reconnaître l’œuvre des siens quand elle y faisait face. Et la vision apocalyptique qui s’offrait à présent à elle portait indubitablement la marque des Cieux. Quelqu’un au sein des hautes sphères du pouvoir était à l’origine de tout ceci. La trame du temps avait été déchirée et Ithuriel se trouvait à présent dans une réalité alternative. Présent, passé, futur ? Elle n’aurait su le dire. Elle était coupée des Cieux depuis sa Chute et n’avait donc aucun moyen d’obtenir les réponses à cette question. Tout ce dont elle était certaine, c’était de ne plus être dans sa réalité à elle.

— Pourquoi moi ? s’entendit-elle demander en n’attendant aucune réponse.

Et surtout, comment ? Son identité était toujours gardée secrète. Seules deux personnes connaissaient sa véritable nature et ces deux personnes étaient suffisamment dignes de confiance pour qu’Ithuriel sache qu’ils ne vendraient jamais la mèche. Les Cieux n’avaient donc aucun moyen de savoir qui elle était et ce qu’elle avait été jadis. Elle avait justement pris ses précautions pour demeurer sous le radar. Comment l’avaient-ils retrouvée alors ? Et tout ceci était-il un genre de test ? Une épreuve quelconque pour lui faire payer sa défection ? Elle n’avait pour l’heure aucune idée que d’autres individus avaient eux aussi été envoyés dans cet univers parallèle. Elle pensait être la seule victime de cette manigance. Mais il n’en était rien. Elle n’était qu’une âme choisie au hasard parmi des millions d’autres. C’est tout.

Maximilien Argent est mon nom. Je ne peux pas le changer. Même si j’essayais. Néanmoins, je suis un vampire. Un vampire qui est peut-être le seul à Huntfield, néanmoins, je ne pense pas être le seul vampire à Huntfield. Cela serait simplement impossible. Couché sur mon lit je dormais bien et mal. Je n’arrivais jamais à bien dormir et je ne savais pas pourquoi. Peut-être est-ce parce que je suis en amour avec une ange. Et que je pense à elle à tous les moments de la journée. Je ne le sais pas. Mes yeux était ouvert alors que je regardais mon plafond qui était de couleur blanche, car je n’avais pas le courage de peindre mon chez moi. J’essaie de dormir, mais je ne peux pas. Mes pensées sont portées vers Ithuriel. Je l’aime et je ne peux rien y changer. Alors que je regardais mon plafond blanc, je ne voyais pas le temps passé. Surtout qu’il était l’heure de prendre mon repas.

Regardant mon plafond, je décidais donc de m’assoir sur mon lit. Mes pieds sur le tapis qui garnissait le sol sur le côté gauche de mon lit. Prenant un grand respire, je passais donc ma main droite dans mes cheveux. Me levant, je me dirigeais vers la cuisine. Ouvrant mon frigidaire je regardais dedans, afin de choisir ce que je voulais. Il y avait mes sacs de sang, mes bouteilles d’eaux, ma caisse de bière. Je pris un des nombreux sacs de sang qui s’y trouvait. Je fermais mon frigidaire d’un simple coup de main. Prenant un des nombreux verres que j’avais, j’y versai mon sac de sang en entier et me mis donc à boire de mon verre. Après une gorgée, je fermais les yeux pour prendre un grand respire. Et puis, je le buvais au complet ce verre.

Déposant ce verre dans le lavabo, je me dirigeais donc dans la salle de bain. Une fois dans celle-ci, je fermais la porte et avec ma main droite je fis couler l’eau de la douche. Une douche froide était excellente pour moi, car je n’aime pas prendre de douches chaudes. Chacun ses goût non ? Une fois mon caleçon retiré, j’entrai dans la douche. Laissant l’eau froide ruisseler sur mon corps, je ne bougeais plus réfléchissant à ma vie future. Une vie simple et compliqué. Je me rappelle mon arrivé à Huntfield. Lorsque j’ai acheté ce garage afin d’y vivre et d’y installé quelques-unes de mes voitures ainsi que quelques-unes de mes motos. Il fallait bien que je vive la belle vie à un moment donner.

L’eau ruisselait encore sur mon corps lorsque j’ai finalement décidé d’éteindre l’eau. Avec ma serviette je m’essuyais jusqu’à ce que je sois sec. Complètement sec…Je pris le temps de me regarder dans le miroir. Et ainsi arranger ma crinière brune. Je décidais donc de m’habiller. Un jean gris, un chemisier blanc des bas noir et court. Mon long manteau noir foncé & délavé tirant sur la redingote. Manche retroussé. Une fois habillé, je ne savais vraiment pas quoi faire. J’avais bien des choses à faire en ce moment. Beaucoup trop d’ailleurs. Je descendais donc dans le garage, où il y avait plusieurs de mes affaires. Et il y avait aussi quelque chose que j’avais caché de tous. Mes nombreuses armes. Armes qui me serait utile un de ces jours.

Soudain, tout changeait autour de moi. Quelque chose clochait, car ma simple demeure n’avait plus de toi. Les voitures et les motos étaient toutes sales. Ce qui semblait vraiment stupide en ce moment. Mais une odeur familière me traversait les narines. Une odeur qui semblait m’appartenir. Comment est-ce que je peux sentir mon odeur ici même. Soudain, je voyais quelque chose dans une de ces voitures. L’une d’elle avait pris feu. Enfin, l’une d’elle avait pris feu récemment. Je m’approchais simplement de la voiture et remarquait des os. Une tête tranchée. Ma tête, mon corps. Comment pouvais-je être ici tout en étant au purgatoire. Une chose était certaine, j’étais présentement dans le future. Je suis un vampire, je suis pratiquement immortel. Mais bon. Je décidais donc de sortir dehors. Il fallait que je visualise la situation sur le champ…

Ce que je vis, je ne pouvais pas le croire. Je ne pouvais le décrire. Je regardais autour de moi et quelque chose ne fonctionnait pas. Quelque chose ne marchait pas ici. Quelque chose que je n’aimais pas. Il fallait donc que je fasse attention à ce que j’allais faire. Je retournais donc dans le garage. Et avec mes points en plein milieu de ce foutu tas de ciment, que je brisais sans trop de force. Une fois brisé, je pris le coffre qu’il y avait à l’intérieur et le sortait en le déposant sur le capot d’une de ces nombreuses voitures. L’ouvrant avec un simple coup de force. Je pris mon épée, ma dague ainsi que une de mes armes à feu. Car avec ce que j’ai vu je devais m’armer. Je prenais donc une dernière chose avec rapidité j’ouvrais le congélateur et y pris les quelques valves de sang qui restait. Car si je me souviens bien, j’avais d’autre sac de sangs quelque part en ce monde.

Finalement, je montais sur une moto la clé était déjà dans le contacte pour la simple raison que j’adore partir rapidement. Je montais donc sur Yamaha VMAX, utile en ce moment pour moi. Et je sortais donc de ma demeure et j’arrêtais un moment pour sentir l’air. Une odeur particulière. Ithuriel. S’il y avait bien quelqu’un qui pouvait lui donner des réponses c’était bien elle. Je me dirigeais vers l’odeur. Avec une certaine rapidité il arrivait à l’endroit où elle se trouvait. Enfin, il espérait. Il restait sur sa moto un moment. Observant partout autour de lui…

Ithuriel était demeurée un moment à contempler la désolation s’étant abattue sur Huntfield et ayant transformé la petite ville du Kansas en un véritable champ de ruines laissées à l’abandon. La déchue ne repéra aucun mouvement et ne perçut aucun bruit. Le silence ambiant était assourdissant. À croire que la ville avait été complètement désertée. Il ne semblait pas y avoir âme qui vive à des miles à la ronde. Même le ciel au-dessus de sa tête était trop silencieux. Aucun oiseau en vue. Rien. Comme si la vie elle-même avait fui Huntfield une fois que l’impensable s’était produit.

Cette réflexion arracha à la déchue un frisson d’angoisse. Était-ce pour cela que tout paraissait si calme et si silencieux ? Huntfield et ses milliers d’habitants avaient-ils été purement et simplement rayés de la carte du jour au lendemain ? Était-ce pour cela que la ville semblait tout droit sortie d’un de ces films post-apocalyptiques ou feuilletons télévisés dans lesquels les zombies répandaient terreur et chaos sur leur passage ? Était-elle donc la dernière âme vivant encore dans les environs ?

Sentant son cœur s’emballer et battre la chamade dans sa poitrine, Ithuriel prit une lente et profonde inspiration pour ne pas céder à la panique. Elle devait recouvrer son calme et ses esprits. Elle ne devait pas laisser son imagination prendre le dessus sur la raison. Il devait forcément y avoir une explication logique pour justifier tout ceci. Et surtout, pour justifier sa présence en ces lieux. D’ordinaire, on ne se réveillait pas en découvrant soudain qu’on avait été téléporté dans une réalité alternative. Ses frères et sœurs à l’origine de cette altération temporelle devaient avoir leurs raisons. Et pour avoir joué dans la cour des grands avant sa Chute, Ithuriel savait que le seul moyen pour elle de quitter cette prétendue nouvelle réalité était de comprendre la raison de sa présence ici. Car tout ceci était bel et bien un test. Une épreuve. Et le seul moyen de la réussir était d’apprendre la leçon qu’on tentait de nous inculquer.

*Bon, chaque chose en son temps* se dit Ithuriel en prenant une seconde inspiration. *Tout d’abord, tu dois déterminer à quelle époque tu te situes. Passé, présent, futur ? Tu aviseras ensuite à partir de là.*

La déchue penchait volontiers pour un saut dans le futur ; mais dans le doute, elle préférait s’appuyer sur des faits et des preuves concrètes. Aussi se détourna-t-elle de la rambarde pour s’en retourner dans sa chambre. La jeune femme fut alors une fois de plus déstabilisée par le chaos régnant dans ce qu’elle avait jusqu’à présent considéré comme son sanctuaire. Cela ne payait pas de mine d’ordinaire, comme cela avait été stipulé précédemment, mais c’était son chez elle. Ou du moins, ce qui s’en rapprochait le plus compte tenu de son nouveau statut de mortelle. L’endroit avait été protégé des démons et des anges par des sceaux et des runes de protection. Malheureusement, cela n’avait de toute évidence pas suffi à tenir en respect ceux qui avaient saccagé cet endroit. Était-ce l’œuvre de créatures surnaturelles ou de mortels ayant cédé à leurs plus viles instincts une fois l’anarchie déclarée ?

Difficile à dire… Et encore, tout cela dépendait du fait que cette réalité soit bel et bien un aperçu d’un possible futur et non l’image déformée d’un présent ayant sombré dans le chaos. Un journal. Quelque chose où figurait une date, c’est ce dont Ithuriel avait besoin là maintenant. Et c’est donc ce après quoi elle se mit en quête en se mouvant au milieu des détritus et des débris calcinés d’un meuble réduit en charpie pour nourrir un feu éteint depuis des lustres.

La chance sourit enfin à la déchue qui mit la main sur un exemplaire jauni depuis des semaines – si ce n’est même des mois – du Huntfield Tribune daté de juin 2013. Le quotidien était en piteux état et de toute évidence pas très récent. Son encre avait déteint et s’était en grande partie estompée. La date seule avait survécu aux affres du temps. Ithuriel en arriva donc à la conclusion qu’elle était bel et bien dans le futur et qu’elle avait fait semble-t-il un bond d’au moins trois ans dans l’avenir – mais vu l’état du journal qu’elle venait de laisser tomber à terre, quelques années de plus avaient tout aussi bien pu s’écouler depuis l’impression du quotidien. Cela ne lui donnait qu’un ordre d’idée, mais c’était toujours mieux que rien. Il ne lui restait plus désormais qu’à comprendre pourquoi. Pourquoi l’avait-on envoyée ici ? Qu’était-elle censée découvrir ? Quelle leçon devait-elle apprendre ?

Espérant pouvoir en apprendre plus en parvenant peut-être à mettre la main sur un autre quotidien, la déchue continua de retourner les lieux en quête de plus amples informations. De toute évidence, il apparaissait que quelqu’un avait vécu ici dernièrement. Il y a quelques semaines, peut-être quelques mois. Elle ? Ou bien quelqu’un d’autre ayant revendiqué cet endroit pour lui ? D’ailleurs, où se trouvait-elle à présent ? Enfin, sa version d’elle-même appartenant à cette réalité. S’il existait bien quelqu’un sur cette Terre à même de lui fournir les informations dont elle avait besoin, c’était elle-même. Enfin, sa version futuriste. Celle qui était déjà passée par cette épreuve et qui en connaissait donc les tenants et aboutissants.

Ithuriel serra les dents en fermant les yeux et en sentant poindre un début de migraine. Voilà pourquoi les voyages dans le temps étaient prohibés. Cela créait bien plus de problèmes que cela ne pouvait en résoudre. Les anges avaient effectivement conscience de toutes les réalités alternatives coexistant les unes avec les autres. Et même pour une créature céleste aux pouvoirs aussi prodigieux que les leurs, se repérer dans ce dédale inextricable de réalités alternatives imbriquées les unes dans les autres à un niveau métaphysique relevait du parcours du combattant. Les archanges étaient bien les seuls à même de pouvoir tenter l’expérience. Pour les autres, même les commandants tels qu’Ithuriel en son temps, l’aval d’un Premier-né était nécessaire et seulement en cas d’extrême nécessité et après avoir fourni un dossier et des justificatifs en bonne et due forme. La bureaucratie… Mais peu importe. Ce qui était fait était fait. Un archange – probablement Raphael, ou peut-être Michael en personne – avait déchiré la trame de l’espace-temps et le tout était à présent de découvrir pourquoi il avait agi de la sorte.

La déchue se trouvait à explorer la salle de bain quand elle entendit pour la première fois la rumeur d’une conversation. Peut-être n’était-elle pas seule finalement. Deux individus venaient semble-t-il de mettre les pieds dans la chambre du motel abandonné. Un couple. Un homme et une femme. Leurs voix avaient quelque chose de familier sans pour autant qu’Ithuriel arrive à leur assigner un nom. Probablement le contrecoup du saut dans le temps. Elle se sentait encore un peu nauséeuse et son début de migraine ne s’était pas encore totalement estompé. Mais elle était sûre et certaine de reconnaître ces voix.

— Fais chier ! On le tenait. Comment a-t-il pu nous glisser entre les doigts ? demanda l’homme.
— Ce n’est pas ta faute, c’est celle de l’ange. Il n’a pas respecté le plan d’attaque, rétorqua la femme.
— Les anges, soupira l’homme. Je ne les supporte pas. Ils sont tous les mêmes. Ils se croient le centre du monde, si ce n’est de l’univers et ils n’en font qu’à leur tête sans jamais écouter les consignes. Moi qui pensais qu’ils avaient été conçus pour être de parfaits petits soldats obéissants.

Ithuriel eut un pincement au cœur en entendant ces paroles. C’était la vérité, certes, mais l’entendre dire avec autant de détachement et une pointe de haine dans la voix avait de quoi blesser et lui donner des envies de meurtre. C’est de sa famille dont il était question là. Elle leur avait certes tourné le dos récemment, il n’en demeure pas moins qu’elle ne pouvait tolérer qu’on les dépeigne ainsi en termes aussi péjoratifs en restant les bras croisés. Mais elle ne bougea pas de la salle de bain. Pas encore.

— Ils l’étaient, avant tout ceci, reprit la jeune femme. (On sentait également une pointe de mépris dans sa voix.) Mais on n’arrivera à rien sans lui. Il est l’un des derniers de son espèce et on aura sûrement besoin de son aide à un moment ou un autre. Plus qu’à espérer qu’il s’en soit sorti vivant.
— Il a plutôt intérêt, oui. Ou c’est moi qui lui ferai la peau. Ça lui apprendra à nous planter comme ça au beau milieu d’une chasse. Foutus anges à la con. Il n’y en a pas un pour rattraper l’autre.
— Ils n’étaient pas tous comme ça, si ça peut te rassurer un peu, souffla la jeune femme. (Et cette fois-ci, c’est plus une pointe de nostalgie et de mélancolie que la déchue perçut dans sa voix.) Certains ne vivaient que pour soulager l’humanité de ses maux. Certains avaient le cœur pur et des intentions des plus honorables. (Elle marqua une pause hésitante.) Mais ça, c’était avant.
— Mouais, le bon vieux temps, c’est ça ? (Aucune réponse. Ou alors la femme s’était contentée de hocher la tête.) Enfin bon, ne traînons pas. Récupérons ce qu’on est venu chercher et retournons monter le camp pour la nuit loin d’ici. Cet endroit n’est plus tellement sûr depuis qu’elle y a remis les pieds.
— Tu es sûr que ça va, Jared ?
— Ouais. Ne t’inquiète pas pour moi.

*Jared ?* répéta mentalement Ithuriel. Et toutes les pièces du puzzle trouvèrent finalement leur place d’elles-mêmes. Voilà pourquoi la voix de l’homme lui semblait si familière. C’était celle du petit frère de son hôte. Jared McAllistair. Son visage juvénile d’enfant rebelle s’imposa à l’esprit de la déchue et sans avoir pris le temps de réfléchir à ce qu’elle faisait, elle sortit de la salle de bain et se retrouva dans le dos du jeune homme. Même ainsi, elle le reconnaissait. Il avait la même taille que dans ses souvenirs et ses cheveux avaient beau être un peu plus longs, il n’avait pas changé depuis la dernière fois que la déchue avait discuté avec lui. Néanmoins, les retrouvailles ne se passèrent pas comme les avait imaginées la jeune femme.

Tout se passa très vite. Ithuriel n’avait pas eu le temps de poser les yeux sur la compagne de Jared que celle-ci se rendait compte qu’ils n’étaient pas seuls. Elle donna l’alerte et le frère de Lilian se retourna en un éclair et frappa sans poser de questions. Le coup arriva si vite qu’Ithuriel n’eut pas le temps de le parer et une explosion de douleur s’épanouit dans toute sa mâchoire là où le poing du jeune homme avait percuté l’os. La déchue tomba au sol, sonnée. Elle secoua la tête pour se remettre les idées en place. Des petits points argentés dansaient devant ses yeux et elle sentait qu’elle était à deux doigts de tourner de l’œil. Mais elle devait résister à l’envie de sombrer dans l’oubli.

— Qu’est-ce qu’elle fiche ici ? demanda la femme en avançant avec une épée angélique dans la main.
— Aucune idée. Mais ne prenons aucun risque. Donne ton épée.
— Non.
— Quoi ?! Donne-moi ton épée, Ealie.
— Non. Nous devons la questionner avant. Elle détient forcément des informations.
— Quoi ? Que… Que se passe-t-il ? De quoi parlez-vous ? demanda Ithuriel en redressant lentement la tête, sonnée.

Mais impossible pour elle de voir autre chose que le visage de son petit frère d’adoption. Le reste était flou et elle sentait qu’elle ne resterait pas consciente bien longtemps. Force est de constater que son instinct avait raison une fois de plus. Ceci dit, cela ne se passa pas non plus comme elle l’aurait cru.

— OK. Mais j’espère pour toi que tu sais ce que tu fais.

Le poing de Jared s’abattit cette fois-ci sur la tempe de la déchue et elle sombra pour de bon dans les méandres de l’inconscience.

J'avais pris mes armes de mon coffre qui avait été enterrer dans le sol pendant des années. Ou bien des mois. Je ne savais plus. J'étais monté sur une moto pour me promener dans ce monde qui était rendu désertique. Enfin pas désertique, mais apocalyptique. J'avais sentis la préssence de la seule femme que j'ai aimé de tote ma vie. Elle était ici en ma compagnie. Cependant, je savais très bien que je ne serais pas le seul ici.

Une fois arrêter, je me suis mis à respirer et réaliser que le moi du futur était mort. Ce qui rendait ma tâche plus ardu si jamais je réussissait à retourner dans le passé. J'étais un simple vampire qui avait 343 ans. Je ne suis pas un humain. Je devais me nourir de sang. C'était pour cette raison que j'ai apporté des sacs de sang avec moi.

Alors que j'étais sur ma moto. Je me suis mis à respirer. Je fermais les yeux et écoutait attentivement les alentours. Il y avait une humaine, Ithuriel, un homme qui s'en venait vers moi. Et d'aillleur deux autres personnes. Deux personnes que je ne connaissait pas. Et je sentai qu'ithuriel était en détresse. Je ne pouvais pas rester assis sur ma moto, alors qu'elle était en danger de mort. Enfin. C'était ce que je pensais.

Donc au lieu d'attendre dehors comme un homme sans tête, étant une cible facile, j'avais décidais donc de mettre fermer le moteur de la moto en tournant la clé vers la gauche. Avec mon pied droit, je fis descendre la béquille qui tenait la moto en place pour ne pas la faire tomber sur le sol. Il serait domage qu'une si belle moto se fasse endomagé. Surtout ma moto. Une fois fait, je descendis de celle ci.

Puis avec mes mains, je pris un sac de sang. L'emmenant a ma bouche. Et puis, je but le sac en entier. Je ne voulais pas tuer d'innocent. Surtout devant elle. Elle me prendrait encore plus pour un monstre. Déjà qu'elle m'avait demandé de l'espace la dernière fois que je l'avais vu sur le bord d'un lac à Huntfield.

Enfin, Je n'avais pas besoin de me rappeler l'évènement marquand de ma vie. Une fois le sac but, il sortait de son trousseau, son épée de capitaine, ayant appartenu à un de mes vieux amis. La tenant d'une main et de l'autre, je sortais une arme à feu avec un siencieux. Il ne fallait pas faire trop de bruit. Je ne veux pas attirer l'attention des autres.

Avec rapidité, je m'approchais de l'endroit où les voix était et je sentais Ithuriel derrière. Avec mon odorat de vampire, je la reconnaitrais n'importe où dans le monde. J'entrai dans la pièce. Arme en main, je tirais deux ou trois fois en faisant attention pour ne pas les toucher. Brandissant mon épée et mes dents accérés, Je les regardais d'un air féroce et menacant comme le prédateur que j'étais...

-Je vous conseille de vous en aller sur le champs avant que je ne vous vide de votre sang. Je suis affamé. J'ai soif. Cela fait quelque semaine que je n'ai pas bu de sang. Je suis disons en colère...-

Je les regardais toujours m'avançant d'un pas. Épée pointé et arme à feu prête à être utiliser. Je n'étais pas ici pour les tuer, mais pour les menacer de mort. Je ne voulais pas me battre avec eux. Il fallait bien rajouter quelque chose non...

-Je vous rappelle que je suis un vampire et que j'ai 343 ans. J'étais un pirate dans mon jeune temps, donc un expert avec l'épée que j'ai dans mes mains. Avant que vous puissiez me faire une petite blessure, vous serez sur le sol mort...-

Un pas de plus. Rien de moins rien de plus. Je n'avais pas besoin d'en faire plus, pour les voirs s'en aller en courrant. Un peut plus et j'aurais été obligé de faire ce que je ne voulais pas faire. J'attendis un moment. Un moment avant de ranger mes armes. Je me tournais donc vers Ithuriel un moment. Elle avait les yeux ouverts et je crois qu'elle reprenait conscience. Ou bien elle avait déjà repris conscience, cela faisait un moment. JE lui tendais la main, afin de l'aider à se relever.

-Et bien bonjour... Je t'ai manqué? Tu n'es pas la seule qui se pose des questions en ce moment. Un moment j'étais chez moi, et l'autre mon chez moi n'avait plus de toit. -

Je lui donnait un légé sourire.

Ce fut la rumeur d’une conversation qui tira lentement la déchue de l’inconscience. Des éclats de voix. Une dispute. Mais Ithuriel était encore trop vaseuse pour faire le rapprochement avec le jeune homme et la femme qui l’avaient surprise avant qu’elle sombre dans l’oubli. Elle pensait être dans un rêve. Du moins était-ce proche du sentiment qu’elle éprouvait dans ces moments-là : l’impression de flotter et d’être aussi légère qu’une plume. Ce qu’elle avait été jadis dans ce qui semblait être une autre vie. Du temps où elle n’était encore que pure énergie. Du temps où elle servait une noble mission. Cependant, une ombre s’efforçait de rompre ce doux sentiment de sérénité. Un battement sourd faisant rayonner une douleur lancinante dans chacun des membres de la déchue. Et peu à peu, Ithuriel sentit son corps devenir de plus en plus lourd. Comme s’il avait été coulé dans le plomb. Et au fur et à mesure que son rêve s’effilochait, la douleur devenait de plus en plus vive.

— Pourquoi ne pas l’avoir tuée directement ? demanda la voix du jeune homme. On prend des risques inutiles en la gardant en vie. Pour une fois qu’on a le dessus, on devrait en profiter et la tuer !
— Justement, le contredit la femme. On a le dessus. Elle est à notre merci. Autant en profiter pour lui arracher autant d’informations que possible avant de lui régler son compte pour de bon. Ce n’est pas tous les jours qu’on a la chance de mettre la main sur l’un d’eux. Et c’est même la première fois qu’on capture quelqu’un de si haut placé. Elle sait tout de ses plans et de ses projets. On ne peut pas cracher sur ces informations, Jared. Tu le sais aussi bien que moi. Combien de temps encore crois-tu que nous allons pouvoir continuer à survivre si nous ne trouvons pas un moyen d’inverser la tendance, hein ?

Le jeune homme ne répondit pas. Mais Ithuriel s’en fichait. Elle avait reconnu un nom au milieu de ces éclats de voix inintelligibles vu son état actuel. Jared. Elle connaissait un Jared. Ou plutôt, elle connaissait ce Jared. Sa voix était familière et elle comprenait à présent pourquoi. C’était le petit frère de Lilian, son hôte. La déchue éprouvait un étrange sentiment de contentement à l’idée de savoir le jeune homme ici. Elle se rendait soudain compte à quel point il lui manquait. Ce qui n’avait aucun sens étant donné qu’ils ne se connaissaient pas du tout. La déchue n’occupait le corps de Lilian que depuis un an et elle avait passé pratiquement tout ce temps loin de la famille de son hôte. Le fait est que la jeune femme était contente d’entendre sa voix. Mais en même temps, quelque chose la dérangeait sans pour autant qu’elle parvienne à mettre le doigt dessus. Cela aurait peut-être été plus simple pour elle si elle s’était souvenue que c’était justement ce même « petit frère » qui l’avait frappée et assommée.

— Elle se réveille, on dirait, souffla-t-il alors une fois calmé.

Ithuriel perçut des bruits de pas se rapprochant. Elle tenta en vain de relever la tête et d’ouvrir les yeux. La douleur était trop vive. Elle se contenta donc de gémir en sentant la brûlure se répandre dans toute sa mâchoire avant de remonter dans ses tempes et de redescendre dans son dos le long de son échine. Elle manqua tourner de l’œil, mais une main se posa sur son épaule et la secoua vigoureusement :

— Hé ! Ce n’est pas l’heure de faire un somme, OK ? Alors on garde les yeux ouverts ! Oh !

Ithuriel se fit secouer une nouvelle fois et parvint à demeurer consciente. Sa tête tournait encore mais au moins n’allait-elle pas replonger dans l’oubli cette fois. Elle leva les yeux vers Jared et sourit malgré elle en reconnaissant effectivement son visage. Il n’avait pas changé. C’est la remarque qu’elle s’était faite plus tôt. Il paraissait plus vieux, certes, mais ses traits juvéniles étaient toujours là. Il restait encore ce petit garçon qu’elle considérait comme son frère sans raison logique. Mais lui par contre n’avait pas l’air particulièrement ému de revoir sa sœur – comme en témoignaient la tension dans ses membres et la colère qui assombrissait ses beaux yeux bleus. Il faisait des efforts considérables pour ne pas sauter à la gorge de la déchue, c’était une évidence. Mais pourquoi ?

— De deux choses l’une : ou tu réponds à nos questions sans faire la difficile et nous t’offrons une mort rapide et indolore, ou tu nous tiens tête et alors crois-moi, je me ferai une joie de t’arracher les réponses que l’on cherche. Est-ce que c’est assez clair pour toi ?

Ithuriel secoua la tête et fronça les sourcils. Elle ne comprenait pas. Pourquoi Jared lui parlait-il sur ce ton et pourquoi espérait-il à ce point qu’elle se montre difficile et l’oblige à faire usage de la force pour obtenir d’elle ce qu’il voulait. Cela n’avait aucun sens. Jared n’était pas du genre violent. Du moins pas comme ça. Pas juste pour le plaisir de l’être. Cela ne lui ressemblait pas du tout.

— Que…, commença la déchue, mais sa voix se brisa net à cause de sa mâchoire endolorie. Pourquoi ? parvint-elle seulement à demander finalement.
— C’est une blague ? demanda Jared. (Mais la question ne lui était pas destinée. C’est à sa compagne qu’il s’adressait.) Elle plaisante là, n’est-ce pas ?

Jared se retourna vers Ithuriel et arma le bras pour frapper la jeune femme. Mais sa compagne restée en retrait jusqu’à maintenant l’interrompit.

— Non, attend. (Elle s’avança.) Laisse-moi faire.
— Quoi ? Non. Je m’en charge. Elle et moi avons des comptes à régler.
— Moi aussi j’ai des comptes à régler avec elle.

La compagne de Jared se fut finalement suffisamment rapprochée pour qu’Ithuriel pose enfin les yeux sur elle. Elle retint une exclamation de surprise en reconnaissant l’une de ses sœurs angéliques.

— Astarielle ? demanda-t-elle en esquissant un timide sourire.

La jeune femme tressaillit et sa mâchoire se crispa en entendant le nom de l’ange. Elle tenait à la main une épée céleste. Ithuriel remarqua immédiatement la tension dans ses doigts dont les phalanges avaient viré au blanc tellement elles serraient la garde de la lame. La jeune femme tremblait comme sous le coup de la colère. Mais elle se fit violence et parvint à demeurer maîtresse de son corps.

— Astarielle est morte, souffla-t-elle alors froidement. De ta propre main. Et pour cela aussi tu devras payer mais pas maintenant. D’abord, tu vas répondre à nos questions et tout nous dire à propos de ce que prépare Lucifer et ensuite seulement tu seras jugée pour tes crimes.
— Quoi ? Mes… Mes crimes ? A… Astarielle est… morte ?

Ithuriel se sentit nauséeuse. La douleur dans sa tête était toujours insupportable et trop d’informations venaient de lui être jetées à la figure. Elle peinait à les traiter convenablement et se sentait perdue. La déchue finit par secouer la tête et regretta immédiatement son geste quand elle se sentit encore plus mal, mais qu’importe. Elle refusait de prendre pour argent comptant ce qu’on venait de lui dire.

— Non. Impossible.
— C’est pourtant la vérité. Ne fais pas l’innocente.
— Non, continua de se défendre la déchue. C’est impossible.
— On perd notre temps ! s’exclama Jared en frappant et en réduisant en miette une chaise ayant jusqu’à présent miraculeusement survécu à la fin du monde. Pour ce qu’on en sait, ce pourrait tout aussi bien être un piège ? Qui sait s’ils ne sont pas là dehors à nous attendre. On devrait se débarrasser d’elle et foutre le camp d’ici tant qu’on le peut encore.
— Mais de quoi parlez-vous ? demanda Ithuriel en peinant à comprendre la situation. (Tout était confus dans sa tête et la douleur lancinante ravageant son crâne n’arrangeait rien.) Que se passe-t-il ?

La réaction de Jared prit la déchue complètement au dépourvu. Avant de comprendre ce qui se passait, Ithuriel vit le jeune homme bondir sur elle et enfermer sa gorge dans un étau. Il lui broya la trachée en avançant son visage tout près du sien. Le ton sur lequel il s’exprima alors arracha un frisson à la déchue.

— Fini de jouer maintenant, Ithuriel. Ealie préfère t’arracher tous tes secrets avant de te planter cette lame en travers du corps, mais moi je n’aurai aucun remord à sauter directement à la fin. Si j’étais toi, j’éviterais de me donner des raisons de passer à l’acte prématurément. Ne me tente pas.

L’air manqua à la déchue. Tant du fait que Jared bloquait sa trachée avec sa poigne d’acier que du fait qu’il s’était adressé à elle en usant de son véritable nom. Il était donc au courant désormais. Il connaissait la vérité sur sa nature et sur ses origines. Il savait qu’elle n’était pas sa sœur mais une créature céleste possédant à présent son enveloppe charnelle. Mais comment ?

La déchue n’eut pas vraiment l’occasion de creuser plus avant cette question. Avant d’avoir pu chercher à obtenir la moindre réponse de son frère d’adoption, une silhouette se matérialisa dans l’encadrement de la porte. Jared et Ealie furent pris au dépourvu quand trois coups de feu retentirent dans la pièce et se figèrent d’effroi en découvrant le vampire armé jusqu’aux dents – littéralement. Le nouveau venu, qui se tenait trop loin pour qu’Ithuriel le reconnaisse compte tenu de son état nauséeux, leur conseilla de ficher le camp avant qu’il ne leur règle leur compte. Ithuriel vit Jared hésiter et échanger un regard avec sa compagne. De toute évidence, tous deux étaient chasseurs à présent et ils pensaient pouvoir aisément faire son affaire au vampire avant de retourner à la chasse aux informations avec elle.

Mais le vampire dont la voix était également très familière aux oreilles d’Ithuriel insista en leur rappelant qu’il avait plus de trois-cent-quarante-trois ans et que les armes qu’il brandissait n’étaient pas là que pour faire joli. La balle était dans le camp : ou ils sortaient d’ici vivants, ou les choses risquaient fort de virer au véritable bain de sang. Il fit un pas de plus en direction des chasseurs et de leur prisonnière.

— On s’en va, Jared. Viens. (Mais le jeune homme refusa de bouger.) Allez ! (Elle se rapprocha de lui et lui souffla à voix basse.) Cela ne nous avancera à rien de mourir maintenant. La bataille est perdue mais pas la guerre. Si nous voulons remporter la victoire, encore faut-il que nous soyons en vie pour ça. Allez, viens, on s’en va.

Jared consentit enfin à suivre sa compagne. Mais avant de relâcher Ithuriel, il lui souffla à voix basse de sorte que le vampire n’entende pas :

— Ce n’est pas terminé. Je te retrouverai et je te tuerai. Sois-en assurée.

Puis Jared et Ealie disparurent en une fraction de seconde sans laisser de trace de leur passage après que Ealie eut lancé un regard noir à la déchue. Ithuriel se retrouva seule dans sa chambre de motel avec Maximilien. Elle l’avait reconnu dès qu’il avait donné son âge et dit qu’il avait été pirate par le passé, mais voir à présent clairement son visage rassurait la déchue qui accepta son aide lorsqu’il lui tendit la main. Une fois debout, elle le serra dans ses bras. Pourquoi ? Elle l’ignorait. Ce que Jared venait de lui dire, la façon dont il l’avait menacée et le fait qu’il n’éprouvait aucun scrupule à l’idée de la torturer et de la faire souffrir dépassaient l’entendement de la déchue. Elle sentit les larmes couler sur ses joues et se rendit compte que sa respiration était saccadée, chaotique. Elle était terrorisée. Comme jamais elle ne l’avait été avant aujourd’hui.

Maximilien lui demanda alors s’il lui avait manqué. Ithuriel mit fin à l’étreinte et se ressaisit. Elle était un commandant de l’armée céleste. Ou du moins l’avait été. Elle ne pouvait pas se permettre de céder ainsi aux émotions humaines en public. Le vampire enchaina en disant qu’elle n’était pas la seule à se poser des questions. Il lui révéla alors être victime lui aussi du voyage dans le temps.

— Attends, tu veux dire que… tu viens de la même époque que moi ? (Il sourit.) Je pensais être la seule à avoir été victime de cette altération temporelle. Mais pourquoi ? Pourquoi sommes-nous là ? Penses-tu qu’il y en a d’autres ?

Les questions se bousculèrent dans l’esprit de la déchue, mais elle se rappela soudain que Maximilien venait à l’instant de lui dire que lui aussi se posait tout plein de questions. Elle secoua donc la tête, en serrant les dents quand la douleur lancinante refit surface. Prise d’un vertige, la déchue se rattrapa au bras de son ami et prit appui sur lui.

— On ne devrait pas rester ici, dit-elle en balayant la chambre du regard. Ils… Ils pourraient revenir avec des renforts.

Autant elle avait envie de rester car c’était ici son sanctuaire et qu’une part d’elle-même voulait savoir pourquoi Jared et Ealie s’étaient comportés ainsi avec elle, autant son instinct lui préconisait de trouver un autre refuge le temps de récupérer de sa légère commotion cérébrale. Elle aurait tout le temps une fois remise sur pied de partir en quête de réponses.

Maximilien et Ithuriel quittèrent donc la chambre quelques minutes plus tard. La déchue avait insisté avant de partir pour chercher son khukuri, mais ce dernier manquait à l’appel. L’arme n’était pas dans la chambre. Ithuriel se sentait nue et vulnérable sans elle. Après tout, elle était un soldat. Et un soldat sans son arme, n’était pas un véritable combattant. Peut-être Maximilien pourrait-il lui confier l’un de ses longs poignards, mais ce ne serait pas la même chose. Enfin peu importe. Elle avait pour le moment plus urgent à faire que se préoccuper de la disparition de sa nouvelle lame fétiche.

La douleur dans sa tête s’estompait lentement, mais elle peinait à conserver l’équilibre seule. Elle avait également les paupières lourdes mais savait pertinemment qu’elle ne devait pas céder aux sirènes lui enjoignant de se lover dans les bras de Morphée. Elle devait rester consciente. Et ne pas se préoccuper des bruits qui battaient furieusement dans sa tête. À moins que…

— Est-ce que tu as entendu ça ? demanda Ithuriel en tendant l’oreille.

Le battement sourd qu’elle entendait n’était pas régulier et ne pouvait donc pas être celui de son cœur. On aurait plutôt dit l’écho d’un affrontement. Un combat qui avait lieu tout près d’ici. Ithuriel échangea un regard silencieux avec Maximilien avant de prendre la direction d’où venaient les bruits de lutte. Le fait est que le combat avait justement lieu dans la rue vers laquelle Maximilien l’entrainait, celle dans laquelle il avait abandonné sa moto avant de faire irruption dans la chambre du motel. Ils découvrirent là trois combattants. Deux hommes et une jeune femme toute menue. L’un des hommes était à terre tandis que l’autre avançait vers lui en irradiant une aura de menace. La femme aussi était à terre mais tentait tant bien que mal de détourner l’attention du colosse en faisant pleuvoir sur sa tête tout ce qui lui passait sous la main. Ithuriel voulut se porter à leur secours, mais ses jambes refusèrent de la porter.

— Maximilien, dit-elle en tournant la tête vers son compagnon. Il faut faire quelque chose pour les aider.

Ithuriel laissa son ami se charger de la brute qui se révéla être un démon. Ithuriel regretta amèrement une fois de plus de ne pas avoir sa lame sous la main. Celle-ci était capable de blesser ces abominations, elle aurait pu être très utile en pareille situation. Hélas, ils devraient faire sans. Aussi la déchue se rendit-elle en titubant auprès de la jeune femme pour l’aider à se remettre debout. Quelle ne fut pas sa surprise en découvrant son visage et en le reconnaissant :

— Saeko ?! (Passé la surprise, Ithuriel embraya rapidement.) Est-ce que ça va aller ? Tu n'es pas blessée ? (Elle écouta la réponse de la jeune femme et ajouta.) Il ne faut pas rester là. Viens.

Ithuriel se prépara à emmener la jeune asiatique pour la mettre à l’abri, mais prit une seconde pour se faire une idée à propos du déroulement du combat. Son compagnon avait-il besoin de son aide ? Elle n’avait pas encore suffisamment récupéré et elle se sentait encore très faible, mais elle ne pouvait pas rester là les bras croisés sans rien faire. Et l’autre homme, celui avec le manteau ? Avait-il aussi besoin d’aide ou s’en sortait-il tout seul ?

Ce fut une simple chose faite en ce moment même. Je ne pouvais pas faire grand chose de plus. Je ne suis qu'un vampire. Je savais très bien qu'il y avait deux autres êtres qui vivait plus ou moins la même situation que moi et Ithuriel. Je ne pouvais pas dire grand chose ou faire grand chose de plus. Je venais de faire fuire un groupe de deux. Une chose était certaine, Ithuriel semblait connaître les deux individus. Une raison de plus pour ne pas les mettre sur le sol mort sans aucun scrupule et aucun remord. En ce moment, je me demandais bien quoi faire de ma longue et misérable vie. Je me demandais bien combien de temps en ce futur aurais-je survécu avant de me faire cuire par des chasseurs ou même des démons. Une chose était certaine, si jamais je réussissais à retourner dans le passé, je ferais tout en mon pouvoir pour empêcher que ce futur se réalise.

Une fois les deux jeune gens partis, et que les menaces avaient été dictés, je restais un moment immobile. Une question de m'assurer que tout était bien et que personne n'était dans la place en ce moment autre qu'ithuriel et moi. Je lui avais tendu la main pour l'aider à se relever debout. Une fois debout, elle me serrait dans ses bras. J'étais surpris de ce geste d'affection. Malheureusement, je savais que ce geste n'était que futile. Je lui avais demandé comment elle allait tout en lui donnant un baiser sur le front. Un signe d'affection de la part de ma part. Néanmoins, cela fut de courte durée, alors qu'elle mettait un terme à son étreinte.

Je la regardais un long moment. Un très long moment avant de répondre à sa question qui parraissait si simple. Une chose était certaine. Lui dire ce qui m'était arrivé ne serait pas simple du tout. Je devais changer. Je devais faire quelque chose pour changer qui j'étais. Non pas ce que j'étais. J'ai vécu des situations bien pire, mais me voir mort, alors là cela était tout autre chose que je n'avais jamais expérimenté.

-Non, tu n'es pas la seule. Dès que j'ai vu le monde extérieur, j'ai du déterrer mes armes que je n'avais pas utiliser depuis des dizaines d'années. Et je ne sais pas pourquoi nous sommes là. Je ne peux répondre à cette question. Tu n'Es pas la seule à te les poser ces nombreuses questions.-

Oui en effet, je me posais beaucoup de question en ce moment même. Je ne savais pas trop par où commencer, mais cela devais arriver rapidement. Des renforts? J'en doutais grandement, mais cela ne pouvait pas vraiment arrivé selon moi.

En compagnie de la seule femme que j'aime en ce monde tordu, Je quittais donc la chambre. Je remarquais que la jeune femme cherchais son arme, une chose était certaine, elle n'avait pas d'arme. Je pris donc l'une de mes épées et la lui donna. J'avais une confiance absolue en elle. Je n'ai aucun problème à lui donner une épée.

Des bruits? Oui, j'en étais conscient en ce moment, néanmoins, j'aurais pu en être conscient beaucoup plus tôt. Mais l'odeure de la jeune femme avait été la première odeure resssentis. ET je ne pouvais pas la laisser en danger. J'abandonnais donc ma moto. Dans la chambres, deux hommes, et une jeune femme. Juste avec les odeures, je savais très bien que l'un d'entre deux était un simple démon. Et les deux autres ne l'était pas. Donc, je me ruais sur celui qui était un démon. Alors que je combattais un démon, j'entendais donc le nom de la jeune femme Saeko. Une chose étais certaine, je ne pouvais pas continuer à combattre un démon comme cela. Il me fallait faire quelque chose et ce rapidement. Vider le sang de la personne qui était devant moi. Je ne savais pas si cela aurait été très juste. Surtout avec Ithuriel tout prêt de moi.

Le démon était quand même puissant. Très puissant. Je ne pouvais pas en venir à bout aussi facilement que prévu. Il ne me restait qu'une solution. Une solution que je n'aimais pas vraiment. Une soluion que je ne pouvais pas vraiment justifier... Mais avant d'agir...

-Désolé, mais je n'ai pas le choix...-

Je fis sortir mes crocs et me ruait dans le coup du démon et d'un grand coup de machoire, je commencais à vider ce démon de son sang. Enfin, presque. Je buvais rapidement. Très rapidement. Le sang rentrait dans mon système digestif avec facilité et beaucoup de rapidité. Et d'ailleur, lorsque j'arrêtais, l'homme était mort et le démon sortait rapidement de ce corps inerte. Je couchais ma victime sur le sol et fermais les yeux de celle-ci tout en ajoutant...

-Désolé... Repose en paix...-

Ithuriel et Maximilien venaient de quitter ce qui jusqu’à maintenant avait été le refuge de la déchue, son sanctuaire. Mais la chambre de motel n’avait plus rien à voir avec le lieu rassurant dans lequel la jeune femme avait fermé les yeux la veille. Le temps avait fait son œuvre. La destruction et le chaos ayant eu raison de Huntfield l’avaient également transformé en un lieu austère et brisé. Ce n’était plus un refuge mais l’ombre de ce que cela avait été jadis. Ithuriel était triste de devoir l’abandonner ainsi, mais rester n’était pas la solution. Cela ne leur apporterait que des problèmes et elle le savait.

De retour dans la ruelle serpentant derrière le motel, la déchue confondit un moment les battements sourds dans son crâne avec ce qui se révéla très vite être l’écho d’un combat faisant rage tout près de leur position. Le hasard voulut que celui-ci se déroulât justement dans la rue dans laquelle était stationnée la moto de Maximilien. Le vampire et la déchue découvrirent alors en arrivant sur place deux hommes et une femme s’affrontant pour survivre. L’un des deux hommes était étendu au sol tandis que l’autre s’avançait lentement dans sa direction comme un conquérant marchant vers la victoire. Dans leur dos, la femme était également étendue au sol et lançait à la silhouette menaçante tout ce qui lui passait sous la main. Ithuriel se serait bien portée à leur secours, mais elle n’était pas en état. Elle demanda donc à Maximilien d’intervenir et se précipita en titubant vers la femme pour lui venir en aide.

C’est là qu’elle avait découvert qu’il s’agissait de Saeko. Puis sans perdre plus de temps qu’il n’en fallait pour s’assurer que la jeune asiatique n’était pas gravement blessée, Ithuriel passa un bras autour de la taille de la jeune femme et voulut l’entraîner en titubant aussi loin que possible de l’affrontement. Mais au dernier moment, elle s’immobilisa et jeta un œil par-dessus son épaule. Elle éprouvait des remords à l’idée de laisser Maximilien affronter seul cette menace. Elle le savait de taille à affronter un homme seul, mais son instinct de soldat souhaitait par-dessus prendre part au combat. Mal lui en prit cependant de choisir cet instant précis pour regarder par-dessus son épaule. En effet, elle fut témoin de la mise à mort du démon et ne put détacher ses yeux de Maximilien tandis que celui-ci vidait sa victime de tout son sang. Un nuage de fumée noire se fraya un chemin hors de l’enveloppe exsangue et disparut dans les airs rapidement. Ithuriel demeura de marbre pour sa part. Les yeux rivés sur Maximilien.

Elle finit cependant par se détourner en entendant Saeko gémir et en la voyant enrouler un bras autour de son abdomen. La déchue aida l’asiatique à faire quelques pas encore et la fit asseoir sur un container renversé appuyé contre un mur en brique sous le porche d’un immeuble insalubre. Elle dégagea alors les cheveux du visage de l’adolescente et passa aux cribles les blessures qu’elle présentait.

— Laisse-moi jeter un œil, d’accord ? demanda-t-elle d’une douce voix en effleurant le visage de celle à qui elle devait d’être encore en vie aujourd’hui.

Heureusement, Ithuriel finit par décréter qu’il y avait eu plus de peur que de mal. Saeko avait une lèvre fendue et une bosse sur la joue, ainsi qu’un hématome sur le ventre et la poitrine, mais rien de grave en soi. Elle avait eu beaucoup de chance. Chose qu’Ithuriel ne manqua pas de lui faire remarquer gentiment.

— Ce n’est pas passé loin. Cela risque d’être douloureux un temps, mais tu es tirée d’affaire.

La jeune adolescente fixa alors la déchue droit dans les yeux et lui demanda en toute innocence ce qui se passait. Quelle réponse lui donner ? Elle-même était perdue. Elle éprouvait encore des difficultés à faire toute la lumière sur cette histoire. Et pourtant, elle était une créature céleste ayant d’ores et déjà eu affaire à ce genre de choses : les altérations temporelles et les voyages dans le temps. Alors comment expliquer tout cela à une mortelle si elle-même peinait à comprendre la signification de tout ceci ? La seule chose qu’elle trouva à répondre fut donc :

— C’est compliqué. (Elle entendit des bruits de pas derrière elle. Maximilien et l’homme à qui il venait de sauver la vie venaient à leur rencontre.) Mais je te promets de faire mon possible pour comprendre de quoi il en retourne exactement.

Ithuriel se redressa et fit volte-face vers Maximilien et l’inconnu qui l’accompagnait. Elle évita cependant de dévisager le vampire trop longtemps. Elle avait vu ce qu’il avait fait. La manière dont il s’y était pris pour forcer le démon à prendre la fuite. L’espace d’un instant, elle avait presque oublié qu’il était une monstruosité de la nuit. Une abomination semblable à celles que ses frères et sœurs traquaient. Mais elle refusait de faire le rapprochement entre son ami et ces monstres. Pourtant, ne venait-il pas de se comporter comme l’un d’eux ? Ithuriel fuyait donc son regard pour qu’il n’y lise pas son malaise.

Saeko demanda alors si le démon était mort. L’inconnu jeta un œil au corps inerte reposant à quelques mètres de là en répondant que oui. Ce faisant, Ithuriel ne posa pas tout de suite les yeux sur son visage. Et l’imitant, elle observa également de loin ce qui restait de l’hôte dont avait pris possession le démon. C’était regrettable qu’un innocent ait dû mourir ainsi. Mais c’était une nécessité. La perte d’une seule vie pour en sauvant deux. Cela restait acceptable. Malheureux, mais indubitablement acceptable.

L’inconnu se détourna alors du corps et se présenta en donnant son nom. Ithuriel releva alors les yeux et sentit sa respiration se couper net en reconnaissant le visage de son frère. Un frisson d’appréhension descendit le long de son échine et ce fut comme si une boule de plomb lui était tombée dans l’estomac. De toutes les créatures vivant en ce monde, il avait fallu que sa route rencontre celle de Castiel. Était-ce une plaisanterie ? Pourquoi lui ? Ce frère investi de pouvoirs divins pour une raison qu’absolument personne ne pouvait expliquer ; pas même lui. Ithuriel était perdue.

La déchue en oublia complètement les présentations. Elle n’avait d’ailleurs pas entendu sa question à ce propos. Elle laissa donc le soin à Maximilien de répondre à l’ange à sa place. Castiel avoua alors aux survivants qu’il n’avait pas la moindre idée de ce qui se passait. Il avoua également ne pas être originaire de ce monde. Ou plutôt, de cette temporalité. Ce qui répondait à une question ayant traversé l’esprit d’Ithuriel. Cet homme était le Castiel de son époque à elle. Et non le Castiel de ce présent-ci. Elle-même n’étant pas originaire d’ici, tout comme Maximilien, elle en conclut que Saeko devait également avoir été victime de l’altération temporelle. Elle n’avait rien contre la jeune femme, mais il fallait avouer que celle-ci n’aurait jamais pu survivre tout ce temps à l’apocalypse. Elle était bien trop innocente. Aussi ne pouvait-elle que venir d’une époque différente. C’était l’explication la plus logique.

Ithuriel attrapa alors le bras de Maximilien et dit à l’assemblée :

— Vous voulez bien nous excuser un instant ? (Et elle entraîna Maximilien à l’écart. Elle ne voulait pas que Castiel entende ce qu’elle avait à dire à son ami.) Cet homme, ajouta-t-elle une fois sûre et certaine de ne pas pouvoir être entendue, c’est mon frère. C’est un ange lui aussi. (Un tremblement dans sa voix trahissait son angoisse.) Il ignore tout de ma véritable identité. Il ne sait pas que je suis Ithuriel et il ne doit le savoir sous aucun prétexte. (Elle se passa une main dans les cheveux et fixa ses yeux dans le fond de ceux de Maximilien.) Je compte sur toi pour ne rien lui dire, Maximilien. Je sais que je peux te faire confiance, mais je dois te l’entendre dire. Castiel ne doit pas apprendre qui je suis vraiment.

Une fois assurée que Maximilien garderait le secret, Ithuriel retourna auprès de Castiel et Saeko. Rester ici n’était certainement pas une bonne idée. Ils étaient bien trop à découvert. Et ils ignoraient toujours ce qu’il était réellement advenu de Huntfield et de ses habitants entre le moment où ils avaient quitté leur temporalité et maintenant. Au moins trois ans s’étaient écoulés – peut-être même plus. Beaucoup de choses terribles pouvaient arriver en si peu de temps. Peut-être y avait-il d’autres démons traînant dans les parages. Il leur fallait trouver un lieu où s’abriter le temps de faire le point.

— Nous devrions chercher refuge quelque part le temps de faire toute la lumière sur cette histoire. Et nous devons aussi nous assurer que vous n’êtes pas blessé, ajouta la déchue à l’attention de son frère en évitant de faire durer trop longtemps le contact visuel. Il y a un cinéma au coin de la rue. On devrait y être en sécurité et y trouver quelque chose à boire et à manger. Qu’en dites-vous ?

Ithuriel proposa de nouveau son aide à Saeko et tous ensemble, ils prirent la direction du cinéma.


À quelques rues de là, deux silhouettes observaient la progression du petit groupe de rescapés du haut d’un immeuble de cinq étages. L’une des silhouettes tenait dans les mains une paire de jumelles et lâcha un juron en reconnaissant l’un des hommes appartenant au groupe.

— C’est Castiel ! s’exclama-t-il en refusant d’en croire ses yeux. Il est avec elle.
— Castiel ? Tu es sûr ?
— Regarde par toi-même.

Jared tendit les jumelles à Ealie qui n’eut d’autre choix que d’admettre que c’était bien leur ami qui se trouvait là-bas. Elle n’en croyait pas non plus ses yeux.

— Mais pourquoi ? Cela n’a aucun sens.
— C’est un vendu, voilà pourquoi. Il s’est joué de nous depuis le début. Je t’avais dit qu’on ne pouvait pas lui faire confiance. Il était de mèche avec elle depuis le début. Il nous espionnait pour elle.
— Non. Pas Castiel.
— Qu’est-ce que tu en sais, Ealie ? Quelle autre preuve te faut-il ?
— Je connais Castiel. Il ne nous aurait jamais trahi. Il est digne de confiance. Astarielle avait confiance en lui. Il doit y avoir une autre explication.
— Mais tu dérailles complètement, Ealie. C’est un sale traître, voilà tout. Un serpent !
— Non. Astarielle s’est battue pour lui. Elle aurait donné sa vie pour lui. Je le sais. J’étais là tout le temps où elle me possédait. Castiel n’est pas un traître. Il doit avoir un plan, ou quelque chose dans le genre. On peut lui faire confiance. On doit lui faire confiance.
— Balivernes ! Hors de question que…

Ealie se rapprocha de Jared et lui déposa un baiser sur les lèvres. Elle souffla alors :

— Est-ce que tu as confiance en moi ? Oui ? Alors fais aussi confiance à Castiel. Pour moi. (Jared consentit enfin à hocher la tête.) Ils ont l’air de s’être remis en route. Viens, il ne faut pas les perdre de vue.


Ithuriel aida Saeko à s’asseoir dans un vieux fauteuil de cinéma dévoré par les mites depuis longtemps. Le reste de salle ne payait pas de mine lui non plus. Une partie du plafond s’était écroulée vers le fond de la salle et la grande toile blanche sur laquelle étaient jadis projetés les films avait depuis longtemps été éventrée en son milieu. Quelques timides rayons de soleil filtraient dans la grande salle au travers des trous dans la toiture et éclairaient suffisamment l’intérieur du cinéma pour n’avoir nullement besoin d’une autre source de lumière. Des distributeurs dans le hall leur avaient permis de mettre la main sur un peu d’eau et de nourriture. C’était maigre comme butin, mais toujours mieux que rien.

— On devrait être en sécurité ici un moment, dit alors Ithuriel en prenant place à côté de Saeko.

Mais à peine eut-elle eu le malheur de prononcer cette phrase qu’une voix fort similaire à la sienne se fit entendre en haut de l’estrade se trouvant juste au pied de la toile éventrée. Une silhouette toute de blanc vêtue s’était matérialisée là et en découvrant le visage de la nouvelle venue, la déchue manqua défaillir et tourner de l’œil. Et pour cause, c’était elle ! Ou du moins, sa version futuriste appartenant à cette temporalité. Elle arborait un tailleur pantalon immaculé et cintré mettant en valeur les ravissantes courbes de son anatomie. Ses longs cheveux bruns étaient tirés vers l’arrière de son crâne pour former une queue de cheval haute très stricte. Mais c’est surtout l’éclat qui brillait au fond de ses yeux bruns qui terrorisa la déchue. Et pour cause, c’était l’éclat de la malveillance et du sadisme à l’état brut.

— Justement, je vous attendais, souffla la nouvelle venue d’une voix sucrée et mielleuse. Je savais que vous viendriez ici. Après tout, je suis passée par là moi aussi… voilà cinq ans de cela. Néanmoins, je suis bien décidée à mettre fin à ce cercle vicieux. Hors de question que ce soit vous qui gagniez cette fois. Je vous en empêcherai. Lucifer a remporté la guerre. Personne ne peut plus nous empêcher de régner sur cette Terre. (Une épée céleste se matérialisa dans sa main droite.) Commençons par toi, Castiel.

La version futuriste d’Ithuriel tendit le bras en avant et attira à elle le pauvre ange dont ce n’était pas la journée semble-t-il. La véritable Ithuriel, celle ayant été projetée dans cette réalité alternative, resta de marbre, tétanisée. Elle venait de perdre tout contact avec la réalité en découvrant son double.

Spoiler:

Je venais d'en finir avec un homme possédé par un démon. Je venais de le vider de son sang. Chose que je m'avais promis de ne jamais faire cela. Au grand jamais. Surtout devant Lilian. Surtout devant Ithuriel. Une chose était certaine, cela ne fonctionnait pas vraiment avec moi. Néanmoins, je n'avais pas le choix. Aucun choix. Je ne suis pas un chasseur. Je suis un vampire et un ancien pirate. J'ai fais ma fortune lors de nombreuses guerres. Mais cela ne changeait absolument rien. Bien entendu la jeune fille était surprise et je ne bougeais plus. L'homme commençait simplement à faire la conversation. Je ne savais pas vraiment quoi répondre aux nombreuses questions de l'homme, mais simplement que je n'étais peut être pas stupide à ce point...

-Oui, vous me devez un service. Je suis arrivé ici et je ne peux que vous dire que dans cet univers dans lequel nous nous trouvons, je suis déjà mort. Donc oui, je viens du passé.-

Je ne bougeais pas d'un poils. Un moment. Car non seulement, je m'approchais donc de de Lilian et de la jeune femme. Son nom était Castiel. Un castiel non mais, je ne savais plus où donner de la tête...

-Je me nomme Maximilien Argent...-

Je savais d'une certaine manière qu'Ithuriel m'avait vu vider le sang de cet homme innocent. Je ne pouvais nier cela pour rien au monde. Elle était la femme de ma vie. Je ne pouvais rien lui caché et si elle me détestait pour le reste de mes jours, alors soit. Je ne pouvais rien changé à la situation actuelle.

Ithuriel voulait donc me parler. Donc, nous nous sommes éloignés un moment. Elle voulait me dire quelque chose. Quelque chose qui clochait. Castiel? Un autre ange. J'avais deviné avec le nom qu'il avait, mais cela ne changeait vraiment rien à ma situation. Je regardais donc Ithuriel dans les yeux un moment. Et je sus qu'elle avait vu ce que j'avais commis. Non, il n'allait aucunement savoir.

-Je t'ai déjà dit que je ferais n'importe quoi pour toi, donc je ne dirai jamais rien... Et je dois aussi m'excuser auprès de toi pour ce que tu as clairement vue il y avait quelque minute. Cela ne se reproduira plus.-

Je lui donnais un petit baiser sur le front et je la regardais retourner vers la jeune femme. Une chose était certaine, je n'avais vraiment pas de chance en ce moment même. Nous prîmes la direction du cinéma. Une bonne chose non? Je ne savais pas trop, mais j'étais sur mes gardes. J'étais toujours sur mes gardes ici. Soudain, une voix commençait à parler. Non, mais vraiment, c'était impossible. Je ne pouvais pas le croire. Ithuriel était maintenant face à Ithuriel. Je ne pouvais pas faire grand chose de plus.

Je regardais donc la nouvelle venue. Ithuriel. Je ne pouvais pas bouger en ce moment. Je ne pouvais pas faire grand chose de plus. Je ne pouvais pas me faire dire quelque chose de mal en ce moment. Une épée en main, elle attirait donc Castiel. JE m'en fichais un peu, mais en ce moment je décidais donc de bouger non pas pour empêcher ce qui allait arriver, mais pour faire autre chose. Néanmoins, je ne pouvais pas rien faire...Je regardais donc la future Ithuriel qui était devant moi.

-Es-tu ici pour tous nous tuer, ma belle....? Et pourquoi ne pas ,commencer par celui qui ferait n'importe quoi pour toi? Surtout que tu m'as toujours dis que tu ne pouvais être avec moi, car je suis une abomination de vampire. -

Je la regardais un long moment. Un très long moment. Je ne pouvais pas faire grand chose de plus en ce moment. J'avais une épée en main et une arme à feu en main. Celle du future saurait qui je suis et ce que je suis capable de faire, mais là n'était pas mon bu. Donc avec rapidité, je me levais donc mon épée au cou de l'ange...

-Je ne veux pas te tuer. Non, je ne peux pas te tuer, mais dis moi pourquoi la seule femme que j'aime et la seule femme pour laquelle je ferai n'importe quoi pour agis-t-elle ainsi en ce jour cinq ans plus tard. J'aimerais bien une explication.-